La Conjuration des Imbéciles, de John Kennedy Toole

Ce livre traîne dans ma bibliothèque depuis longtemps et j’ai décidé de le lire un peu par hasard (je vide ma PAL cette année!). Je ne m’attendais pas du tout à trouver ce genre de pépite. L’histoire de son auteur aussi est intéressante – et un peu triste, il faut l’avouer. La Conjuration des Imbéciles, c’est l’œuvre de John Kennedy Toole. Malheureusement, personne ne veut de ce livre hors normes. L’auteur en finit par se suicider et c’est la ténacité de sa mère qui permit à ce roman de voir le jour aux yeux du grand public.

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Ignatius a la trentaine passée, il vit toujours chez sa mère à la Nouvelle-Orléans. Arrogant, obèse, intellectuel, il parle trop, a un avis pour tout et est en train d’écrire un immense livre sur sa vision de l’Amérique. Il a un corps hors normes, se retrouve dans des situations plus malchanceuses les unes que les autres. On le suit, et on suit les traces et les souvenirs qu’il sème à son passage, qui marquent les autres personnages tout aussi hauts en couleurs de ce livre. Sa mère, avec qui il est toujours en conflit, le somme de trouver un travail. De nouvelles péripéties l’attendent.

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Deux choses m’ont tout de suite étonnée dans ce roman : ce personnage principal si différent, si particulier. Un peu dérangé ou génie refoulé, je n’en sais rien, je ne l’aurais pas apprécié dans la vraie vie, mais il reste un personnage fascinant qui nous laisse pantois à chaque page. La deuxième chose qui m’a marquée, c’est cette langue : celle des dialogues d’abord, un vocabulaire très oral, avec des accents retranscrits, mais aussi la langue de l’écrivain. Il a en effet un style bien à lui, alternant les moments de pause et d’action, avec toujours au centre de son intrigue ses personnages, cœur de l’histoire.

Pour qualifier ce roman, je ne peux pas dire qu’il est fluide, haletant, novateur (au contraire, il y a un charme passéiste dans ces lignes), somptueux (il reste « crade », je ne trouve pas d’autres mots!). Mais il est indéniablement remarquable et je vous invite grandement à tenter l’aventure. Vous serez sans aucun doute désarçonné au début, mais il suffit de ne pas opposer de résistance : les pages défileront alors toutes seules.

John Kennedy Toole, La Conjuration des Imbéciles, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Pierre Carasso, aux édition 10/18, 9€60.

La Fille du train, de Paula Hawkins

la-fille-du-trainLa fille du train de Paula Hawkins, c’est l’histoire de Rachel, un peu trop portée sur la bouteille. Chaque matin, elle se rend à Londres en train depuis la banlieue où elle habite : elle en profite alors pour scruter le jardin et la maison de ce couple parfait qu’elle a surnommé Jess et Jason. Et c’est un hasard si cette demeure se situe à deux pas de celle de son ex-compagnon, qui vit avec sa jolie petite famille, cet ex qui l’a quittée pour sa maîtresse, qui l’a trahie, abandonnée. Alors au lieu de revivre tout ça, Rachel préfère imaginer la vie de Jess et Jason, jusqu’au jour où Jess la trahit aussi en embrassant un autre homme dans son jardin. Quelques jours après, Rachel découvre la photo de cette femme : elle a disparue.

C’était une lecture sympathique, mais malheureusement elle a pâti de sa réputation. On voyait ce livre partout, j’ai donc sûrement mis la barre trop haute.

J’avoue tout de même, qu’après tout, c’est une bonne histoire, avec des personnages forts – surtout les femmes – et un entremêlement de vie qui donne le tournis, qui nous perd, et c’est bien joué. On ne sait jamais qui est le coupable, l’auteure nous mène par le bout du nez en insérant tellement de fausses pistes… J’ai adoré ce décor de la banlieue de Londres, je m’y suis crue. Le point de vue depuis le train, le prendre comme point de départ est également très intéressant : ce petit côté voyeur, sans-gêne de Rachel m’a happée dans le début de ce livre et j’ai tourné les pages avec plaisir pour suivre l’héroïne dans son enquête officieuse, plus menée par la soif d’en savoir plus sur la vie privée des gens, que par réel intérêt pour la vie de la disparue.

