Soumission, de Michel Houellebecq

J’ai lu mon premier Michel Houellebecq. Depuis longtemps, je voulais au moins lire un de ces livres un jour – c’est un écrivain qui intrigue, personne ne peut dire le contraire. Pour Noël, j’ai donc reçu Soumission, il faisait partie de ma whishlist depuis longtemps, pas vraiment de surprise là-dedans. Verdict : je ne sais pas toujours pas réellement si j’apprécie ou pas la plume de l’auteur, toutefois j’ai globalement plutôt apprécié ma lecture et il se peut que je relise du Houellebecq.

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Vous pensiez cet écrivain pédant et dépressif ? Son style est similaire. Son histoire est originale dans sa forme : on suit un personnage, ancien thésard, universitaire seul et qui s’ennuie, qui vieillit et se morfond de plus en plus. A travers lui, à travers ses rencontres, ses discussions, sa vie parisienne, on suit en parallèle le contexte politique français qui devient très étrange. Des événements, des élections, des décisions… le parti musulman en effet arrive en tête de liste, au coude à coude avec celui de Marine Le Pen. Une France étrange, avec des débats de fond, politiques, moraux, religieux, sociaux. Tout est remis en question, tout change : le chômage, les études, le mariage… Chaque aspect de la vie telle que nous l’avons connue tout doucement, inexorablement, se modifie. C’est scotchant de voir à quel point ces transformations dans l’univers de Houellebecq semblent inévitables, si bien qu’on se prend à les imaginer dans notre France à nous – je ne dis pas que ce serait bien ou pas, je n’ai pas d’avis là-dessus, ce n’est que de la fiction.

Il faut toutefois avouer que j’ai trouvé que des pans entiers ont été ignorés et rendent à mes yeux cette histoire moins crédible, comme le féminisme qu’on a caché sous le tapis, l’utilisation du black-out médiatique qui me semble irréaliste… J’ai toutefois apprécié voir ça par la prisme du monde universitaire : la fac, c’est tout un pan de ma vie que je chéris de tout mon cœur, les études littéraires aussi, donc forcément ça m’a touchée – mais je reconnais que ça peut en agacer certains de voir Houellebecq réduire cela aux maîtres de conférences et à la Sorbonne.

Après lecture, je trouve le titre très bien choisi, et il aurait été bon que l’auteur soit aussi concis dans son récit. Il mâche le rythme du temps un peu n’importe comment, on est perdu. Il écrit de longs et interminables paragraphes qui peuvent en endormir certains, même si cela est contrebalancé par des personnages étrangement attachants et des dialogues utiles. Honnêtement, l’auteur aime bien se regarder écrire et souvent on a l’impression que les lecteurs, il s’en fiche, ou alors il veut juste les impressionner (pour être polie). Bizarrement, j’ai quand même apprécié cette lecture. A mon plus grand étonnement, le sujet m’a intéressée et je voulais connaître la fin de l’histoire. Certaines scènes ou considérations m’ont profondément ennuyée – la relation au corps, à l’alcool, au sexe – et n’ajoutaient rien du tout à l’histoire ; j’ai préféré les scènes de dialogues autour de la politique. Je dois avouer également que l’auteur sait planter en quelques mots les décors de ses scènes et c’est assez agréable.

Assurément, il faut réussir à entrer de ce texte, qui n’a pas la plus aguicheuse des introductions… Le style de l’auteur peut en rebuter ou ennuyer certains, sans compter qu’on a du mal à se détacher de notre opinion sur Michel Houellebecq en se lançant dans cette lecture. Je ne peux que vous conseiller de vous détacher de l’auteur, ignorez-le et persévérer au moins une dizaine de pages avant d’abandonner, s’il-vous-plaît. C’est un livre différent des autres romans et, on ne sait jamais, il vous plaira peut-être.

Michel Houellebecq, Soumission, aux éditions J’ai lu, 8€40.

Les Morues, de Titiou Lecoq

En prenant Les Morues de Titiou Lecoq, je m’attendais presque à lire de la chick-lit, c’est un peu ce que laisse envisager la couverture et le résumé de l’éditeur. Au final, ce n’est pas vraiment ce à quoi je m’attendais, ce roman m’a surpris, mais c’est plutôt une bonne nouvelle !

 Les Morues

Les Morues, c’est un groupe de trentenaires un peu féministes et parfois pas très dégourdis, avec chacun leurs névroses, leurs problèmes, leurs obsessions. Trois filles et un garçon qui essaient d’avancer dans leurs vies malgré leurs erreurs ou leurs balbutiements. Parmi eux, Ema qui commence le livre en allant à l’enterrement de sa meilleure amie avec qui elle s’était brouillée : Charlotte. Elle s’est suicidée sans crier gare, sans expliquer son geste, une mort étrange qui intrigue Ema et l’invite forcément à se dire que ce n’est peut-être pas un vrai suicide. Alors elle va essayer de mener une petite enquête et pour ça, elle va plonger des les plans de réformes, la RGPP et son projet de privatisation des services publics et des lieux de culture. Pour l’aider, elle peut compter sur Fred, nouveau entrant dans le monde des Morues qui de son côté connaît pas mal de déboires avec internet : entre anonymat et connectivité, il est parfois dur de faire la part des choses et quand l’amour s’y mêle, c’est encore plus compliqué.

Autour d’eux, gravitent d’autres personnages à la vie aussi tumultueuse : leurs déboires se croisent ou se rencontrent dans un livre qui n’a plus rien à voir avec la chick-litt. Ces figures qui peuplent le roman de Titou Lecoq ne sont pas caricaturales malgré leurs expériences hors du commun, on a l’impression qu’il court derrière quelque chose, la vérité, une vie confortable, l’âme sœur, des réponses, du repos…

Une très belle rencontre ce livre car il prouve qu’on peut mêler les dessous politiques avec des tranches de vies bouleversées, investir des lieux de pouvoir avec des sentiments forts. Comme le dit si bien la quatrième de couverture, « c’est le roman d’une époque, la nôtre », avec toutes ses problématiques, ses soucis d’éthiques et ses nouveaux paramètres comme internet qui redéfinissent nos modes de vies et nos façons d’éprouver de l’amour, de la fierté. L’écriture est dosée à souhait, elle reste sur le fil de la justesse sans tomber dans le pathétique, le tragique outrancier ou larmoyant, le ridicule et la caricature. Mais heureusement ce livre n’est pas dénoué d’humour qui vient alléger les situations parfois graves que traversent les personnages dans un équilibre parfait. Il dénonce sans faux-semblants les convenances et les conventions parfois surjouées et inutiles de notre société sans perdre son but premier : nous divertir.

Un très bon roman, une très belle découverte que la plume de Titou Lecoq, je vous la conseille vraiment car c’est un livre qui regorge de prouesses et de surprises !

Titiou Lecoq, Les Morues, Au diable vauvert, 22€.