Le Cercle des poètes disparus, de N. H. Kleinbaum

Le Cercle des poètes disparus. J’ai vu ce film sur le tard, et il m’avait bouleversée. Depuis longtemps, j’avais eu l’envie de lire le roman de N. H. Kleinbaum à l’origine de cette histoire, c’est désormais chose faite.

9782253058151-001-T

A Welton, un collège haut de gamme pour garçon dans les années 1960, il va de soi de travailler dur, d’être discipliné et de faire honneur à l’école. Mais quand on est un adolescent de 16 ou 17 ans, d’autres choses rentrent un jeu : tomber amoureux, vouloir s’émanciper, faire avec l’autorité d’un père, vouloir vivre ses passions, se faire des amis, vaincre sa timidité et sa gêne… C’est alors qu’un nouveau professeur de littérature, Keating, vient illuminer le quotidien de cette bande d’amis. L’occasion pour eux de découvrir le vrai sens des mots, la liberté, le pouvoir et le beauté qui résident dans la poésie. L’occasion aussi de faire revivre le Cercle des poètes disparus dont Keating lui-même avait fait partie quand il avait leur âge.

La grotte était devenue leur foyer, lieu magique à l’abri des regards, soustrait à toute forme d’autorité ; un endroit où ils pouvaient être tout ce qu’ils rêvaient d’être, et laisser libre cours à leur imagination ; lieu de tous les possibles, bulle d’indépendance dans un monde régimenté, soupape aux pressions qu’exerçait sur eux l’univers clos de Welton. Le Cercle des Poètes Disparus venait de renaître de ses cendres et il voulait dévorer la vie à pleines dents.

J’ai tout d’abord eu la très agréable surprise de découvrir que le film a vraiment respecté le livre. J’ai donc eu les visions des acteurs incarnant les personnages au fil de ma lecture, mais cette histoire est si belle, si forte que ça ne m’a pas du tout dérangée. Cette lecture passe très vite et, passé le premier flottement où on se mélange un peu les pinceaux avec tous les personnages, on ne peut plus se défaire de cette histoire. On sait qu’un drame flotte au-dessus de la tête des garçons, et on se prend en affection pour leur vivacité, leurs doutes, leur jeunesse. Il est vrai que l’auteur aurait pu supprimer un ou deux personnages inutiles et mieux explorer leurs liens entre eux – qui ne peuvent pas être tous gentils et fraternels tout le temps, on est d’accord. Mais très vite, on s’attache fort à ces personnages passionnés et au monde de la poésie qu’ils découvrent ensemble, comme une révélation. Dans ce roman, figurent les plus pages que j’ai pu lire au sujet de la littérature : autant dire que l’auteur a une sacrée plume !

36398-le-cercle-des-po_tes-dispar

Les dialogues rendent tout cela très vivant, l’auteur ne s’embarrasse pas du superflus et on ne retient que l’essentiel, bondissant d’un personnage à l’autre. Une vraie pépite ce livre et je ne peux que vous le recommander !

N. H. Kleinbaum, Le Cercle des poètes disparus, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Olivia De Broca, aux éditions Le Livre de Poche, 5€30.

Dernier été à Tokyo, de Cecilia Vinesse

J’ai d’abord croisé ce livre en librairie, la quatrième de couverture m’avait donné envie – pas la couverture par contre, beurk. Quand je l’ai croisé à la médiathèque, je me suis dit « pourquoi pas ? » En avant donc pour Dernier été à Tokyo de Cecilia Vinesse.

51du48mtgwl-_sx195_

Sophia a toujours été entre plusieurs continents. Elle vit à Tokyo depuis quatre à présent avec sa mère et sa sœur. Mais dans sept jours, alors qu’elle s’apprête à bientôt rentrer en terminale, elle va devoir dire au revoir à ses amis du lycée international, Mika et David. En effet, elle déménage dans le New Jersey. Triste de quitter cette ville qu’elle affectionne, elle est d’autant plus fâchée que ses derniers jours au Japon vont être gâchés par le retour de Jamie, qui lui revient de trois ans aux Etats-unis. Avant son départ, leur amitié s’était mal terminée… Mais il peut s’en passer des choses en une semaine, et Jamie et Sophia ont toute une relation à reconstruire.

