Did I Mention I Miss You ? (tome 3), d’Estelle Maskame

Et voilà, je viens de finir la saga d’Estelle Maskame autour du couple Eden/Tyler, demi-frère et demi-sœur par alliance (pas de chance pour eux), avec le dernier tome : Did I Mention I Miss You? Attention, je vais spoiler les deux premiers tomes (un petit peu) dans cet article donc vous êtes prévenus. Ceci dit, ça reste une romance young-adult assez basique, pas de grosses surprises à l’horizon non plus.

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Eden et Tyler dans le tome précédent avaient fini par se mettre en couple et par l’avouer à leurs familles. L’accueil du côté du père d’Eden – qui est donc le mari de la mère de Tyler, vous suivez ? – n’a pas été des plus chaleureux… Leur relation choque et dégoûte pas mal de monde. Ça fait trop pour Tyler, il a déjà son passé à se traîner : il décide donc de partir. Il laisse seul Eden à Santa Monica. On la retrouve un an plus tard, pleine d’amertume et de colère envers Tyler qui l’a tout simplement abandonnée. Mais ce dernier revient dans la vie de tous. Ella, sa mère, qui voit sa famille partir en lambeaux, décident d’emmener tout le monde en week-end à Sacramento.

Tout ce passe comme vous l’imaginez entre Eden et Tyler, honnêtement rien de neuf pour une romance. Il y a toujours cette avalanche de bons sentiments, et Tyler qui a changé, qui est devenu quelqu’un d’incroyable et bla et bla.

Heureusement, je suis très attachée à ses personnages, j’ai donc pris du plaisir à les suivre jusqu’au bout. Ce qui est intéressant dans cette saga, c’est la place de la famille dans l’histoire et les relations des personnages principaux avec la leur. Il faut dire qu’il y a de quoi faire, entre les relations aimantes, les relations inexistantes, les relations belliqueuses… Ce point de vue est très intéressant et j’ai apprécié retrouver autant de profondeur dans ce genre de lecture que j’ai choisi uniquement car elle est divertissante.

C’est un roman qui se lit vite et comme les autres tomes, on ne s’ennuie pas, tout s’enchaîne très vite. Mais à l’inverse des deux opus précédents où chaque intrigue se fixait dans une ville, ici on passe beaucoup de temps en voiture et en hôtel, entre Sacramento, Santa Monica et Portland. L’histoire est éclatée, faisant ressurgir des vestiges des autres tomes. J’ai l’impression que l’auteure s’est un peu laissée envahir par son histoire. Les lieux de l’intrigue sont trop éparpillés, il aurait fallu à mes yeux qu’on se focalise vraiment plus sur la ville de Portland que j’ai appris à aimer comme Eden et Tyler. Ce tome dégouline un peu trop de bons sentiments, mais il y a un beau travail sur le thème des tensions familiales et du pardon. On peut vraiment dire que la qualité est inégale sur tous les plans !

Je suis très heureuse cependant d’avoir fini cette saga que j’ai vraiment apprécié de bout en bout malgré ses imperfections et son manque de maturité. Je vous la conseille si vous recherchez une romance ado qui vous transportera aux États-Unis.

Estelle Maskame, Did I Mention I Miss You ?, traduit de l’anglais par Maud Ortalda, aux éditions Pocket Jeunesse, 16€90.

Nos faces cachées, d’Amy Harmon

Une romance dont j’avais lu du bien ! Je me disais donc que j’allais tenter ma chance et ne pas m’arrêter à cette couverture. Aujourd’hui, on parle donc de Nos faces cachées d’Amy Harmon.

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L’auteure nous raconte l’histoire de Fern, qui est amoureuse depuis toujours d’Ambrose, le garçon parfait, grand lutteur, etc. Fern passe énormément de temps avec son cousin adoré Bailey, ils ont le même âge, sont très complices. Bailey est en fauteuil roulant, atteint d’une maladie qui le destine à mourir jeune. Les adolescents sont au lycée. Nous sommes en septembre 2001 : des avions s’écrasent dans des tours et la face du monde chance. Un cataclysme pour toute l’Amérique : Ambrose va alors se demander si sa vocation ne serait pas de servir son pays.