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Malheureusement, cette intrigue manque de peps, on la sentait bricolée. Elle manque de réalisme et surtout d’enjeu. Pour nous, on voit ça avec beaucoup de distance, un regard extérieur avant tout car les personnages ne sont pas attachants. On peut être alcoolique et pitoyable et en même temps être un personnage que le lecteur veut suivre. Ici, ce n’est pas le cas. Aucune des trois femmes présentes dans ce livre, à qui l’auteur donne à tour de rôle la parole, n’est sympathique aux yeux du lecteur. On s’en fiche un peu. Ainsi, l’histoire perdune grande partie de son intérêt et de son suspens car, au-delà du dénouement assez prévisible, on s’en fiche de suivre ces personnages, de connaître leur sort à la fin du livre. Je m’exprime sûrement très mal mais j’espère tout de même que vous voyez là où je veux en venir : il manque un ingrédient essentiel dans ce roman, dans ces personnages qui ne touchent pas assez le lecteur. On a peu d’empathie pour eux, ils ont leurs vies propres et on ne s’identifie donc pas du tout à ces héros. Paula Hawkins a tout de même le mérite d’avoir un bon sens du rythme, une écriture précise et des personnages bien construits. Cela ne fait pas pour autant de La Fille du train un bon page-turner, mais c’est un thriller correct.

Paula Hawkins, La Fille du train, aux éditions pocket, traduit de l’anglais par Corinne Daniellot, 7€90.

L’envers de l’espoir, de Mechtild Borrmann

On oublie trop souvent à quel point Tchernobyl a bouleversé la vie de milliers de gens en Ukraine. Au-delà des maladies, cette nuit-là et le jour qui a suivi… c’était le début de la fin pour beaucoup de familles. Abreuvées par de fausses informations du gouvernement mais aussi par des rumeurs effrayantes, elles ont été obligées de partir de chez elles, de tout quitter. Elles on littéralement tout perdu. On a rasé les villages, on a tué les animaux, on a coupé les arbres, on a bétonné la poussière, on a tout enterré. Bref, aujourd’hui je vais vous parler de L’envers de l’espoir de Mechtild Borrmann.

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Nous sommes en 2010. Valentina vit, seule, dans la zone d’exclusion. Elle écrit pour sa fille (qui a disparu depuis quelques mois) ses souvenirs. Son enfance, son désir d’aller à Pripiat, son mariage, et la fameuse catastrophe… Ce récit m’a particulièrement touché et intéressé, c’est très bien raconté. En parallèle, on suit Tania, une jeune fille perdue qui est recueillie un matin glacial par Lessmann en Allemagne. D’où vient cette demoiselle ? Pourquoi est-elle en danger ? Lessmann ignore encore que sa vie a lui aussi va prendre un drôle de tournant. Tournant peut-être lié à cette enquête que mène Leonid : de nombreuses femmes ont disparu pour l’Allemagne, après y avoir obtenu une bourse d’études…

J’ai surtout adoré la partie de l’histoire lié à Valentina, cette femme usée par la vie et les pertes. J’ai vu la catastrophe de Tchernobyl d’un autre œil, j’ai appris beaucoup de choses. Les autres personnages m’ont moins touchée : il faut dire que l’auteure met une certaine distance, c’est étrange. Il y a tout ces noms, toutes ces infos, tous ces personnages secondaires qui ne font que passer. Les événements s’enchaînent, l’histoire est intrigante mais le lecteur reste en dehors de tout ça. Je me suis souvent emmêlé les pinceaux entre tous les personnages et j’ai beaucoup moins été passionnée par le côté policier du roman.

