Max, de Sarah Cohen-Scali

Vous l’avez peut-être remarqué, le contexte de la Seconde Guerre mondiale est un de mes préférés dans les romans. Ce cadre morbide me surprend toujours et il est propice aux histoires fortes. Généralement, les livres qui avaient pour paysage ces années sombres m’ont fait découvrir l’histoire des résistants, des clandestins et même des collabos, mais je dois avouer que jamais je ne suis entrée dans l’intimité des nazis pure et dure. Aujourd’hui, c’est chose faite avec Max de Sarah Cohen-Scali. Cette fiction a été publié dans la collection Scripto de Gallimard qui est juste génial (vraiment!) : elle s’adresse aux adolescents et aux jeunes adultes.

 

Max, même s’il ne sait pas encore qu’il aurait du s’appeler comme cela, nous raconte sa vie, de sa procréation jusqu’à l’âge de ses dix ans. Je dois avouer que c’est vraiment perturbant d’entendre un fœtus nous parler et même plus tard un bébé ou un enfant, surtout qu’il le fait avec une verve et une intelligence digne d’un adulte omniscient. Cela m’a vraiment désarçonnée, mais c’est un choix audacieux et original. Bref, continuons.

Max est né le 20 avril 1936, jour anniversaire d’Adolf Hitler. Sa naissance n’est pas un hasard et résulte de l’accouplement d’un haut gradé SS avec une femme possédant toutes les caractéristiques aryennes. Max constitue le premier spécimen né dans un Lebensborn, un programme crée par Himmler qui doit permettre la naissance de purs représentants de la race aryenne qui sera bien sûr amenée à gouverner. En effet, il faut repeupler cette Allemagne envahie par des êtres dégénérés, ces parasites qu’il faut s’efforcer de faire disparaître.

Et Max, dès sa naissance, est le parfait petit allemand national-socialiste. Blond aux yeux bleus, une gueule d’ange, mais aussi et surtout une vitalité et un amour pour sa patrie sans égal. Aveuglé par les préceptes du nazisme, il dit que sa mère est l’Allemagne et son père le Führer. Sa destinée est de servir son pays, dans la haine antisémite et la volonté d’un purification aryenne.

Baptisé Konrad von Kebnersol par Hitler en personne, il mènera une vie courageuse, son seul dieu étant le nazisme et ses intérêts. Cet enfant fait peur, de par sa radicalisation, mais aussi de par cette absence juste incroyable d’objectivité. Il a été conçu pour et par les nazis et ce procédé a fonctionné comme on ne l’aurait jamais imaginé. C’est une lecture choquante, et même si l’on sait que le cas de Max est une fiction, on est vite horrifié d’imaginer que ces Lebensborn ont réellement existé !

Au niveau de la langue, on sent que c’est un roman pour « jeunes ». Je dois avouer que j’ai grimacé face à des tournures de phrases vraiment limite : je comprends bien que c’est Konrad qui s’exprime durant tout le livre, mais de grandes marques d’oralité auraient pu être évitées. Cela a vraiment décrédibiliser ce roman par moment. Cependant, cette lecture n’en est que plus facile, plus « coulante » et les pages défilent sans qu’on s’en rende compte. On nous tient en haleine car au fur et à mesure qu’il grandit, le destin de l’Allemagne tant chérie par Konrad évolue : la guerre, la menace des alliés puis, on le sait d’avance, la défaite du nazisme : quel va être le destin de ce petit bonhomme ?

On s’y attache à ce Konrad si radical. On sait qu’au font il est Max, un petit garçon comme les autres, intelligent et sensible. Et quand son chemin va croiser celui d’un autre enfant, plus âgé que lui, la donne va peut-être changer. Je ne peux vraiment pas vous en dire plus car cette rencontre n’arrive qu’à la moitié du livre et c’est dur de révéler des choses sans vous gâcher tout le plaisir de la lecture !

 

Suivre Konrad tout au long de sa croissance permet au lecteur de voyager dans une Allemagne et une Pologne hitlérienne qu’on a peu l’habitude de croiser dans les livres. En effet, ce roman est très documenté et permet d’en savoir plus sur les manigances nazies pour recruter une jeunesse aryenne, et je dois avouer que ça fait peur… On pensait que les camps étaient le summum de l’horreur, mais d’autres procédés plus pernicieux et malsains semblent presque pires !

C’est un roman que j’ai eu du mal à refermer tant il est obsédant et dérangeant. C’est une lecture instructive mais aussi et surtout émouvante, angoissante, inquiétante et fascinante. J’ai eu l’impression de me faire le voyeur de la bêtise nazie. Je vous conseille cette fiction chaleureusement, elle a le mérite de nous faire découvrir une partie du plan d’Hitler, bien loin de la « solution finale », mais tout aussi horrible…

Sarah Cohen-Scali, Max, Gallimard, 15€90