La Fille du train, de Paula Hawkins

la-fille-du-trainLa fille du train de Paula Hawkins, c’est l’histoire de Rachel, un peu trop portée sur la bouteille. Chaque matin, elle se rend à Londres en train depuis la banlieue où elle habite : elle en profite alors pour scruter le jardin et la maison de ce couple parfait qu’elle a surnommé Jess et Jason. Et c’est un hasard si cette demeure se situe à deux pas de celle de son ex-compagnon, qui vit avec sa jolie petite famille, cet ex qui l’a quittée pour sa maîtresse, qui l’a trahie, abandonnée. Alors au lieu de revivre tout ça, Rachel préfère imaginer la vie de Jess et Jason, jusqu’au jour où Jess la trahit aussi en embrassant un autre homme dans son jardin. Quelques jours après, Rachel découvre la photo de cette femme : elle a disparue.

C’était une lecture sympathique, mais malheureusement elle a pâti de sa réputation. On voyait ce livre partout, j’ai donc sûrement mis la barre trop haute.

J’avoue tout de même, qu’après tout, c’est une bonne histoire, avec des personnages forts – surtout les femmes – et un entremêlement de vie qui donne le tournis, qui nous perd, et c’est bien joué. On ne sait jamais qui est le coupable, l’auteure nous mène par le bout du nez en insérant tellement de fausses pistes… J’ai adoré ce décor de la banlieue de Londres, je m’y suis crue. Le point de vue depuis le train, le prendre comme point de départ est également très intéressant : ce petit côté voyeur, sans-gêne de Rachel m’a happée dans le début de ce livre et j’ai tourné les pages avec plaisir pour suivre l’héroïne dans son enquête officieuse, plus menée par la soif d’en savoir plus sur la vie privée des gens, que par réel intérêt pour la vie de la disparue.

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Malheureusement, cette intrigue manque de peps, on la sentait bricolée. Elle manque de réalisme et surtout d’enjeu. Pour nous, on voit ça avec beaucoup de distance, un regard extérieur avant tout car les personnages ne sont pas attachants. On peut être alcoolique et pitoyable et en même temps être un personnage que le lecteur veut suivre. Ici, ce n’est pas le cas. Aucune des trois femmes présentes dans ce livre, à qui l’auteur donne à tour de rôle la parole, n’est sympathique aux yeux du lecteur. On s’en fiche un peu. Ainsi, l’histoire perdune grande partie de son intérêt et de son suspens car, au-delà du dénouement assez prévisible, on s’en fiche de suivre ces personnages, de connaître leur sort à la fin du livre. Je m’exprime sûrement très mal mais j’espère tout de même que vous voyez là où je veux en venir : il manque un ingrédient essentiel dans ce roman, dans ces personnages qui ne touchent pas assez le lecteur. On a peu d’empathie pour eux, ils ont leurs vies propres et on ne s’identifie donc pas du tout à ces héros. Paula Hawkins a tout de même le mérite d’avoir un bon sens du rythme, une écriture précise et des personnages bien construits. Cela ne fait pas pour autant de La Fille du train un bon page-turner, mais c’est un thriller correct.

Paula Hawkins, La Fille du train, aux éditions pocket, traduit de l’anglais par Corinne Daniellot, 7€90.

L’envers de l’espoir, de Mechtild Borrmann

On oublie trop souvent à quel point Tchernobyl a bouleversé la vie de milliers de gens en Ukraine. Au-delà des maladies, cette nuit-là et le jour qui a suivi… c’était le début de la fin pour beaucoup de familles. Abreuvées par de fausses informations du gouvernement mais aussi par des rumeurs effrayantes, elles ont été obligées de partir de chez elles, de tout quitter. Elles on littéralement tout perdu. On a rasé les villages, on a tué les animaux, on a coupé les arbres, on a bétonné la poussière, on a tout enterré. Bref, aujourd’hui je vais vous parler de L’envers de l’espoir de Mechtild Borrmann.

