Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos

Cela faisait un petit moment que je voulais découvrir ce roman, donc lors d’un craquage complet en librairie, il a naturellement fait partie de mes achats : je vous parle aujourd’hui du livre de David Foenkinos, Le mystère Henri Pick.

Le-mystere-Henri-Pick

Il existe à Crozon en Bretagne une bibliothèque qui accueille les manuscrits refusés par tous les éditeurs. Une jeune éditrice et son amoureux d’écrivain y découvre par le plus grand des hasards un véritable chef-d’œuvre de la littérature. Mais l’auteur, un certain Henri Pick, se révèle être un pizzaiolo du coin, décédé deux ans auparavant… Partons à la découverte de ce mystérieux bonhomme, et suivons les conséquences étonnantes de ce roman mis au jour.

Au fur et à mesure de l’intrigue, on s’écarte des deux personnages principaux de départ pour s’intéresser un peu plus en profondeur à la femme et à la fille de Pick, mais aussi à la bibliothécaire de Crozon, à l’ancien éditorialiste déchu qui voit là une opportunité de revenir sur le devant de la scène, à l’employée d’un magasin de lingerie… Tous ces personnages se croisent, se connaissent et l’auteur nous permet d’entrer dans leur intimité, de comprendre leurs actes, leurs paroles, leurs enjeux personnels dans cette histoire. Surtout, cela nous permet de voir tous les ricochets que ce manuscrit découvert va provoquer dans leurs vies, parfois complètement bouleversées. Il est beaucoup question ici d’amour, de relations de couple, de mariage, de rencontre, de remise en question. J’ai aimé cette façon d’aborder l’intrigue, de nous la livrer. Plus que le mystère Pick lui-même, ce sont ses répercussions qui vont nous intriguer.

bande-annonce-mystere-henri-pick-remi-bezanco-L-YETghp

C’est un court livre, servi par la plume fraîche et pleine d’humanité de Foenkinos. L’auteur s’attarde peu sur les lieux et préfère consacrer sa narration aux dialogues, ou à nous faire découvrir un peu plus toutes les facettes de ses héros. Le mystère de l’origine de ce roman m’a finalement peu intéressée alors que j’avais acheté ce roman pour ça à la base ! J’ai aimé la fin choisie par l’auteur, je ne m’y attendais pas vraiment.

L’écrivain en profite pour multiplier les références au monde de l’édition française et à ses auteurs. Un vrai petit bonheur pour les grands lecteurs passionnés comme moi. Beaucoup d’humour et de vivacité dans ces pages que l’on tourne sans réfléchir. Un roman divertissant et rondement mené, même si j’aurais aimé une ligne directrice plus droite et plus visible.

David Foenkinos, Le mystère Henri Pick, aux éditions folio, 7€90.

Le Livre à l’heure du numérique, de Françoise Benhamou

9782021140606Quand on est un grand lecteur, on aime les livres qui parlent de livres. Dans toutes les littératures disponibles, il y en a bien une qui m’intrigue même si je ne me sens absolument pas concernée : la lecture numérique, qu’importe sa forme. Alors oui, je vais voir des infos sur Wikipédia, je suis de temps en temps l’actualité sur les sites de grands journaux… Mais jamais vous ne me verrez lire un roman sur une liseuse, ma présence sur des sites tels que Babelio ou Wattpad doivent se compter à moins de 2 heures en une année. Ce n’est pas pour autant que je ne suis pas un brin inquiète de voir ma bibliothèque papier, mon libraire et ma médiathécaire jetés aux orties avec l’arrivée d’internet et de la technologie. C’est pour ça que je me suis laissée tentée par le livre encore assez récent (2014) et, je trouve, d’actualité de Françoise Benhamou : Le Livre à l’heure du numérique.

C’est un ouvrage qui va aborder les changements profonds qui ont eu lieu dans la culture avec la révolution numérique. Petit détour par la musique et le cinéma pour avoir des points de comparaison avant de s’attaquer au vif du sujet. J’ai trouvé ce livre vraiment très très complet et ça a été une très bonne surprise car j’ai découvert des choses intéressantes. Les journaux, les revues scientifiques, l’avenir des librairies, le livre numérique, le prêt en bibliothèque, les encyclopédies en ligne et les dictionnaires, la publication, l’auto-édition, l’impression à la demande, la numérisation des ouvrages… Ce n’est pas un essai très long mais il répondra à toutes vos questions, sources à l’appui. Avec des chiffres, avec des faits, avec des observations et une plume très accessible. Cet ouvrage est fait pour être lu par tous, même les non-initiés : la langue est simple, sans fioritures, les chapitres sont courts et efficaces. J’ai beaucoup aimé en apprendre plus sur cette problématique et, sans aucun doute, cette lecture était vraiment captivante.

livre2bnumerique

Merveille du numérique. L’accès à tout, tout de suite. L’immédiat, l’exhaustif. Des catalogues et des fonds d’une richesse inégalée. La mise à jour permanente. La démocratisation de l’accès. L’écriture de tous et l’écriture pour tous.

