Je peux très bien me passer de toi, de Marie Vareille

Je dois vous avouer que je ne comprends pas vraiment ce titre… Heureusement que je me suis laissée tenter avec la quatrième de couverture de ce petit roman très agréable. Aujourd’hui, on parle de Je peux très bien me passer de toi de Marie Vareille.

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Chloé est une vraie Parisienne, et elle est éperdument amoureuse de son ex Guillaume qui doit se marier bientôt… En attendant, elle enchaîne les histoires d’un soir. Son amie Constance, au contraire, vit dans le No Sex Land depuis bien trop longtemps et passe son temps à lire Jane Austen. Toutes deux vont conclure un pacte : Chloé va aller se perdre dans un petit village entre les vignes, avec interdiction d’approcher un homme et obligation de commencer à écrire ce roman dont elle rêve depuis longtemps. Constance à l’inverse doit essayer de draguer quelqu’un pour coucher avec le premier venu, et pour l’aider, un peu par hasard, elle va tenter les cours de séduction.

photo-vignobleCe duo improbable est en réalité un très belle amitié. J’ai beaucoup aimé leur relation, mais aussi les autres liens d’amitié présents de ce livre. Les personnages secondaires sont très attachants, bien que certains semblent plus là pour faire avancer l’histoire, pour servir d’outils et sont donc plus artificiels. Constance est une femme naïve et pleine de vie, on la découvre à travers les pages de son irréaliste journal intime, bien trop complet et précis pour être crédible. Elle m’a fait rire et c’est l’archétype même de la bonne copine : un peu plus de profondeur aurait sûrement été la bienvenue, j’ai trouvé ses aventures assez limitées. Il y a un petit côté la femme met des robes et des talons, elle boit du vin et doit draguer, sortir avec des mecs. Ça ne sera pas l’œuvre du siècle ce roman, c’est certain…

Mais je trouve que Chloé, bien que cliché et un peu nunuche par moment, redresse la barre. Même si elle se met dans des situations dignes d’un téléfilm français un dimanche de vacances, elle a plus de vie, elle fait des rencontres plus intéressantes. J’ai adoré le décor où elle a passé plusieurs mois : un petit village, de belles bâtisses un peu croulantes, des vignes de partout. Je viens d’une campagne qui y ressemble, donc ça m’a parlé.

C’est un petit roman qui n’est pas tout à fait une romance, mais dont les relations amoureuses sont le prétexte à tout. J’ai trouvé un peu dommage cette obligation d’en passer par là. On peut être célibataire et ne pas avoir que ça comme problème, ou ne pas considérer ça comme un problème. Mais les personnages restent attachants, l’histoire est mignonne même si un peu convenue. Le rythme est bon, le ton est assez drôle, les pages se tournent vite. L’intrigue n’est pas renversante mais rafraîchissante. Vous passerez avec ce roman un bon moment de lecture plaisir je pense.

Marie Vareille, Je peux très bien me passer de toi, aux éditions Charleston, 9€90.

D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan

J’ai presque du me refréner pour ne pas lire D’après une histoire vraie de Delphine de Vigan, directement après Rien ne s’oppose à la nuit, tellement j’ai aimé le style de l’auteure et ce qu’elle avait à nous raconter.

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Il me semble important de lire ces deux romans dans cet ordre, c’est ainsi qu’ils ont été écrits et publiés, et l’auteure-narratrice fait régulièrement référence au premier livre dans le deuxième. Car encore une fois, on flirte avec l’autobiographie, l’autofiction… on ne sait pas très bien où sont les limites, on s’y perd, on aime ça. Le personnage principale, c’est l’auteure elle-même et elle inclut de vrais éléments de sa vie dans ce roman – notamment son couple avec François Busnel, ses enfants, sa carrière d’écrivain. On ne sait pas où commence le faux, si tout est faux, si quelque chose est faux. Rajoutez à cela qu’on se méfie même d’une certaine folie sous-jacente qu’on a découverte chez la mère dans Rien ne s’oppose à la nuit… On ne sait plus quoi croire, surtout que la narratrice elle-même s’interroge : dois-je écrire du vrai ? Mais en réalité, à partir du moment où je le mets en mots, c’est d’une certaine façon de la fiction, c’est ma réalité, pas la réalité vraie ? Pour ma part, j’ai tout simplement décidé de tout prendre pour vrai, mais j’ai été vraiment désarçonnée par cette fin, j’ai perdu tous mes repères.

Je voudrais raconter comment L. est entrée dans ma vie, dans quelles circonstances, je voudrais décrire avec précision le contexte qui a permis à L. de pénétrer dans ma sphère privée et, avec patience, d’en prendre possession.

