Les ateliers d’écriture du Prix du Jeune Écrivain

Aujourd’hui, on ne va pas parler de lecture – enfin pas tout à fait. Dans le domaine de la littérature et du livre en France, je trouve qu’il y a quelque chose de formidable qui participe pleinement à cette forme d’exception française qu’on aime bien mettre en avant : nous vivons les livres. Nous vivons les mots, nous vivons la littérature. Les librairies et les bibliothèques sont plus qu’actives, faisant des rencontres et des débats à tour de bras. Les petits salons du livre comme les gros festivals sont légions sur notre territoire. Et je regarde tout cela avec un œil extrêmement bienveillant : je suis heureuse quand j’observe les recueils, les bouquins, les fascicules s’épanouirent dans les mains de lecteurs curieux et voraces plutôt que prendre la poussière, oubliés de tous. Et dans ce domaine-là, on oublie trop souvent de parler des associations. Cercles de lecteurs, ateliers d’écriture, prix littéraires, soutien à la langue… des milliers de personnes à travers le monde font vivre les mots dans le domaine associatif.

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Je tenais donc à vous parler du Prix du Jeune Ecrivain (ou PJE pour les intimes). Depuis plus de trente ans, cette association basée au Sud de Toulouse défend la création littéraire en langue française. A travers son Prix, elle invite tous les jeunes francophones du monde entier à écrire des histoires, des nouvelles. Cela fait cinq ans maintenant que je gravite autour de l’association, et l’émulation autour de l’écriture et de la littérature y est assez extraordinaire. Mais plus que le Prix, qui est déjà une grande aventure, j’ai plus d’affection pour les autres activités de l’association.

Pour faire rapidement : le PJE organise trois rencontres/événements ainsi qu’un festival (théâtre/musique…) de deux semaines chaque année dans sa ville, Muret. L’association est comité de lecture pour le Prix des Cinq Continents de la Francophonie (organisé par l’OIF) et pour le prix Claude Nougaro (organisé pour la région Occitanie). Mais surtout, ce qui est si cher à mon cœur : le Prix du Jeune Ecrivain organise chaque année des ateliers d’écriture. Pendant plusieurs jours, vous pouvez travailler autour d’un thème en petit groupe avec un auteur. Et c’est une expérience magique. Bien évidemment, vous progressez, vous mettez le doigt sur vos forces et vos faiblesses d’écrivain. Mais surtout, vous vivez des instants uniques de partage, de rencontre. Des gens venus de tous les horizons, de toute la France et de l’étranger se donnent rendez-vous près de Toulouse le temps d’une petite semaine pour écrire. C’est une parenthèse qui fait du bien : on prend du recul, on se coupe du reste du monde, on est entre nous, sans jugement et avec beaucoup d’amitié et de bienveillance…. Juste pour écrire. Pour l’avoir vécu, croyez-moi, c’est quelque chose.

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L’atelier d’écriture d’Alain Absire.

Je ne suis pas là pour vous vendre un produit. Je ne vais pas m’étaler sur les conditions agréables, sur la réputation des auteurs qui mènent les ateliers, sur l’expérience de l’association dans le domaine. Sachez juste qu’il y en a pour tous les goûts : des auteurs strictes et motivants, d’autres plus doux. Romans, poèmes, nouvelles, vous croiserez toutes sortes de littératures. Il reste encore quelques places pour cette année, en juillet 2017, au tout début des vacances scolaires. Si jamais vous hésitez, si jamais cela vous intrigue… n’hésitez pas à me laisser un petit message ou à contacter l’association.

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Jean-Claude Bologne conseille Pénélope sur son texte.

Pour ma part, j’aurai le grand plaisir cette année encore d’être dans les parages pour aider les bénévoles et je compte bien vivre cette expérience à fond. Pour un prix très raisonnable, je ne crois pas avoir encore croisé de tels ateliers. Et vous ? Avez-vous déjà eu l’occasion de vivre telle expérience ? Je veux tout savoir !