Bon, déjà, ce qui m’a énervée : ils sont où les Japonais ? On est entre expats, point. Je veux bien croire que dans la réalité, entre ados expatriés, scolarisés dans un lycée international où on parle anglais, tu traînes peu avec des natifs… Mais quand même, être autant occidentalement centré à ce point ! Vu que l’histoire se passe à Tokyo, c’était vraiment n’importe quoi !

shinjuku-la-nuit-2

Les personnages sont assez typiques, peu de nuances : prendre l’excuse que c’est une romance adolescente ne me va pas du tout car le niveau est plutôt élevé dans beaucoup d’autres. On a le gars un peu connard mais qu’on aime bien quand même, le timide soi-disant geek mais qui est au fond malheureux, la fille aux cheveux bleus qui est extravertie, la grande sœur qui gronde et râle car elle s’est faite larguée, un cliché avec le père aussi (mais je n’en dirais pas plus pour pas spoiler ça au moins…) Heureusement, j’ai trouvé que Jamie sauvait quand même les choses, car il est attachant et rafraîchissant. C’est un garçon surprenant et agréable. Les autres personnages, on les retient moins. Leur comportement change sans qu’on sache vraiment pourquoi – ah, si ! L’alcool !

Ces ados sortent quand ils veulent, boivent ce qu’ils veulent, dorment où ils veulent : où sont les parents ? Allô le réalisme ? Ça m’a agacé au possible de voir des ados se comporter comme en jeunes adultes, avec des problèmes mièvres : tous les soirs, la même chose. En fait, je crois que c’est l’écriture qui est un peu adolescente sur les bords.

Côté personnages, on a frôlé des bonnes choses comme les relations familiales par exemple : bien qu’un peu trop manichéennes, elles sont variées et c’est là où on ressent un peu de réalisme dans les relations humaines.

Il faut dire que le style n’est pas incroyable non plus. C’est de la narration, le rythme et les dialogues fonctionnent un peu près bien. J’ai énormément regretté que Tokyo ne soit qu’une excuse pour faire un titre et une couverture particulière, pour coller des descriptions de lumières de la ville la nuit. C’est vraiment dommage car on sent l’amour de l’auteure pour cette ville ! Il suffisait de travailler les descriptions, planter le décor et s’en servir pour de vrai ! On est vraiment passé à quelque chose…

Un roman clairement adolescent dans l’écriture, l’intrigue, le style, l’aboutissement, qui manque de nuances. Bizarrement, pour écrire une bonne romance, il faut s’éloigner un peu des clichés pour mieux y revenir avec des idées nouvelles. La pluie, la nuit, l’alcool, les non-dits… pfff, si au moins il y avait un vrai style, une plume acérée pour servir tout ça, un vrai enjeu dans l’intrigue, ça aurait pu fonctionner. Mais ce n’est pas le cas. C’était divertissant un peu, mais j’ai plutôt perdu mon temps avec cette lecture. Avis cru mais sincère.

tokyo-go-pro-hero-6-1

Cecilia Vinesse, Dernier été à Tokyo, traduit de l’anglais par Cécile Tasson, aux éditions Pocket Junior, 17€90.

Nos faces cachées, d’Amy Harmon

Une romance dont j’avais lu du bien ! Je me disais donc que j’allais tenter ma chance et ne pas m’arrêter à cette couverture. Aujourd’hui, on parle donc de Nos faces cachées d’Amy Harmon.

nos-faces-cachees

L’auteure nous raconte l’histoire de Fern, qui est amoureuse depuis toujours d’Ambrose, le garçon parfait, grand lutteur, etc. Fern passe énormément de temps avec son cousin adoré Bailey, ils ont le même âge, sont très complices. Bailey est en fauteuil roulant, atteint d’une maladie qui le destine à mourir jeune. Les adolescents sont au lycée. Nous sommes en septembre 2001 : des avions s’écrasent dans des tours et la face du monde chance. Un cataclysme pour toute l’Amérique : Ambrose va alors se demander si sa vocation ne serait pas de servir son pays.

C’est assez compliqué de résumer ce bouquin sans trop en dire. L’intrigue se passe sur des mois et des mois, sans compter sur quelques flash-backs qui nous aident à mieux cerner les relations des personnages. Très honnêtement, je trouve que ce temps étalé ne sert pas vraiment l’histoire. Pour relater des faits sur une si longue période, il aurait alors vraiment fallu travailler beaucoup le rythme qui laisse franchement à désirer. Très honnêtement, je ne voyais pas vraiment où l’auteure voulait en venir, jusqu’à ce que tout s’éclaire à la page 165 – ça fait long quand même ! – où l’intrigue, les personnages ont pris plus d’épaisseur et d’intérêt à mes yeux.