L’auteure pose des questions vraiment perspicaces, sans fermer aucune voie mais en nous montrant vers quoi tendent les mouvements actuels. Elle interroge sur l’avenir de la presse en ligne et ses moyens de financement, sur le rôle du blog et des clubs de lecture en ligne, sur le matériel propriétaire et les DRM, etc. J’aurais aimé parfois plus de précisions sur certains sujets – les e-books m’intriguent beaucoup – mais ça a été une très bonne voie d’entrée dans la question. Ce que j’ai surtout apprécié dans ce livre, c’est le fait qu’en n’omettant (apparemment) aucun secteur, il met en avant des domaines qui m’étaient peu connus et qui sont pourtant bouleversés par le numérique. Pas besoin d’être connaisseur : Françoise Benhamou prend le temps de nous expliquer sans pour autant nous ennuyer.

C’était une agréable lecture, une découverte très enrichissante. Si la question du Livre à l’heure du numérique vous intéresse, je vous invite vraiment à feuilleter cet essai.

Françoise Benhamou, Le Livre à l’heure du numérique, aux éditions du Seuil, 17€.

La Revanche de Kevin, de Iegor Gran

revanche-siteEn ce moment, je suis prise dans une frénésie de lecture, avec un rythme de presque un roman par jour. Sauf le week-end, bizarrement. Bref, j’ai donc plein de chroniques dans ma hotte, alors autant commencer dès maintenant à vous parler de mes dernières lectures. Je reviens à peine du Salon du Livre, alors quoi de mieux que de partager avec vous un roman dont l’histoire commence dans ce même salon.

Je l’avais croisé sur la blogo, et ça faisait déjà quelques mois qu’il traînait dans ma whishlist : La Revanche de Kevin de Iegor Gran. Avec un titre pareil, vous pensez bien, ça m’a rendue curieuse. Kevin travaille pour la Radio (avec une majuscule). Il est commercial. Dans un milieu où tout le monde parle, se pavane, écrit, il sait bien que son prénom fait tâche. Il a en effet conscience qu’on ne dit plus de Kevin que c’est un prénom breton, mais plutôt que c’est un prénom de pochtron intellectuellement limité. Alors, il veut se venger, de tout ces gens qui se crispent ou ont des regards en coin dès qu’il se présente.

Il a manigancé la chose et la pratique depuis assez longtemps pour être devenu un expert. Il endosse une fausse identité, et piège un auteur. Le dernier exemple en date a eu lieu au Salon du Livre de Paris : il s’est fait passé pour un lecteur d’une grande maison d’édition et a réussi à faire tomber dans le panneau un écrivain. François-René Pradel pensait en effet avoir envoyé son dernier manuscrit à Alexandre Janus-Smith. Ce dernier lui avait promis l’édition de son livre. Mais quelle déconvenue quand il apprend finalement que celui-ci n’a jamais existé !

salon_du_livre_paris_une

Voilà, c’est ça, la revanche de Kevin. Un jeu pas si innocent que ça qui lui permet de se sentir un peu plus fort que les autres. Mais jouer avec les sentiments d’autrui, vous vous en doutez, ça n’attire pas que des bonnes choses, loin de là. Le mensonge gangrène son couple, le rend arrogant, pompeux, hypocrite. Jusqu’au jour où. Je ne vais pas vous en dire plus, à vous de découvrir la suite.

Cette lecture m’a vraiment surprise. Ce n’est pas un coup de cœur, mais disons une agréable découverte. J’ai été promenée d’un bout à l’autre, obligée de suivre Kevin. Un héros que je n’ai pas forcément aimé. Et non pas à cause de son prénom, mais plutôt à cause de ce que ce prénom a fait de lui : il est imbu de lui-même, n’a aucune empathie, et ne pense qu’à lui. Alors oui, il est cultivé. Mais il s’intéresse à la culture non pas pour elle-même, mais juste dans un but d’ascension sociale, ou plutôt de revanche sociale. Mais même si on ne s’attache pas à lui, parce qu’on ne l’aime pas, on veut savoir ce qu’il va advenir de lui. En effet, les événements s’enchaînent, empirent.