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Nous sommes en 2010. Valentina vit, seule, dans la zone d’exclusion. Elle écrit pour sa fille (qui a disparu depuis quelques mois) ses souvenirs. Son enfance, son désir d’aller à Pripiat, son mariage, et la fameuse catastrophe… Ce récit m’a particulièrement touché et intéressé, c’est très bien raconté. En parallèle, on suit Tania, une jeune fille perdue qui est recueillie un matin glacial par Lessmann en Allemagne. D’où vient cette demoiselle ? Pourquoi est-elle en danger ? Lessmann ignore encore que sa vie a lui aussi va prendre un drôle de tournant. Tournant peut-être lié à cette enquête que mène Leonid : de nombreuses femmes ont disparu pour l’Allemagne, après y avoir obtenu une bourse d’études…

J’ai surtout adoré la partie de l’histoire lié à Valentina, cette femme usée par la vie et les pertes. J’ai vu la catastrophe de Tchernobyl d’un autre œil, j’ai appris beaucoup de choses. Les autres personnages m’ont moins touchée : il faut dire que l’auteure met une certaine distance, c’est étrange. Il y a tout ces noms, toutes ces infos, tous ces personnages secondaires qui ne font que passer. Les événements s’enchaînent, l’histoire est intrigante mais le lecteur reste en dehors de tout ça. Je me suis souvent emmêlé les pinceaux entre tous les personnages et j’ai beaucoup moins été passionnée par le côté policier du roman.

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A vrai dire, je ne sais pas vraiment quoi en penser : cette lecture était agréable et l’auteure a une vraie maîtrise de son histoire, la narration est impeccable. Mais je n’ai pas compris l’intérêt un peu artificiel, qui fait rajouté au montage, de ces deux histoires parallèles : Tchernobyl, et l’enquête sur la disparition d’étudiantes. Au fond, ça aurait pu faire deux romans distincts qui fonctionneraient très bien, auraient une unité. Car ici, même si je trouve le lien entre ces deux lignes rouges très bien fait, je n’ai pas réussi à me couler dans cette histoire. Heureusement, même si le style est un peu froid, l’écriture est impeccable… Je crois que le temps d’un roman court comme celui-ci, je peux apprécier.

Je serais très curieuse d’avoir votre avis sur cette auteure ou ce roman. Aujourd’hui encore, plusieurs jours après la fin de cette lecture, j’ignore si j’ai adoré ou juste subi cette lecture.

Mechtild Borrmann, L’envers de l’espoir, traduit de l’allemand par Sylvie Roussel, aux éditions Livre de Poche, 7€70.

L’Adversaire, d’Emmanuel Carrère

Au début de l’année 1993, un drame : Jean-Claude Romand tue sa femme, ses deux enfants, ses parents, tente d’assassiner sa maîtresse et enfin essaie de se suicider – sans succès. On découvre par la suite qu’il a menti à tout le monde, s’inventant une vie de médecin, chercheur à l’OMS en Suisse. Alors qu’il a arrêté de passer ses examens de médecine en deuxième année. Il dupe, ment, triche et escroque son entourage en prenant en charge leurs « placements d’argent » en Suisse, argent qu’il garde pour lui, histoire de remplacer son salaire imaginaire. Mais que fait-il pendant ses longues journées à faire semblant d’être au travail ? Comment en est-il arrivé là ? Comment voit-il tout cela au moment de son procès ? Dans L’Adversaire, après un long processus, une visite, des lettres, après son jugement, Emmanuel Carrère revient sur ces événements et sur l’homme qui en est la cause.

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C’est la mode, encore plus qu’avant, de s’inspirer de la page faits divers des journaux, d’y puiser plus ou moins largement, romançant très peu ou beaucoup, allant plus vers de la fiction ou de l’enquête… Et qu’est-ce que j’adore ça ! Vraiment, je pourrais dévorer à longueur de journée ce genre de récit retraçant des faits sordides ayant réellement eu lieu. Sûrement un côté voyeur, une envie de comprendre. Je pense que c’était là la démarche d’Emmanuel Carrère, une sorte de fascination : pourquoi mentir, encore et encore, toutes ces années ? Il devait savoir et revenir dessus. Il a mis à distance, volontairement ou non, les corps, les meurtres, l’innommable. Ce qui intéresse l’auteur dans ce livre, c’est avant tout l’homme, ses années de mensonge. J’ai aimé le suivre dans cette vision des choses, même si je trouve parfois très limite cette façon d’envisager Jean-Claude Romand, presque comme une victime de sa propre histoire, un héros dans le sens où il est au cœur du livre, dans le sens où c’est lui le moteur des événements.

Je me demandais ce qu’il ressentait dans sa voiture. De la jouissance ? Une jubilation ricanante à l’idée de tromper si magistralement son monde ? J’étais certain que non. De l’angoisse ? Est-ce qu’il imaginait comment tout cela se terminerait, de quelle façon éclaterait la vérité et ce qui se passerait ensuite ? Est-ce qu’il pleurait, le front contre le volant ? Ou bien est-ce qu’il ne ressentait rien du tout ? Est-ce que, seul, il devenait une machine à conduire, à marcher, à lire, sans vraiment penser ni sentir, un docteur Romand résiduel et anesthésié ? Un mensonge, normalement, sert à recouvrir une vérité, quelque chose de honteux peut-être mais de réel. Le sien ne recouvrait rien. Sous le faux docteur Romand il n’y avait pas de vrai Jean-Claude Romand.