Ce qui ne m’a pas vraiment aidé dans ce roman, ce sont les personnages. Ils n’existent que les uns pour les autres, on ne les découvre qu’ainsi. J’aurais aimé que l’auteur prenne le temps de les approfondir, de les travailler pleinement. J’aurais apprécié les connaître un à un car ils ont tous l’air géniaux ! Les personnages secondaires sont tous attachants. Quant aux personnages principaux, j’ai trouvé Ambrose assez réaliste, mais Fern me semblait illogique, je n’ai pas réussi à vraiment la comprendre.

C’est une romance, donc oui, il y a du cliché et même des beaux. Surtout dans les scènes de rapprochements physiques où je levais trop souvent les yeux au plafond. Rah, puis les « mais je suis pas assez bien pour lui/pour elle », je n’en pouvais plus, overdose ! Mais sur un public facile, ça fonctionne, on papillonne avec les amoureux.

27737607516_e8350b6696_b

L’écriture un peu simplette, très inégale, avec un style bancal, m’a vraiment vraiment donné une impression de bâclé. Je n’arrive pas à zapper ce genre de choses même si le reste tient la route. Et je dois vous avouer que je suis un peu perdue car j’ai vraiment aimé l’intrigue générale et tous les thèmes abordés. On parle de la guerre et ses séquelles, de la mort, de la maladie, de l’alcoolisme, des soucis familiaux, du divorce, des valeurs du sport, du handicap, des violences conjugales… Ce sont rarement des thèmes exploités de façon si juste dans une simple roman ! Je pense que l’auteure a voulu faire les choses en grand et qu’elle tenait une idée en or. Malheureusement, elle n’avait pas encore l’expérience nécessaire pour retransmettre tout ça de la meilleure des façons.

Ils sont en terminale et ils auront le bac dans quelques mois. La saison de lutte a pris fin deux semaines auparavant et ils s’ennuient déjà – peut-être davantage que d’habitude – parce qu’il n’y aura plus de saisons, plus de but, plus de matchs, plus de victoires. […] Ils se tiennent au bord d’un abîme de changement et aucun d’eux, pas même Ambrose – surtout pas Ambrose – n’est enthousiasmé par cette perspective. Mais qu’ils choisissent ou non d’avancer vers l’inconnu, ce dernier viendra à eux, le gouffre béant les avalera tout entiers et la vie qui était la leur jusqu’à présent changera radicalement. Et ils ont une conscience aiguë de la façon dont elle finira.

C’est un vrai paradoxe ce livre. Très sincèrement, je ne sais pas si je vous le recommande ou pas. Pour encourager l’auteure à aller plus loin, à continuer, à progresser, j’ai envie de dire que oui.

Amy Harmon, Nos faces cachées, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabienne Vidallet, aux éditions Robert Laffont, 17€90.

Did I mention I love you ?, d’Estelle Maskame

Ah, vous me connaissez, j’aime bien lire des romans après tout le monde. On ne va pas changer une équipe qui gagne, et aujourd’hui, je vous parle encore de romance, et encore de young-adult ! Habituez-vous, car je vais en dévorer encore quelques uns : ces petits plaisirs coupables me font un bien terrible et conjure l’atroce malédiction de la panne de lecture.

On se retrouve donc aujourd’hui pour parler de DIMILY pour les intimes, autrement dit Did I Mention I Love You d’Estelle Maskame, le premier tome d’une trilogie se déroulant aux États-Unis et nous narrant les amours d’Eden et de Tyler. Est-ce que c’est un bon livre ? J’ai commandé le deuxième tome aussitôt terminé le premier, ça devrait vous mettre dans la voie.

9782266265140ori

Eden a 16 ans, elle vit seule avec sa mère à Portland. Mais son père, qui les a abandonnées trois ans plus tôt, l’invite à passer l’été dans sa magnifique maison à Santa Monica en Floride. Étrangement, malgré la rancœur – légitime – qu’elle garde pour lui, elle accepte. Une fois arrivée, elle fait la connaissance d’Ella, sa nouvelle belle-mère et de ses trois fils… dont l’aînée, Tyler, dix-sept ans, sort vraiment du lot. Il n’obéit jamais à sa mère, découche tous les soirs, agit en vrai bad-boy. Dès le début, Eden a l’impression qu’il l’a pris en grippe. Mais finalement, elle ne peut s’empêcher de le trouver attirant…

Alerte cliché ! Alerte cliché ! Tu le vois venir le coup du « je fais le dur parce que j’ai des faiblesses » ? Ralalala, oui, c’est un poncif, mais qu’est-ce que c’est bon ! Typiquement, j’aurais eu 16 ans, moi aussi je serais tombée amoureuse de Tyler, moi aussi je ne me serais pas toujours sentie à ma place comme Eden. En fait, j’ai beaucoup aimé son personnage, même s’il aurait pu avoir plus de profondeur. Mais dans les touches légères de jeune fille à la fois forte et naïve que lui fait endosser l’auteure, je me suis un peu retrouvée en elle. Tyler, dans ses excès, est moins réaliste : mais allez, on va dire que c’est Hollywood qui fait ça.