C’est assez compliqué de résumer ce bouquin sans trop en dire. L’intrigue se passe sur des mois et des mois, sans compter sur quelques flash-backs qui nous aident à mieux cerner les relations des personnages. Très honnêtement, je trouve que ce temps étalé ne sert pas vraiment l’histoire. Pour relater des faits sur une si longue période, il aurait alors vraiment fallu travailler beaucoup le rythme qui laisse franchement à désirer. Très honnêtement, je ne voyais pas vraiment où l’auteure voulait en venir, jusqu’à ce que tout s’éclaire à la page 165 – ça fait long quand même ! – où l’intrigue, les personnages ont pris plus d’épaisseur et d’intérêt à mes yeux.

Ce qui ne m’a pas vraiment aidé dans ce roman, ce sont les personnages. Ils n’existent que les uns pour les autres, on ne les découvre qu’ainsi. J’aurais aimé que l’auteur prenne le temps de les approfondir, de les travailler pleinement. J’aurais apprécié les connaître un à un car ils ont tous l’air géniaux ! Les personnages secondaires sont tous attachants. Quant aux personnages principaux, j’ai trouvé Ambrose assez réaliste, mais Fern me semblait illogique, je n’ai pas réussi à vraiment la comprendre.

C’est une romance, donc oui, il y a du cliché et même des beaux. Surtout dans les scènes de rapprochements physiques où je levais trop souvent les yeux au plafond. Rah, puis les « mais je suis pas assez bien pour lui/pour elle », je n’en pouvais plus, overdose ! Mais sur un public facile, ça fonctionne, on papillonne avec les amoureux.

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L’écriture un peu simplette, très inégale, avec un style bancal, m’a vraiment vraiment donné une impression de bâclé. Je n’arrive pas à zapper ce genre de choses même si le reste tient la route. Et je dois vous avouer que je suis un peu perdue car j’ai vraiment aimé l’intrigue générale et tous les thèmes abordés. On parle de la guerre et ses séquelles, de la mort, de la maladie, de l’alcoolisme, des soucis familiaux, du divorce, des valeurs du sport, du handicap, des violences conjugales… Ce sont rarement des thèmes exploités de façon si juste dans une simple roman ! Je pense que l’auteure a voulu faire les choses en grand et qu’elle tenait une idée en or. Malheureusement, elle n’avait pas encore l’expérience nécessaire pour retransmettre tout ça de la meilleure des façons.

Ils sont en terminale et ils auront le bac dans quelques mois. La saison de lutte a pris fin deux semaines auparavant et ils s’ennuient déjà – peut-être davantage que d’habitude – parce qu’il n’y aura plus de saisons, plus de but, plus de matchs, plus de victoires. […] Ils se tiennent au bord d’un abîme de changement et aucun d’eux, pas même Ambrose – surtout pas Ambrose – n’est enthousiasmé par cette perspective. Mais qu’ils choisissent ou non d’avancer vers l’inconnu, ce dernier viendra à eux, le gouffre béant les avalera tout entiers et la vie qui était la leur jusqu’à présent changera radicalement. Et ils ont une conscience aiguë de la façon dont elle finira.

C’est un vrai paradoxe ce livre. Très sincèrement, je ne sais pas si je vous le recommande ou pas. Pour encourager l’auteure à aller plus loin, à continuer, à progresser, j’ai envie de dire que oui.

Amy Harmon, Nos faces cachées, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabienne Vidallet, aux éditions Robert Laffont, 17€90.

Le Livre des Baltimore, de Joël Dicker

Ah voilà, enfin je l’ai lu ! Le Livre des Baltimore de Joël Dicker. Il y a quatre ans, j’avais lu l’opus qui le précédait, La vérité sur l’affaire Harry Quebert, et je mettais jurer de ne pas trop tarder à retrouver notre narrateur, l’écrivain Marcus Goldman. Mieux vaut tard que jamais.

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Il est tout à fait possible de lire ce roman à part, car l’histoire traitée ici est tout autre. Nous allons cette fois plonger dans le passé et la vie de notre narrateur, et parler du fameux Drame qui a détruit tout un pan de sa famille. Il y a bien longtemps, quand il était encore un ado ou un enfant, il y a avait en réalité deux familles Goldman. La sienne, les Goldman-de-Montclair, et celle de son oncle, les Goldman-de-Baltimore. Cette dernière était riche, possédait une grande maison ainsi qu’une résidence de vacances dans les Hamptons et Marcus adorait y passer ses vacances, avec ses cousins.