Delphine est fatiguée du succès inattendu de Rien ne s’oppose à la nuit, ce livre où elle parle de sa mère a touché beaucoup plus de monde que ce à quoi elle s’était attendu, et cette sorte de gloire a eu des retentissements dans sa propre famille. C’est dans ce contexte qu’elle rencontre L. qui très vite va s’imposer dans sa vie comme l’amie toujours présente, qui la connaît mieux que personne et qui est toujours là pour elle. Vraiment toujours. Petit à petit, Delphine va se rendre compte qu’elle n’arrive plus à écrire, vraiment plus du tout, même pas une liste de course. L. va alors prendre de plus en plus de place, l’aidant au quotidien. Mais au fil des mois, Delphine se sent de plus en plus mal à l’aise face à son amie.

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Encore aujourd’hui, il m’est difficile d’expliquer comment notre relation s’est développée si rapidement, et de quelle manière L. a pu, en l’espace de quelques mois, occuper une telle place dans ma vie. L. exerçait sur moi une véritable fascination. L. m’étonnait, m’amusait, m’intriguait. M’intimidait.

On le sait dès le début du livre, ce sera une relation toxique qui va nous être racontée. Et ce récit est à la fois hypnotisant et effrayant. Delphine se place en victime et à sa place, il faut avouer qu’on aurait sûrement agi pareil. Car ce genre d’amitié malsaine, qui prend toute la place, se glisse et se construit insidieusement dans une existence. On s’en rend compte trop tard. Par moment, et surtout dans le dernier quart, le roman prend des airs de thriller, on redoute un événement, quelque chose qui va tout faire bousculer, et les huis-clos entre L. et Delphine nous pousse à y croire. Je ne m’attendais pas du tout à ce dénouement, pour le coup l’auteure m’a surprise ! Et même si j’ai trouvé qu’elle se regardait écrire par moment, la langue et le style sont toujours impeccables, disséquant avec pudeur les émotions, voguant dans les souvenirs.

C’est un système qu’on connaît déjà : je témoigne de ce que j’ai vécu, sous la forme autobiographique, tout en m’interrogeant en même temps sur le rédaction de ce récit. Et je dois avouer : j’apprécie beaucoup cette façon d’écrire, qui immerge complètement le lecteur, l’invitant à tout prendre pour argent comptant, oubliant le mot « roman » sur la couverture. C’est troublant, passionnant, bref j’ai adoré ce livre.

Maintenant que j’expose ces faits, reconstitués dans un ordre à peu près conforme à celui dans lequel ils se sont déroulés, j’ai conscience qu’apparaît, comme à l’encre sympathique, une sorte de trame, dont les ajouts laissent entrevoir la progression lente et assurée de L., renforçant chaque jour son emprise. Et pour cause : j’écris cette histoire à la lumière de ce que cette relation est devenue et des dégâts qu’elle a provoqués. Je sais l’effroi dans lequel elle m’a plongée et la violence dans laquelle elle se termine.

Delphine de Vigan, D’après une histoire vraie, aux éditions JC Lattès, 20€.

Fangirl, de Rainbow Rowell

J’ai lu mon premier Rainbow Rowell ! Et c’était tellement bien ! Il faut dire que je commence avec du lourd, puisque pour cette première lecture j’ai choisi Fangirl et qu’est-ce que j’ai adoré…

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C’est tout de même un petit pavé qui n’en a pas l’air, avec 570 pages au compteur dans la version poche, il faut dire qu’il y a une histoire dans l’histoire. Je m’explique : notre héroïne s’appelle Cath. C’est une passionnée d’écriture qui passe sa vie à créer des fanfictions. Depuis toujours, surtout depuis que leur mère a fichu le camp, elle est complètement inséparable de sa sœur jumelle Wren. Il faut dire que cette dernière est plus enjouée et flamboyante que sa sœur, ça équilibre les choses. Mais alors qu’elles rentrent toutes deux à l’université, Wren apprend à Cath qu’elles devront faire chambre à part. Un grand défi pour Cath, un peu effrayée par le monde extérieur qui va devoir jongler entre son nouveau et exigeant cours d’écriture créative, sa colloc un peu bizarre et ce Lévi qui la colle tout le temps, et ses phobies sociales. Heureusement, elle peut se réfugier dans son univers préféré : celui de la saga Simon Snow. Et c’est là qu’intervient l’histoire dans l’histoire. Rainbow Rowell nous présente au fil des pages l’univers de cette saga à base de mages et de vampires. On découvre de nombreux passages des livres Simon Snow ainsi que des fanfictions écrites par Cath. Des extraits qui résonnent étrangement avec ce que vit notre héroïne.

J’ai découvert énormément de choses sur l’univers de fanfictions : je n’en lis aucune – ce n’est pas mon truc, tout simplement – même si plusieurs de mes amis lisent et rédigent plusieurs fics. Ça me fait voir d’un œil nouveau ce type d’écriture particulier que je n’avais jamais vraiment compris. C’est savamment dosé pour que l’intrigue ne repose pas dessus – sinon, j’aurais lâché l’affaire.

