Le cœur entre les pages, de Shelly King

Un livre qui parle de rencontre, d’amour, de bouquiniste, de choix de vie, de lecteurs : que demander de plus ? Aujourd’hui, je vous parle du roman de Shelly King, Le coeur entre les pages.

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Maggie passe tout son temps au Dragonfly, une petite bouquinerie de quartier dirigé (un peu près) par Hugo. Elle a perdu son travail, son petit ami et a envie de passer son temps à lire des romances. Son meilleur ami Dizzy finit quand même par la motiver à participer à un prestigieux club de lecture, où elle pourrait faire des rencontres intéressantes professionnellement parlant. Pour ça, elle doit lire en une nuit L’amant de Lady Chatterley : elle récupère donc un vieil exemplaire au Dragonfly et finit par découvrir dans celui-ci, dans les marges, des messages. Henry et Catherine ont échangé une sorte de correspondance amoureuse et secrète dans les pages de ce roman.

J’ai beaucoup apprécié ce roman. La découverte des messages d’Henri et Catherine ne sont en réalité qu’un point de départ, contrairement à ce que je pensais – et c’est plutôt une bonne nouvelle. Bien sûr, on veut savoir qui sont ces personnes et si elles ont bien fini par se rencontrer, mais on prend aussi beaucoup de plaisir à suivre la vie de Maggie. Au départ amoureuse des livres, elle a fini par rejoindre la Silicon Valley avec Dizzy. Mais ses récentes aventures vont la pousser à reconsidérer son amour pour la lecture comme central. Sans s’en rendre compte, elle s’est attachée à cette librairie et veut la voir perdurer. Ce lieu sera aussi pour elle l’occasion de faire des rencontres étonnantes. J’ai d’ailleurs beaucoup aimé les personnages secondaires, tous très originaux. Comme dans toutes relations humaines, les liens peuvent se distendre, se tordre, se crée et voir que cela n’est pas statique m’a vraiment permis d’imaginer ces personnages comme des êtres de chair et non juste de papier.

Shelly King insuffle beaucoup de vie dans ses héros. J’ai par contre trouvé quelques situations en trop, j’étais un peu perdue avec des événements que je trouvais en décalage – autant la partie des jeux de rôle type Donjons & Dragons, ça allait, autant le délire de reconstitution historique était trop décalée et en dehors de l’intrigue principale (ceux qui ont lu comprendront). Je n’ai pas trop compris ce que ça faisait ici, on pouvait amener les choses différemment.

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La vision de l’amour et des relations amoureuses est multiple ici, on effleure plusieurs relations possibles. J’ai apprécié que ce soit si normal que ce ne soit pas si normal – je ne sais pas si je suis bien claire… Mais, évidemment, ce que j’ai préféré, c’est la relation aux livres et à la lecture : j’avais l’impression de voir, de sentir, de toucher ces romans, ces guides qui avaient déjà eu auparavant une autre vie. Shelly King pourrait pousser un peu plus les descriptions et mieux planter le décor, mais elle sait très bien instaurer cette ambiance si particulière des librairies, des petits quartiers. De plus, j’ai bien aimé de voir un autre côté de la Silicon Valley.

Les livres du Dragonfly ont circulé entre d’innombrables mains et passeront dans d’autres. Ils ont l’odeur du contact humain et de tous ses possibles. Alors que le jour avance et que la lumière persiste, le Dragonfly est envahi par ceux qui flânent délibérément à la recherche de ce dont, sans le savoir encore, ils ont besoin. Ceux et celles qui viennent au Dragonfly ne possèdent pas seulement les livres ; ils en ont besoin et en meurent d’envie, il leur est impossible de respirer sans eux. Ils viennent parce qu’ils sont amoureux de la librairie elle-même, avec toutes ses marchandises passées par d’autres mains et leurs histoires indicibles. Ils viennent parce qu’ils aiment s’interroger sur les personnes qui ont possédé tous ces livres avant eux. Ils viennent parce que ceux dont ils croisent le chemin sont comme les livres qu’ils trouvent, un peu abîmés sur les bords, attendant que la bonne personne les ouvre et les emporte.

Une bonne lecture qui restera un bon souvenir !

Shelly King, Le cœur entre les pages, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pascale Haas, aux éditions Préludes, 14€60.