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Pour Marcus, l’écrivain à succès, c’est l’heure de repartir sur les traces de cette famille qui n’existe plus, de revenir en arrière pour comprendre ce qui s’est passé. Des allers-retours dans ses souvenirs, des souvenirs émus, incrédules, douloureux qui vont établir le portait de cette famille, en apparence si idyllique mais qui cachent pourtant ses failles et ses secrets. Et ce périple va petit à petit revenir sur le vernis écaillé des Goldman-de-l’Amérique-huppée, qui révèle encore ses parts d’ombre huit ans après le Drame.

Joël Dicker

Joël Dicker

J’ai été fascinée par la façon dont l’auteur a opéré la narration, voyageant d’une époque à l’autre, menant plusieurs intrigues parallèles mais liées entre elles en même temps. Coup de chapeau car cela est mené d’une main de maître ! Petit à petit, Joël Dicker met les choses en place et nous aussi nous sommes éblouis par les Goldman-de-Baltimore. Comme Marcus, nous revivons cette enfance faite d’amitiés fortes, de premiers émois amoureux, de petites hontes familiales. La tournure que prennent les choses dans la dernière partie du livre nous fait d’autant plus frémir.
Comme dans son précédent livre, Joël Dicker a écrit ici un pavé, enrichi de quelques poncifs intelligemment revisités. Et comme pour son précédent livre, j’ai dévoré ce roman. Car même si je lui ai trouvé quelques longueurs, l’écriture fluide et prenante de l’auteur, toute l’ingéniosité qu’il met dans la construction de ses personnages et le fil de l’intrigue m’a pris aux tripes. Je devais savoir ce qui était arrivé à ces personnages pour lesquels je m‘étais priss d’affection.

Une vraie plongée en Amérique, que j’ai adoré.

Joël Dicker, Le Livre des Baltimore, aux éditions de Fallois/Paris, 22€ (mais existe aussi en poche maintenant).

La Vague, de Todd Strasser (lecture commune d’avril 2017)

Ce mois-ci, pour la première fois, j’ai explosé le compteur. J’ai lu la lecture commune d’avril en une journée et ça…. avant la fin de mois, un vrai exploit en soi. Il faut dire que je suis extrêmement contente de mon choix ! La Vague de Todd Strasser a donné un film que j’avais tout simplement a-do-ré, qui m’avait époustouflé, et j’attendais un peu la même chose du livre.

la-vagueRésultat atteint : j‘ai été incroyablement heureuse et émue de retrouver cette histoire qui a encore eu cet effet coup de poing sur moi. Aux États-Unis, un professeur d’histoire, Ben Ross, est un peu embêté quand ses élèves lui posent cette question à laquelle il peine à répondre : pourquoi les Allemands ne se sont pas rebellés face aux atrocités nazies ? Un sujet délicat dont la réponse dépasse les mots. C’est alors que l’idée d’une expérience lui vient en tête. Faire comprendre à ces lycéens ce que chacun peut trouver d’enthousiasmant dans un tel mouvement où l’individu s’oublie pour le groupe. Démontrer comment on peut être embrigadé et amené à faire des choses qui nous semblaient impossibles auparavant. Et son expérience va de très loin dépasser les murs de sa classe et ses espérances les plus folles. Et si celle-ci lui échappait ? A partir de quel moment est-il devenu le leader de ce mouvement, la Vague ? A partir de quel moment les événements ont pris une telle ampleur ? « La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l’Action. »

Inspiré de faits réels, cette histoire vous prend aux tripes. On comprend cet emballement collectif, cette puissance du groupe, cette discipline qui renforce. On comprend pourquoi se réunir devient presque vital pour ces jeunes ébahis des effets positifs de cette expérience qu’ils se sont complètement appropriés : effacer les clivages au sein de la Vague. Mais peu nombreux sont ceux qui réalisent les effets pervers de ce mouvement. Alors que parents, corps enseignants et quelques élèves s’inquiètent et pâtissent de ce parti à l’intérieur du lycée, les participants eux ne réalisent pas encore que dans cette quête du pouvoir, ils y perdent leur libre arbitre, leur volonté de réfléchir par eux-mêmes.

