Songe à la douceur, de Clémentine Beauvais

Premier coup de cœur pour ce mois de février, ça tombe bien, c’est le mois de la Saint-Valentin – et oui, je sais, cette chronique ne paraît qu’en mars. Vous voulez une histoire d’amour tout en douceur, une histoire d’amour qui change des romances fleur bleue mais qui reste romantique à souhait quand même ? Alors Songe à la douceur de Clémentine Beauvais est pour vous.

Tatiana et Eugène se sont connus quand ils étaient adolescents. Elle avait le béguin pour lui. Alors que sa sœur Olga et son ami Lensky s’aimaient d’un amour fou à côté d’eux, Eugène et Tatiana faisaient connaissance. Puis leurs liens ont été rompus. Dix ans plus tard, ils se retrouvent, au hasard des rues de Paris.

Ce roman est une vraie pépite, c’est la plus belle œuvre que j’ai lu depuis longtemps. Il y a une certaine paresse dans les sentiments que les personnages éprouvent. Et aussi une émulation : on retrouve notre adolescence avec eux. La richesse des sentiments décrits dans ce livre est purement incroyable. Clémentine Beauvais sait nous émouvoir, nous emporter et nous fasciner pour ce couple en devenir que l’on suit avec bonheur. Pourtant, ce n’est qu’une histoire d’amour, de retrouvailles… mais ce n’est pas que ça. L’auteure a voulu faire sa version d’Eugène Onéguine de Pouchkine, et elle a su retransmettre ce petit côté russe que j’aime tant, tout en l’insérant dans la vie parisienne. Paris, une histoire d’amour, avec des personnages qui sont nés dans les mêmes années que moi : j’ai adoré m’identifier à cette histoire, et j’imagine que c’est en partie pour cela que j’ai tant apprécier ce roman.

Bien sûr, je suis obligée de parler de ce style ! En vers libres, une pure merveille. Quel style, quelle richesse de la langue, honnêtement, je suis vraiment époustouflée ! Il n’y a pas de mots assez forts pour exprimer la fascination qu’a eu sur moi ce livre. Ça se lit très facilement, sincèrement on se laisse emporter très vite – j’avais des appréhensions au début, des préjugés, ils sont tous tombés en deux pages.

C’est un roman exceptionnel, il réserve de nombreuses surprises. Je m’en souviendrais longtemps.

Clémentine Beauvais, Songe à la douceur, aux éditions Points, 7€40.

Eugène Onéguine, d’Alexandre Pouchkine

« L’amour s’impose à tous les âges, /Mais il n’est bon dans sa fureur, /Comme aux prairies de mai l’orage, /Qu’aux jeunes âmes en candeur : /Ses brusques pluies les rafraîchissent, /Les renouvellent, les mûrissent, /Et la puissante vie produit /De douces fleurs, de riches fruits. »

C’est une oeuvre peu banal que je vous propose de découvrir aujourd’hui. Il s’agit d’un roman en vers écrit entre 1823 et 1830 par Alexandre Pouchkine dont j’avais déjà chroniqué une nouvelle. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, il n’est pas plus difficile de rentrer dans cette histoire que dans une autre qui serait prosaïque. Au contraire, la musicalité de ces vers, admirablement traduits en français par André Markowicz, donne un rythme à ce roman qu’il est rare de retrouver ailleurs. L’écriture est très fluide, et même ceux qui goûtent peu à la poésie pourront trouver leur bonheur dans cet ouvrage.

Il est question ici d’un jeune dandy pétersbougeois, Evguéni (Eugène) Onéguine, en peu las de la vie, qui part à la campagne à l’occasion d’un héritage. Il devient ami avec Vladimir Lenski qui lui fait rencontrer les soeurs Larine. Lenski souhaite se marier avec la cadette, Olga et Onéguine est devenu la cible de l’amour fou de Tatiana, l’aînée. Je ne vous en dirai pas plus, juste qu’on a très envie par moment de donner une gifle à ce privilégié d’Eugène qui n’a pas forcément les bonnes réactions… bref, la suite est faite d’un coup de feu, de mariage, de départ, de retrouvailles. Ce que j’ai trouvé très plaisant dans ce livre, c’est notre relation privilégié avec l’auteur qui n’hésite pas à prendre la parole directement : coupant le récit, il nous nargue sa vie, ses points de vue sans pour autant que cette dichotomie avec le récit fictionnel nous dérange. Au contraire, on a presque l’impression que tout cela est naturelle, on ne fait que partager une discussion avec un bon ami…

Même si ce roman est remplie de références culturelles pointues ou qui nous sont étrangères, son thème est universel. Il faut juste franchir le pas des quelques a priori sur la forme qui pourrait vous bloquer et se vous laisser porter par ces vers, ces sonorités et ce rythme qui rendra ce livre encore plus savoureux. C’est une bien maigre chronique pour un tel ouvrage, la seule chose que je peux vous (pré)dire : vous allez pousser un soupir de bonheur et d’aise en refermant ce bouquin.