Eragon (tome I), L’héritage, de Christopher Paolini

Voilà, c’est avec un immense bonheur que je vous annonce que ma panne de lecture est terminée ! J’ai dévoré un roman, chose qui ne m’était plus arrivée depuis des mois, et j’ai cette petite excitation au fond de moi, celle que je ressens quand je dois choisir ma prochaine lecture. J’espère bien rattraper mon monumental retard dans mes chroniques et redonner un peu de vie à ce blog qui faisait grise mine depuis des semaines.

Chaque mois sur ce blog ont lieu des lectures communes. Nous sommes presque mi-août et je n’ai toujours pas parlé de celle qui s’est déroulé en juillet, honte à moi ! En même temps je viens juste de terminer cette lecture. Il s’agit du premier tome de la saga de Christopher Paolini : Eragon (tome I), L’héritage.

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C’est une saga que j’avais dévoré adolescente, mais il est vrai qu’elle m’a laissé moins de souvenirs qu’Harry Potter (en même temps, peu de choses arrivent au même niveau que le petit sorcier de J.K. Rowling dans mon cœur…). Eragon est la première saga fantastique, je pense même que c’est le tout premier roman fantastique que j’ai lu de ma vie. Et même s’il s’adresse à un public jeunesse/young adult, il faut avouer qu’il a gardé toutes ses qualités ! C’est ça l’avantage avec des histoires se déroulant dans un tout autre univers, un peu médiéval : ça se gâte rarement avec le temps.

Eragon est un jeune garçon élevé par son oncle dans sa ferme de Carvahall, un petit village au nord ouest de l’Alagaësia. Même si le quotidien est parfois rude, la vie est simple dans ce coin de l’Empire. On ne se préoccupe plus de Galbatorix, leur soit-disant chef qui a volé le pouvoir il y a fort longtemps, et qui n’a plus bougé de la capitale Urû’baen depuis des années. Mais alors qu’il chasse sur les montagnes de la Crête, Eragon découvre un grosse pierre ovale et bleue. C’est alors que toute sa vie qui bascule : cette pierre est un œuf, d’où éclot un dragon. Eragon devient dragonnier. Obligé de quitter les siens, il part aux confins de l’Alagaësia dans une quête ancestrale et dangereuse. Aidé par Brom, il apprendra la magie rencontrera des ennemis et des alliés puissants et mystérieux, affrontera les pires dangers aux côtés de sa dragonne, Saphira.

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Il se passe beaucoup de choses dans ce premier tome, et je ne fais ici qu’en effleurer la surface. Il y a de nombreux personnages importants (Ah, Murtagh !) que je ne peux même pas évoquer pour vous garder un peu de suspens. La trame de fond, le décor, l’histoire de l’Alagaësia et de ses peuples sont très bien amenés et expliqués : c’est passionnant, ça intervient au bon moment sans jamais nous ennuyer.

Il faut dire que le rythme de l’intrigue et de la narration a été assez soigné dans ce premier tome. Les personnages voyagent pendant une grosse partie du bouquin, il est vrai qu’on a un peu l’impression d’être dans un jeu vidéo parfois : aller jusqu’au prochain checkpoint, y combattre l’ennemi et recommencer jusqu’à la bataille finale. Heureusement, l’histoire est bien plus riche que cela malgré ce schéma sous-jacent.

Eragon

Eragon (tome I), L’héritage est un magnifique premier tome : on s’attache fort à ses personnages, on croit à cette histoire, on est transporté dans ces nouveaux territoires et on vit chaque combat. Il y a de l’amitié, des sentiments, de l’honneur, de la souffrance, des découvertes, des rencontres, des regrets, de l’espoir ! Je me demande si l’auteur arrive à tenir la distance dans ses autres tomes : il sera dur de ne pas s’essouffler après ce premier opus !

Dans tous les cas, ce livre fait très bien son travail : c’est un gros pavé qu’on ne veut pas lâcher, il est divertissant et immersif. L’écriture très fluide est maniée avec talent.

Cette lecture commune a été pour moi l’occasion d’une vraie redécouverte et j’ai hâte de me plonger dans les tomes suivants.

Vous pouvez également aller voir l’avis de Virginy  et de L’Aléthiomètre !