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Dans la salle, les cinq rangées de sept bureaux individuels étaient impeccables. A chaque bureau se tenait assis un lycéen bien droit, dans la position que Ben leur avait apprise la veille. Le silence régnait. Ben balaya la pièce du regard, mal à l’aise. S’agissait-il d’une blague ? Ici et là, certains réprimaient un sourire, mais ils étaient en minorité face au nombre de visages sérieux regardant droit devant d’un air concentré. Quelques-uns lui lancèrent des regards interrogateurs, attendant de voir s’il irait plus loin encore. Le devait-il ? C’était une expérience tellement hors normes qu’il était tenté de la poursuivre. Que pouvaient-ils en apprendre ? Et lui-même, qu’en retirerait-il ? L’appel de l’inconnu fut le plus fort, il se devait de découvrir où tout cela les mènerait.

Todd Strasser va droit au but, sans grandes réflexions et c’est tant mieux. Le lecteur observe et c’est à lui de se poser des questions en même temps que les lycéens qui découvrent par a + b ce qu’a pu être l’embrigadement des Allemands dans le nazisme. C’est vraiment un récit fort, direct. On s’attache aux personnages et les voir évoluer de cette façon nous surprend, nous désarçonne. Ben Ross est d’une profondeur psychologique incroyable, tracée seulement en quelques lignes dans ce court roman. Clairement, la narration est menée d’une main de maître entre des dialogues qui font avancer l’intrigue et des péripéties qui s’enchaînent avec liant. Il y a une belle énergie dans ce roman, un élan qui mène vers l’inéluctable et que l’on suit, presque dépendant : on veut savoir comme cet organisme nouveau et incroyable au sens premier du mot va finir : grandir encore et encore en avalant tous ceux qui sont autour de lui, ou échouer en se heurtant enfin à la conscience de ceux qui ne se sont pas fait avoir par cet appel des sirènes ? Est-ce que cela va rester un jeu ou virer en dictature ?

logo_la_vagueL‘écriture est parfois trop hâtive, c’est vrai. Et certaines conversations ne m’ont pas entièrement convaincue. Et même si j’ai globalement beaucoup aimé ce roman, que je vous conseille vivement de découvrir, j’ai été très déçue par la fin en queue de poisson. Ils l’ont modifié dans le film et ils ont bien eu raison ! Le film conclut mille fois mieux cette histoire que le livre. Mais peu importe, regardez le film, lisez le livre ! Vraiment, j’insiste !

Todd Strasser, La Vague, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Aude Carlier, aux éditions Pocket, 6€20.

Wild, de Cheryl Strayed

Les nuages n’en finissaient plus de s’accumuler au-dessus de ma tête, la panne de lecture n’était plus très loin. J’ai donc essayé de trouver un remède. Alors on m’a conseillé de me plonger dans la lecture de Wild de Cheryl Strayed.

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Ce livre traînait dans ma PAL depuis quelques mois et il est vrai que l’envie de l’ouvrir me taraudait depuis quelques jours. Je me suis alors dit que c’était enfin le bon moment, qu’importe la lecture commune, qu’importe le tirage au sort de la book jar.

Je me suis alors plongée dans ce témoignage natural writing. Alors qu’elle avait la vingtaine, l’auteure doit faire le point sur sa vie. Sa mère est morte, sa famille est brisée, ses études interrompues, son mariage fini. En plein divorce, elle a touché à l’héroïne. Vraiment, elle est au plus bas. Alors Cheryl prend cette décision : partir seule en randonnée pour dix semaines sur le Pacific Crest Trail (ou PCT pour les intimes), un chemin de randonnée peu connu et difficile sur tous les sommets de la côte Est des États-Unis.

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C’est cette aventure qu’elle nous raconte ici. Sa rencontre avec un ours, la joie de rattraper les autres randonneurs, les douleurs quotidiennes et presque insurmontables, la neige qui la bloque en pleine randonnée, les retours rapides vers la civilisation pour se reposer un peu et récupérer les colis de nourriture. C’est un périple, Cheryl ne s’en rend vraiment compte qu’une fois partie sur le sentier. Et même si c’est dur, insoutenable, elle a en elle cette volonté d’aller de l’avant, de poursuivre coûte que coûte. Elle-même ne sait pas pourquoi, mais pourtant elle le fait.

Évidemment, il y a des moments durs, il y a des remises en question, des doutes. Et l’on vit ça avec elle d’un bout à l’autre du livre, d’un bout à l’autre du Pacific Crest Trail. Chaque chapitre est l’occasion pour Cheryl de revenir sur sa vie, sur les épreuves qu’elle a traversée. On comprend mieux son besoin de s’isoler, son besoin d’aller au bout d’elle-même pour mieux se retrouver. L’écriture de l’auteure est sans fioritures, elle est juste. On peut toutefois regretter la redondance de certains sujets. Personnellement, j’aurais parfois aimé que l’écrivain se concentre plus sur la randonnée elle-même et sur son lien avec son ex-mari, même si j’ai apprécié cette façon de traiter le deuil et la mort de sa mère.