On pourrait penser au premier abord que ce roman montre les travers du monde de l’édition et c’est vrai qu’il y en a beaucoup. Mais plus que cela, il montre du doigt ceux qui dénigrent ce monde sans savoir, sans penser une seule fois que là aussi il s’agit d’êtres humains avec des ambitions, des émotions. Il n’y a pas une tension folle dans ce livre, toutefois ce roman nous tient en haleine, au détour d’une phrase, notre cœur rate un battement. Car Iegor Gran a ce génie dans l’écriture de rendre tout cela naturel. On ne se croit pas dans une fiction, mais dans la vraie vie. Devant un fait divers tout juste romancé. Les personnages sont très réalistes, même s’ils nous font parfois grincer des dents. Les pages se tournent vite, grâce à une intrigue bien ficelée et à une narration qui fait avancer l’action à un rythme régulier. Quant à la fin… On sent à ce moment-là que ce livre arrive à être bouleversant. Il y a dans ces phrases un peu d’humour grinçant, mais j’avoue mettre sentie assez souvent mal à l’aise, sûrement l’effet recherché par l’auteur d’ailleurs.

La Revanche de Kevin est un roman que je vous invite à lire, en gardant votre curiosité et votre bienveillance. Si vous ne vous braquez pas contre certains des personnages, je suis sûre que vous apprécierez cette lecture.

3275765-que-faire-au-salon-du-livre

Iegor Gran, La Revanche de Kevin, édition P.O.L., 15€.

Maudit best-seller, de Cyril Gramenk

Je reviens vous parler d’un livre qui parle d’écriture et d’édition, un roman hors du commun, drôle, incisif, surprenant et très prenant : Maudit best-seller de Marc Kryngiel.

Le héros s’appelle Cyril Gramenk (joli jeu de lettres ;p ). C’est un écrivain qui a publié plusieurs ouvrages mais qui n’a jamais connu la gloire ni le chiffre de ventes qui va avec. Pour se débarrasser d’un contrat d’exclusivité et suivre son éditeur parti fonder sa propre maison, il décide de donner à son nouveau éditeur – plus amoureux du succès commercial que de littérature – un manuscrit assez mauvais et impubliable, envoyé par un admirateur. Et là, malheur, il est finalement édité, à sa grande surprise. Pire encore, ce roman est même un vrai best-seller ! Interview, dédicaces, rencontres… il signe de son nom un livre qu’il n’a pas écrit. L’histoire pourrait s’arrêter là, mais les ennuis ne font que commencer ! Entre menaces énigmatiques par courrier, le retour de sa maîtresse et d’un fils dont il ignorait l’existence et la polémique autour d’une scène de ce livre qui porte son nom, rien ne s’arrange et Cyril va de problème en problème.

La narration est la première personne et il faut avouer que notre romancier n’a pas sa langue dans sa poche, concernant les femmes, ses déboires, les journalistes, son éditeur… Il est franc, direct, autant dire qu’on le lit sans se forcer. L’action va vite, tout en étant claire, l’écriture est fluide et ne s’embarrasse pas des conventions du genre. L’intrigue n’en finit pas de rebondir, mais il faut dire que les décisions de notre héros sont parfois… prises par la force des choses ou sous le coup de l’émotion. A plusieurs reprises, j’ai eu envie de lui taper sur la tête en criant de ne pas faire ça, mais cause perdue, il n’écoute personne et garde tout pour lui. Et malgré les aléas de la vie qui n’est vraiment pas cool avec Cyril, on l’aime notre écrivain, on se prend d’affection pour lui, et surtout on se régale à lire ses mésaventures.

Car c’est surtout ça qu’il faut retenir de ce livre : même s’il vient avec de gros sabots, que le style n’est pas discret, que la langue n’est pas tirée à quatre épingles, eh bien on passe quand même un excellent moment. On grince des dents, on croise les doigts et à chaque page on réprime un sourire face aux péripéties extravagantes et à l’écriture vive. Ce livre n’est pas parfait, mais il est rafraîchissant et jubilatoire. Il arrive même à nous tenir en haleine et on tourne les pages à une vitesse ahurissante.

Lire ce Maudit best-seller m’a vraiment fait du bien entre deux romans plus sérieux, à l’écriture plus ciselée ou poétique. Un peu de simplicité et de littérature abracadabrantesque, ça fait drôlement du bien. On lit chaque mauvais tour du destin en trépignant, et on en redemande !