Le style est direct, même s’il m’est arrivé de trouver certains termes, certaines tournures de phrases un peu alambiqués. Cela manque un peu de naturel, mais je comprends que dans ce genre de récit, mettre dans la distance, ça passe aussi dans le choix des mots. On avance vite dans l’histoire, le livre est court. J’ai aimé voir les lettres échangées entre Emmanuel Carrère et Jean-Claude Romand, étrangement j’ai apprécié leur relation. Le temps passé sur le procès, qui retrace entre autres la vie et les errements du tueur est passionnant. Je n’ai pas pu lâcher ce livre qui montre un vrai talent de chroniqueur et de conteur. Toute une vie d’imposture où, après tout, Jean-Claude Romand était très seul avec ses mensonges. Pour peu, on en viendrait presque à l’excuser. Mais personnellement, il m’a été impossible de me détacher de ce sentiment de pitié que ces pages m’inspiraient.

Si les faits divers vous intriguent, je ne peux que vous conseiller cet excellent livre !

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Emmanuel Carrère, L’Adversaire, aux éditions P.O.L, 18€.

L’enfant du lac, de Kate Morton

J’ai enfin lu ce roman dont tout le monde me parlait et qui moi-même me faisait très envie ! Il s’agit de L’enfant du lac de Kate Morton.

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Résumé de l’éditeur (car honnêtement, je ne peux pas faire mieux) :

1933. Comment Theo Edevane, adorable poupon de onze mois, a-t-il pu disparaître durant la nuit de la Saint-Jean ? Les enquêteurs remuent ciel et terre, mais l’enfant demeure introuvable. Pour les parents comme pour les filles Edevane, la vie ne sera plus jamais la même après ce drame. La maison du lac, la propriété tant aimée, est fermée et laissée à l’abandon.
Soixante-dix ans plus tard, Sadie Sparrow, jeune détective londonienne en vacances dans les Cornouailles, curieuse et momentanément désœuvrée, s’intéresse à cette mystérieuse disparition. Elle reprend l’enquête, au grand dam de l’une des sœurs aînées de Theo, Alice, devenue écrivain à succès.

Je découvre Kate Morton et je ne suis pas vraiment sûre de retenter l’expérience si ces autres romans sont à l’image de celui-là. Attention, je trouve ce livre pourtant remarquablement bien construits avec une fresque de personnages intéressants. L’intrigue est magnifiquement gérée, nous mettant régulièrement sur des fausses pistes, nous laissant nous-mêmes nous faire nos propres idées. Les décors et les paysages sont plutôt bien décrits et on ressent à la fois l’ambiance féerique du manoir et de son domaine, mais aussi les tensions des deux guerres mondiales qui traversent ce récit.

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Mais, mine de rien, c’est un gros pavé de 600 pages et parfois le rythme s’essouffle. Au bout d’un moment, ça n’a qu’assez duré de tourner en rond dans les souvenirs et les confidences des uns et des autres, on veut être fixé, un point c’est tout. J’ai de plus trouvé certaines situations soit un peu cliché (les grossesses… pour ne pas en dire trop), soit trop faciles (les tunnels!). Au fond, ce roman, à mes yeux, aurait du privilégier un bon élagage de deux cents pages pour ne garder que le meilleur. Mais je peux comprendre que certains aiment ce genre d’histoire où on se perd dans les générations, les lieux, les souvenirs, les pages. Ce côté labyrinthique a son petit charme mais je m’en suis vite lassée personnellement. Concernant les retours en arrière, il n’y a que ça. Tout est imbriqué, on voyage constamment dans les époques. Kate Morton réussit pourtant à ne pas nous perdre, un vrai coup de maître. Malheureusement, là aussi, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. J’ai au moins découvert avec ce roman que je préférais les récits plus linéaires. La résolution de l’affaire était bien trop… évidente, même si peu réaliste. Dommage.

Je vais donc conclure de la sorte : je vous conseille ce roman, car il est très bien orchestré, très bien écrit, avec des personnages attachants. L’écriture, notamment des dialogues et monologues, est très soignée. Mais pour ma part, ça ne l’a pas vraiment fait : trop long, trop sinueux. A vous de voir à présent !