Christopher Paolini, Eragon (tome I), L’héritage, traduction de l’anglais (États-Unis) par Bertrand Ferrier, aux éditions Bayard Jeunesse, 19€90 (existe aussi en poche).s

Paradis sur mesure, de Bernard Werber

Un des mes bonnes décisions de l’année 2016 a été de réaménager ma bibliothèque, ce que j’ai pris beaucoup de plaisir à faire. Cela m’a également permis de mettre au point une book jar pour vider ma PAL. Le principe : chaque mois je pioche un petit bout de papier qui m’indique une lecture à faire dans ma PAL. Et dès ce premier mois d’essai, je suis très contente de ce système. En effet, j’ai pioché un livre que je n’aurais jamais sorti sans cela et je suis ravie de sa lecture : il s’agit de Paradis sur mesure de Bernard Werber.

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Il faut savoir que j’ai beaucoup, beaucoup de Bernard Werber dans ma bibliothèque (un des seuls auteurs que l’amoureux apprécie), et même si je n’ai jamais détesté, disons que ce n’est pas mon genre de prédilection. Toutefois, je reviens d’une panne de lecture et avec mon planning surchargé j’avais besoin de lectures courtes et immersives. Je suis tombée sur la lecture idéale avec ce recueil de nouvelles qui met au point des futurs et des passés possibles.

C’est qu’il y a de quoi être étonné : des personnages très attachants, des narrations rythmées, des intrigues bien menées aux multiples retournements. Il faut avouer une chose : Bernard Werber maîtrise le genre de la nouvelle.

Et quelle imagination ! Oh, ça ce n’est plus à prouver, après tous ses romans… mais on sent que cet auteur a vraiment une inspiration foisonnante et surtout il ose écrire ce qu’il a en tête. Même si ça paraît irréaliste, inconcevable : après tout en écriture, on peut tout se permettre, tout créer, tout inventer !

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Je suis sortie de cette lecture le cœur plein d’enthousiasme même si les différentes histoires nous font passer par de nombreuses émotions. Quelques nouvelles m’ont plus marquée que d’autres, surtout des « futurs possibles » comme Demain, les femmes (ou quand l’humanité ne sera constituée que de femmes) ou Le Maître de Cinéma (avec un petit descendant de Kubrick en prime). Très peu de déception dans ce recueil, il faut dire qu’il est difficile de nous décevoir. Le style de base de Bernard Werber est fait pour nous plaire : claire, lisible, direct avec tout de même une touche d’originalité, de personnalité.

J’avais oublié à quel point il était savoureux de lire cet auteur et de se laisser emporter par sa plume. Toutefois, je suis contente d’être tombée sur un recueil de nouvelles et non un roman qui aurait fait « trop » pour moi.

Bernard Werber, Paradis sur mesure, Le Livre de Poche, 7€50.

Elle répondit : « Berlin, baby ! », d’Amélie Vrla

Cela faisait un petit moment que je n’avais pas lu de nouvelles, alors quand une auteure m’a proposé de lire son recueil dont les histoires se déroulent à Berlin – ville que j’apprécie tout particulièrement – je ne pouvais que répondre oui. Amélie Vrla a donc eu la gentillesse de m’envoyer Elle répondit : « Berlin, baby ! ».

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Ce titre, c’est comme un appel à se rendre à l’évidence : enfin, voyons, on ne peut que vivre à outrance à Berlin, on ne peut que profiter de cette existence qui nous permet souffrance mais surtout plaisir. Quitte à en abuser un peu. Ce recueil fait le portrait d’une facette de cette ville cosmopolite et polyglotte. Une ville de la culture, de l’art, mais aussi une ville de la nuit, des fêtes, des cocktails et des rencontres. Berlin, ville de la drogue aussi. Et ville des femmes et de l’amour. L’auteure a voulu explorer ce côté à la fois sombre et trop brillant de la capitale allemande. Sous couvert de désinvolture et de légèreté, ses personnages se dévoilent dans leur faille et leur faiblesse. Toutefois ici la drogue, même si omniprésente, est souvent seulement le prétexte pour mettre en mots ces histoires d’amour/haine : cet homme qui a cru que faire découvrir la poudre blanche à son aimée aurait été une bonne idée, ce frère très peu présent qui a oublié sa sœur le temps d’un week-end car il était sous emprise. Au total, cinq récits d’un moment de vie que la drogue a gâché, envenimé, enjolivé, rendu cocasse ou transformé en malaise.