Je me suis complètement projetée dans cette vie californienne. Les descriptions ne sont pas trop présentes, juste assez pour planter le décor et laisser l’imagination du lecteur faire le reste. Les relations entre tous les personnages me semblent très bien représentées : quelle fougue on peut avoir à l’adolescence… ! J’ai un peu plus de mal avec l’opulence, la richesse qui leur semble normale, mais il faut dire qu’on ne vit pas dans le même monde.

Ce qui m’a causé le plus problème, ce sont certains dialogues (cf les grands moments de révélation) qui là, malheureusement, tombaient dans la parodie et n’étaient vraiment pas bien dosés. Idem en ce qui concerne les monologues d’Eden quand elle s’interroge sur son demi-frère Tyler. Ces passages m’ont vraiment fait lever les yeux au ciel… mais je suis capable de pardonner beaucoup pour cette romance. Elle est un peu convenue certes, mais il y a de vrais éléments originaux dans ce livre – je pense à Tiffany ou au passé d’Eden pour ceux qui l’ont déjà lu – qui redonne de la profondeur à ce roman young-adult.

journee-visiter-decouvrir-santa-monica-alaune-1000x500

Cette chronique n’est pas bien construite du tout, il faut dire que je l’écris comme un midinette. Ce roman m’a fait du bien, c’était exactement ce que je recherchais, malgré quelques erreurs de la part de la très jeune auteure Estelle Maskame. J’ai très hâte de voir ce que va donner la suite car je dois dire que l’épilogue m’a un peu désarçonnée…

Estelle Maskame, Did I Mention I Love You ?, traduit de l’anglais par Maud Ortalda, aux éditions PKJ, 16€90.

Miss Dumplin, de Julie Murphy

Haut les cœurs ! Premier roman lu depuis ma panne de lecture ! C’est une grande première et c’est super chouette ! Pour recommencer à lire des heures et des heures, j’ai choisi un roman young adult dont j’avais beaucoup entendu parler au moment de sa sortie : Miss Dumplin de Julie Murphy.

41r4qdcmvql-_sx195_

Je savais déjà que j’allais lire l’histoire d’une adolescente, en surpoids, qui apprenait à prendre confiance en elle dans un bled des États-Unis. La quatrième de couverture m’a apprise qu’elle s’appelait Willowdean – Will pour les intimes –, qu’elle est amoureuse de Bo et qu’elle va s’inscrire à un concours de beauté. En lisant, j’ai appris que c’est la mère même de Willowdean, une ex-miss, qui organise ce célèbre concours, ce qui rend les choses plus ardues.

Mais sur le chemin de la confiance en soi, Willowdean va se poser de nombreuses questions : pourquoi une telle distance se creuse avec sa meilleure amie ? Pourquoi redoute-elle tant qu’un garçon pose ses mains sur ses courbes ?

missdumplin-une

L’histoire est intéressante, sans compter que l’écriture – bien qu’un peu lente – fait tout à fait l’affaire. Les pages défilent vite grâce à la plume légère et fluide de l’auteure. Malheureusement je n’ai pas été emballée du tout. Déjà j’ai du attendre 160 pages avant que l’idée même de participer au concours de beauté surgissent dans l’histoire, alors que j’étais super impatiente. Au lieu de ça, le véritable cœur de l’histoire, c’est les sentiments pour Bo, ainsi que l’amitié avec Ellen. Bon, ce n’est pas inintéressant, mais on y passe vraiment beaucoup de temps : quant on m’a vanté ce roman, c’était pour cette ode à la liberté d’être qui on veut, qu’importe son poids. Finalement, il ne s’agit que d’un énième livre young adult qui parle de soucis typiquement adolescents. Ce n’est pas un mal en soi, bien sûr ! C’est juste que je ne m’y attendais pas du tout, et j’ai été déçue.