Kate Morton, L’enfant du lac, traduit de l’anglais (Australie) par Anne-Sylvie Homassel, aux Presses de la Cité, 22€50.

Le mystère Henri Pick, de David Foenkinos

Cela faisait un petit moment que je voulais découvrir ce roman, donc lors d’un craquage complet en librairie, il a naturellement fait partie de mes achats : je vous parle aujourd’hui du livre de David Foenkinos, Le mystère Henri Pick.

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Il existe à Crozon en Bretagne une bibliothèque qui accueille les manuscrits refusés par tous les éditeurs. Une jeune éditrice et son amoureux d’écrivain y découvre par le plus grand des hasards un véritable chef-d’œuvre de la littérature. Mais l’auteur, un certain Henri Pick, se révèle être un pizzaiolo du coin, décédé deux ans auparavant… Partons à la découverte de ce mystérieux bonhomme, et suivons les conséquences étonnantes de ce roman mis au jour.

Au fur et à mesure de l’intrigue, on s’écarte des deux personnages principaux de départ pour s’intéresser un peu plus en profondeur à la femme et à la fille de Pick, mais aussi à la bibliothécaire de Crozon, à l’ancien éditorialiste déchu qui voit là une opportunité de revenir sur le devant de la scène, à l’employée d’un magasin de lingerie… Tous ces personnages se croisent, se connaissent et l’auteur nous permet d’entrer dans leur intimité, de comprendre leurs actes, leurs paroles, leurs enjeux personnels dans cette histoire. Surtout, cela nous permet de voir tous les ricochets que ce manuscrit découvert va provoquer dans leurs vies, parfois complètement bouleversées. Il est beaucoup question ici d’amour, de relations de couple, de mariage, de rencontre, de remise en question. J’ai aimé cette façon d’aborder l’intrigue, de nous la livrer. Plus que le mystère Pick lui-même, ce sont ses répercussions qui vont nous intriguer.

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C’est un court livre, servi par la plume fraîche et pleine d’humanité de Foenkinos. L’auteur s’attarde peu sur les lieux et préfère consacrer sa narration aux dialogues, ou à nous faire découvrir un peu plus toutes les facettes de ses héros. Le mystère de l’origine de ce roman m’a finalement peu intéressée alors que j’avais acheté ce roman pour ça à la base ! J’ai aimé la fin choisie par l’auteur, je ne m’y attendais pas vraiment.

L’écrivain en profite pour multiplier les références au monde de l’édition française et à ses auteurs. Un vrai petit bonheur pour les grands lecteurs passionnés comme moi. Beaucoup d’humour et de vivacité dans ces pages que l’on tourne sans réfléchir. Un roman divertissant et rondement mené, même si j’aurais aimé une ligne directrice plus droite et plus visible.

David Foenkinos, Le mystère Henri Pick, aux éditions folio, 7€90.

Le Manuel du Serial Killer, par Frédéric Mars

Après une petite absence, je profite des vacances pour retrouver un peu de motivation. Il faut dire qu’on était pas loin de la panne d’écriture ! Et quelques jours avant le NaNoWriMo, on est d’accord, c’est pas le mieux. Heureusement, en me levant ce matin, je me disais que j’aimerais bien écrire un article ou deux, autant en profiter donc !

51n7yqmtxnl-_sx195_Aujourd’hui, je vais vous parler d’un genre de thriller français, écrit par Frédéric Mars : Le Manuel du Serial Killer. La quatrième de couverture m’avait donné envie mais l’histoire est vraiment surprenante. Thomas Harris est étudiant à Harvard. Orphelin, il a eu droit à une bourse – le grand chanceux donc. Il aime la littérature, surtout policière. Et par le plus grand des hasards, alors qu’il touche à l’écriture journalistique, il suit une enquête effroyable qui tente d’élucider les morts de plusieurs enfants – des empoisonnements apparemment. Les jours passent, Thomas se retrouve stagiaire dans une maison d’édition où il effectue un premier tri des manuscrits. Il tombe alors sur le Manuel du Serial Killer, un mode d’emploi glaçant sur la façon de commettre des meurtres… des meurtres qui ressemblent beaucoup à ceux qui ont pris la vie des enfants empoisonnés ! Thomas s’empresse de le mettre à la poubelle. Mais quelques semaines plus tard, il voit le livre en tête des ventes, disponibles dans toutes les librairies. Et le nom de l’auteur, il le connaît bien, car c’est lui !

