Belgravia, de Julian Fellowes

Il paraît que si vous aimez Downtown Abbey, vous aimerez Belgravia de Julian Fellowes – ce dernier étant le scénariste et l’auteur de ces deux œuvres. Je ne doute pas pas que ce soit vrai, mais n’ayant jamais regardé Downtown Abbey, j’aurais du mal à vous en dire plus. Mais si vous aimez les petites histoires de l’aristocratie anglaise, les secrets de famille, les intrigues de classes sociales et les ragots de serviteurs, je ne peux que vous recommander cette superbe lecture !

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En 1815, eut lieu à Bruxelles un bal qui marquera les esprits. Parmi eux, les Trenchard, une famille bourgeoise en pleine ascension sociale qui dérange un peu les aristocrates pur souche. Également présente, la famille Bellasis, dont le fils va bouleverser la vie de Sophia Trenchard. Quelques heures après cette réception, presque tous les jeunes hommes de cette assemblée périssent sur le champ de bataille à Waterloo. Près de vingt-cinq ans plus tard à Londres, les secrets ressurgissent et ramènent ces deux familles longtemps en arrière… Le monde change, s’industrialise, s’embourgeoise, et l’aristocratie n’est plus la seule à avoir des privilèges. Et pourtant, les questions de mariage, d’héritage, de filiation comptent tout autant. C’est dans ce nouvel environnement que les Trenchard et les Bellasis vont devoir évoluer, avec, pour leur tenir compagnie, leurs souvenirs du bal de 1815.

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Raaaaah, j’aimerais tellement vous en dire plus ! Mais cela vous spoilerez, alors je me retiens. Sachez juste que l’intrigue est passionnante. Il y a du suspens, des rebondissements… Beaucoup plus passionnants que des petits drames comme la duchesse a trompé son mari avec le comte de truc. L’histoire est servie par une narration impeccable et d’excellents dialogues qui donnent à ce petit pavé un rythme de croisière parfait. C’est sûr, ce n’est pas un thriller et tant mieux ! Car j’ai pris beaucoup de plaisir à explorer la sphère aristocrate anglaise, ses codes et ses personnages.

Les personnages ! Au début, je trouvais qu’il s’agissait ici du seul bémol du livre – et en effet, c’est le seul. Ils doivent être une dizaine, et tous sont importants. Le seul problème, c’est qu’on a vraiment tendance à se perdre dans tout cela. La preuve : pour éviter de vous laisser dans l’incompréhension, j’ai même triché dans le résumé sur un des noms pour que ce soit plus clair. Entre les noms de domaines et des noms de familles, les oncles et les fils, les domestiques… Dur de s’y retrouver par moment.

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Les personnages, c’est aussi et surtout la grande force de ce livre. Je m’attendais à trouver des choses assez caricaturales : alors oui, la fière maîtresse de maison, le mari qui dépense tout au jeu, etc., ils y sont ! Mais il n’y a pas qu’eux, et surtout tous les personnages principaux sont attachants à leur manière. Julian Fellowes donne beaucoup de profondeurs à ses héros, et même aux personnages secondaires. Je pense vraiment, qu’en plus de la clarté de son écriture, c’est vraiment ce qui fait le succès de son roman. Une vrai réussite ces personnages, qu’on ne veut plus lâcher : leurs aventures sont importantes à nos yeux, on a envie que ça se finisse bien pour eux ! On comprend leur colère, leur peur, on déteste leur orgueil, leur égoïsme, on admire leur roublardise, leur naïveté, leur talent. On vit avec eux !

A ma grande surprise, cette lecture m’a vraiment plu. A tel point, que j’ai encore envie de lire des romans dans cette veine-là (aristocratie anglaise, etc. Je suis preneuse de vos conseils lecture d’ailleurs!). Laissez-vous tenter également !

Julian Fellowes, Belgravia, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Valérie Rosier et Carole Delporte, aux éditions JC Lattès, 20€90.

La Couleur des sentiments, de Kathryn Stockett

J’ai toujours un train de retard sur le reste de la blogosphère. Alors que tout le monde avait lu L’Atelier des miracles par exemple, moi je commençais à peine me dire « Ah oui, ce serait peut-être bien que je le lise » pour le chroniquer deux mois plus tard. Idem pour Deux étrangers. Alors je n’allais pas changer mes petites habitude de retardataire pour La Couleur des sentiments, surtout que le film est sorti depuis plusieurs mois. Ce grand roman de Kathryn Stockett me permet de boucler le challenge Pavé de l’été (que je redoutais de ne pas réussir) grâce à ses 600 pages ! Mais je ne les ai même pas vu défiler tellement j’ai adoré !