Fangirl est comme un roman d’apprentissage : comment devenir indépendante et grandir ? Cath est un personnage vraiment très attachant et on comprend ses angoisses : on les a toutes eues, à plus ou moins grande échelle. Quand tu ne connais personne, que tu es lâché dans la fosse aux lions, trouver le chemin du réfectoire peut représenter à lui seul une vraie épreuve. Heureusement pour notre héroïne, dans son malheur elle a de la chance et rencontrera d’autres personnes qui l’aideront, la feront grandir, prendront soin d’elle. Ces personnages secondaires sont très bien dessinés, c’est vraiment un des points forts de l’auteur : ils sont très différents les uns des autres, ils ont leur tics, leurs habitudes, leur passé, leurs points forts… Ils deviennent des amis pour nous aussi et non plus des êtres de papier. C’est vraiment un exploit que réalise ici l’auteur.

J’ai beaucoup apprécié le fait que Cath est un univers complet : on la suit pendant ses cours, sa vie quotidienne sur le campus, dans sa chambre en colocation, mais aussi dans sa maison, auprès de son père. Les décors sont très bien plantés, sans lourdeur. J’ai adoré les relations que Cath partage avec sa sœur jumelle et son père : leur évolution est vraiment bien écrite.

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Rainbow Rowell dans un style efficace mais qui prend tout de même son temps, nous embarque dans cette aventure. On passe par toutes les émotions en lisant ce roman. Évidemment, on le sait, on le comprend avec la couverture pastel que c’est une lecture feel-good, une lecture doudou. Mais ça fait du bien et surtout cela ne veut pas dire que ce n’est pas fait avec talent, au contraire !

Bref ce roman a été l’occasion d’une vraie rencontre et d’un vrai coup de cœur. A mon avis, il ne va pas falloir longtemps avant que je dévore un autre roman de l’auteur.

Rainbow Rowell, Fangirl, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cédric Degottex, aux éditions Castelmore, 6€90.

Le Livre des Baltimore, de Joël Dicker

Ah voilà, enfin je l’ai lu ! Le Livre des Baltimore de Joël Dicker. Il y a quatre ans, j’avais lu l’opus qui le précédait, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, et je mettais jurer de ne pas trop tarder à retrouver notre narrateur, l’écrivain Marcus Goldman. Mieux vaut tard que jamais.

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Il est tout à fait possible de lire ce roman à part, car l’histoire traitée ici est tout autre. Nous allons cette fois plonger dans le passé et la vie de notre narrateur, et parler du fameux Drame qui a détruit tout un pan de sa famille. Il y a bien longtemps, quand il était encore un ado ou un enfant, il y a avait en réalité deux familles Goldman. La sienne, les Goldman-de-Montclair, et celle de son oncle, les Goldman-de-Baltimore. Cette dernière était riche, possédait une grande maison ainsi qu’une résidence de vacances dans les Hamptons et Marcus adorait y passer ses vacances, avec ses cousins.

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Pour Marcus, l’écrivain à succès, c’est l’heure de repartir sur les traces de cette famille qui n’existe plus, de revenir en arrière pour comprendre ce qui s’est passé. Des allers-retours dans ses souvenirs, des souvenirs émus, incrédules, douloureux qui vont établir le portait de cette famille, en apparence si idyllique mais qui cachent pourtant ses failles et ses secrets. Et ce périple va petit à petit revenir sur le vernis écaillé des Goldman-de-l’Amérique-huppée, qui révèle encore ses parts d’ombre huit ans après le Drame.

Joël Dicker

Joël Dicker

J’ai été fascinée par la façon dont l’auteur a opéré la narration, voyageant d’une époque à l’autre, menant plusieurs intrigues parallèles mais liées entre elles en même temps. Coup de chapeau car cela est mené d’une main de maître ! Petit à petit, Joël Dicker met les choses en place et nous aussi nous sommes éblouis par les Goldman-de-Baltimore. Comme Marcus, nous revivons cette enfance faite d’amitiés fortes, de premiers émois amoureux, de petites hontes familiales. La tournure que prennent les choses dans la dernière partie du livre nous fait d’autant plus frémir.
Comme dans son précédent livre, Joël Dicker a écrit ici un pavé, enrichi de quelques poncifs intelligemment revisités. Et comme pour son précédent livre, j’ai dévoré ce roman. Car même si je lui ai trouvé quelques longueurs, l’écriture fluide et prenante de l’auteur, toute l’ingéniosité qu’il met dans la construction de ses personnages et le fil de l’intrigue m’a pris aux tripes. Je devais savoir ce qui était arrivé à ces personnages pour lesquels je m‘étais priss d’affection.

Une vraie plongée en Amérique, que j’ai adoré.