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A vrai dire, je ne sais pas vraiment quoi en penser : cette lecture était agréable et l’auteure a une vraie maîtrise de son histoire, la narration est impeccable. Mais je n’ai pas compris l’intérêt un peu artificiel, qui fait rajouté au montage, de ces deux histoires parallèles : Tchernobyl, et l’enquête sur la disparition d’étudiantes. Au fond, ça aurait pu faire deux romans distincts qui fonctionneraient très bien, auraient une unité. Car ici, même si je trouve le lien entre ces deux lignes rouges très bien fait, je n’ai pas réussi à me couler dans cette histoire. Heureusement, même si le style est un peu froid, l’écriture est impeccable… Je crois que le temps d’un roman court comme celui-ci, je peux apprécier.

Je serais très curieuse d’avoir votre avis sur cette auteure ou ce roman. Aujourd’hui encore, plusieurs jours après la fin de cette lecture, j’ignore si j’ai adoré ou juste subi cette lecture.

Mechtild Borrmann, L’envers de l’espoir, traduit de l’allemand par Sylvie Roussel, aux éditions Livre de Poche, 7€70.

Did I Mention I Miss You ? (tome 3), d’Estelle Maskame

Et voilà, je viens de finir la saga d’Estelle Maskame autour du couple Eden/Tyler, demi-frère et demi-sœur par alliance (pas de chance pour eux), avec le dernier tome : Did I Mention I Miss You? Attention, je vais spoiler les deux premiers tomes (un petit peu) dans cet article donc vous êtes prévenus. Ceci dit, ça reste une romance young-adult assez basique, pas de grosses surprises à l’horizon non plus.

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Eden et Tyler dans le tome précédent avaient fini par se mettre en couple et par l’avouer à leurs familles. L’accueil du côté du père d’Eden – qui est donc le mari de la mère de Tyler, vous suivez ? – n’a pas été des plus chaleureux… Leur relation choque et dégoûte pas mal de monde. Ça fait trop pour Tyler, il a déjà son passé à se traîner : il décide donc de partir. Il laisse seul Eden à Santa Monica. On la retrouve un an plus tard, pleine d’amertume et de colère envers Tyler qui l’a tout simplement abandonnée. Mais ce dernier revient dans la vie de tous. Ella, sa mère, qui voit sa famille partir en lambeaux, décident d’emmener tout le monde en week-end à Sacramento.

Tout ce passe comme vous l’imaginez entre Eden et Tyler, honnêtement rien de neuf pour une romance. Il y a toujours cette avalanche de bons sentiments, et Tyler qui a changé, qui est devenu quelqu’un d’incroyable et bla et bla.

Heureusement, je suis très attachée à ses personnages, j’ai donc pris du plaisir à les suivre jusqu’au bout. Ce qui est intéressant dans cette saga, c’est la place de la famille dans l’histoire et les relations des personnages principaux avec la leur. Il faut dire qu’il y a de quoi faire, entre les relations aimantes, les relations inexistantes, les relations belliqueuses… Ce point de vue est très intéressant et j’ai apprécié retrouver autant de profondeur dans ce genre de lecture que j’ai choisi uniquement car elle est divertissante.

C’est un roman qui se lit vite et comme les autres tomes, on ne s’ennuie pas, tout s’enchaîne très vite. Mais à l’inverse des deux opus précédents où chaque intrigue se fixait dans une ville, ici on passe beaucoup de temps en voiture et en hôtel, entre Sacramento, Santa Monica et Portland. L’histoire est éclatée, faisant ressurgir des vestiges des autres tomes. J’ai l’impression que l’auteure s’est un peu laissée envahir par son histoire. Les lieux de l’intrigue sont trop éparpillés, il aurait fallu à mes yeux qu’on se focalise vraiment plus sur la ville de Portland que j’ai appris à aimer comme Eden et Tyler. Ce tome dégouline un peu trop de bons sentiments, mais il y a un beau travail sur le thème des tensions familiales et du pardon. On peut vraiment dire que la qualité est inégale sur tous les plans !

Je suis très heureuse cependant d’avoir fini cette saga que j’ai vraiment apprécié de bout en bout malgré ses imperfections et son manque de maturité. Je vous la conseille si vous recherchez une romance ado qui vous transportera aux États-Unis.