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Wild, c’était exactement ce dont j’avais besoin, au bon moment. Cette lecture m’a fait le plus grand bien. Il m’a fait relativiser, et j’ai pu m’évader dans la nature par procuration grâce à Cheryl. Le récit de ce voyage hors du commun dans un paysage sauvage est une vraie évasion. Besoin de sortir du quotidien ? Besoin de se changer les idées ? Ce livre est une bouffée d’air frais et vous fera le plus grand bien. A découvrir !

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Cheryl Strayed, Wild, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Guitton, aux éditions 10/18, 8€80

Professeur d’abstinence, de Tom Perrotta

Certains y prennent plaisir.

Quatre mots, pas un de plus. Même maintenant, passé les quelques mois qui auraient dû la réconcilier avec les retombées de ce commentaire, Ruth n’en finissait pas de s’étonner du pouvoir des quatre petits mots qu’elle avait prononcés sans réfléchir, sans penser qu’elle franchissait la ligne rouge.

97008_couverture_hres_0Parlons aujourd’hui du roman de Tom Perrotta : Professeur d’abstinence. Ruth est professeure d’éducation sexuelle dans la ville américaine de Stonewood Heights. Et c’est en parlant de la fellation qu’elle a prononcé ces quatre mots devant des lycéens. Ça aurait pu passé inaperçu. Mais sûrement pas dans une ville où des églises catholiques ferventes défenseures de la virginité sauvegardée jusqu’au mariage pullulent. C’est notamment le cas du Tabernacle dirigé par le père Dennis et que Tim a rejoint après une vie de débauche. Et le jour où Tim, aussi entraîneur de l’équipe de foot filles junior se laisse aller à faire prier ses joueuses après un match, Ruth, la mère d’une des petites footballeuses ne peut s’empêcher d’intervenir. Tous deux divorcés, parents, ils ont plus de points communs qu’ils ne le pensent. Mais alors que Ruth tente de jongler entre sa vie de célibat forcé, son travail qui part à vau-l’eau et ses deux filles qui s’éloignent, Tim, lui, combat les démons de son passé et essaie d’être un bon mari avec sa nouvelle femme.

Il n’est pas des plus évident de décrire ce livre : il y a beaucoup de personnages secondaires qui mériteraient d’être cités et de nombreuses intrigues sous-jacentes. Mais le nœud du roman, que l’auteur a su pleinement saisir et mettre en mot, c’est cette dualité typique des États-Unis : d’un côté, la religion chrétienne omniprésente qui a des adeptes assidus, qui a une vraie parole publique, qui est entendue et prise en compte, et de l’autre les excès en tout genre, la volonté de profiter de la vie quoiqu’il en coûte. Et notre conscience qui est balancée entre ces deux extrêmes. (Et encore, j’oublie de parler du travail, de la famille, des histoires d’amour, d’amitié, d’orgueil, de concurrence.)

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Ce livre est l’histoire d’une rencontre peu banale qui créé des frictions mais met aussi en contact quelques atomes crochus. Bref, tout un programme. Il est sûr que Professeur d’abstinence n’est pas le roman du siècle. Toutefois, c’est drôle, incisif, sans détour ni langue de bois mais avec tout de même une note d’espoir. Il sonne comme un avertissement contre certaines dérives et contre nos propres doutes et hésitations aussi. On ne peut pas nier que l’auteur a un regard très observateur et critique sur la société où il vit, et il nous transmet cela à travers un roman divertissant, intéressant, prenant. Ça pourrait peut-être vous intéresser, qui sait ?

Tom Perrotta, Professeur d’abstinence, aux éditions de l’Olivier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Madeleine Nasalik, 22€30. Existe aussi en poche.

Price, de Steve Tesich

Ah, que j’aime ces romans américains qui traînent en longueur sous le soleil brûlant de l’été alors que derrière les portes des maisons se trament silencieusement le drame d’une vie. Vous voyez ce dont je veux parler ? Il n’y a pas à dire, dans le genre, les Américains, ils maîtrisent. C’est le cas notamment de Steve Tesich – que l’on connaît déjà pour son Karoo – qui nous offre avec son Price un roman langoureux et lancinant qui fait son petit effet.