Joël Dicker, Le Livre des Baltimore, aux éditions de Fallois/Paris, 22€ (mais existe aussi en poche maintenant).

Miss Dumplin, de Julie Murphy

Haut les cœurs ! Premier roman lu depuis ma panne de lecture ! C’est une grande première et c’est super chouette ! Pour recommencer à lire des heures et des heures, j’ai choisi un roman young adult dont j’avais beaucoup entendu parler au moment de sa sortie : Miss Dumplin de Julie Murphy.

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Je savais déjà que j’allais lire l’histoire d’une adolescente, en surpoids, qui apprenait à prendre confiance en elle dans un bled des États-Unis. La quatrième de couverture m’a apprise qu’elle s’appelait Willowdean – Will pour les intimes –, qu’elle est amoureuse de Bo et qu’elle va s’inscrire à un concours de beauté. En lisant, j’ai appris que c’est la mère même de Willowdean, une ex-miss, qui organise ce célèbre concours, ce qui rend les choses plus ardues.

Mais sur le chemin de la confiance en soi, Willowdean va se poser de nombreuses questions : pourquoi une telle distance se creuse avec sa meilleure amie ? Pourquoi redoute-elle tant qu’un garçon pose ses mains sur ses courbes ?

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L’histoire est intéressante, sans compter que l’écriture – bien qu’un peu lente – fait tout à fait l’affaire. Les pages défilent vite grâce à la plume légère et fluide de l’auteure. Malheureusement je n’ai pas été emballée du tout. Déjà j’ai du attendre 160 pages avant que l’idée même de participer au concours de beauté surgissent dans l’histoire, alors que j’étais super impatiente. Au lieu de ça, le véritable cœur de l’histoire, c’est les sentiments pour Bo, ainsi que l’amitié avec Ellen. Bon, ce n’est pas inintéressant, mais on y passe vraiment beaucoup de temps : quant on m’a vanté ce roman, c’était pour cette ode à la liberté d’être qui on veut, qu’importe son poids. Finalement, il ne s’agit que d’un énième livre young adult qui parle de soucis typiquement adolescents. Ce n’est pas un mal en soi, bien sûr ! C’est juste que je ne m’y attendais pas du tout, et j’ai été déçue.

De plus, je n’ai pas vraiment aimé le personnage principal. Will n’est pas si attachante, elle se plaint beaucoup et est inconstante. Clairement, c’est une adolescente qui se cherche, et qui a besoin de prendre du recul. J’ai trouvé peu réaliste son amitié avec Ellen et cette relation m’a ennuyée. Bien sûr, c’est très personnel tout ça. Je pense plus simplement que ce roman ne me convenait pas. On me l’avait sur-vendu, ça m’a fait trouvé cette histoire très longue et un peu insipide. Même la fin et le concours en soi étaient décevants à mes yeux.

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Je suis très curieuse de voir l’avis de ceux qui ont découvert ce livre après tout le brouhaha de sa sortie : avez-vous été comme moi un peu déçu ? Ou au contraire cela a-t-il répondu à vos attentes ?

Julie Murphy, Miss Dumplin, aux éditions Michel Lafon, 15€95.

Au revoir là-haut, de Pierre Lemaître

9782253098935-001-tJe me suis lancée, sans que je ne le comprenne vraiment sur le moment, dans la lecture d’un gros pavé, un peu au mauvais moment. La rentrée m’avait laissé son lot de microbes et de fatigue intense. Heureusement, j’arrivais à garder un super rythme de lecture, pour mon plus grand bonheur. Toute guillerette, j’ai donc pioché dans ma book jar pour chercher ma prochaine lecture : ce sera Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre. Même si ce roman a obtenu un Prix Goncourt, je dois bien avouer que j’ignorais de quoi il parlait. J’avais entendu parler de lui, vaguement, et voyant une édition poche sublimissime, j’avais tout simplement craqué.

Nous sommes juste après la Première Guerre mondiale. Cette tuerie qui a emporté trop de soldats inexpérimentés, des petits jeunes, des pères de famille sans histoires qui pensaient ne s’engager que pour quelques mois. C’est ce qu’on leur avait dit, ce serait une victoire facile, rapide. A la place : des années de boucherie, de barbarie.