De plus, je n’ai pas vraiment aimé le personnage principal. Will n’est pas si attachante, elle se plaint beaucoup et est inconstante. Clairement, c’est une adolescente qui se cherche, et qui a besoin de prendre du recul. J’ai trouvé peu réaliste son amitié avec Ellen et cette relation m’a ennuyée. Bien sûr, c’est très personnel tout ça. Je pense plus simplement que ce roman ne me convenait pas. On me l’avait sur-vendu, ça m’a fait trouvé cette histoire très longue et un peu insipide. Même la fin et le concours en soi étaient décevants à mes yeux.

tumblr_nv585x3g3m1r3ibgko1_1280

Je suis très curieuse de voir l’avis de ceux qui ont découvert ce livre après tout le brouhaha de sa sortie : avez-vous été comme moi un peu déçu ? Ou au contraire cela a-t-il répondu à vos attentes ?

Julie Murphy, Miss Dumplin, aux éditions Michel Lafon, 15€95.

L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante

Eh les amis, c’est l’été ! Et personnellement, chaque été, je vais en Italie, un pays que j’affectionne particulièrement. En 2017, c’est par la littérature que j’ai décidé d’y faire escale, dans une ville encore jamais visitée pour ma part : Naples. Comme d’habitude, je lis après tout le monde mais c’est tout de même avec un réel plaisir que je partage avec vous mon avis sur L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante.

l-amie-prodigieuse

C’est une lubie subite qui m’a poussée vers ce roman que je ne pensais pas me mettre à dévorer un jour. J’avais en tête mon dernier séjour à Venise et ses quartiers méconnus, qui semblaient d’une autre époque. C’est sûrement cela qui m’a attiré vers les quartiers pauvres de Naples à la fin des années cinquante. Elena va nous raconter son enfance, son adolescence. La sienne et celle de Lila. Cette meilleure amie, cette copine, cette petite fille pleine de vie et d’affront. Elles sont toutes les deux très différentes. Lila dit tout ce qu’elle pense et ne semble pas réagir comme tout le monde : elle n’hésite pas à se mettre à danger, sans même réaliser qu’elle prend des risques. Ou alors peut-être que si, elle sait que c’est risqué, mais tente quand même le coup, comme un pied de nez permanent au destin. Elena est une suiveuse, elle est fascinée par cette fillette maigrichonne qui ne connaît pas la peur. Pourtant leur relation a l’air étrange, parfois malsaine : Lila n’a de cesse de tirer sur la corde, mais Elena accepte, Elena prend un peu plus d’assurance, Elena observe.

Les deux petites filles grandissent et leurs chemins semblent se séparer : Elena va au collège, Lila rejoint la cordonnerie de son père et de son frère Rino et devient peu à peu obsédée par un rêve, créer ses propres chaussures. Mais finalement tout ramène Elena vers Lila. Leur lien ne se rompt jamais et c’est au cœur de leur quartier que cette relation va grandir, s’affiner au gré des aléas.

L’amie prodigieuse, voici un titre bien trouvée pour parler de ce personnage intrépide et hors norme : Lila. Nous aussi, petit à petit, on ressent de la fascination pour cette fille. A la place d’Elena, difficile de dire comment on aurait réagi. Elle est méchante, mais aventureuse : faut-il la détester ou la suivre ? Faut-il la retenir ou continuer de l’ignorer ?

20130531084238951_0001-copiaJ’ai adoré nos deux héroïnes et le lien qui les unissent, comme j’ai aimé les suivre dans leur vie respective. Je me reconnais parfois en Elena : parfois passive, très bonne élève, j’ai tout de suite aimé notre narratrice. Mais il n’y a pas que ces deux personnages qui nous marquent : il y a les frères Solara, véritables clichés italiens, il y a Enzo, il y a Antonio, et Nino, et Carmela, Alfonso, etc. Il est vrai qu’on se perd parfois parmi tous ces noms, mais un index en début d’ouvrage nous aide un peu à nous y retrouver. Celui-là est le fils du menuisier, celui-ci fille de l’épicier, etc.

Naples est en ébullition : pendant la plus grande partie du roman, on dépasse peu les frontières du quartier des deux jeunes filles mais cela nous suffit. Entre l’amant poète, la veuve folle, l’ogre des contes et bien d’autres, il y a largement de quoi s’occuper ! On est complètement immergé dans cette Italie de l’après-guerre où les priorités n’étaient absolument pas les mêmes qu’aujourd’hui. L’écriture de l’auteure se confond tout à fait avec celle de la narratrice, d’autant plus qu’elles portent le même prénom. On retrouve une sincérité touchante qui donne cet aspect de véritables souvenirs partagés à ce texte. On a l’impression que c’est une amie qui nous raconte son enfance : les feux d’artifice sur les balcons le jour de la fête nationale, les corrections à l’école, les premiers rouges à lèvres, les rêves d’enfant, les questionnements de l’adolescence…

3878010421_b7c304b699_z

J’ai tellement aimé ce livre, je l’ai trouvé beau, juste. Pendant plus de 400 pages, j’étais complètement ailleurs, en plein Naples et je vous invite à faire le voyage vous aussi. J’ai dévoré ce roman en deux jours et je me retiens pour ne pas dévorer la suite immédiatement. Je sens qu’il faut que je laisse un peu grandir Elena et Lila dans mon cœur pour les retrouver un peu plus tard.

