Sur conseil d’une amie, j’ai fait l’acquisition d’un roman en poche, qui a obtenu cinq prix littéraires et a été traduit dans une vingtaine de langues. Il s’agit d’un livre d’Hélène Grémillon, Le Confident. J’ai mis un peu de temps avant de trouver la lecture agréable, c’est un peu difficile de s’y retrouver au début, mais rapidement ce roman plein de sensibilité a su me conquérir.
Camille essaie de faire le tri dans les lettres de condoléances qu’elle reçoit à la suite de la mort de sa mère. Mais parmi elles, il y en a une bien étrange : aucune signature, aucune adresse d’expéditeur. Cette lettre raconte l’histoire de son auteur, Louis. Au début, Camille croit à une erreur, mais le lendemain elle en reçoit une autre, puis les envois continuent. Elle se plonge alors dans ce récit sous forme de puzzle.
Il raconte l’amour de Louis pour Annie, un amour à sens unique, et leur rencontre après trois ans de séparation. La jeune fille lui raconte alors les évènements, graves, qui ont jonchés sa vie au début de la Seconde Guerre mondiale. Ce ne sera pas la seule voix que l’on entendra dans ces courriers, plusieurs se croiseront pour compléter cette histoire bouleversante de vies qui ont basculé. Je ne veux pas spoiler outre mesure, sachez juste que l’on parlera maternité et amour, et que Louis et Annie ne représentent que la face visible de l’iceberg. Cette histoire va beaucoup plus loin, creuse beaucoup plus profondément dans les racines qui fondent l’être humain, ses instincts et ses peurs. Elle est aussi placée sous le sceau du secret, un secret qui s’est tu pendant des dizaines d’années mais qui ne demande qu’à être découvert. Et Camille comprend petit à petit qu’elle en fait partie.
C’est un livre fort, puissant car il brasse des choses pas faciles à lire. Des destins qui ont été déviés. Certains actes commis par les personnages pourraient être considérés comme répréhensibles pour certains mais il n’y a pas de bons ou de méchants, tous ont commis un faux pas et se sont fait surprendre par l’amour, sous toutes ses formes, au cours de cette histoire. Du coup, je ne sais pas vraiment quoi en penser. Je suis bouleversée par ce récit parce qu’il touche des thèmes qui me sont chers et qu’il dévoile une vérité par couches successives, comme pour faire durer le suspens (ou le supplice, comme vous voulez). Toutefois, l’auteur arrive à immiscer dans son roman des touches d’espoir, de bonheur qui font du bien comparés à tout ce passé déballé.
Le roman se divise en plusieurs chapitres : parfois ce sont les lettres que l’on peut lire, d’autres fois c’est la vie de Camille qui nous est raconté. C’est vrai que ce n’est pas très aisé les premières pages de replacer qui est qui et fait quoi mais pour cela l’auteur et l’éditeur ont trouvé un moyen radical pour nous aider : selon qui fait le récit, la police (et quelques éléments graphiques) changent. Pratique pour s’y retrouver. Mais je ne sais pas vraiment s’il était si nécessaire de parler de Camille : on évoque certains éléments de sa vie (comme Nicolas, un amour dont elle hésite à se défaire) qui ne sont pas assez développés ou liés au récit des lettres pour être franchement utiles. Mais à la limite, ce n’est qu’un détail.
Quant à l’écriture, elle n’est pas forcément la plus originale que j’ai pu lire, elle ne sort pas des sentiers battus, mais elle est efficace et sans fioritures. La narration a été très travaillée mais je regrette qu’il n’y ait pas de plus grandes différences de styles entre chaque « voix ». On se repose trop sur les changements de police pour les reconnaître, mais au fond, elles utilisent les mêmes mots, les mêmes tournures de phrase. Cependant, l’écriture d’Hélène Grémillon arrive très bien à faire que le lecteur s’identifie au narrateur, dans ses peines et ses joies (surtout ses peines je dois dire). On n’a aucun problème à visualiser toutes les problématiques que de telles situations, vécues par les personnages, peuvent engendrer.
Je pense que mon jugement est encore plus que d’habitude subjectif, ce livre m’a profondément remuée et j’en ressors avec beaucoup de questions : serais-je capable de vivre et d’accepter les événements dont les narrateurs témoignent. Le contexte de la Seconde Guerre mondiale n’est pas le centre de l’œuvre, mais j’ai apprécié ce fond historique, que j’apprécie beaucoup dans la littérature, et qui est très bien traité ici. En nous interrogeant sur la notion de passé et de secret, l’auteure réussit à nous faire comprendre que nous non plus nous ne sommes pas loin parfois de voir nos vies entières bouleversées par une simple phrase, un simple geste que l’on mettrait trop de temps à regretter.
Hélène Grémillon, Le Confident, aux éditions Gallimard, coll. Folio (5374), 6€95.