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Pour le lecteur, c’est une immersion totale. A travers des mots lancés, des phrases courtes, parfois sans queue ni tête, l’auteure a voulu nous faire vivre cette expérience de l’intérieur en quelque sorte : l’hébétement que cause la drogue, l’étourdissement, la fatigue, les élans de colère ou au contraire ce trop plein de joie de vivre que les personnages expérimentent. Ce recueil fait la part belle au dialogue et au monologue ce qui nous plonge directement dans la tête des héros de ces histoires. On a un peu pitié d’eux, on n’est pas toujours d’accord avec eux, en tout cas on ne les cautionne pas quand on voit à quel genre de situation cela les mène. Berlin est comme une excuse : dans cette ville, on ne peut faire que la fête.

Toutefois cette immersion profonde et immédiate peut causer certains problèmes pour le lecteur. En effet, on perçoit à travers les monologues qu’il y a entre telle et telle personne des sentiments réciproques ou non, on peut comprendre qu’il y a là un débat intérieur, malheureusement les phrases chaotiques dues à la drogue et aux sentiments exacerbés, ainsi que ce parti pris du point de vue interne ne nous donnent souvent pas toutes les clés pour comprendre ce qui se déroule. L’auteure ne dit pas tout aux lecteurs pour comprendre les tenants et les aboutissants. À tel point que, même après complète lecture, certaines nouvelles restent assez nébuleuses même si pour la plupart on arrive à comprendre. Ce manque de description et d’information fait également qu’on ne s’attache pas ou peu aux personnages ce qui est bien dommage. Je sais que la nouvelle va au plus rapide, mais une phrase ou deux sur le passé des personnages et leur vie en dehors de ce temps de l’histoire nous auraient permis peut-être de mieux nous immiscer dans ces récits.

Toutefois, ce recueil se lit assez vite et il y a parfois une vraie poésie et une vraie intelligence dans l’écriture d’Amélie Vrla ce qui ne présage que du bon pour la suite. Et j’ai adoré ce côté cosmopolite et mélange de la ville de Berlin qui est mis en avant. Enfin, l’auteure ne tombe pas dans le cliché du drogué avec la devise « la drogue, c’est mal » (ce qui est vrai, hein, soyons d’accord : la drogue, c’est mal). A Berlin, sa consommation réunit, ou au contraire sépare et attise les tensions. Tout n’est pas si simple et manichéen.

Mon grand regret pour ce livre, c’est l’édition car, hormis la couverture (qui est fichtrement par mal je trouve), le reste est plus que moyen. On sent qu’ils ne se sont pas foulés côté correction et maquette et ça c’est bien dommage. Heureusement que le texte fait tenir debout ce recueil !

Amélie Vrla, Elle répondit : « Berlin, baby ! », aux éditions de L’Harmattan, 14€50.

Traité des peaux, de Catherine Harton

Dans le cadre du Prix des Cinq Continents de la Francophonie, dont je m’occupe de la gestion pour le comité de lecture français, j’ai l’occasion de lire quelques romans francophones en lice pour l’édition 2015. [D’ailleurs, je manque de lecteurs, donc si vous êtes intéressés, envoyez-moi un petit mail : lacritiquante@gmail.com Merci !]

En découvrant une partie des livres candidats, je suis tombée sur une maison d’édition que je ne connaissais pas et je suis tout de suite tombée amoureuse de cette dernière pour ses ouvrages fins, soignés, au format bien découpé. Un vrai coup de cœur pour les éditions Marchand de feuilles !

J’ai donc lu un recueil de nouvelles, Traité des peaux, qui m’a emmené dans la neige et le froid du Groenland et du Québec prè du peuple inuit et des tribus amérindiennes. Ce livre m’a fait voyager de façon instantanée et j’ai adoré cette immersion totale, pudique et franche dans ces milieux en pleine mutation forcée, mondialisation oblige. On découvre ces habitants encore très proches de leurs coutumes ancestrales, des amoureux de la nature sous la neige et la glace. C’est un très bel hommage à ces modes de vie : la chasse, la survie lors de températures polaires, l’utilisation du bois, la fidélité des chiens de traîneaux, le traitement des peaux de phoques,.. L’auteure, Catherine Harton, réussit à nous entraîner dans ces contrées lointaines et inconnues – pour moi en tout cas – et, à travers des personnages attachants, divers et bien représentés, à nous faire comprendre les dangers et les changements profonds qui touchent ces populations un peu à part du reste du monde mais qui sont toutefois obligées de s’y fondre malgré tout. A travers des destins très différents, elle nous retrace qu’elles peuvent être et qu’elles ont été les vies de ces Groenlandais ou de ces Algonquins, entre leurs rêves, leurs désillusions, leurs espoirs, leurs bonheurs, leurs désirs.