Estelle Maskame, Did I Mention I Miss You ?, traduit de l’anglais par Maud Ortalda, aux éditions Pocket Jeunesse, 16€90.

Un mariage anglais, de Claire Fuller

Un mariage anglais de Claire Fuller est apparu devant moi sur un présentoir dans ma médiathèque. Je me suis alors souvenu que j’avais déjà entendu parler – en bien – de ce roman, et je me suis dit pourquoi pas ? Le début de ma lecture a été un peu laborieux, je n’étais pas passionnée parce que je lisais, je trouvais ça un peu ennuyeux et j’étais détachée de l’histoire et des personnages. Il faut dire que le titre, la quatrième de couverture décrivent un roman fort, poignant, avec des rebondissements, beaucoup de nature… Alors oui, il y a la nature sauvage, la mer dans laquelle on nage à n’importe quel moment. Mais au fond, c’est un récit qui s’écrit petit à petit, à son rythme.

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Ingrid a disparu il y a plus de dix ans, laissant seul son mari Gil – un écrivain assez connu – et ses deux filles Nan et Flora. Son mari redécouvre, cachées dans les livres qu’ils collectionnent et envahissent sa maison, des lettres qu’Ingrid lui a laissé, revenant sur leurs mariages, sur les secrets de Gil qui ont peu à peu créer des failles. Nan et Flora sont obligées alors de revenir auprès de leur père, affaibli, vieillissant…

Des personnages atypiques, qui ne vont pas bien ensemble, qui ont leur saute d’humeur et parfois un caractère bien trempé, des relations changeantes… Ce livre a quelque chose en lui d’humain et de sincère. Nan et Flora sont deux sœurs très différentes mais au fond complémentaires : on s’aperçoit avec elles comment un père peut être différent pour chacune. Je ne sais pas vraiment quoi penser de ce dernier, Gil : son côté écrivain et collectionneur de livres m’a beaucoup plu mais c’est un mari peu fiable. Les personnages secondaires sont en fait vitaux pour l’histoire et Claire Fuller les insère d’une excellente façon dans son récit. Quant à Ingrid, j’ai eu beaucoup d’empathie pour elle, je l’ai comprise, j’ai trouvé excellente chacune de ses lettres, sa façon de revenir sur son passé et son présent, de revenir sur ses dilemmes de mère et de femme – Gil a presque le double de son âge, c’était son professeur de littérature. L’auteure s’est beaucoup appliqué dans la description des lieux, et même avec peu de mots, je m’y suis crue.

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J’ai apprécié les paysages, j’ai adoré les personnages secondaires mais aussi le principe des lettres découvertes des années plus tard. Toutefois, l’intrigue aurait pu être mille fois plus passionnante, se terminer en beauté, avoir un rythme plus prenant. De ce côté-là, ça a été décevant. C’est pour moi une lecture en demi-teinte : il y a des qualités dans l’écriture, le style, la construction des personnages, mais à mon sens, certains éléments comme l’intrigue, la narration, le rythme auraient vraiment besoin d’être plus travaillés.

Claire Fuller, Un mariage anglais, traduit de l’anglais par Mathilde Bach, aux éditions Stock, 22€.

L’Elite, de Kiera Cass

J’ai dévoré avec grand plaisir le deuxième tome de la saga La Sélection de Kiera Cass. Dans L’Elite, America fait partie des six dernières prétendantes au palais : la compétition est rude pour séduire le prince Maxon. America est perdue : elle éprouve des sentiments pour ce dernier – et elle pense que c’est réciproque – mais son ancien amoureux est aussi présent au palais, et elle a du mal à l’oublier. En parallèle, ses rapports avec les autres candidates sont houleux, et les attaques des renégats se multiplient. America se pose de plus en plus de questions sur ces problèmes politiques, le régime de castes, le passé de son pays. On explore également un peu plus les liens entre les personnages secondaires dans ce tome, ils prennent de plus en plus de place, sont mieux développés, et la visite des familles des candidates au palais est une bonne occasion pour en découvrir plus sur eux.

