Le premier amour est toujours le dernier, de Tahar Ben Jelloun

« L’écrivain est un homme tranquille, continuant à écouter les uns et les autres, à écrire leurs histoires, leurs lettres, et surtout à leur inventer un monde merveilleux avec des mots et des images. Tranquille mais toujours pas heureux. Il sait qu’il lui arrive souvent de confondre sentiments amoureux et désirs sexuels ; qu’il ne voit dans l’amour que prouesses physiques et possibilité d’assouvir une soif de sexe et de plaisir. Et puis il se demande si l’éducation traditionnelle ne confond pas elle aussi sexe et affection. »

On ne présente plus Tahar Ben Jelloun, cet écrivain et poète marocain aux multiples récompenses et distinctions. A l’occasion de sa prochaine venue, en novembre prochain, au salon du livre de Toulouse où je serai présente, je voulais en savoir plus sur lui. Et quel meilleur moyen pour découvrir un auteur que de lire un de ses ouvrages ? J’ai donc choisi Le premier amour est toujours le dernier, un recueil de nouvelles (son seul il me semble), publié en 1995.

Dans ce recueil, il aborde – surprise – la question de l’amour mais de l’amour marocain, de l’amour musulman, une vraie découverte pour moi, élevée dans le pur jus franchouillard-catho. On y découvre une autre façon de vivre bien sûr, peut-être moins au goût du jour 7 ans après : la polygamie, le rôle de la femme qui reste au foyer et s’occupe de son mari. Ben Jelloun s’aventure dans des histoires d’amour fortes, des histoires d’amour qui peuvent faire mal car elle renferme le mensonge et la trahison. Il voyage entre ces couples, ces trios qui s’adorent ou se répugnent pour nous faire voir toutes les facettes de la passion, mais toujours avec un fond de pessimisme ; apparemment l’amour ne mène pas à grand chose et surtout pas au bonheur.

Il a eu l’excellent idée d’aller chercher de l’amour en dehors du chemin habituel : le désespoir de l’être perdu, le narcissisme, l’amour lesbien dans une société encore très traditionnel, l’écriture pour avoir accès à ce sentiment, ou encore l’amour de la haine. Il explore le conte, le fantastique, la fiction biographique, le récit de voyage ; il mélange les genres par touches mais toujours avec délicatesse. Malgré la diversité des nouvelles, on sent un fond commun, celui de notre recherche désespérée et éternelle de cet amour si souhaité. L’écriture de Ben Jelloun est belle, juste belle. Elle se tend au maximum pour laisser paraître les sentiment les plus vrais, les plus forts, les plus justes. C’est une écriture fataliste et qui peut faire mal ; tout est lié au corps, tout est dans cette relation maladive de l’émotion et du corps. L’amour et le sexe se confondent sans vraiment ne faire qu’un. C’est plutôt une confusion, mais une confusion tellement générale qu’elle en devient la norme.

C’est un recueil qui se lit vite, où l’on voyage mais surtout où l’on se questionne face à ces réflexions, ces actes, ces traditions que nous sont étrangères. On remet en doute notre vision de l’amour peut-être trop idéaliste. A ne pas lire quand on vient de se faire larguer, mais plutôt quand on commence une nouvelle relation, histoire de faire les choses bien et de résoudre les vrais problèmes.

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