Je ne suis généralement pas très portée sur les nouvelles, mais pour ce Traité des peaux, j’ai vraiment été conquise. Chaque nouvelle est un coup de pinceau qui vient embellir cette fresque presque polaire. L’atmosphère de ce recueil est pudique et poétique, tout en étant dur et triste par moment. Le style de l’auteur m’a tout de suite plu. Ces mots reflètent la beauté de ces paysages et la douceur des peaux de bêtes, phoque ou huskies. Cette écriture m’a tout de suite emportée vers ces contrées lointaines, et j’ai découvert avec émotion des vies et des peuples dont j’ignorais tout.

Ce livre a été une vraie rencontre. Avec l’auteure, avec cette très jolie maison d’édition et avec ces lieux magiques, ces coutumes, ces habitants qu’il faudrait plus protéger, mieux comprendre.

Catherine Harton, Traité des peaux, les éditions Marchand de feuilles, 18,95 $. Pour l’instant, seulement disponible au Canada, ou sur internet (en dollar + comptez les frais de port). J’espère qu’il sera disponible en France rapidement, ou même qu’il sera disponible un jour, car c’est une vraie perle. Sinon, vous pourriez le lire en tant que lecteur du Prix des Cinq Continents 2015 (oui, je manque vraiment de lecteurs…).

L’année dernière à Saint-Idesbald, de Jean Jauniaux

Retour en Belgique avec un recueil de nouvelles : L’année dernière à Saint-Idesbald avec Jean Jauniaux.

Difficile de résumer ce livre. J’ai été à la fois très déçue et très séduite. C’est un livre à double tranchant. Point commun de tous ces récits : la notion de cette ville balnéaire sur la mer du Nord : Saint-Idesbald. Un lieu chargé de souvenirs pour tous ces personnages. Ces personnages, parlons-en : je n’ai pas encore bien saisi s’ils avaient des rapports entre eux, s’il s’agissait parfois de la même personne d’une nouvelle à l’autre ou pas. Le départ de ce recueil pourrait être cet SDF qu’on retrouvera au début et à la fin et qui écrit un blog sur la vie des sans-abris. Les histoires et les souvenirs égrenés tout au long de ces pages pourraient être les leurs.

Il y a ces Roms qui veulent rejoindre ce pays qui est comme eux, qui n’existe pas. Ce vendeur de cravates à l’aube de sa retraite, qui voit son fils débordant d’idée et d’enthousiasme révolutionner le monde du costume de travail. Il y a ce petit garçon qui va voir pour la première fois de sa vie le Tour de France, mais décide à la place de rester auprès de son grand-père qu’un passé affreux trouble. Il y a ce fauve malade et son dresseur désespéré. Et à chaque fois la mention de cette plage.

Ce recueil dénote d’une écriture sûre d’elle et entraînée. Les mots sont magnés avec poigne pour nous emmener là où l’auteur veut nous embarquer. Le décor est à chaque fois très divers et s’en est parfois désarçonnant. J’ai trouvé finalement cet ouvrage très frustrant, car on nous vend du rêve avec cette station balnéaire qu’on ne voit presque jamais dans ces pages. C’est une fresque variée de personnages vraiment très différents les uns des autres, aux histoires très diverses : un garçon perdu dans l’Exposition Universelle, des émigrés qui cherchent un avenir meilleur, etc. C’est un texte à la fois très onirique, sensible, et proche des réalités parfois dures à vivre. Toutefois, la préface et la quatrième de couverture veulent nous montrer une cohérence entre toutes ces nouvelles, et sincèrement, je la cherche encore !

Bref, je suis partagée sur ce recueil : d’un côté une vrai maîtrise, et un style à la fois incisif, saisissant et sensible, et de l’autre, une accumulation de récits, très bons individuellement (même si très centrés sur la Belgique) mais dont l’ensemble est très perturbant.