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Le retour à la vie normale, dans une France qui peine à se relever, est plus compliqué que prévu. On veut des coupables, on veut oublier, on veut commémorer… Un temps étrange où les survivants, les gueules cassées ne sont pas bien accueillis : témoignage d’une violence qui n’a pas sa place dans les rues de la capitale. Albert et Edouard font partie de ces rescapés revenus de la mort, de l’enfer. Exclus par la société, ils vivotent, à coup de mensonges et de tricheries. Pourtant Albert a des principes et Edouard du talent. C’est drôle comme la vie pousse ces deux amis, unis par la guerre, à mettre sur pied une arnaque époustouflante. En parallèle, d’autres personnages secondaires vont nous faire vibrer. Pradelle, un général qui ne pense qu’au pouvoir et qu’on finit par vite détester, s’essaie aussi à l’escroquerie, avec audace. Madeleine, la jeune épouse, la jeune sœur, qui comprend beaucoup de choses, nous émeut. Merlin, ce drôle d’être, taciturne et sale, fonctionnaire repoussant, nous fascine. Et bien d’autres…

On entre dans un univers souterrain de magouilles, de secrets à plus ou moins grandes échelles. Et tout le monde est touché. Pourtant, on essaie de faire le tri, entre ceux qui ont encore des valeurs et ceux qui nous répugnent. C’est l’heure de prendre soin des morts, de les chérir une dernière fois : tout le monde s’y essaie, pour faire le deuil, pour gagner de l’argent, par devoir. Chacun a sa façon.

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Les personnages principaux m’ont beaucoup plu. Je me suis accrochée à leurs histoires communes et individuelles. La Grande Guerre n’est pas du tout un événement historique que me passionne et les romans qui y situent leur action me désintéressent vite. Ici, on voit l’après : les hôpitaux, les petits boulots, les problèmes financiers, l’importance d’honorer les morts… C’est assez intriguant de voir cette facette de l’Histoire, surtout avec des personnages qui donnent tout le sel à ce roman. Il fallait de l’imagination et du talent pour arriver à nous faire accrocher à ce long pavé. Le rythme est doux, mais pourtant on ne s’ennuie pas. J’ai eu le bonheur de ne pas être frustrée : l’auteur s’arrêtait sur chaque point qui m’intéressait, il va au bout de ses idées. Son écriture est naturelle, sans fioritures. Parfois un peu longuette mais on s’y fait.

C’est un article un peu brouillon, j’en conviens. C’est sûrement du au fait que d’un côté, je suis très agréablement surprise par la force de personnage dont j’ai voulu suivre le destin jusqu’au bout, et de l’autre, j’ai finalement peu d’intérêt pour l’histoire, le cadre, l’époque. Et surtout : ce pavé m’a épuisée. C’était long. Les sous-intrigues sont passionnantes pour la plupart mais le constat est là : ça alourdit tout. Il y a ici plusieurs histoires en une, et c’est intéressant de les lire en parallèle, je comprends tout à fait ce choix ! Mais personnellement, j’ai failli atteindre l’overdose.

Bref, je vous conseille de lire ce roman tranquillement, quand vous avez le temps, la tranquillité d’esprit… Il a obtenu le prix Goncourt et je vois pourquoi : c’est un chef-d’œuvre. Mais pas forcément un chef-d’œuvre digeste.

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Pierre Lemaitre, Au revoir là-haut, aux éditions Le Livre de Poche, 11€50.

Le Château de ma mère, de Marcel Pagnol

mincouv72044493L’année dernière, j’avais découvert Marcel Pagnol, et j’avais alors décidé d’attendre l’été suivant pour continuer l’aventure avec Le Château de ma mère, encore un récit qui fleure bon les vacances dans les hautes herbes. On continue d’accompagner Marcel, nous contant son enfance – ce livre-là étant la suite directe de La Gloire de mon père.

gloire_de_mon_pere_chateau_de_ma_mere_2Plus que jamais, l’enfant a trouvé sa place dans la petite maison de vacances où la famille a ses habitudes. Les adultes chassent, Marcel les assistent, jusqu’au jour où il fait la connaissance de Lili, un garçonnet du coin spécialisé dans les pièges. Avec lui, une fidèle amitié se noue, qui va égayer les grandes vacances d’été. Et puis toutes les autres. Après nous avoir parlé de l’amour filiale, de la tendresse familiale, Marcel nous parle d’autres plaisirs et bonheurs d’un petit garçon : battre la campagne avec un copain, loin des adultes, faire des plans sur la comète sans penser aux lendemains, à l’école qui va reprendre. C’est d’ailleurs un déchirement pour Marcel de voir la rentrée prochaine arriver : il fera tout pour repousser la date fatidique mais difficile d’y échapper avec un père instituteur.

Mais une heureuse rencontre va donner à son père une clé, et quelle clé ! Celle-ci ouvre tous les portails le long du canal, abrégeant le grand voyage à pied pour rejoindre la maison de vacances. Ainsi la famille peut même venir les week-ends grâce à ce coup de main, un peu illégal, qui leur fait gagner beaucoup de temps. Mais cela veut aussi dire traverser des domaines privés, des châteaux abandonnés, des terres de paysans, propices aux rencontres… et aux frayeurs ! Gare au terrible gardien et son effrayant chienc475edeb9cbb6986fff2bc84516477b3 !