Elena Ferrante, L’amie prodigieuse, traduit de l’italien par Elsa Damien, aux éditions folio, 8€20.

Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte, d’Annet Huizing

Il arrive parfois que je sois prise dans une frénésie de lecture et généralement dans ces cas-là, je lis des choses que je n’ai pas l’habitude de lire – comprenez : pas de littérature française ou classique. C’est assez naturellement que, dans cette période, je me dirige vers les romans jeunesse ou young adult, histoire d’avoir un truc agréable à croquer sous la dent rapidement. Voici comment est donc arrivé dans mes mains le livre d’Annet Huizing : Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte.

comment-j-ai-ecrit-un-roman-sans-m-en-rendre-compte

Katinka est une jeune fille qui vit seule avec son petit frère et son père. Une de ses meilleures amies est sa voisine Lidwine, une auteure qui la fascine. Avec son aide, elle va commencer à écrire des petites choses, sur sa vie et sa famille. Sur Dirkje qui vient d’entrer dans leur existence tout doucement. Sauf qu’écrire, ce n’est pas toujours facile. C’est tout un art et une technique qui demande de l’entraînement et de l’apprentissage. Chaque jour, Katinka se met devant son ordinateur et essaie de pondre un petit texte. Elle ne s’imaginait pas en se lançant dans cette aventure que cela remuerait autant de choses en elle. Imperceptiblement, elle a autant appris sur elle que sur l’écriture – et sur le jardinage aussi.

C’est une lecture très rapide. J’ai trouvé ce texte simple mais sensible et émouvant. On ne côtoie que peu de temps les personnages mais on s’attache très vite à eux, les trouvant sincères et terriblement humains. Ce sont là plus que de simples êtres de papiers. L’intrigue en soi n’est vraiment pas incroyable mais elle se laisse suivre avec plaisir tout de même. L’auteure a réussi à donner vie à sa narratrice : ce sont vraiment les mots d’une enfant, toutefois cela n’est pas un problème puisque la langue et le style sont tout de même assez bons.

Young people and education, woman studying for university test

J’ai peu de choses à rajouter sur ce roman. Il m’a changé les idées, c’est une bonne lecture que je conseillerai aux pré-ados, mais je n’ai pas rêvé comme dans une saga, je n’ai pas vibré comme dans Nos étoiles contraires par exemple. Il est agréable mais je trouve globalement ce livre peu ambitieux malgré un thème très intéressant.

Annet Huizing, Comment j’ai écrit un roman sans m’en rendre compte, traduit du néerlandais par Myriam Bouzid, aux éditions Syros, 14€95.

L’attrape-coeurs, de J.D. Salinger

51fv05tvm3l-_L’attrape-coeurs, quel livre énigmatique. Personnellement, je ne sais rien de l’auteur, J. D. Salinger, je ne me suis jamais renseignée. Je sais juste que c’est un livre qui fut important pour plusieurs personnes : lu à l’adolescence, il résonne encore dans leur vie d’adulte. Sur la sobre mais belle édition Pocket, il n’y a même pas de quatrième de couverture. Ayant réussi à ne jamais me faire spoiler, je suis partie complètement à la découverte en achetant cet ouvrage, je ne savais pas du tout où je mettais mes pieds.

L’histoire est difficile à raconter, dans un sens il n’y en a pas vraiment, mais c’est un roman fabuleux. Le héros, le narrateur est un jeune garçon qui s’est encore fait viré de son école. Encore une fois, il sait qu’il va décevoir ses parents, il aura sûrement le droit à l’école militaire maintenant.

Dans trois jours, il devra quitter pour toujours ces murs. Dire au revoir à ses camarades, à ce garçon étrange avec qui il partageait sa chambre. Mais il décide de tout quitter maintenant, il lui reste trois jours de répit avant que la nouvelle se sache dans sa famille, il veut en profiter. Remercier ce professeur qui l’a aidé, retrouver quelques filles, aller en ville, boire un verre, acheter un CD pour sa petite sœur adorée. Bref, passer du bon temps, malgré son coup de blues et sa lassitude, sa démotivation et son rire gris.