Sang dessus dessous, de Claude Izner

Claude Izner est en fait le pseudonyme de deux sœurs qui écrivent à quatre mains : Liliane Korb et Laurence Lefèvre. On les connaît surtout pour les enquêtes de Victor Legris, un libraire de la rue des Saints-Pères. Mais pour moi, elles sont inconnues au bataillon. En général, quand il y a écrit « détective » sur la couverture (le nom de la collection par exemple), je fuis. Ce n’est vraiment pas mon truc les enquêtes policières à la Hercule Poirot.

Sang dessus dessous est la réédition de leur premier roman à deux, il préfigure en quelques sortes la série Victor Legris. Je me suis faite avoir par la couverture (même s’il y avait marqué « Grands détectives » dessus…), un vieux livre, quelques monuments de Paris, une silhouette pressée… Puis il faut dire que la quatrième de couverture était assez alléchante, avec des énigmes meurtrières, impliquant des livres….

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Milo Jassy (drôle de nom) est bouquiniste sur les quais de Seine. Sa vie se partage entre ses bouquins, sa voisine de commerce Henriette et son chien Lemuel. Mais un jour, il apprend qu’un de ses amis, libraire, a été retrouvé mort dans sa boutique. Nu, on l’a étouffé dans un sac plastique avant de le poignardé post-mortem. Le plus étrange, ce sont les deux Jules Verne d’une antique collection posés sur la tranche à ses pieds et lacérés. Les événements bizarres s’enchaînent, Milo Jassy comprend qu’il doit résoudre cette enquête car un danger inquiétant plane au-dessus de sa vie. Je ne vous en dirai pas plus pour garder le suspense.

Que dire ? J’ai été déçue. Certes, je n’aime pas les romans de détectives, mais ça n’a presque rien à voir ici tellement le livre est médiocre. C’est peut-être cru mais sincère. Le cadre est plutôt intéressant, mêler du Vingt Mille Lieues sous les mers et des assassinats, c’est plutôt original. Toutefois, l’écriture n’est pas claire. Au début, l’action met du temps à s’éclaircir, c’est beaucoup de noms, de lieux, des données qui nous perdent, sans compter que les multiples intervenants ont souvent des surnoms, ou sont la même personne, ou n’existent pas vraiment… Bref, un imbroglio de personnages tout au long de ce livre qui mène à une gigantesque pagaille.

Les péripéties s’enchaînent pour mener à une fin dont on se doutait avant de la lire. Le fil conducteur fait des boucles dans tous les sens, c’est loin d’être en ligne droite. Tout n’est qu’un enchaînement de petits événements dont on a du mal à comprendre la logique pendant une bonne partie de la lecture, et il y en a tellement avec des acteurs différents qu’on s’y perd très très facilement. On sait que l’effet « pièces de puzzle qui s’assemblent » est de tradition dans les romans d’enquête, et c’est même un de leurs plus grands attraits, mais ici on a l’impression de tomber dans un jeu de mikados éparpillés, la fin consistant juste à tous les ramasser pour les refourguer dans leur boîte. Bref, c’est raté.

Mais le pire, c’est qu’aucun des personnages n’est réellement crédible ou attachant. Ce sont des stéréotypes pour la plupart, avec peu de réalisme psychologique, et ceux qui révèlent un potentiel intéressant ne sont pas assez exploités. On reste en surface. Et même si Milo Jassy est le détective du livre, – il pose des questions, fais des recherches, et va même sur le terrain -, on a plus l’impression que les choses lui arrivent sans qu’il ne vienne rien demander, dans le sens où tous les indices lui parviennent sans trop d’effort… Pendant tout le livre, on n’a jamais vent de ce que fait le police, ce qui n’est pas très crédible vu les événements.

Bref, je vais m’arrêter, une vraie déception pour ce livre que j’ai failli acheter, heureusement je me suis rabattue sur l’emprunt en bibliothèque. On sent bien que c’est un premier roman policier pour les deux sœurs. Je ne connais pas leurs autres livres avec Victor Legris, j’imagine qu’elles se sont améliorées et qu’elles ont quitté l’ambiance brouillonne qui règne dans Sang dessus dessous.

Claude Izner, Sang dessus dessous, 10/18, « Grands Détectives » (4637), 7€50.