Price, de Steve Tesich

Ah, que j’aime ces romans américains qui traînent en longueur sous le soleil brûlant de l’été alors que derrière les portes des maisons se trament silencieusement le drame d’une vie. Vous voyez ce dont je veux parler ? Il n’y a pas à dire, dans le genre, les Américains, ils maîtrisent. C’est le cas notamment de Steve Tesich – que l’on connaît déjà pour son Karoo – qui nous offre avec son Price un roman langoureux et lancinant qui fait son petit effet.

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Dans la ville d’East Chicago, Daniel Price, dix-huit ans, finit le lycée. Commence alors le dernier été avant le reste de sa vie, une période vient de se terminer. Il traîne encore avec Larry – impulsif et taiseux – et Billy – gentil et casanier –, ses amis du lycée, ses meilleurs amis. Mais cet été 1960 n’est pas comme les autres. Dans une ville industrielle qui vit de la raffinerie, il n’y a pas grand chose à faire, toutefois le destin va donner à Daniel de quoi réfléchir, de quoi être perdu aussi. Il fait la rencontre de Rachel, qui l’hypnotise avant même qu’il ne la voie. C’est immédiat, c’est intense. Mais la jeune fille est mystérieuse, elle passe du coq à l’âne, ne répond jamais aux questions, change d’attitude à chaque minute. Si bien que Daniel ne sait absolument plus quoi penser de leur relation. Comment doit-il agir ? Que doit-il lui dire pour qu’elle se laisse aller complètement et devienne sienne ? Il est comme obsédé par cette jeune fille, même dans les pires moments. Car pendant ce même été, son père va tomber très malade, le genre de maladie qui rend irritable et nous oblige à revivre son passé. Entre lui et sa mère superstitieuse, entre ses amis qui s’éloignent et la découverte de lui-même, l’été de Daniel Price va filer en un éclair.

537 pages de remise en question, de scènes imaginées, de dialogues muets, de tourments amoureux. Mais 537 pages de pur bonheur. Il faut se laisser aller avec ce genre de livre, rien ne sert de vouloir tourner les pages à toute vitesse. C’est un roman avec lequel il faut prendre le temps et ne pas se presser, c’est seulement ainsi qu’on peut vraiment le savourer. Et alors que le froid s’abat sur nous, la chaleur de cet été américain fait vraiment du bien, la langueur dans cette lecture nous fait presque croire que nous sommes en vacances. Ce livre nous détend et nous plonge complètement dans un autre univers.

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Ce qui est bien (paradoxalement) dans ce roman, c’est qu’on n’est pas obligé d’aimer le personnage principal. Cependant, sa vie nous intéresse et ça, c’est tout le génie de l’écriture de Steve Tesich. On apprend à connaître Daniel en même temps que ce dernier car cet été va être l’occasion pour lui de découvrir des facettes inédites de lui-même. On est happé par le destin de ce garçon et on veut savoir comment cela va évoluer et surtout comment lui va réagir. L’écriture est parfois très surprenante car d’un style assez commun, elle peut devenir d’un coup virulente, violente, charnelle, malsaine, enfantine. Les dialogues sont assez énigmatiques, je dois l’avouer, je les vois mal exister dans la réalité, mais dans la réalité de ce roman, ils ont tout à fait leur place et permettent de renforcer cette aura de mystère et de non-dit qui plane sur tout le livre.

Price, c’est tout une ambiance, et c’est difficilement descriptible car c’est avant tout une expérience à vivre, plus qu’une simple histoire à lire. Tout rentre en synergie pour faire de cette lecture un moment complètement à part du temps commun. Je ne peux donc que vous le conseiller !

Steve Tesich, Price, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jeanine Hérisson, dans une très très belle édition réalisée par Monsieur Toussaint Louverture qui a eu une sacrée bonne idée d’éditer ce roman de 1982.