Bon… Vous le trouvez brouillon mon résumé ? Attendez de voir le livre ! Il y a beaucoup de rebondissements assez farfelus, auxquels je n’ai pas du tout accroché, qui manquent de réalisme. On dirait que tout est fait pour aller dans la direction de l’auteur. Le lecteur est prisonnier de cette narration rigide, dirigiste, qui ne laisse pas de place à l’imagination, à la surprise. Il y a bien sûr du suspens, mais il a trop souvent été déçu par des explications alambiquées. Je sais que les romans, c’est de la fiction, qu’on prend de la distance avec la réalité, mais cela ne veut pas dire qu’il faut s’éloigner aussi du réalisme et de la cohérence ! L’histoire manque de liant, de naturel, d’élan. Elle semble très artificielle. L’introduction (les meurtres, Thomas Harris qui devient l’auteur du Manuel), est franchement tirée par les cheveux, on se demande où l’auteur veut en venir. La fin et les révélations finales… Bon pourquoi pas, mais ça en rajoute des tartines. On prend tous les poncifs des thrillers à base de serial killers (hormis le flic tourmenté), on mélange fort et voilà ce que ça donne.

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L’idée centrale n’est pourtant pas mauvaise : la descente aux enfers et la surmédiatisation de notre héros, désigné comme le meurtrier d’enfants suite à la parution de son livre. On se demande qui est derrière tout ça, combien de morts il y aura encore, quel sort est réservé à Thomas. On commence même à s’attacher à lui. Le récit est égrainé d’entretiens psychologiques : il faut dire que des événements violents ont entachés l’enfance de Thomas. Et là, j’ai tout de suite senti qu’il y aurait anguille sous roche, que l’auteur nous la faisait à l’envers… Il voulait brouiller les pistes, mais au lieu de ça c’est sa narration qui est devenu brouillonne.

J’espère vraiment que l’auteur retentera l’expérience, mais avec des gens honnêtes autour de lui pour lui signaler quand l’écriture déconne… euh, n’est pas très bien maîtrisée. Car il y a de bonnes choses à garder dans ce récit. Malheureusement, vouloir en faire trop a tout gâché à mes yeux. Et je suis d’autant plus déçu qu’il ne s’agit pas d’un premier roman ! C’est dommage…

Frédéric Mars, Le Manuel du Serial Killer, aux éditions Pocket, 8€.

L’Ombre du Vent, de Carlos Ruiz Zafon (lecture commune de mars 2017)

Enfin, c’est le printemps ! Le soleil, les petits oiseaux… que du bonheur. Je peux sortir de ma tanière, de la morosité et espérer retrouver de bonnes habitudes, notamment en ce qui concerne mes lectures (qui ne se bousculent pas au portillon) et le blog (qui, décidément, tourne au ralenti).

Le mois de mars est passé, il est donc grandement temps que je vous parle de la troisième lecture commune de l’année, que j’ai presque trimballée pendant tout le mois. Il s’agit de L’Ombre du Vent de Carlos Ruiz Zafon, le premier tome de ce qui peut être une trilogie (mais très sincèrement, ça peut se lire tout seul.)

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Daniel est fils de libraire. Alors qu’il grandit son père lui montre un lieu tenu secret : le Cimetière des Livres oubliés. Tout est déjà dit dans le nom de cet endroit si mystérieux. Daniel choisit alors un roman, pour qu’au moins une personne dans le monde se souvienne de ce livre, au moins un lecteur : L’Ombre du Vent d’un certain Julian Carax. Alors qu’il grandit et devient un jeune homme, notre héros part sur les traces de ce Carax qui peu à peu l’obsède. Au fil des pages, on sent qu’un parallèle se créée entre les deux hommes férus de lettres. Des amours qui semblent impossibles, une menace qui plane au-dessus de leurs têtes. Cette quête est plus dangereuse qu’elle n’en a l’air. Surtout qu’un certain Lain Coubert ferait tout pour récupérer les derniers exemplaires de Carax – tout. Des secrets, des mensonges… un recherche du passé qui réserve beaucoup de surprises.

the2bshadow2bof2bthe2bwindIl m’est difficile de vous résumer ce livre, une petite briquette de plus de 600 pages. L’histoire se déroule en majeure partie à Barcelone, on voyage entre présent et passé avec aisance, à travers les souvenirs et les témoignages que Daniel récolte. Les personnages secondaires sont vraiment savoureux même s’ils prennent parfois tellement de place qu’on en oublie Daniel. J’ai adoré voir se tracer les liens entre notre héros et Carax au fil des pages. Je dois avouer que je ne m’attendais absolument pas à cette histoire qui sort des sentiers battus : des intrigues étonnantes, mêlant familles riches et jalousies, une toile de fond qui nous emporte instantanément, un brin de magie et de mystère, une enquête passionnante, de rebondissements nombreux, des personnages forts. Ce mélange est détonnant et donne un livre vraiment divertissant.