Cette famille est vraiment touchante et on en vient presque à envier Marcel pour avoir grandi dans un tel foyer. Dans sa rencontre avec Lili, on ne peut que se retrouver : les copains de vacances avec qui on découvrait un nouveau territoire, les amis de l’école primaire avec qui on passait les longs après-midi d’étés… ça rappelle des souvenirs ! L’amitié est quelque chose d’intemporelle qui continue de nous parler aujourd’hui, bien que le livre ait soixante ans. Comme dans La Gloire de mon père, j’ai eu beaucoup de joie à retrouver la langue simple et délicieuse de Marcel Pagnol qui nous entraîne avec énergie et sincérité dans ses aventures d’enfant. Il arrive à nous passionner pour ces choses qui comptaient plus que tout aux yeux d’un jeune garçon, même si cela peut sembler bête à l’adulte qu’on est aujourd’hui. C’est fou comme on peut se faire un monde pour des babioles ! Quelle imagination on a à cet âge ! J’ai tellement aimé retourné en enfance, retrouver la fraîcheur de la première amitié, l’amertume de voir les vacances se finir… Et bien sûr, la description de cette nature en perpétuel renouvellement, que nous avons le bonheur de découvrir cette fois-ci selon plusieurs saisons. Moi qui habite Toulouse, j’ai tellement reconnu cette description du canal… J’avais l’impression d’y être, dans ce petit chemin discret qui longe le cours d’eau, tout en côtoyant ces demeures tranquilles, impressionnantes… dans un petit goût d’aventure.

Canal de Provence, Gardanne, Bouches-du-Rhone (13), France

[…] Dans mon pays de Provence, la pinède et l’oliveraie ne jaunissent que pour mourir, et les premières pluies de septembre, qui lavent à neuf le vert des ramures, ressuscitent le mois d’avril. Sur les plateaux de la garrigue, le thym, le romarin, le cade et le kermès gardent leurs feuilles éternelles autour de l’aspic toujours bleu, et c’est en silence au fond des vallons, que l’automne furtif se glisse : il profite d’une pluie nocturne pour jaunir la petite vigne, ou quatre pêchers que l’on croit malades, et pour mieux cacher sa venue il fait rougir les naïves arbouses qui l’ont toujours pris pour le printemps. C’est ainsi que les jours des vacances, toujours semblables à eux-mêmes, ne faisaient pas avancer le temps, et l’été déjà mort n’avait pas une ride.

Je me rends compte que cette chronique n’est absolument pas construite, et très franchement, ce n’est pas grave, car je ne pourrais guère faire mieux. Le Château de ma mère, ça touche aux émotions, à ces tiraillements, ces joies qu’abritent nos cœurs. Je l’ai préféré à son prédécesseur car le sujet de l’amitié me parle tout simplement plus que celui de la chasse, mais l’écriture est toujours aussi bonne. Je suis donc ravie que, contrairement à son plan initial, Marcel Pagnol ne se soit pas arrêté là et ait continué à écrire sa vie. Très hâte à présent de lire Le Temps des secrets.

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Marcel Pagnol, Le Château de ma mère, aux éditions Fortuno, 5€70.

L’amie prodigieuse, d’Elena Ferrante

Eh les amis, c’est l’été ! Et personnellement, chaque été, je vais en Italie, un pays que j’affectionne particulièrement. En 2017, c’est par la littérature que j’ai décidé d’y faire escale, dans une ville encore jamais visitée pour ma part : Naples. Comme d’habitude, je lis après tout le monde mais c’est tout de même avec un réel plaisir que je partage avec vous mon avis sur L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante.

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C’est une lubie subite qui m’a poussée vers ce roman que je ne pensais pas me mettre à dévorer un jour. J’avais en tête mon dernier séjour à Venise et ses quartiers méconnus, qui semblaient d’une autre époque. C’est sûrement cela qui m’a attiré vers les quartiers pauvres de Naples à la fin des années cinquante. Elena va nous raconter son enfance, son adolescence. La sienne et celle de Lila. Cette meilleure amie, cette copine, cette petite fille pleine de vie et d’affront. Elles sont toutes les deux très différentes. Lila dit tout ce qu’elle pense et ne semble pas réagir comme tout le monde : elle n’hésite pas à se mettre à danger, sans même réaliser qu’elle prend des risques. Ou alors peut-être que si, elle sait que c’est risqué, mais tente quand même le coup, comme un pied de nez permanent au destin. Elena est une suiveuse, elle est fascinée par cette fillette maigrichonne qui ne connaît pas la peur. Pourtant leur relation a l’air étrange, parfois malsaine : Lila n’a de cesse de tirer sur la corde, mais Elena accepte, Elena prend un peu plus d’assurance, Elena observe.

