Nos étoiles contraires, de John Green

quiz_nos-toiles-contraires_7486J’avais envie d’un roman que je savais efficace. Un roman où j’allais pleurer en tournant les pages et rire aussi. Alors sans grande surprise, j’ai choisi Nos étoiles contraires de John Green. Je ne sais même pas pourquoi je le présente sur ce blog. Il n’y a rien à ajouter sur ce roman, tout a déjà été dit. Nous sommes toute une génération à rêver d’Augustus Waters, d’Amsterdam et j’en passe.

Mais bon, on ne sait jamais, peut-être certains d’entre vous étaient dans une grotte ces dernières années et n’ont pas entendu parler de cette histoire merveilleuse, que ce soit le livre ou son adaptation en film (qui est vraiment VRAIMENT réussie), alors je vais vous résumer tout cela.

Hazel a 17 ans, théoriquement elle est étudiante, mais c’est bien théorique tout cela. Un effet, elle a un ami inséparable, celui qu’on n’aime pas vraiment : le cancer. Il infeste ses poumons et l’oblige à traîner une bonbonne à oxygène partout. La vie est parfois fatigante pour Hazel mais quand elle se plonge dans Une impériale affliction, elle ne voit pas les heures passer. Cette œuvre l’obsède, et elle ne souhaite qu’une chose : savoir ce qui se passe pour les personnages de cette histoire après le roman. Mais ses priorités vont changer le jour où elle rencontre Augustus Waters. Lui aussi est cancéreux, en rémission. Mais le sale crabe lui a quand même pris une jambe au passage. Augustus a un sourire en coin, une cigarette jamais allumée au bec, et fait des allégories. Entre Augustus et Hazel, c’est plus que de l’amour, unis contre le cancer, c’est une histoire de survie. C’est presque une évidence. Ensemble, ils affronteront des épreuves, et vivront les meilleurs moments de leur vie.

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Ce n’est pas un livre triste sur la maladie, le courage qu’il faut pour la combattre, sur la mort. Ce n’est pas non plus un livre feel-good sur l’espoir, ou une petite romance pour adolescentes. C’est beaucoup plus que cela. Dans ce roman, vous vivez aux côtés d’Hazel et d’Augustus, vous vous attachez profondément à eux. Vous endurez les mêmes combats, les mêmes douleurs, vous savourez les mêmes sourires, les mêmes moments de bonheur. Les premiers émois de l’amour, jusqu’au coup de foudre presque avoué, tout cela vous ne faites pas que le lire, vous l’expérimentez vraiment. Les personnages deviennent vos amis et ce qui leur arrivent vous touchent mille fois plus que s’ils étaient restés de simples êtres de papier. John Green a ce génie-là, d’écrire de telle façon que le lecteur est directement présent entre les lignes, il ne fait pas que tourner les pages, il les vit.

Ce roman se dévore en quelques heures, vous ne pourrez plus le lâcher. Et quand vous le refermerez, en pleurs (si, si, croyez-moi), vous allez avoir du mal à penser à autre chose pendant quelques jours. On n’oublie jamais Hazel ou Augustus.

C’est bête. Ceux qui ne l’ont pas lu réduisent ce roman à un best-seller pour les ados et les jeunes adultes. Alors que c’est tellement, mais tellement plus que cela. Si vous n’avez toujours pas découvert Nos étoiles contraires, je ne peux que vous supplier : réparez vite cette erreur ! Ce livre est merveilleux, palpitant, sensationnel, pudique, drôle, émouvant, juste. LISEZ-LE.

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Je vous laisse avec les premières phrases de ce roman, des mots qui me font monter les larmes aux yeux rien qu’en les lisant ou en les entendant, tellement cette histoire résonne fort en moi :

L’année de mes dix-sept ans, vers la fin de l’hiver, ma mère a décrété que je faisais une dépression. Tout ça parce que je ne sortais quasiment jamais de la maison, que je traînais au lit à longueur de journée, que je relisais le même livre en boucle, que je sautais des repas et je passais le plus clair de mon immense temps libre à penser à la mort.

John Green, Nos étoiles contraires, traduction par Catherine Gilbert, chez Nathan, 16€90.

L’Obscure ennemie, d’Elisabetta Rasy

Ça faisait longtemps que j’avais envie de replonger dans la littérature italienne après la version bilingue d’une œuvre de Buzzatti : Le K. J’ai donc pris un peu au hasard dans les rayonnages de ma médiathèque et je suis tombée sur un livre d’Elisabetta Rasy, L’Obscure Ennemie.

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Cette obscure ennemie c’est la maladie, un cancer des poumons, qui emporte sa mère en février 2000. Sa fille découvre alors que celle qu’elle trouvait si vivante, si rayonnante, si forte peut se révéler vulnérable. La maladie s’est insinuée entre elles et a provoqué une cassure entre ces deux femmes : d’un côté la malade qui ne veut pas qu’on l’aide, qui tient à ses gentils médecins et que la douleur rend par moment méchante, de l’autre sa fille qui comprend le verdict de l’oncologue et fait tout pour prendre soin d’elle, au mieux.