J’ai quand même trouvé quelques longueurs au livre, la narration est parfois un peu lourde, toutefois chaque élément de l’intrigue est bien amené et exploité. Il y a parfois un peu trop de bons sentiments à mon goût, qui viraient au cliché, heureusement cela gênait peu à la lecture. Je n’ai pas dévoré ce roman, car il pèse son poids, il faut digérer cette histoire, mais il me semblait impensable de ne pas le terminer. Aujourd’hui, je ne pense pas lire la suite, mais plus tard, pourquoi pas ?

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Et vous, qu’en avez-vous pensé ?

Pour la lecture commune, Virginy a choisi de lire la suite, Le Jeu de l’Ange, n’hésitez pas à aller voir son billet 😉

Carlos Ruiz Zafon, L’Ombre du Vent, traduit de l’espagnol par François Maspero, aux éditions Le Livre de Poche, 8€10.

Le Royaume, d’Emmanuel Carrère

51uirlrlmtl-_sx195_Emmanuel Carrère est un nom qui traîne dans ma wishlist depuis pas mal de temps. J’en entends du bien, du mal, beaucoup d’avis très différents, partagés sur cet auteur et ses œuvres. Bref, tout ce qu’il faut pour aiguiser ma curiosité. J’ai donc sauté sur l’occasion d’avoir du temps devant moi pour découvrir un de ses livres qui me faisait de l’œil – et non, il ne s’agit même pas de Limonov –, Le Royaume.

Qu’il est compliqué de résumer cette briquette de plus de 600 pages. Autobiographie, enquête sur les premiers Chrétiens, récit et fiction historique. Oui, oui, vous avez bien lu, ça parle de religion (et je lis ça par le plus grand des hasards à la période de Noël!). Mais ne fuyez pas ! C’est un livre fleuve très spécial, unique en son genre, qui cache d’immenses trésors.

Pendant trois ans, l’auteur a été chrétien. Vraiment chrétien. Il allait à la messe, il étudiait les Évangiles, il a fait baptiser ses enfants, bref il était ce qu’on appelle un croyant. Ce livre, il l’écrit en tant qu’agnostique. Il revient sur cette période étrange de sa vie qui s’est déroulé il y a déjà vingt ans de cela. Entre temps, il a vécu, il a écrit. Mais c’est avec une sorte de fascination et d’envie de comprendre qu’il reparcoure les Évangiles. Le Nouveau Testament, il le voit aujourd’hui avec un œil d’enquêteur, d’historien, de romancier, d’homme tout simplement. Qui était Paul ? Quel a été son parcours ? Et Luc ? Est-ce bien lui qui a écrit telle ou telle page qu’on relit encore dans nos églises ?

Emmanuel Carrère nous fait revenir dans le passé, à Rome, à Athènes, en Macédoine, à Jérusalem… Les écrivains officiels du Nouveau Testatement ont voyagé, ont rencontré des fidèles, ont dirigé des églises, ont eu des tensions entre eux. Comment sommes-nous partis de la religion juive pour donner naissance aux premières étincelles de vie de la chrétienté avec Jésus en son centre ? Et que dire de l’eucharistie ? Que dire de la Vierge Marie ? Que dire de la résurrection ?

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Toutes ces interrogations, Emmanuel Carrère les a eut. Et bien avant lui, ceux qu’on appelle aujourd’hui les apôtres les ont eu également. Ce livre nous permet de revivre ces moments charnières.

Alors oui il y a des suppositions, des interprétations. Oui, il y a sûrement aussi des inventions, de l’imagination. Mais l’auteur ne cache rien de tout cela. Ce n’est pas un documentaire historique, soyons clair là-dessus. C’est une proposition, une invitation pour suivre une partie de la vie des premiers Chrétiens. Et c’est fait avec beaucoup de talent, d’ingéniosité. L’auteur ne nous quitte jamais, c’est à travers lui, à travers ses mots et sa vie que l’on fait ce voyage. Et ce lien que l’on tisse avec lui, quand il nous parle de cette maison achetée en Grèce, des vacances avec son meilleur ami, ce lien nous rapproche et fait qu’on le suit avec confiance dans l’histoire qu’il nous raconte. Comme lui, on doute, on enquête, on échafaude des théories. Il partage avec nous ses avis, ses convictions, mais jamais ne nous les impose. A part de rarissimes lignes, je pense que personne ne sera froissé à la lecture de ce roman, et ça c’est une prouesse.

