Dans le secret d’une photo, de Roger Grenier

Dès son enfance, Roger Grenier a trimbalé un appareil photo avec lui. Plus qu’un engrangeur à souvenirs, il est le symbole de toute une vie, mais c’est aussi un art que l’auteur apprécie. Dans le secret d’une photo est un hommage à cette petite boîte d’instantanés qui permet de retracer une vie ou l’histoire d’un pays. L’écrivain évoque tous ces Leica et ses Agfa qu’il a croisé tout au long du XIXe siècle, rappelant ainsi des bribes de son propre passé.

 

Un livre autobiographique mais qui parle plus de la photographie que de l’auteur lui-même, voilà un bien étrange ouvrage. Pourtant, ces pérégrinations dans la vie de Grenier ne sont pas dénouées d’intérêt : j’ai pu ainsi découvrir la longue carrière de cet homme à la fois pion, résistant ou intervieweur, sa nostalgie quand il a du abandonné la photo le temps de son travail de journaliste. Mine de rien, on traverse une guerre mondiale, on visite l’autre par de vieilles photos, on est pendant quelques pages soixante-huitard avant d’aller voyager en Italie ou de devenir reporter.

L’écriture est « sans chichi » : Grenier n’est pas là pour nous impressionner ou pour étaler sa science, juste pour partager avec nous une passion de l’image et nous dévoiler le secret amour d’inconnus pour la pellicule. De laboratoire de développement en studios renommés, c’est surtout dans l’intimité d’une photo que l’on voyage, notamment au côté de Brassaï, mais Nadar, Doisneau ou Cartier-Bresson ne sont pas en reste.

Qu’elle soit amateur, artistique, professionnelle, journalistique, la photographie n’en a pas fini d’émouvoir, et même si ce livre ne constitue pas une ode à l’argentique, il y a un certain charme désuet avec les vieux appareils, un charme que cette œuvre nous présente si joliment qu’on en regretterait presque nos numériques et leurs capacités mémoire de centaines de photos.

Un ouvrage bien agréable, qui se laisse lire sans y penser, je vous le conseille, que vous soyez ou non amoureux de la photographie.

Roger Grenier, Dans le secret d’une photo, Gallimard, collection L’un et l’autre, 17€50.

Instantanés, de Roger Grenier

Je reviens encore avec un livre de Roger Grenier, mais habituez-vous car ce ne sera pas le dernier. J’en ai choisi un dans la même veine que Le palais des livres : il s’agit d’Instantanés.

Ce livre est composé de plusieurs petits chapitres, des « instantanés », qui évoque différentes personnes du monde des lettres. Tous nous ont quitté il y a plusieurs années et Roger Grenier les a presque tous connu personnellement.

C’est une entreprise originale : vouloir sauvegarder par les mots une vie, un moment, une expérience, une rencontre. Ce n’est pas une œuvre de témoignage à proprement dit mais plutôt un hommage rendu à ses personnes qui ont impressionné Roger Grenier, lui ont appris des choses sur la littérature ou la vie.

Bien sûr, on retrouve des noms connus, notamment Camus avec qui il était proche, ou encore Romain Gary mais aussi des personnes un peu oubliées aujourd’hui ou dont même on ignorait l’existence : des auteurs français ou étrangers, des journalistes, des voyageurs… Roger Grenier nous parle de leur vie entière, ou de leur œuvre, ou d’un de leurs livres en particulier, mais il se rappelle également d’un interview partagé avec eux, du fait de devenir voisin, de leur bureau, de leur amour pour les animaux… Plus que des professionnels, ce sont des hommes originaux, uniques qui nous sont présentés ici. Avec quelque mot, Grenier sait leur redonner vie.

 

Mais en plus, on se prend une nouvelle claque concernant cet auteur à la vie si remplie car il partage avec nous quelques unes de ces histoires personnelles, de ses expériences : sa vie rue du Bac, son poste à Combat, son voyage près du Potomac pour rencontrer Dos Passos, sa carrière d’intervieweur… Je suis juste époustouflée d’en apprendre encore plus sur sa biographie si épaisse.

Et comme dans Le palais des livres, on retrouve une écriture sans fioritures ni effet de manches, toujours si agréable à lire, vraie, juste, sincère, émouvante sans être mélo. Un petit bonheur.

Roger Grenier, Instantanés, NRF Gallimard, 14€75.