L’histoire en elle-même ne paie pas de mine, surtout racontée en ces termes, mais elle représente une tranche de vie importante pour ce jeune homme, comme un point de bascule ténu. Il a une vision du monde et surtout des personnes très particulières, forgée par l’observation, la critique et un franc parler qui surprend à la lecture. En effet, le narrateur, c’est lui, et il ne fait pas d’effort de langage particulier pour s’adresser à nous. C’est un style assez oral ou peu travaillé, c’est selon comme on souhaite le voir, avec ses tics de parole, ses raccourcis linguistiques. Sur ce point-là, je trouve la traduction française assez désastreuse, mais si on en fait abstraction, on découvre vite que ce style est tout à fait naturel et représente parfaitement ce personnage si brumeux, si adolescent, qui entre avec difficulté dans la vie d’adulte responsable.

rv-ab314a_salin_g_20110121003648

J. D. Salinger

Un genre de roman d’apprentissage, même si le héros n’apprend que peu de choses, si ce n’est mieux se connaître. C’est un petit livre dont la lecture se fait assez facilement et rapidement si on s’y laisse plonger. Je suis contente d’avoir découvert ce livre dont on m’a tant parlé. Il donne à réfléchir et à sourire, il nous emmène dans une fugue à la recherche de réponse, pour fuir une certaine réalité.

J. D. Salinger, L’attrape-coeurs, Pocket (4230), traduction par Annie Saumont, 5€30.

Un amour de geek, de Luc Blanvillain

Cela fait une éternité que je n’ai pas lu de livre pour la jeunesse. Enfin, non, ce n’est pas tout à fait vrai puisque je chronique régulièrement la saga de L’Epouvanteur (le troisième tome est d’ailleurs en ce moment-même sur ma table de chevet), et de plus, j’anime chaque semaine une heure du conte avec les élèves de mon école. Donc des histoires pour enfants ou des sagas fantastiques jeunesse, j’en lis parfois (souvent). Mais un roman one-shot qui décrit des amours adolescentes, ça faisait un bail. Je crois même depuis Twilight au moins (oui, j’ai lu Twilight). Alors quand on m’a donné Un amour de geek de Luc Blanvillain, je n’ai pas pu résister plus de quelques semaines. Surtout que j’avais l’impression de nous revoir, moi et mon compagnon, à l’époque du lycée.

logo_141772

Il faut dire qu’Esther l’héroïne aime la nature, monte à cheval (comme moi) et que l’autre protagoniste Thomas est un vrai geek fan de jeux-vidéos en ligne (comme mon compagnon). Thomas est amoureux d’Ester, voilà, ça lui est tombé dessus comme ça de façon aussi soudaine qu’imprévisible. Esther lui soumet donc une épreuve. Elle aussi éprouve des sentiments pour lui mais elle veut retrouver l’amour courtois et chevaleresque d’antan, elle veut se faire courtiser et demande donc à Thomas de passer un mois sans écran. Plus d’ordinateur, plus de portable, plus de télé. Le coup est dur pour notre apprenti hackeur, mais il tient trop à Esther et tente de relever un défi. Mais ce n’est pas simple alors qu’une affaire de vidéo de culotte (oui, oui) fait rage au lycée et qu’à la maison sa mère devient de plus en plus lointaine et énigmatique. Heureusement, Thomas peut compter sur sa petite sœur Pauline, une collégienne pleine de vie.

Vous voyez le topo, il y a tous les ingrédients réunis pour faire une histoire légère pour ado, et je ne dis pas ça en mal, au contraire, c’est exactement ce que je recherchais. Et oui, cette lecture est réellement divertissante. L’auteur (français ! Ça fait plaisir de ne pas lire une traduction dans ce domaine) a vraiment une plume agile tout aussi douée pour les dialogues que pour les questionnements intérieurs. La narration est rondement menée, on ne s’ennuie jamais : l’intrigue avance très bien, alors que les scènes qui se succèdent n’ont rien à voir entre elles, ce qui a pour effet d’empêcher la lassitude de s’installer. Un dosage parfait donc avec des personnages assez réalistes (même si plutôt manichéens, mais c’est assez normal de trouver cela dans un roman jeunesse).

mr-geek-600x356

Je tenais surtout à saluer la justesse de l’auteur concernant la gestion des émotions et l’évolution des personnages. Car dans ce roman on ne parle pas que de petites histoires d’ado mais aussi de secret, de problème de famille, du harcèlement en milieu scolaire, de l’amitié, du lien frère-sœur. Par moment c’est assez profond, juste assez pour donner du relief, de l’épaisseur à l’histoire et faire réfléchir le lecteur sans pour autant le déprimer. Au contraire, la balance entre « vrais sujets » et « péripéties légères » est vraiment idéale. Vous pouvez mettre ça entre les mains de vos ados sans aucun problème : c’est un livre très divertissant mais pas bête pour autant. On peut lui reprocher parfois quelques facilités dans l’histoire et dans la description des personnages, on se doute tous également de comment ça va se finir, mais il y a aussi de nombreux rebondissements et une identification immédiate aux deux héros. Dans l’ensemble une jolie réussite !