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Dans la ville d’East Chicago, Daniel Price, dix-huit ans, finit le lycée. Commence alors le dernier été avant le reste de sa vie, une période vient de se terminer. Il traîne encore avec Larry – impulsif et taiseux – et Billy – gentil et casanier –, ses amis du lycée, ses meilleurs amis. Mais cet été 1960 n’est pas comme les autres. Dans une ville industrielle qui vit de la raffinerie, il n’y a pas grand chose à faire, toutefois le destin va donner à Daniel de quoi réfléchir, de quoi être perdu aussi. Il fait la rencontre de Rachel, qui l’hypnotise avant même qu’il ne la voie. C’est immédiat, c’est intense. Mais la jeune fille est mystérieuse, elle passe du coq à l’âne, ne répond jamais aux questions, change d’attitude à chaque minute. Si bien que Daniel ne sait absolument plus quoi penser de leur relation. Comment doit-il agir ? Que doit-il lui dire pour qu’elle se laisse aller complètement et devienne sienne ? Il est comme obsédé par cette jeune fille, même dans les pires moments. Car pendant ce même été, son père va tomber très malade, le genre de maladie qui rend irritable et nous oblige à revivre son passé. Entre lui et sa mère superstitieuse, entre ses amis qui s’éloignent et la découverte de lui-même, l’été de Daniel Price va filer en un éclair.

537 pages de remise en question, de scènes imaginées, de dialogues muets, de tourments amoureux. Mais 537 pages de pur bonheur. Il faut se laisser aller avec ce genre de livre, rien ne sert de vouloir tourner les pages à toute vitesse. C’est un roman avec lequel il faut prendre le temps et ne pas se presser, c’est seulement ainsi qu’on peut vraiment le savourer. Et alors que le froid s’abat sur nous, la chaleur de cet été américain fait vraiment du bien, la langueur dans cette lecture nous fait presque croire que nous sommes en vacances. Ce livre nous détend et nous plonge complètement dans un autre univers.

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Ce qui est bien (paradoxalement) dans ce roman, c’est qu’on n’est pas obligé d’aimer le personnage principal. Cependant, sa vie nous intéresse et ça, c’est tout le génie de l’écriture de Steve Tesich. On apprend à connaître Daniel en même temps que ce dernier car cet été va être l’occasion pour lui de découvrir des facettes inédites de lui-même. On est happé par le destin de ce garçon et on veut savoir comment cela va évoluer et surtout comment lui va réagir. L’écriture est parfois très surprenante car d’un style assez commun, elle peut devenir d’un coup virulente, violente, charnelle, malsaine, enfantine. Les dialogues sont assez énigmatiques, je dois l’avouer, je les vois mal exister dans la réalité, mais dans la réalité de ce roman, ils ont tout à fait leur place et permettent de renforcer cette aura de mystère et de non-dit qui plane sur tout le livre.

Price, c’est tout une ambiance, et c’est difficilement descriptible car c’est avant tout une expérience à vivre, plus qu’une simple histoire à lire. Tout rentre en synergie pour faire de cette lecture un moment complètement à part du temps commun. Je ne peux donc que vous le conseiller !

Steve Tesich, Price, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jeanine Hérisson, dans une très très belle édition réalisée par Monsieur Toussaint Louverture qui a eu une sacrée bonne idée d’éditer ce roman de 1982.

J’irai cracher sur vos tombes, de Boris Vian

Après La Promesse de l’aube de Romain Gary, je continue de rattraper mon retard dans les classiques de la littérature de notre temps en abordant cette fois le fameux J‘irai cracher sur vos tombes de Boris Vian.

Cette lecture fut assez explosive. N’ayant absolument jamais lu cet auteur, j’avoue que j’ai été très désarçonnée et surprise : il faut dire que l’écrivain ne s’embarrasse pas de convenance et va… droit au but. Je vais être assez peu précise sur l’intrigue pour ne vous gâcher le plaisir de ce roman qui se lit très très vite.

