Fahrenheit 451, de Ray Bradbury

Les pompiers ont pour métier de mettre feu à toutes les traces subversives du savoir. Les pages imprimées, reliées, ou livres sont interdits. Leur possession – et pire, leur lecture – est interdite, illégale, punie très sévèrement. C’est du moins le cas dans le monde de Montag.

Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Un chef d’œuvre, moderne avant l’heure, un peu orwellien sur les bords. Enfin je l’ai lu, et je n’ai pas été déçue par ce roman qui m’impressionnait au premier coup d’œil alors qu’il s’avère très accessible et pas si capilo-tracté que ça.

 

Montag est pompier, son rôle, c’est l’autodafé à la moindre alerte. La société consomme du plaisir mais refuse cette espace de réflexion qu’est la lecture. Un jour, Montag croise cette jeune fille un peu étrange. Une jeune fille qui pense par elle-même, qui imagine, crée une nouvelle société dans son esprit. Elle n’est pas abrutie par la télévision très particulière de ce monde qui s’étale sur les murs du salon. Petit à petit, Montag se met à penser par lui-même et à croire que les choses pourraient peut-être être différente, il lui semble qu’avant les pompiers éteignait les feux au lieu de les allumer. Mais le fait de simplement rêver d’un monde autre, qui accepterait cette liberté de réflexion, est dangereux, criminel. Notre héros ne peut qu’être un hors-la-loi, pourchassé par sa propre société.

Fahrenheit 451 est un livre court dont la lecture se fait en un clin d’œil tellement il est impossible de lâcher ce roman. Je dois avouer que j’ai eu un peu de mal les premières pages car le style est complètement différent de ce à quoi je m’attendais – presque poétique – et il m’a fallu quelques temps pour visualiser ce nouveau monde. Mais très vite, on se laisse aller dans l’écriture de Bradbury qui nous emporte et nous montre du doigt les rouages de la pensée de Montag, ce cheminement intérieur qui lui fera se rendre compte de l’importance de la littérature, du savoir, de l’imaginaire.

L’univers du roman est quand même beaucoup moins concentrationnaire que 1984, mais l’aveuglement collectif de cette société qui se laisse glisser dans la paresse et l’immobilisme est vraiment effrayant. C’est à la fois un hommage aux livres et à la liberté d’expression qu’ils véhiculent et un avertissement (d’avant-garde) pour nous qui commençons doucement à nous désengager de nos responsabilités, de nos « vrais vies » au profit de la télévision qui parasite nos salons, nos cuisines (pire : nos chambres!) et d’autres moyens qui mettent « en veille » nos capacités de réflexions.

L’écriture de Bradbury est très agréable et dépaysante. Elle est loin du style analytique, descriptif, ou médiocre que j’ai souvent croisé au rayon SF (là où est classé Fahrenheit 451). Difficile de trouver les mots pour la décrire. Dire qu’elle est « littéraire » serait trop floue, mais pourtant cet adjectif lui convient bien. Ce livre s’érige en porte parole d’une bibliothèque babylonesque s’écriant « Ne m’oubliez pas ». Un classique à lire et relire.

Ray Bradbury, Fahrenheit 451, traduction de l’américain par Jacques Chambon et Henri Robillot, Folio SF, 5€60.

Les Combustibles, d’Amélie Nothomb

« Non, je crois que le moment est venu de rire de ces belles paroles. Et de brûler Kleinbettingen. Je vais vous dire : L’Honneur de l’horreur a été écrit par quelqu’un qui n’avait pas faim, et mon article d’il y a huit ans sur L’Honneur de l’horreur a été écrit par quelqu’un qui n’avait pas froid. Alors au feu ! »

J’ai lu mon premier Nothomb. Voilà, il fallait bien ça arrive un jour. Pour l’occasion, j’ai jeté mon dévolu sur un livre qu’on m’a conseillé : Les Combustibles. Je n’ai toujours pas compris pourquoi c’était classé dans romans, alors qu’il s’agit plutôt d’une pièce de théâtre, mais bon.

Nous sommes en tant de guerre, c’est la famine et l’hiver. Dans le salon d’un appartement, trois personnes se réunissent autour d’un poêle : deux étudiants – un couple – et un professeur. Il ne reste plus de mobilier à brûler, seule la bibliothèque est encore sur pieds. Une autodafé pour se réchauffer ? Il n’y a plus beaucoup d’autres choix. L’Université détruite, il faut à présent prendre la responsabilité de réduire en cendres quelques parcelles – peut-être les dernières – de culture. Dur choix à faire. Alors que la jeune femme serait prête à tout pour une once de chaleur, les discussions et les disputes s’enchaînent sur la vraie valeur des écrits et des auteurs. Qui vaut d’être jeté dans les flammes ?

Je n’ai pas été convaincue du tout par ce livre qui veut brasser des choses assez profondes mais ne fait que les effleurer en prenant un ton faussement dramatique. C’est de la copie de théâtre, c’est assez pathétique. Il y a de grandes phrases, de grands sentiments, de grands tourments mais on sent une plume pas du tout persuadée de ce qu’elle écrit. On a voulu imiter la complexité tragique et par moment ça fonctionne… malheureusement c’est loin d’être le cas de la plus grande partie du livre.

C’était bien parti pourtant : le sujet m’intéressait. Mais au fond, il n’a pas été abordé. Cela s’est résumé en « moi, j’aime parce que c’est beau » et c’est tout, pas d’autres arguments. De plus, on tombe dans des topoï vieux comme le monde, notamment en ce qui concerne les relations amoureuses et l’université un peu soixante-huitarde. Toutefois, les personnages rattrapent le coup car même s’ils constituent l’essence de ce livre un peu décevant – puisqu’il ne s’agit que de dialogues – leurs caractères sont bien tracés et très intéressants. Ils s’opposent et s’attirent, les relations entre eux sont parfois très intrigantes et bien travaillées.

Je ne pourrais pas dire grand chose de plus de ce livre très court qui m’a semblé un peu bâclé alors que l’idée de départ était excellente. Mon avis est très mitigé et je ne sais vraiment pas si je vais recommencer l’expérience Amélie Nothomb. Avez-vous lu d’autres livres d’elle que vous pourriez me conseiller ?

Amélie Nothomb, Les Combustibles, aux éditions Le Livre de Poche (13946), 4€10.