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J’ai beaucoup apprécié ce tome qui creuse un peu plus la toile de fond de ce récit, de cet univers : on sent qu’il y a quelque chose de louche, que la royauté nous cache des choses par rapport au passé du pays et des renégats. Je me suis beaucoup interrogé sur la place des livres dans cet univers et j’ai adoré ce que l’auteure en a fait. Comme dans le tome précédent, j’ai adoré voir les réceptions, les belles robes, le faste de l’aristocratie : ça fait rêver, on se sent comme America.

Mais c’est un tome 2, et comme tous les tomes 2, le rythme y est un peu mou. Je commence à être agacée par l’attitude d’America et ses sentiments qui basculent sans arrêt entre Aspen et Maxon. J’entrapercevois le pire du triangle amoureux, j’espère vraiment que les choses vont changer dans le prochain tome.

Ceci dit, cette saga reste une des meilleures que j’ai découvertes ces dernières années. Je ne pensais absolument pas l’apprécier à ce point, le premier tome a même été un de mes rares coups de cœur de ce début d’année !

Kiera Cass, L’Elite, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Madeleine Nasalik, aux éditions Robert Laffont, 16€90.

L’enfant du lac, de Kate Morton

J’ai enfin lu ce roman dont tout le monde me parlait et qui moi-même me faisait très envie ! Il s’agit de L’enfant du lac de Kate Morton.

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Résumé de l’éditeur (car honnêtement, je ne peux pas faire mieux) :

1933. Comment Theo Edevane, adorable poupon de onze mois, a-t-il pu disparaître durant la nuit de la Saint-Jean ? Les enquêteurs remuent ciel et terre, mais l’enfant demeure introuvable. Pour les parents comme pour les filles Edevane, la vie ne sera plus jamais la même après ce drame. La maison du lac, la propriété tant aimée, est fermée et laissée à l’abandon.
Soixante-dix ans plus tard, Sadie Sparrow, jeune détective londonienne en vacances dans les Cornouailles, curieuse et momentanément désœuvrée, s’intéresse à cette mystérieuse disparition. Elle reprend l’enquête, au grand dam de l’une des sœurs aînées de Theo, Alice, devenue écrivain à succès.

Je découvre Kate Morton et je ne suis pas vraiment sûre de retenter l’expérience si ces autres romans sont à l’image de celui-là. Attention, je trouve ce livre pourtant remarquablement bien construits avec une fresque de personnages intéressants. L’intrigue est magnifiquement gérée, nous mettant régulièrement sur des fausses pistes, nous laissant nous-mêmes nous faire nos propres idées. Les décors et les paysages sont plutôt bien décrits et on ressent à la fois l’ambiance féerique du manoir et de son domaine, mais aussi les tensions des deux guerres mondiales qui traversent ce récit.

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Mais, mine de rien, c’est un gros pavé de 600 pages et parfois le rythme s’essouffle. Au bout d’un moment, ça n’a qu’assez duré de tourner en rond dans les souvenirs et les confidences des uns et des autres, on veut être fixé, un point c’est tout. J’ai de plus trouvé certaines situations soit un peu cliché (les grossesses… pour ne pas en dire trop), soit trop faciles (les tunnels!). Au fond, ce roman, à mes yeux, aurait du privilégier un bon élagage de deux cents pages pour ne garder que le meilleur. Mais je peux comprendre que certains aiment ce genre d’histoire où on se perd dans les générations, les lieux, les souvenirs, les pages. Ce côté labyrinthique a son petit charme mais je m’en suis vite lassée personnellement. Concernant les retours en arrière, il n’y a que ça. Tout est imbriqué, on voyage constamment dans les époques. Kate Morton réussit pourtant à ne pas nous perdre, un vrai coup de maître. Malheureusement, là aussi, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. J’ai au moins découvert avec ce roman que je préférais les récits plus linéaires. La résolution de l’affaire était bien trop… évidente, même si peu réaliste. Dommage.

Je vais donc conclure de la sorte : je vous conseille ce roman, car il est très bien orchestré, très bien écrit, avec des personnages attachants. L’écriture, notamment des dialogues et monologues, est très soignée. Mais pour ma part, ça ne l’a pas vraiment fait : trop long, trop sinueux. A vous de voir à présent !