Les deux petites filles grandissent et leurs chemins semblent se séparer : Elena va au collège, Lila rejoint la cordonnerie de son père et de son frère Rino et devient peu à peu obsédée par un rêve, créer ses propres chaussures. Mais finalement tout ramène Elena vers Lila. Leur lien ne se rompt jamais et c’est au cœur de leur quartier que cette relation va grandir, s’affiner au gré des aléas.

L’amie prodigieuse, voici un titre bien trouvée pour parler de ce personnage intrépide et hors norme : Lila. Nous aussi, petit à petit, on ressent de la fascination pour cette fille. A la place d’Elena, difficile de dire comment on aurait réagi. Elle est méchante, mais aventureuse : faut-il la détester ou la suivre ? Faut-il la retenir ou continuer de l’ignorer ?

20130531084238951_0001-copiaJ’ai adoré nos deux héroïnes et le lien qui les unissent, comme j’ai aimé les suivre dans leur vie respective. Je me reconnais parfois en Elena : parfois passive, très bonne élève, j’ai tout de suite aimé notre narratrice. Mais il n’y a pas que ces deux personnages qui nous marquent : il y a les frères Solara, véritables clichés italiens, il y a Enzo, il y a Antonio, et Nino, et Carmela, Alfonso, etc. Il est vrai qu’on se perd parfois parmi tous ces noms, mais un index en début d’ouvrage nous aide un peu à nous y retrouver. Celui-là est le fils du menuisier, celui-ci fille de l’épicier, etc.

Naples est en ébullition : pendant la plus grande partie du roman, on dépasse peu les frontières du quartier des deux jeunes filles mais cela nous suffit. Entre l’amant poète, la veuve folle, l’ogre des contes et bien d’autres, il y a largement de quoi s’occuper ! On est complètement immergé dans cette Italie de l’après-guerre où les priorités n’étaient absolument pas les mêmes qu’aujourd’hui. L’écriture de l’auteure se confond tout à fait avec celle de la narratrice, d’autant plus qu’elles portent le même prénom. On retrouve une sincérité touchante qui donne cet aspect de véritables souvenirs partagés à ce texte. On a l’impression que c’est une amie qui nous raconte son enfance : les feux d’artifice sur les balcons le jour de la fête nationale, les corrections à l’école, les premiers rouges à lèvres, les rêves d’enfant, les questionnements de l’adolescence…

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J’ai tellement aimé ce livre, je l’ai trouvé beau, juste. Pendant plus de 400 pages, j’étais complètement ailleurs, en plein Naples et je vous invite à faire le voyage vous aussi. J’ai dévoré ce roman en deux jours et je me retiens pour ne pas dévorer la suite immédiatement. Je sens qu’il faut que je laisse un peu grandir Elena et Lila dans mon cœur pour les retrouver un peu plus tard.

Elena Ferrante, L’amie prodigieuse, traduit de l’italien par Elsa Damien, aux éditions folio, 8€20.

J’aimerais revoir Callaghan, de Dominique Fabre

J’ai rencontré Dominique Fabre lors de deux semaines d’ateliers d’écriture dans le sud de la France où j’étais un peu stagiaire, un peu bénévole. Je n’avais rien lu de lui, mais déjà je m’étais fait une opinion sur ce monsieur : un gars incroyablement gentil, doux et souriant. Sincèrement, si tous les écrivains pouvaient avoir cette modestie et cette courtoisie, ce ne serait pas du luxe. Alors quand même, j’ai voulu rencontrer sa plume et j’ai commencé par son livre sans doute le plus connu : J’aimerais revoir Callaghan.

Jimmy Callaghan, c’est un anglais qui a passé son enfance et son adolescence en France, il fume des Benson, n’aime pas les fumer seul mais reste bien solitaire et mystérieux. C’est le genre de garçon aux cheveux blonds, qui a toujours la classe, et ce genre d’aura, obsédante et attirante. Un peu mauvais genre, mais pas le mauvais bougre. On veut tous être son copain, et le narrateur plus que tout. Il veut connaître la vie de Callaghan, recevoir ses confidences, et faire le mur avec lui.

Mais la vie a ses aléas, et Jimmy est le genre de garçon qui s’en va toujours, mais finit par revenir à un moment. Et ce moment, c’est vingt plus tard, quand la vie amoureuse du narrateur connaît un tournant. Callaghan a changé, bronzé et SDF, après un bout de temps en Australie. Les gestes sont naturels, comme s’ils ne s’étaient jamais quitté. Mais de l’eau a coulé sous les ponts, et même s’ils font revivre une amitié un peu ténue, dans leurs existences, rien n’est plus pareil. En partant, Jimmy laisse sa valise. Il faudra bien lui rapporter.