Jean Jauniaux, L’année dernière à Saint-Idesbald, éditions Avant-Propos, 17,95€.

 

Une banale histoire, d’Anton Tchekhov

Tchekhov et moi, on ne sait jamais trop aimé, je trouve ses histoires ennuyeuses, ses personnages trop geignards et malheureux, même si son théâtre rattrapait un peu ces défauts à mes yeux. Mais j’ai voulu retenter l’expérience avec un petite nouvelle : Une banale histoire.

C’est très russe toujours mais j’ai été bien contente de ne pas me retrouver dans la campagne profonde et gelée. Ici nous suivons un vieux professeur d’université qui sait bien qu’il n’est pas en bonne santé. Nicolaï Stépanovitch est connu et reconnu dans son domaine. Sa vie, il la mène avec passion dans les amphithéâtres : donner cours à des étudiants est sa raison de vivre. Mais avec un corps qui fatigue, les jours deviennent plus sombres, il se place en spectateur sage  de sa vie.

Il y a sa femme, ses filles, ses visites d’étudiants, de quémandeurs, de confrères, de soi-disant amis qui ont chacun leur particularité, et il y a la jeune Katia qu’il a élevé. Cette femme qui n’est pas son enfant mais qu’il aime sans vraiment la comprendre. Elle s’est passionnée de théâtre, a connu l’allégresse et l’amour, mais elle aussi aujourd’hui glisse dans les ténèbres. C’est la noirceur, une sorte d’antipathie, une incompréhension pour la vie qui guide ces deux êtres. Ensemble, face à face, ils essaient de comprendre ce qu’a été leur existence. Revenir sur ses illusions, trouver son chemin pour continuer.

 

C’est un livre calme, observateur. L’auteur prend son temps et nous décrit cette société, ces rites immuables, un peu hypocrites. J’ai eu l’impression d’y être, et ce fut très dépaysant. Le héros est attachant, on le considère avec un peu de pitié, car il a eu beaucoup de choses dans sa vie, mais à l’orée de sa mort, il s’aperçoit qu’en fait, ce n’était que du vent. Une sacrée réflexion sur la mort et sur ce qu’elle efface. On a d’autant plus envie de laisser notre trace sur la terre après la lecture de cette nouvelle, pour par qu’on nous oublie. On veut écarter tout l’inutile, tout le costume sociétale pour vivre de vraies choses et dire et faire quelque chose de vrai, quelque chose qui compte.

 

L’écriture ici m’a réconciliée avec Tchekhov. Elle est classique mais on sent une patte particulière, une voix qui traduit la mélancolie, la nostalgie, le désabusement. C’est très beau et très triste, et paradoxalement, c’est une lecture agréable, pas du tout déprimante. Je vous la conseille !

 

Anton Tchekhov, Une banale histoire, Folio 2€ (4105).

Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon, de Masayo Kokonoke

Que diriez-vous d’une petite balade onirique au Japon ? C’est ce que je vous propose avec ce petit recueil de nouvelles, de brèves de vie : Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon de Masayo Kokonoke.

Une centaine de pages dans l’univers nippon. La ville, le ryokan, le restaurant japonais, les haïkus, ce sont des marques de fabriques du Japon, mais ce qui est la plus grande particularité de cette île, c’est cette ambiance, cet esprit de douceur et de bienveillance. Parfois la magie rentre un peu dans nos vies, le charme d’un instant, d’un endroit. J’aurais bien du mal à évoquer ces petites nouvelles : en leur cœur, il y a des personnages qui découvre la vie, ou la savoure déjà, des personnages qui pensent aux autres et qui savent aimer. Il y a aussi quelque chose de fantastique, d’inexplicable qui met du baume au cœur. On se sent bien après avoir lu ces petites histoires qui sentent bon les fleurs de cerisier et le thé chaud. Ici, les saumons parlent, là, la nature prend vie. Dans une des nouvelles, on trouve le bonheur allongé dans l’herbe, près d’une rivière, en silence ; dans une autre, c’est un petit bonjour quotidien qui crée les plus grandes mais éphémères amitiés.

L’écriture de Masayo Kokonoke est douce et poétique. Elle parvient sans peine à nous immerger dans un autre univers en quelques lignes. Elle change de mode de narration comme de chemise mais toujours avec brio, ce qui a pour effet de renouveler toujours la vision que l’on a de ses récits. Il faut se laisser porter par ses mots pour visiter les coins reculés du Japon, les bateaux de pêcheurs, les appartements calfeutrés.