Kate Morton, L’enfant du lac, traduit de l’anglais (Australie) par Anne-Sylvie Homassel, aux Presses de la Cité, 22€50.

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, de Darragh McKeon

Il y a des événements historiques qui m’aimantent et j’apprécie lire des romans autour d’eux. C’est le cas par exemple de la catastrophe de Tchernobyl qui eut lieu le 26 avril 1986 en Ukraine, au sein de l’Union soviétique. C’est en partie le sujet de Tout ce qui est solide se dissout dans l’air de Darragh McKeon.

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On suit dans ce livre plusieurs personnages qui vont être touchés de très près ou de très loin par la catastrophe. Cette famille paysanne qui vit à une dizaine de kilomètres de la centrale. Ce chirurgien qu’on va envoyer là-bas et qui s’effare du manque de précautions prises, des mensonges. Cette ancienne journaliste, qui est aussi l’ancienne épouse du précédent personnage, qui a toujours voulu au fond d’elle savoir ce qui se passait réellement dans son pays et répandre les informations. Son neveu de neuf ans, un peu chétif mais vrai prodige au piano.

Tous les personnages sont attachants, et on découvre leur passé dans un très habile jeu de retours en arrière, de souvenirs. Leur identité, leur histoire se construisent sous nos yeux et le lecteur prend beaucoup de plaisir à suivre leur évolutions. A titre personnel, j’étais vraiment intéressée par la catastrophe de Tchernobyl en soi, ses conséquences : les maladies qu’elle a engendrées, les irradiations partout et sur tout, les décisions dangereuses du Parti juste pour garder la face. Vu tout ce que j’ai appris dans les pages de ce roman, j’ai été d’autant plus passionnée, avide de savoir, à tel point que les autres pages sur les autres personnages qui sont vraiment moins touchés par l’accident… eh bien, ça m’ennuyait presque de les lire.

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La langue de McKeon est sublime, quelle belle plume ! Ses personnages sont forts et il maîtrise à la perfection son intrigue, sa narration et son rythme. J’ai découvert avec ce roman un auteur très talentueux qui m’a fait découvrir mille choses sur la vie en Russie à cette époque précise. La fin du livre n’est pas à mon goût, mais c’est très personnel. Dans tous les cas, il est certain que ce livre est une pépite et je ne peux que vous le conseiller !

(Décidément, je fais vraiment de bonnes lectures cette année!)

Darragh McKeon, Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, traduit de l’anglais (Irlande) par Carine Chichereau, aux éditions Belfond, 22€.

L’intérêt de l’enfant, de Ian McEwan

L’intérêt de l’enfant de Ian McEwan fait partie de ma whishlist depuis sa sortie. J’ai enfin eu l’occasion de le lire cet hiver.

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Fiona a 59 ans et un mari qui veut voir ailleurs. Son mariage se délite. Mais elle n’a pas vraiment le temps de s’y attarder, même si elle y revient souvent : elle ne sait pas comment gérer cette situation et son travail la rappelle. Elle est magistrate, spécialiste du droit de la famille. Très reconnue, on la charge de quelques dossiers sensibles dont le dernier en date : une famille, témoin de Jéhovah, refuse la transfusion sanguine pour le fils unique atteint de leucémie. L’hôpital ne l’entend pas de cette oreille. Fiona va alors choisir de rencontrer le garçon, une rencontre troublante.

Ce n’est pas un très long roman mais j’ai trouvé l’écriture de l’auteur dense et chargée. C’est beau, c’est juste, c’est équilibré mais j’aurais préféré une écriture plus légère. Tout est traité avec drame et lourdeur : ce couple sur la brèche, cet adolescent qui va mourir sûrement si rien n’est fait. L’écriture participe à une ambiance oppressante où chaque jour qui passe semble peser. Il y a pourtant des ellipses, des raccourcis pour se concentrer uniquement sur nos personnages, ces derniers prennent toute la place. J’ai beaucoup aimé Fiona et même si je n’aurais pas du tout réagi comme elle, je comprends plus ou moins son comportement. Ian McEwan a un vrai talent pour construire des personnages réalistes et saisissants que l’on voit évoluer dans un sentiment d’urgence.