L’histoire est composée de trois voix, elle se déroule dans l’État conservateur du Mississippi dans les années 1960 où la ségrégation n’est pas un concept mais une réalité. Aibileen est noire, elle travaille comme presque toutes les femmes noires de Jackson en tant que bonne, c’est une employée qui sait rester à sa place. Elle a joué la maman pour des dizaines d’enfants de blancs qui étaient plus des hommes et des femmes que des pères et des mères. Minny, elle, a le défaut d’avoir une « grande gueule » ce qui lui a valu quelques renvois. Elle dit ce qu’elle pense, elle peut paraître insolente, mais lorsqu’elle fait une Chose Épouvantable Abominable à sa patronne, Hilly qui dirige la Ligue, elle sait qu’il sera alors très difficile de retrouver du travail dans sa ville.

De l’autre côté de cette barrière raciale, il y a Skeeter Phelan, une blanche, qui a pour rêve d’écrire, de devenir journaliste. Mais quand elle revient de la fac, elle apprend que la bonne qui l’a élevée, qui l’a aimé, cette chère Constantine, n’est plus là, un mystère, un secret inavouable terni son départ. Skeeter se sent à l’étroit dans les règles qui séparent ces deux mondes, blancs et noirs. Et quand elle apprend que son amie Hilly veut tout faire pour obliger la construction de toilettes pour les domestiques noirs afin qu’ils n’utilisent pas ceux de leurs patrons, c’est la goutte d’eau.

Aibileen, Minny, Skeeter, trois femmes différentes mais qui sans s’en rendre compte vont changer les choses. Prudentes au début, hésitantes, elles vont se lier, pour coucher sur le papier le récit de la vie que mènent les bonnes noires au service des familles blanches. Des choses que l’on n’a jamais écrit, des choses que l’on n’a jamais lu. Dans un contexte où le Ku Klux Klan n’est pas qu’un mythe, ce peut être dangereux. Mais elles veulent aller jusqu’au bout.

La Couleur des sentiments, il faut absolument le lire un fois dans sa vie. On y croise une myriade de personnages avec leurs difficultés, leurs espoirs, leurs caractères, leurs questionnement. Ce n’est pas manichéen, il y a de mauvaises bonnes qui volent, qui mentent, et il y a des gentilles patronnes qui feraient tout pour aider leurs employés. Blancs et noirs, ça ne s’opposent pas nécessairement, leur histoire d’amour et de haine sont plus complexes que cela, et c’est magnifiquement illustré dans ce livre.

Bien sûr, ça entraîne une belle réflexion sur la ségrégation et le racisme, sans pour autant vouloir faire la morale. C’est un vrai voyage dans le temps et l’espace pour nous faire découvrir la vie dans cet Etat du Sud, alors que Martin Luther King commence à peine à faire parler de lui. J’ai redécouvert ce morceau de l’histoire, et c’était beau.

Bien que certains passages ne soient pas faciles, certains épisodes de la vie de ces bonnes ne sont pas très reluisants… Kathrynn Stockett a cependant réussi à introduire de l’humour, de la passion et de l’émotion dans cet univers de petite bourgeoisie blanche du Mississippi. Chacune de ces trois femmes a son temps de paroles et a sa voix propre, ainsi qu’une vie qui n’est pas faite que de journalisme ou de ménage : il y a aussi la famille, l’amour, l’amitié, la peur.

 

Ma chronique est un peu brouillonne et sûrement très incomplète. Encore en moi, c’est un fouillis de sentiments après la lecture de ce roman : je suis heureuse que les choses aient changé, que le racisme est reculé au profit de l’égalité, je me suis régalé, j’ai ri et j’ai pleuré en parcourant ces pages. Un des meilleurs de lectures de ma vie, vous pouvez en être sûr ! Je ne sais pas quoi rajouter, seulement : LISEZ-LE !

Kathryn Stockett, La Couleur des sentiments, traduit de l’américain par Pierre Girard, aux éditions Babel (1141) d’Actes Sud, 9€70