Très étrange cette intrigue, une relation qui unit deux garçons dès l’internat, qui se poursuit et se distance à travers les décennies. Ce n’est pas le cœur du livre puisque la vie du narrateur soulève des questionnements et remplit des dizaines de page, mais en même temps, sans Callaghan, ce livre n’aurait plus de substance. Sa présence permet de mettre en lumière des situations, des souvenirs, tout se dit en se réflétant dans le miroir de Jimmy. Un bien curieux personnage, qui trimbale son lot de passé dépressionnaire, mais avec une flegme extérieure. Un homme qui veut être dans l’ombre mais qui a une vie bien mouvementée, et fait une sacrée impression sur notre narrateur qui se rappellera de lui toujours.

C’est un petit livre assez court, avec une narration qui pourrait semblait ordinaire, mais qui pourrait seulement. Comme un mantra, des bribes de paroles d’écolier font resurgir le souvenir. Une écriture nostalgique, un peu descriptive mais juste ce qu’il faut, avec le ton grave d’une voix qui se raconte. C’est assez particulier, je ne sais pas encore si j’ai aimé, mais je peux déjà dire que j’ai trouvé cette expérience de lecture dépaysante et intrigante. Au moins, vous devriez essayer.

« Alors voilà. Nous étions tous ensemble, il y a longtemps de cela. Nous ne nous sommes jamais vraiment quittés. Nous ne sommes jamais partis pour toujours, même Jimmy. »

 Dominique Fabre, J’aimerais revoir Callaghan, Le Livre de Poche (32184), 6€10.

La solitude des nombres premiers, de Paolo Giordano

La littérature italienne ne déçoit jamais. En tout cas, ça ne m’est jamais arrivé. Classique ou contemporain, VO facile ou bonne traduction, un roman italien se savoure à coup de petites gorgées de thé. Aujourd’hui, je vais plus particulièrement parler d’un livre adapté en film (c’est d’ailleurs grâce à ça que je l’ai connu) : La solitude des nombres premiers de Paolo Giordano.

 

C’est l’histoire de deux êtres, que l’on suit au fil de leurs vies. Deux êtres cabossés qui vont se croiser, s’attraper : s’en suivra une relation en pointillés, de non-dit et de pudeur, quand bien même ils osent affronter leurs peurs et leurs souffrances mutuelles. Mattia est un jeune surdoué passionné par les mathématiques, qui porte sur ses épaules le poids d’une absence. Alice affronte une solitude parfois voulue et se regarde nue dans le miroir avec un œil trop critique. Ils vont grandir sans jamais rompre ce lien entre eux, même si les kilomètres les séparent, même si les situations les mettent mal à l’aise, même si parfois ils ne sont pas sur la même longueur d’onde. Une tendresse presque logique pour cet homme et cette femme faits pour se rencontrer et se trouver. Ils ne peuvent qu’être âmes sœurs, jumeaux. On ne parle pas d’amour ici, ça n’a rien à voir : juste une attraction nécessaire, une paire raisonnable de deux esprits créés pour se correspondre.

Ce fil si ténu qui rejoint Alice et Mattia court dans tout le livre. On saute de page en page en le voyant s’épaissir ou, inversement, s’amincir dangereusement. La vie de ces deux personnes n’a pas été la plus simple, chacun porte le poids d’une responsabilité, d’une culpabilité, d’un désir jamais assouvi, et d’un mal-être qui le ronge. Ce n’est pas un roman facile, et cela dès le début quand, à tour de rôle, les personnages, dans toutes leurs faiblesses, nous sont présentés. C’est un livre parfois dur car criant de réalité sur les vérités humaines, mais c’est une écriture très belle qui nous transporte dans d’autres consciences et dans leur quotidien. Parfois, on pourrait penser que c’est une description banal d’un jour comme un autre, mais on perçoit derrière une autre signification, des détails, des habitudes qui ne revêtent pas les mêmes choses pour une personne lambda et pour Matia et Alice. Au fil du livre, on les connaît bien ces personnages, on se prend d’affection pour eux, parfois on s’identifie à eux. On est d’accord ou pas avec leurs choix, on hoche la tête ou on les rabroue silencieusement.

Paolo Giordano a mis en place ici une écriture de la souffrance à la fois sourde et silencieuse, noyée dans les tâches journalières et les obligations sociétales, sociologiques. Cela permet de creuser la réflexion sur ces milliers d’êtres qui ont au creux d’eux une douleur mais n’en laissent paraître le moins possible. C’est également une douce histoire d’une relation improbable, qui aurait pu faire un cocktail dangereux, mais qui au contraire pousse les deux personnages vers l’avant, ensemble ou séparément. Ce n’est pas la renaissance, mais c’est un petit bout de chemin parcouru vers les choses dites et le regret évacué.

Une belle lecture, qui n’est pas pesante, longue ou pathétique, mais qui est à l’inverse aérienne et voluptueuse.

Paolo Giordano, La solitude des nombres premiers, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, aux éditions du Seuil, 21€.