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C’est un beau roman, qui m’a surprise. J’ai complètement compris le rôle de magistrat, qui doit toujours défendre en premier l’intérêt de l’enfant et j’aurais aimé qu’on aille plus loin. Voir plus de jugement, les coulisses du tribunal, le raisonnement de Fiona concernant cette affaire. Je n’avais pas pensé que son mariage serait tout autant au cœur du livre – ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, les deux intrigues entrant en résonance l’une avec l’autre.

Une plume à part avec un style unique. A titre personnel, ce n’est pas ma tasse de thé mais je reconnais aisément que cette écriture est talentueuse. L’auteur a construit un récit ciselé, excellant aussi bien avec les thématiques, les personnages, l’ambiance, le rythme, l’intrigue. Une jolie découverte que je vous conseille.

Ian McEwan, L’intérêt de l’enfant, traduit de l’anglais par France Camus-Pichon, aux éditions Gallimard, 18€.

Le monde de Sophie, de Jostein Gaarder

Retour sur une lecture qui m’a demandé un peu de temps – il faut dire que c’est un sacré pavé, dont la thématique demande de l’investissement. J’ai adoré cette découverte qu’apparemment tout le monde connaît déjà, en tout cas dans mon entourage, alors que personnellement j’en ignorais l’existence. Il s’agit du roman de Jostein Gaarder, Le Monde de Sophie.

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Sophie est une jeune fille qui va faire une drôle de découverte : on lui fait passer des mots, des lettres, et dans ceux-ci elle découvre des cours de philosophie, faits pour elle. Elle se prend au jeu et dévore tout, découvrant les épicuriens, Platon, Démocrite… Elle continuera son apprentissage aux côtés de son bizarre professeur de philosophie, voyageant à travers les époques. Mais au fil des pages, il se passe des événements étranges, la reliant à une autre jeune fille qui s’appelle Hilde. Ce qui plonge tout le monde, lecteur compris, dans la perplexité.

J’ai d’ailleurs été très désarçonnée sur ce point, d’autant plus qu’à la base je voulais m’attacher plus à Sophie. Mais l’auteur n’a pas souhaité nous faire mieux connaître cette jeune fille, et voilà qu’arrive une deuxième ! Heureusement, tout s’explique dans un beau retournement de situation que je n’avais pas vu venir, une bien belle mise en abyme très intelligente. Chapeau monsieur l’écrivain !

L’intrigue, l’histoire devient très intéressante à partir de la deuxième moitié mais tout le livre vous semblera agréable si vous appréciez la philosophie. Personnellement, j’avais l’envie de me replonger dans cette matière et de retrouver mes anciens cours. J’ai été déçue par cette vision très occidentale et européenne. De plus de très nombreux thèmes de philosophie – l’art, le langage, la religion par exemple – sont survolés voire pas traités du tout. Ce sont mes thèmes préférés donc… tant pis pour moi. Mais je comprends qu’on ne peut pas tout voir, après tout ce n’est qu’un roman, pas un cours magistral ! De plus, l’auteur a fait le choix de traiter des questions existentielles plutôt, ce qui prend tout son sens vue l’histoire du livre et nous permet ainsi de faire un large tour du propriétaire. La philosophie est vue chronologiquement : j’ai apprécié de découvrir les retentissements du philosophe précédent sur le suivant, etc. De plus, le narrateur remet bien les choses dans leur contexte, on ne perd pas le fil, même si certaines pages sont plus compliquées que d’autres.

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Un roman à lire, oui, sans aucun doute. Mais n’hésitez à le faire quand vous en aurez vraiment l’envie et à prendre votre temps. La démarche de l’auteur est vraiment sympathique et il la réalise d’une bien belle façon. On devrait mettre ce roman au programme du lycée, assurément !

Jostein Gaarder, Le Monde de Sophie, traduit et adapté  du norvégien par Hélène Hervieu et Martine Laffon, aux éditions Point, 10€.