Je suis assez contente de moi, j’ai lu mon premier roman coréen, et j’ai aimé ça. Vous le trouverez sûrement en ce moment sur les étalages de votre libraire préféré, facilement reconnaissable par sa couverture assez voyante : Bienvenue de Kim Yi-seol.
L’auteure est née en Corée du Sud en 1975, et en est à son deuxième roman, en plus des nombreuses nouvelles qu’elle a publié. Son roman nous raconte la vie de Yunyeong qui se bat pour essayer d’améliorer son quotidien et celui de sa famille. Et pour cela, le nerf de la guerre, c’est l’argent, dans un pays où il est terriblement facile d’être pauvre. Malheureusement, l’entourage de la jeune femme ne va pas l’aider. Elle a eu un enfant avec un jeune homme qui devait passer les concours de l’administration et trouver un bon poste mais il se trouve que c’est un incapable père au foyer qui laisse ses livres d’études dépérir sur le bureau. Alors Yunyeong doit se débrouiller entre un frère accro aux jeux d’argent, une sœur qui s’endette jusqu’à n’en plus pouvoir et une mère un peu trop présente.
Heureusement pour elle (croit-elle!), elle a réussi à trouver un emploi en bordure de Séoul, dans un restaurant mené d’une main de fer par son patron, le Jardin des Jujubiers. Spécialité : la soupe de poulet au jujubes et les choses pas très légales qui se trament dans les salons privés et les pavillons annexes. Au cours de ses journées de travail exténuantes où Yunyeong peine à gagner de quoi vivre, notre héroïne a vite compris que pour se faire plus d’argent dans une maison de passe clandestine, il fallait s’impliquer un peu plus qu’au service de tables.
C’est un personnage puissant que cette Yunyeong : à bout de bras, elle soutient sa famille, elle en est le pilier mais ne récolte pas les encouragements et les merci qui vont avec. Elle se tue à la tâche, avec obstination, acharnement même et tout ça pour un bébé qui ne la reconnaît pas, pour une sœur qui ne lui téléphone que pour quémander un peu de sous, pour un homme bon à rien et qui n’a jamais de bonnes excuses.
Elle se plie à faire des choses qu’elle pensait impensables mais qui finalement n’ont peut-être pas tant d’importance dans ce monde où tout chose à une valeur sonnante et trébuchante. On peut se demander où elle trouve cette énergie, voire cet espoir qui lui permet de ne pas céder à la violence, aux basses besognes, au mépris, à la dégradation, à la pauvreté. C’est un monde brutal pour une femme, mais elle n’a d’autres choix que de s’y engouffrer pour survivre.
Kim Yi-seol a créé une héroïne vraiment à part, et attachante malgré cette tournure presque purement asiatique, une mélange de distance et d’évidence qu’il faut apprendre à dompter pour l’apprécier pleinement. C’est une plongée en terre coréenne qu’on regrette pressque puisqu’elle nous force à voir la dureté des rapports entres hommes et femmes, la dureté d’une vie qui coûte si cher mais où le travail vaut si peu. Pendant tout le livre, un mot m’a trotté dans la tête sans que je puisse mettre le doigt dessus, maintenant je le devine : c’est « reconnaissance », pour un sacrifice humain, le sacrifice d’une vie, d’une santé, d’une famille, le sacrifice du calme et de l’honneur. On ne peut pas dire que Yunyeong court après la reconnaissance, non, elle ne demande rien à personne, mais on enrage au fil des pages de voir que rien ne change pour elle, que la situation ne s’améliore pratiquement pas, on est colère car elle ne gagne que trop peu de reconnaissance.
Bienvenue est bouleversant parce qu’il décrit une réalité difficile à admettre, mais il n’est pas larmoyant, il ne provoque pas de sentiment de pitié, peut-être seulement l’impression qu’une injustice est commise ici. L’auteure a une plume directe et sincère qui nous touche directement grâce à une traduction (qui semble) impeccable.
Pour mon premier roman coréen, c’est une bonne surprise, un livre que se lit facilement et qui ne laisse pas indifférent, écrit avec clarté et justesse. A lire !
Kim Yi-seol, Bienvenue, traduit du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel, aux éditions Philippe Picquier, 17€50.
C’est un grand moment pour moi puisque, avec cet article, j’arrive au palier symbolique des 100 billets postés. Pendant ces mois de lectures, vous avez été de plus en plus nombreux à venir faire un tour sur le blog, de mon côté, j’ai fait la connaissance d’autres univers de blogueurs littéraires, je me suis inscrite à de nombreux challenges, j’ai été un peu plus assidue sur le toile.
Merci beaucoup de lire les quelques lignes que je gribouille chaque semaine, c’est un plaisir de partager avec vous !