Les Grandes Blondes, de Jean Echenoz

Après Un An, j’ai voulu en savoir un peu plus sur l’oeuvre de Jean Echenoz. C’est pourquoi j’ai décidé de lire Les Grandes Blondes, publié en 1995, qui a obtenu le prix Novembre. C’est un livre décalé et fin qui est, je trouve plus facile à lire que le premier ouvrage de cet auteur que j’ai découvert.

Très vite, la situation nous est exposée. Salvador, qui travaille pour la télévision, veut mettre sur pied avec son assistante Donatienne une émission sur les grandes blondes, naturelles ou colorées, chaudes ou froides. Pour cela, il a pensé à inviter sur son plateau une star de la chanson déchue, Gloire Abgrall, qui après avoir ravi les magazines s’est retrouvé dans la colonne « Faits divers » puis « Justice », accusée de meurtre. Mais voilà : depuis sa libération, la jeune femme n’a plus donné aucun signe de vie et use de toute son intelligence pour se cacher des yeux de tous. Salvador fait donc appel à Jouve pour partir à la recherche de la donzelle, cet enquêteur va faire en sorte d’envoyer ses meilleurs éléments sur le terrain pour remplir sa mission : Kastner, Boccara et Personnettaz se relaieront avec plus ou moins de succès. Mais Gloire est insaisissable et pleine de ressource et la trouver ne va pas du tout être une partie de plaisir.

Ce n’est pas un thriller ou un roman d’enquête, c’est beaucoup plus léger que cela dans l’écriture ainsi que dans certains éléments très « imaginatifs ». Echenoz a inventé une nouvelle façon d’évoquer la recherche de personne disparue et l’univers des détectives privés en incluant des éléments drôles, fantastiques ou à l’inverse morbide mais cela est dit avec un ton et une manière tellement décalée que le côté glauque de la chose n’est pas présent. Poétique, saugrenu, Les Grandes Blondes se lit vite car cette oeuvre saist nous ravir que ce soit dans le sens de nous plaire ou dans celui de nous enlever, de nous kidnapper. Un suspens, très présent sans être oppressant, et un humour toujours renouvelé et sur la limite font que ce livre n’est jamais ennuyeux mais au contraire, il rend accro !

On aimerait voir plus souvent lire ce genre d’ouvrage qui, sans nous prendre pour des idiots, sait nous caresser dans le sens du poil. L’écriture légère mais authentique nous envoie dans un monde où le réel est différent du nôtre, où même les actes les plus affreux sont peut-être admis avec plus de désinvolture. Je vous conseille donc vivement d’aller vous plonger dans ce roman tout à fait extra-ordinaire où les grandes blondes ne sont qu’un prétexte insolite mais terriblement grinçant pour explorer les possibilités poétiques et humoristique que nous donne le roman.

Les-grandes-blondes

Plaisir d’humour, d’Alphonse Allais

Alphonse Allais, considéré par certains comme l’un des plus grands conteurs français, est connu avant tout pour son humour acerbe voire absurde, peuplé de calembours et de jeux de mots. Aujourd’hui, je vais vous parler d’un recueil qui regroupe une quarantaine de ses petites histoires.
Ce livre, je l’ai trouvé au fin fond de mon CDI de collège le jour du grand débarras. Il a à son compteur 50 ans de lecture par des élèves boutonneux et maladroits qui l’ont feuilleté négligemment. Les pages jaunies et cornées, la couverture vieillie et déchirée, il n’est pas en bon état mon recueil. Qu’importe, je veux lui donner une seconde vie, et pour cela, rien de mieux qu’une lecture passionnée.
Car on ne peut être qu’émerveillé face à cette écriture de l’insolite et de l’anecdote : « Il y a des personnes sur terre auxquelles, point comme à d’autres, arrivent les plus saugrenues aventures. Et le plus terrible, dans leur cas, c’est que, loin de songer à plaindre les pauvres gens, tout le monde s’accorde à rire de leurs mistoufles. »
Le livre est composé de multiples contes, très courts, quarante au total. Une lecture fragmentée donc, idéal pour les trajets en bus ou métro jusqu’à la fac, jusqu’au bureau, ou les longues minutes passées dans les salles d’attentes variées. Les thèmes abordés sont très divers, le genre humain étant étudié sous toutes ses formes, notamment les plus loufoques. Cela va des soldats culs-de-jatte, aux cousins germains jumeaux en passant par les collectionneurs d’haricots. On retrouve bien sûr certains des pastiches très célèbres du critique d’art Francisque Sarcey, une des cibles favorites de notre auteur. C’est une mise en bouche très agréable pour découvrir l’écriture si particulière d’Allais, une écriture dont on manque aujourd’hui, la presse acerbe ne montant plus à ce niveau de nos jours. Très léger, très humoristique, ces contes ne souffrent pas de lourdeur comme on pourrait le craindre et cela est sûrement du au judicieux choix d’une narration courte.
Il y a vraiment peu de choses à rajouter pour ce recueil simple et vivifiant, un bon remontant pour ceux qui voient déjà s’approcher à grands pas la fin de leurs vacances et la reprise de leur boulot ! Je finirais sur ces mots d’Allais, bien avant-gardistes pour leur époque :
« Un journal sans papier ! Une revue sans papier ! Un roman sans papier ! Et pourquoi pas ? »