L’auteur est très honnête avec nous, il nous livre des pans de son intimité, il est aussi critique envers lui-même… tout en restant lui-même. A la fin du Royaume, je ne savais pas qui de lui ou de moi avait vraiment besoin de ce livre, je ne savais pas à qui cette œuvre fut la plus profitable. Car j’ai abordé également ce livre de façon très personnelle, avec mes croyances, mes opinions, ma curiosité. Et même s’il s’agit là d’un vrai pavé dont la lecture a duré des jours et des jours, je ne me suis jamais ennuyée, j’ai beaucoup apprécié cet ouvrage. Replonger dans le premier siècle sur des territoires inconnus, apprendre les dissensions entre juifs et premiers chrétiens, faire la rencontre de Paul et de Luc, espionner Emmanuel Carrère quand il étudiait la Bible. Tout m’a plu, tout m’a intéressé.

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Alors oui, il est certain que Le Royaume n’est pas une lecture qui plaira à tout le monde. Il est certain que ce n’est pas non plus une lecture à mettre entre toutes les mains. Mais je vous invite sincèrement à pousser les portes de ce livre juste, sans prosélytisme, généreux et sincère. Une belle découverte, une écriture passionnante.

Emmanuel Carrère, Le Royaume, aux éditions folio, 8€70.

Elle s’appelait Sarah, de Tatiana de Rosnay

9782253157526-tVoilà, c’est officiel. Avec cet article vont se finir mes lectures communes 2016. Dans deux semaines, on fera le bilan de cette aventure, mais vous n’aurez qu’à attendre quelques jours pour avoir le programme des lectures communes 2017. En espérant que cela vous tente ! Ce mois-ci, c’est un roman très connu de Tatiana de Rosnay qui est à l’honneur : Elle s’appelait Sarah.

C’était une fillette, d’une dizaine d’année. Avec sa famille, ils vivaient à Paris. Petit à petit, les choses sont devenues étranges : on les a obligés à porter des étoiles jaunes sur la poitrine, sa mère ne pouvait faire ses courses qu’en fin de journée, on les regardait, les montrait du doigt. Et les rumeurs de la guerre qui envahissaient Paris… Mais un matin, tout changea. Sarah savait ses parents inquiets, elle comprit pourquoi. On toqua à leur porte. Des gendarmes français. Ils devaient partir. Direction le Vél d’Hiv. Nous sommes le 16 juillet 1942.

Soixante ans après, c’est pour faire un article dans le magazine où elle travaille que Julia Jarmond découvre l’histoire de la Rafle et des familles qu’elle a emportées. Elle est américaine, a épousé un Français et a vécu plus de la moitié de sa vie à Paris. Et c‘est par coïncidence que sa route va croiser celle de Sarah, la fillette juive. Elle découvre alors que sa famille, sa belle-famille plutôt, et cette enfant sont liées. La vie de Julia va changer à jamais : elle n’a de cesse de mener l’enquête, trouver la vérité en explorant les parts d’ombre de sa famille mais aussi celles de l’Histoire française, de l’Occupation.

Je me plantai devant la plaque, sans me soucier du trafic. Je pouvais presque voir Sarah arriver depuis la rue de Saintonge, ce petit matin étouffant de juillet, entre sa mère et son père, et les policiers. Oui, je voyais la scène. […] Le doux visage en forme de cœur était devant moi et j’y voyais l’incompréhension et la peur. Les cheveux lisses retenus par une queue-de-cheval, les yeux turquoises taillés en amande. Sarah Starzynski. Était-elle encore vivante ? Elle aurait soixante-dix ans aujourd’hui. Non, elle ne pouvait être encore de ce monde. Elle avait disparu de la surface de la terre, avec le autres enfants du Vél d’Hiv.

Très sincèrement, je misais énormément sur ce roman. J’apprécie beaucoup en effet les récits qui ont pour toile de fond ou même pour sujet principal la Seconde Guerre mondiale. J’avoue que j’ai été perplexe dès les premières pages de trouver une Américaine en héroïne. Mais pourquoi pas ? Cela sert les rebondissements de l’intrigue, mais je pense qu’un Français fouillant dans l’Histoire française aurait eu plus de poids… Qu’importe. J’ai, après tout, assez bien aimé ce personnage, touchant et sincère, elle aussi traversant une période difficile, qui résonne d’autant plus fort au fur et à mesure qu’elle découvre le destin de la petite Sarah.