Un jeune homme, Lee, vient de débarquer en ville, il tient la librairie – une succursale de grande chaîne. On est en Amérique, à l’époque des diners aux relents de ségrégation raciale. La jeunesse est un peu folle et elle ne va pas bouder son plaisir quant à profiter de sa vie. Lee côtoie une bande d’amis plus jeunes que lui, il est attirant et n’a aucun soucis à coucher avec toutes les filles. Côté sexualité, c’est assez libéré et débridé, avec pas mal d’alcool. On sent bien que Lee cherche quelque chose dans tout ça : cette vie ne lui déplaît pas du tout, mais il veut aller plus loin, coucher avec des femmes qui en valent la peine, et pas juste des nénettes en socquettes blanches. Le pourquoi, je ne vous le dis pas, à vous de la découvrir.

Au-delà de l’histoire qui est très particulière (mais captivante), c’est la langue de Boris Vian qui choque le plus. Il n’y va pas par quatre chemins, il s’exprime comme son personnage, et ce dernier n’est pas doctorant en lettres classiques, c’est sûr. Il va droit au but, ne s’embête pas avec des salamalecs. J’ai apprécié cette « fraîcheur », cette franchise, même s’il m’a fallu plusieurs pages pour m’y faire – surtout que j’ai mis beaucoup de temps à comprendre l’intrigue, le héros, etc. Au début, on se demande quel intérêt a cette histoire, si ce n’est pas juste un roman qui parle de picole et de baise vite fait. Mais très vite, on sent qu’il y a quelque chose de plus profond derrière et Boris Vian nous emmène à une vitesse folle jusqu’au bout de l’histoire. On veut en savoir plus, en voir plus, avec empressement et avidité.

C’est assurément une expérience à vivre que de lire du Boris Vian. Je serai incapable de dire si j’ai aimé ce roman. Ce qui est sûr, c’est que j’ai aimé cette expérience-là. Et si ce n’est pas déjà fait, vous devez absolument tester. Vous aurez peut-être envie d’abandonner cette lecture en cours de route, mais persistez – de toute façon, ce livre est plutôt court -, car ça en vaut vraiment la peine.

Boris Vian, J’irai cracher sur vos tombes, Le Livre de Poche (14143), 5€.

Un roman américain, d’Antoine Bello

Je suis désolée d’avoir délaissé ce blog pendant une bonne partie du mois de janvier. J’ai d’abord été tétanisée par les évènements atroces que la France a subi. Il m’a fallu du temps pour m’en relever, comme beaucoup d’autres j’imagine. Vraiment, ça m’a touchée et meurtrie.

Puis quand j’ai re-commencé à vouloir écrire, j’ai tout simplement été malade. Je préférais garder mes dernières forces pour le travail. En parlant de travail, j’ai repris mon boulot à l’association du Prix du Jeune Ecrivain. Donc si vous écrivez des nouvelles et que vous avez entre 15 et 27 ans, c’est le moment de participer ! Et si vous voulez faire partie de nos comités de lecture, envoyez-moi un petit mail : lacritiquante@gmail.com

Bref, parlons du vif de sujet.

Pendant les vacances de Noël, j’avais embarqué un roman qui m’intriguait : le sujet avait l’air soporifique et j’étais curieuse de voir comment l’auteur allait s’en dépatouiller. Ce livre, c’est Roman américain d’Antoine Bello (ancien lauréat du Prix du Jeune Ecrivain soit dit en passant…).

Je vais faire quelque chose que je fais rarement dans mes chroniques, je vais résumer l’histoire en citant la quatrième de couverture. Parce que le faire de façon claire, j’en suis personnellement incapable.

Vlad Eisinger, journaliste économique américain, publie une série d’articles sur le marché du «life settlement». Cette pratique, qui consiste à revendre à des tiers des assurances-vie en cours, est devenue un véritable marché aux États-Unis, sur lequel assureurs et investisseurs opposent leurs intérêts respectifs jusqu’aux limites de la légalité.
Vlad étudie ce phénomène à travers le microcosme d’une résidence de Floride, Destin Terrace, où cohabitent des personnes ayant revendu leurs assurances-vie et des investisseurs qui ont bâti leur fortune sur ce marché. Dans la résidence vit l’autre narrateur du roman, Dan Siver, écrivain sans succès, qui décrit de l’intérieur les répercussions tragicomiques des articles de Vlad sur les membres de la communauté.