Un joli voyage, un pélerinage et une lecture où on se laisse bercer par la douceur millénaire et japonaise.

Masayo Kokonoke, Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon, aux éditions Le Lamantin migrateur, 7€50.

La fiancée de Fragonard, de Roger Grenier

Je reviens encore avec du Roger Grenier, mais après les carnets de pensées et le roman, je vous propose cette fois un recueil de (très bonnes) nouvelles : La Fiancée de Fragonard. Sincèrement, ça me change de la déception de Passer l’hiver, d’Olivier Adam. Ici, toutes les nouvelles sont vraiment différentes les unes les autres : un jeune qui va devenir pion, une rencontre dans un train, la recette des pralines, un pèlerinage à Lourdes… il y en a pour tous les goûts.

 

Roger Grenier ne veut pas ici élucider toutes les grandes questions universelles : il nous donne à voir simplement des tranches de vies cocasses ou tristes, ennuyeuses pour les personnages ou gênantes. Il s’efface pour laisse toute la place à ces êtres de papier, si bien que j’ai vraiment oublié pendant ma lecture que c’était de la fiction, que c’était de la littérature. Je me suis complètement laissée aller à la contemplation de ces paysages et de ces gestes.

Au début, on croise des adolescents, des enfants qui débutent dans la vie, trébuchent un peu. Puis les personnages grandissent, et parfois ont un peu plus de mal à s’inscrire dans leur époque, ils se trouvent trop vieux pour manifester en Mai 68. Ou alors, c’est leur passé qui leur pose problème, ou plus simplement le fait de vivre, d’interagir avec d’autres humains, d’être un animal sociale et sociable.

Le cavalier est un des « écorchés » les plus connus de l’artiste anatomiste Fragonard. La légende veut que la personne sur le cheval soit une ancienne amoureuse.

Ce serait dur de vous résumer toutes les émotions par lesquelles nous fait passer ce livre. Mais c’est doux, encore et toujours, du vrai Grenier je dirais ! A lire l’esprit tranquille !

Roger Grenier, La fiancée de Fragonard, Gallimard NRF, 9€45 (mais le prix est affiché en francs sur mon recueil, pourtant acheter neuf sur commande chez mon libraire il y a quelques semaines!)

Passer l’hiver, d’Olivier Adam

Je vais vous parler d’une déception qui m’a surprise (et qui va peut-être vous surprendre, qui sait?). Je vais vous parler d’un recueil de nouvelles dont je ne me souviens pas beaucoup tellement il est monotone et banal dans son thème : Passer l’hiver d’Olivier Adam.

J’ai le vague souvenir d’avoir lu il y a longtemps, Je vais bien, ne t’en fais pas, qui ne m’avait pas laisser une impression impérissable, je suis donc partie sans a priori sur cette lecture. Au premier abord, je pensais que ça allait me plaire : l’hiver ou l’époque de l’année où on se laisse aller à la rêverie, à la mélancolie, à la tristesse, à la nostalgie, une époque où l’on est spectateur de la nature, une époque où l’on perd nos repères. Et cela est très bien dépeint par Olivier Adam à travers des personnages très différents et des histoires diverses : un chauffeur de taxi réconforte une femme avec une urne funéraire, une mère sacrifie son réveillon de Noël pour achever un travail pénible seule dans son bureau… Il y a parfois de l’alcool, parfois de la neige mais toujours des sourires tristes.

Première nouvelle, deuxième nouvelle, ça allait. Je trouvais ça poétique, je trouvais ça beau, j’ai vite compris qu’Olivier Adam avait un style bien à lui (et un rapport aux virgules très bizarre!). J’ai juste regretté cette maudite habitude de faire des titres nébuleux, et des entrées in medias res tout aussi peu claires. Mais bon, c’est la mode de faire dans le brouillard.