Cyril Gramenk, ah non, pardon, Marc Kryngiel, Maudit best-seller, aux éditions du Seuil, 16€.

L’Encre et le Sang, de Franck Thilliez et Laurent Scalese

Désolée pour le délais entre la parution de chaque billet, je suis plutôt occupée en ce moment et je délaisse mon blog. Vous vous souvenez que je vous avais parlé d’une création d’entreprise pour proposer de l’animation littéraire en région toulousaine ? Eh bien, ça y est : démarches enfin terminée, Anim’ Litt’ commence son activité tout doucement. N’hésitez pas à faire un tour sur le site 😉

Au fil des mois, je délaisse de plus en plus ma bibliothèque personnelle à cause de mes nombreuses infidélités : en effet, je la trompe avec la médiathèque où je travaille. Si bien que les livres non lus s’empilent chez moi – puisque j’ai toujours la fièvre acheteuse, cette maladie est sans remède.

Alors je me suis dit il y a deux semaines qu’il fallait me reprendre, je ne pouvais pas abandonner ces dizaines de romans à leur sort. Donc pour me faire pardonner, je me suis adonnée à une lecture express, j’ai choisi le plus petit livre, presque une nouvelle, qui est aussi le plus abîmé (il a voulu savoir s’il pouvait nager mais en fait non ; sécher a été une épreuve pire que la presque-noyade). Il s’agit de L’Encre et le Sang de Franck Thilliez et Laurent Scalese. Admirez plutôt cette couverture :

Ce petit roman écrit à quatre mains est un mélange de thriller, de polar et de fantastique. Les auteurs se sont donnés toute liberté en l’écrivant. L’histoire est celle d’un écrivain, William, qui s’est fait avoir en beauté par la femme qu’il aimait : elle lui a volé son dernier roman pour le refiler à son amant, qui a affirmé la paternité de ce best-seller. William se retrouve sans rien, et claque ses dernières économies dans un billet d’avion vers Hong-Kong, où le nouveau couple se trouve. Il erre, quand au détour d’un vieux garage, il la voit. La machine. Il découvre ses pouvoirs : il suffit de taper et ce qui est écrit se réalise vraiment. Ce sera l’instrument de sa vengeance, plus rien ne lui semble impossible. Sa colère va se déferler sur tous ceux qui l’ont insulté, humilié, menti.

L’Encre et le Sang aurait pu faire un très bon titre pour un livre sur le tatouage des prisonniers, mais finalement il sert à représenter une histoire complètement loufoque et assez horrible sur la puissance et la folie qu’entraîne cette dernière. J’ai été assez déçue par ce roman. Il comporte en seulement 115 pages beaucoup de défauts que je ne supporte pas.

Tout d’abord les personnages beaucoup trop stéréotypés, entre l’écrivain beau-gosse mais qui n’a rien écrit, le romancier déchu et fou de rage, la blondasse éditrice avide d’argent et de réussite, etc. Peut-être est-ce un parti pris ? Dans ce cas, j’ai beaucoup de mal à en comprendre l’intérêt.

Il y a aussi une volonté cinématographique dans ce livre. En cela, rien de mal, le problème c’est que cela s’inspire de gros blockbusters bien américains, et sans profondeur. Je me suis très vite lassée de ce répertoire de sang, de meurtres, et autres choses impossibles mais réalisables grâce à une machine diabolique.

Derrière ces apparences, on peut quand même souligner que la descente aux enfers du héros est assez bien réalisée, même si elle aurait pu être plus soignée, plus graduelle. A la fin du livre, il y a un retournement de situation annoncé par-ci par-là auparavant : une intrigue qui est vraiment intéressante, quel dommage que cela soit si peu exploité.

Je vais m’arrêter là, car il y a peu de choses à rajouter pour un si petit roman, et sincèrement, j’ai du mal à être objective. Écrire à quatre mains ne doit pas être évident. J’imagine que les idées devaient fuser entre les deux auteurs, qu’ils ont du prendre du plaisir à écrire et à offrir à la lecture cette histoire, mais cela ne doit rien enlever à l’application et aux soins mis dans la narration, la gestion de l’intrigue, la profondeur psychologique des personnages. Cela m’a laissé un arrière-goût de bâclé. Dommage, donc.

Franck Thilliez et Laurent Scalese, L’Encre et le Sang, aux éditions Pocket (14546), 2€90.