Tout a commencé de façon si douce : un simple examen de routine, une radio des poumons pour surveiller les traces d’une vieille tuberculose qu’elle avait eu enfant. Elle le signale à Elisabetta au détour d’une conversation. Pour les deux femmes, c’est une chose encore sans importance. Mais quand la maladie est révélée, le monde se renverse. La mère, qu’on aurait pu croire éternelle, n’accepte de suivre les traitements que quand elle veut et de ne voir que les médecins qu’elle aime. La fille, elle, court après les avis de spécialistes reconnus, court de cliniques très réputés aux laboratoires privées, elle pose le pour et le contre de chaque décision pour contrer un mal qui n’est pas le sien. Cette différence d’attitude va créer un réel malaise entre la narratrice et Madame B., sa mère, un malaise qui va s’exprimer dans un silence gêné.

C’est toute une vie qui bascule : on doit apprendre un nouveau vocabulaire, arpenter des lieux à l’odeur de désinfectant qu’on préfère ne pas fréquenter en temps normal, et apprivoiser les nouveaux codes des relations humaines, entre pitié, inquiétude, souffrance et compassion. La colère a à peine le temps de surgir car très vite, cette mère que l’on n’a jamais vu vieillir nous apparaît à la lumière de ces quatre-vingts ans. Quatre-vingts de souvenirs, d’une vie de femme passée sous silence au profit des vestiges de sa vie de mère. Pour Madame B., cette maladie est l’occasion d’un voyage intérieur que sa fille tente de décrypter, faisant rejaillir des images des moments passés ensemble. Mais les mots ne semblent plus suffir à la narratrice : la douleur de la maladie va au-delà, c’est un sentiment complexe qui serre le cœur mais empêche les larmes de couler, un sentiment avec lequel il faut apprendre à vivre, un sentiment qu’il faut accepter.

Ce récit est autobiographique et rétrospectif : l’écriture permet souvent de mettre les choses à plat par le pouvoir des mots, qui jaillissent alors plus facilement de la plume, des mots que l’auteure a peut-être peiné à trouver sur le moment, auprès d’une mère aigrie par la souffrance physique.

Expérience personnelle, la maladie est traitée avec pragmatisme, les détails pratiques qui jalonnent cette expérience sont partagés avec nous, et de façon touchante. Toutefois l’auteure parvient tout à fait à doser cela et ne tombe à aucun moment dans le pathétique, la tristesse à l’excès. Le temps qui est passé entre les événements racontés et l’écriture de ce livre a sûrement permis à Elisabetta Rasy de dire les choses de façon posée, et d’arriver à analyser des éléments encore confus à l’époque. J’espère que cela lui a permis une meilleure compréhension du comportement de sa mère et du sien durant cet épisode douloureux.

Je ne peux pas vraiment comprendre quelle souffrance peut causer la maladie à l’entourage du malade, je n’ai encore jamais été confronté à ce cas de figure. Mais j’imagine très bien que la peur, la colère peut nous modifier profondément, et modifier notre rapport à l’autre. Ce n’est sûrement pas une situation facile à gérer : la narratrice, elle, a décidé de faire le maximum pour sa mère, même si celle-ci n’était pas forcément d’accord.

Alors que l’histoire contée est très intime, l’auteure arrive à faire la part des choses : son ton est posé, ses mots justes. Ce texte se lit très facilement au niveau de la langue (d’ailleurs, bravo pour la traduction !) : ce sont les émotions évoquées de façon puissante, qui nous embarquent, au point parfois d’en devenir difficile. Toutefois, ce n’est pas du tout une écriture tragique, ni à l’inverse une écriture de compte-rendu. Non, c’est vraiment une écriture autobiographique : une personne revient sur un moment particulièrement fort et à l’importance particulière pour lui. Elisabetta Rasy fait preuve d’un style clair mais aussi travaillé : tout ce qui est dit l’est pour une bonne raison, mais rien de ce qui pourrait nous faire comprendre au mieux le ressenti de cette mère et de cette fille n’est épargné.

Un livre à la fois fort et doux, beau et violent. Une écriture de la maladie, mais surtout de la vie, très juste que je vous conseille.

Cette radio constituait apparemment un examen de routine : le médecin affable que ma mère vénérait me connaissait et il m’aurait avisée s’il y avait eu quelque chose d’alarmant ; tout du moins, il aurait pressé ma mère, ce dont il s’était abstenu. Cependant je lus et relus le compte-rendu et appris par cœur l’expression : lésion dyscaryotique.

Par hasard, je rendis visite à une vieil ami médecin et psychanalyste dans l’après-midi et, tandis que nous parlions de tout et de rien, je lui racontai les problèmes de ma mère sur le ton affectueusement et ironiquement paternaliste qu’on emploie pour évoquer les petits vieux de la famille et leurs ennuis, et je mentionnai la radio en lui répétant les mots du compte-rendu. La conversation s’arrêta d’un coup, comme une voiture qui fait une embardée et s’écrase contre un mur. Tu ne sais pas ce que cela veut dire ? m’interrompit-il. Puis il me l’expliqua.

Elisabetta Rasy, L’Obscure Ennemie, traduction de Nathalie Bauer, aux éditions du Seuil, 17€20.