J’arrive à la moitié de ce petit livre, et là je dois vous avouer que j’étais bien embêtée : ce mec, il vend des milliers de livres, il est à mon programme universitaire, on voit bien qu’il a du talent… mais franchement, c’est ennuyeux. Oui, ces tranches de vie sont bien écrites, sont intéressantes, mais elles sont toutes un peu clichées : c’est un résumé condensé de tous les thèmes de société, de famille que l’on trouve dans les romans. Mais surtout, le plus gênant, c’est cette impression de lire toujours la même chose. A la limite, on trouve parfois une lueur d’espoir par-ci, par-là dans les yeux des personnages, mais c’est la seule chose qui varie. La forme est différentes, les actions ne sont pas les mêmes, mais question sentiment, on tourne en boucle, tel un disque rayé.

Des hommes et des femmes silencieux, moroses, en questionnement. Bon, c’est un peu surfait tout ça, non ?

Cette chronique manque un peu d’arguments, c’est vrai : elle est complètement subjective. Ce recueil est bien écrit, soyons sincère, mais il m’a laissé complètement insensible et même plutôt blasée. Je retenterais l’expérience Olivier Adam un jour, pour voir si ce n’est qu’une fausse impression… mais cette fois, j’aurais des a priori !

 

Olivier Adam, Passer l’hiver, Point (P1364), 6€30.

Storie d’amore, de Roberto Piumini

Je vous en avais déjà parlé, je me suis inscrite pour la première fois dans ma vie de blogueuse littéraire à un challenge. Il s’agit de celui proposé par George et Marie, « In Italiano », où le but est de lire en italien. Pour ma part, je suis petite joueuse car je me suis inscrite à la catégorie Allegro, c’est-à-dire que je dois lire deux livres dans la langue de Dante. Je suis loin d’être bilingue, même si mon niveau s’est pas mal amélioré cette année (j’ai même obtenu mon CLES niveau 2, c’est dire !)  : j’ai donc décidé de partir à la découverte de l’amour avec Storie d’amore de Roberto Piumini. Ce recueil de plusieurs histoires pour enfants / adolescents n’est pas traduit en français, mais vous pourrez trouver plusieurs ouvrages du même auteur au rayon jeunesse de votre librairie préférée.

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Storie d’amore, ce sont neuf nouvelles qui content les aventures amoureuses à travers le temps, les pays et les mythes. En effet, l’auteur a décidé que le seul point commun de ces histoires seraient l’amour, tout le reste variant complètement d’un récit à l’autre. Ici, Zeus récompense la générosité d’un vieux couple, là Pierre et Marie Curie font des découvertes scientifiques ensemble. A un moment on se retrouve dans la mythologie antique puis dans les favelas brésiliennes, la nature japonaise ou sur une minuscule île nordique ! Piumini sait nous faire voyager, entre la réalité de personnages ayant vraiment existé, des légendes déjà connues de tous ou bien des contes complètement inventés qui peuvent tout aussi bien se dérouler dans un monde imaginaire ou dans le nôtre. Et c’est bien ça, la force de ce recueil, on ne peut pas s’ennuyer, car à chaque nouvelle histoire, on ne sait jamais à quoi s’attendre. C’est idéal pour les enfants et les pré-adolescents (ce livre est conseillé à partir de 11 ans).

Au niveau de l’écriture, bien sûr le style est simple, ce qui a tout à fait convenu à mon petit niveau d’italien. Il sera vite ennuyant pour les adultes bilingues mais peut-être que vous pourriez quand même tomber sous le charme de cette poésie, de ce romantisme mélancolique que sait faire naître l’auteur. Il a eu l’intelligence de ne pas mettre que des « ils se marièrent et ils eurent beaucoup d’enfants », en effet, l’amour n’est pas si merveilleux. Dans ces nouvelles, on apprend qu’aimer ce n’est pas forcément tout rose, il y a l’interdit, la jalousie, la possessivité, l’injustice, la séparation. Certaines de ces histoires ne se finissent pas pour le mieux, et c’est une grande leçon d’humilité à l’échelle de ce petit recueil pour enfant. On peut reprocher à Piumini son style parfois trop simpliste même pour des pré-adolescents : c’est vrai que de ce côté-là il ne s’éloigne pas vraiment des canons des contes merveilleux. Ce n’est pas tant son style qui est original mais bien le choix de ces histoires d’amour si différentes les unes des autres.

Storie d’amore est un joli petit livre, merveilleusement illustré par Marina Marcolin. Ces amours, éternels ou impossibles, sont à découvrir, seul ou en famille, par les petits comme par les grands. En plus, il aura l’avantage de vous faire travailler cette si belle langue qu’est l’italien.