Et si la gentillesse était un délit ? Emmanuelle Heidsieck imagine un monde où rendre service sans rien attendre en retour est interdit et dangereux.
A l’aide ou le rapport W nous évoque la rédaction de fameux dossier qui va radicalement changer l’image de la société et son fonctionnement. Donner un coup de main gratuitement est depuis longtemps devenu un signe d’inégalité, celui qui aide se plaçant en supérieur à celui qui est aidé. Pour plus de justice et d’équité, chaque service, conseil, aide doit être acheté auprès d’entreprises spécialisées pour éviter toute concurrence déloyale. C’est seulement ainsi qu’un pays capitaliste comme le nôtre peut réussir, en tout cas dans l’univers de ce roman.
L’écriture est âpre et difficile à suivre tellement elle est sèche. On est au-delà de l’émotionnel dans ce livre qui décrit une société effrayante et déshumanisé. C’est un livre court, et heureusement car le style comme le thème sont épuisants. Ce n’est pas simple d’affronter un monde où l’altruisme est un défaut inqualifiable.
A travers des « cas pratiques » et la relation hiérarchique entre les deux hommes du gouvernement qui rédigent le rapport remettant tout en question, les pages défilent avec heurts. Ce n’est pas l’écriture qui est à remettre en cause mais peut-être plus la construction et le choix de la voix narrative tellement extérieure au récit que l’on a du mal à s’y couler. Toutefois, il faut remarquer que cela colle bien au texte…
Une langue acerbe rend ce roman d’anticipation d’autant plus terrible : on pourrait presque croire que ce monde où l’aide à personne est une grave faute menant à d’importantes amendes et peines de prison est possible. Juste pour vivre cette expérience qui donne à réfléchir, tentez cette lecture.
Emmanuelle Heidsieck, A l’aide ou le rapport W, aux éditions Inculte Laureli, 14€90.