On nous promet – soyons honnête – de l’enquête, et même du suspens. Et il n’est pas faux de dire qu’il y a des révélations, des retournements de situation. Mais je n’ai frémi à aucun moment. J’ai beaucoup apprécié redécouvrir l’histoire du Vél’ d’Hiv’, ce roman aide au travail de mémoire et c’est indispensable. Malheureusement, les personnages secondaires sont assez pauvres, mal travaillés. Mais le pire, c’est tout simplement l’intrigue. J’avais pratiquement tout deviné au bout d’une cinquantaine de pages. Autant dire que ça a enlevé beaucoup de charme à cette histoire. Un peu plus et je me serais ennuyée.

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Me voilà bien embêtée. D’un côté, j’ai trouvé ce roman remarquable sur des thèmes comme la culpabilité, le poids du secret, j’ai adoré les passages où l’on suit directement Sarah, j’ai aimé même le personnage de Julia Jarmond. De l’autre, je n’ai ressenti aucune grande émotion à la lecture de ce roman, trouvant que l’intrigue manquait cruellement de reliefs. Et la fin… Larmoyant, j’ai détesté au possible.

Je suis déçue, je dois l’avouer. On m’avait sûrement beaucoup trop vendu ce livre, mes attentes étaient trop hautes. Elle s’appelait Sarah n’est toutefois pas un mauvais livre. Il y a un vrai travail de documentation, la lecture est fluide, la narration bien maîtrisée malgré quelques sensibleries. Mais je ne suis pas parvenue à entrer dans le roman pour autant, je suis passée à côté de cette lecture.

Je lirai encore Tatiana de Rosnay car je sais d’expérience que sa plume arrive normalement à me faire vibrer. Et vous ?

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Tatiana de Rosnay, Elle s’appelait Sarah, Le Livre de Poche, 7€10.

Jonathan Weakshield, d’Antoine Sénanque

Une fois n’est pas coutume, un article en retard, mais genre très en retard. Les éditions Grasset m’avaient gentiment envoyé le dernier livre d’Antoine Sénanque, Jonathan Weakshield. Mais ce n’est que plusieurs semaines après que je l’ai lu et que je le chronique…

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Cette histoire nous replonge dans le Londres d’un siècle passé. Celui d’Oscar Wilde et de Jack l’Eventreur. Jonathan Weakshield est un grand nom du banditisme, presque une légende. Aux côtés du Viking, il a fait la loi sur tous les gangs de la ville vers les années 1885. Puis il a disparu, envolé.

Quand plus de dix ans plus tard, ses empreintes réapparaissent sur une enveloppe destinée à une femme, les recherches commencent. Agents de Scotland Yard, journalistes… Tous veulent savoir. Mais pour cela, il faut remonter dans les souvenirs, dans le passé : la guerre des gangs pour le pouvoir sur Londres, le quartier du Seven Dials, mais aussi les femmes, les lieutenants. Faire reparler les morts et ceux qu’on croyait disparus.

Dit comme ça, on s’attend à une belle enquête, et c’est peut-être ça. Mais je suis passée complètement à côté de cette lecture. Je n’ai pas du tout accroché, même si je sentais qu’au fond il y avait un sacré potentiel dans les personnages. Mais je ne me suis pas du tout sentie impliquée dans ce roman, je confondais sans cesse les personnages secondaires ce qui m’a vraiment embrouillée. J’ai été perdue pendant toute ma lecture assez distante. Je n’étais sûrement pas assez attentive… Toutefois, j’ai apprécié revenir dans ce Londres fin XIXème, un décor que j’aime beaucoup.

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L’écriture d’Antoine Sénanque est très agréable, la narration est loin d’être inintéressante, c’est plutôt l’intrigue globale, sa construction qui m’ont posé un réel souci. Entre les souvenirs, les témoignages, la narration du présent, les flash-backs… je ne m’en sortais pas ! Sans compter sur cette fresque de personnages dont il aurait fallu faire une liste en début ou fin de roman….

Je vais avoir beaucoup de mal à en dire plus, car je ne sais pas quoi penser de ce roman. Il y a quelque chose à creuser, un bon fond.

Et vous, l’avez-vous lu ? Dites-moi tout !

Antoine Sénanque, Jonathan Weakshield, aux éditions Grasset, 20€