Oui, oui, un livre avec de l’économie et des magouiles américaines dedans. Et une observation sociologique dans un patelin à la Desperate Housewives. Dis comme ça, ça ne donne pas forcément envie. C’est sans compter la façon dont Antoine Bello traite son sujet. Le roman est partagé entre les échanges de mails entre Dan et Vlad, le journal que tient Dan et les articles qu’écrit Vlad. Ces différents éléments s’alternent de façon harmonieuse et judicieuse, cassant une narration qui sans cela aurait pu être monotone. Une idée lumineuse, les différentes parties se répondant entre elles et faisant avancer l’intrigue d’une manière très agréable. En fait, la lecture est agréable. A aucun moment, je n’ai voulu posé le livre par ennui. Au contraire, je ne pouvais plus le lâcher !

Antoine Bello mène ses lecteurs par le bout de nez. Son écriture est à la fois ferme, bien maîtrisée, et drôle, virtuose. Il réussit à nous faire voir une autre Amérique par le prisme du marché des assurances vies. Avouez que c’est quand même un coup de maître !

N’hésitez plus et partez vite à la découverte de cet auteur talentueux et de son Roman américain. C’est une expérience à vivre, et le dénouement de l’histoire est juste magique.

Antoine Bello, Un Roman américain, aux éditions Gallimard, 18€50.

American rigolos, de Bill Bryson

Désolée pour mon absence ces derniers jours, ma vie a été bien remplie. J’ai commencé mon stage à l’association du Prix du Jeune Écrivain, et ça occupe bien mes semaines. Sans compter sur le boulot à la médiathèque où je ne peux m’empêcher d’emprunter des dizaines de livres, si bien que ma PAL personnelle refuse de baisser.

Je pense qu’il faudra un jour ou l’autre que j’arrête les challenges, car j’ai bien du mal à m’y tenir. De plus, une petite mise à jour des différentes pages du blog s’impose, j’attaquerai tout ça la semaine prochaine normalement. Ah, et il faut que je rattrape mon retard en voyant un peu ce qu’ont publié tous mes camarades blogueurs ces derniers temps ! Bref, passons à la chronique du jour…

Ah, les États-Unis… Une contrée lointaine et profondément différentes. J’ai voulu en savoir un peu plus sur cette population si… à part. Et pour ça, j’ai choisi les articles de Bill Bryson, rassemblés dans un livre : American rigolos, chroniques d’un grand pays. Ce journaliste américain a vécu pendant vingt ans en Angleterre avant de retourner dans sa contrée natale. C’est de là-bas qu’il a écrit ces articles hebdomadaires, publiés dans un journal britannique. Un Américain qui parle d’Amérique à des Anglo-saxons, avec beaucoup d’humour ou de distance.

 

Tous les sujets sont abordés. Parfois, rien de précis, parfois rien de très états-uniens. Ce sont surtout des discussions, des constatations, des opinions qui partent d’un entre-filet, d’une étude parue dans un magazine ou un quotidien. Au programme, on parle grande consommation, confort à l’excès, règles, et tout plein d’autres petites choses qui peuvent passer inaperçue mais qui conditionnent le mode de pensée américain, la conscience américaine, les réflexes américains. C’est assez effarant, mais en même temps, on se doutait de beaucoup de choses (l’insipidité de la nourriture de ce pays qui a inventé le fromage en aérosol, les méthodes de pubs à la limite du harcèlement, etc, etc.). Malgré tout, c’est très intéressant d’avoir l’éclairage d’un Américain ayant pu voir ce qui se fait ailleurs (c’est-à-dire en Angleterre).

Bill Bryson ne manque pas d’auto-dérision par rapport à son propre peuple. Il s’en démarque, n’ayant pas gardé les mêmes habitudes qu’eux, et préférant marcher à prendre la voiture pour juste une centaine de mètres…. Toutefois, même si ses critiques sont plutôt acerbes, il est heureux de certains aspects de la vie américaine et doit admettre que tout n’est pas si gris, au vu de l’enthousiasme de sa femme face à ce Nouveau Monde.

Les articles sont courts et se lisent vite. Ils peuvent être pris dans le désordre, mais lus chronologiquement, c’est tout aussi agréable, il y a des rappels, des clins d’œil à des choses précédemment dites. Toutefois, il faut noter que ce livre commence à avoir de l’âge et que certaines données ne sont plus d’actualité. Mais cela n’enlève rien aux charmes de ce recueil qui se dévore très vite et sans efforts.

Bill Bryson, American rigolos, chroniques d’un grand pays, traduit de l’anglais (États-Unis) par Christiane et David Ellis, Petite bilbiothèque Payot (467), 9€.