Luc Blanvillain, Un amour de geek, aux éditions Plon Jeunesse, 16€.

Price, de Steve Tesich

Ah, que j’aime ces romans américains qui traînent en longueur sous le soleil brûlant de l’été alors que derrière les portes des maisons se trament silencieusement le drame d’une vie. Vous voyez ce dont je veux parler ? Il n’y a pas à dire, dans le genre, les Américains, ils maîtrisent. C’est le cas notamment de Steve Tesich – que l’on connaît déjà pour son Karoo – qui nous offre avec son Price un roman langoureux et lancinant qui fait son petit effet.

08f50ed7bcb14fb9a77ac2d55e34f57f_820x820

Dans la ville d’East Chicago, Daniel Price, dix-huit ans, finit le lycée. Commence alors le dernier été avant le reste de sa vie, une période vient de se terminer. Il traîne encore avec Larry – impulsif et taiseux – et Billy – gentil et casanier –, ses amis du lycée, ses meilleurs amis. Mais cet été 1960 n’est pas comme les autres. Dans une ville industrielle qui vit de la raffinerie, il n’y a pas grand chose à faire, toutefois le destin va donner à Daniel de quoi réfléchir, de quoi être perdu aussi. Il fait la rencontre de Rachel, qui l’hypnotise avant même qu’il ne la voie. C’est immédiat, c’est intense. Mais la jeune fille est mystérieuse, elle passe du coq à l’âne, ne répond jamais aux questions, change d’attitude à chaque minute. Si bien que Daniel ne sait absolument plus quoi penser de leur relation. Comment doit-il agir ? Que doit-il lui dire pour qu’elle se laisse aller complètement et devienne sienne ? Il est comme obsédé par cette jeune fille, même dans les pires moments. Car pendant ce même été, son père va tomber très malade, le genre de maladie qui rend irritable et nous oblige à revivre son passé. Entre lui et sa mère superstitieuse, entre ses amis qui s’éloignent et la découverte de lui-même, l’été de Daniel Price va filer en un éclair.

537 pages de remise en question, de scènes imaginées, de dialogues muets, de tourments amoureux. Mais 537 pages de pur bonheur. Il faut se laisser aller avec ce genre de livre, rien ne sert de vouloir tourner les pages à toute vitesse. C’est un roman avec lequel il faut prendre le temps et ne pas se presser, c’est seulement ainsi qu’on peut vraiment le savourer. Et alors que le froid s’abat sur nous, la chaleur de cet été américain fait vraiment du bien, la langueur dans cette lecture nous fait presque croire que nous sommes en vacances. Ce livre nous détend et nous plonge complètement dans un autre univers.

city-street-cars-trees-summer-sunshine-people-hd-wallpaper-1680x1050

Ce qui est bien (paradoxalement) dans ce roman, c’est qu’on n’est pas obligé d’aimer le personnage principal. Cependant, sa vie nous intéresse et ça, c’est tout le génie de l’écriture de Steve Tesich. On apprend à connaître Daniel en même temps que ce dernier car cet été va être l’occasion pour lui de découvrir des facettes inédites de lui-même. On est happé par le destin de ce garçon et on veut savoir comment cela va évoluer et surtout comment lui va réagir. L’écriture est parfois très surprenante car d’un style assez commun, elle peut devenir d’un coup virulente, violente, charnelle, malsaine, enfantine. Les dialogues sont assez énigmatiques, je dois l’avouer, je les vois mal exister dans la réalité, mais dans la réalité de ce roman, ils ont tout à fait leur place et permettent de renforcer cette aura de mystère et de non-dit qui plane sur tout le livre.

Price, c’est tout une ambiance, et c’est difficilement descriptible car c’est avant tout une expérience à vivre, plus qu’une simple histoire à lire. Tout rentre en synergie pour faire de cette lecture un moment complètement à part du temps commun. Je ne peux donc que vous le conseiller !

Steve Tesich, Price, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jeanine Hérisson, dans une très très belle édition réalisée par Monsieur Toussaint Louverture qui a eu une sacrée bonne idée d’éditer ce roman de 1982.