Dans le cadre d’une lecture commune pour le mois américain de Noctenbule, j’ai lu mon premier Paul Auster, un grand nom de la littérature outre-atlantique qui me tardait de découvrir. Mon choix s’est porté sur Seul dans le noir, la quatrième de couverture m’ayant séduite.

Oui, la couverture est très, très moche.
August Brill est un homme à la retraite, ancien critique littéraire. Il vit chez sa fille Myriam, une divorcée en mal d’amour, qui accueille également sa petite-fille Katya, une veuve bien trop jeune dont le mari a trouvé la mort en Irak. Bref, le moral de la famille n’est pas forcément au beau fixe, et pour ne pas se laisser envahir par des souvenirs plus sombres, Brill écrit, sur le papier ou dans sa tête, des histoires.
Dans un monde parallèle où l’Amérique ne mène pas de guerre en Irak, où les Tours jumelles sont toujours debout, une guerre civile entre fédéraux et indépendantistes fait rage. Une situation presque plus grave que doit résoudre un magicien d’anniversaire propulsé au rang de sauveur du monde. Ce n’est pas comique, même si on pourrait le croire : au contraire, la situation est grave, tout est devenu dangereux ou suspect.
C’est un livre bien étrange car les deux narrations, celle de Brill et celle que le retraité est en train d’imaginer se croisent et s’entremêlent. On ne rit pas dans ce roman mais on ne perd pas espoir pour autant. La vie nous fait des crasses, à tel point qu’on se demande pourquoi on reste là, à respirer. De temps à autre, la biographie d’un proche ou un cours sur le cinéma vient nous sortir de la trame originelle mais au fond tout est lié.
Mais ce qui est le plus bizarre, c’est qu’aucune pointe de pessimisme n’est discernable bien que cette histoire soit triste. C’est un sentiment unique qui nous envahit au fur et à mesure des pages, une sorte de spleen nostalgique qui nous balade le long de ces douces phrases, de ces monologues, de ces dialogues suggérés.
Paul Auster
L’écriture semble simple mais en réalité, elle arrive à remuer sournoisement notre fondement : les personnages ne veulent qu’avancer de ce monde (le leur ou leur Amérique en pleine révolution) un peu chaotique qui ne les a pas gâtés. C’est un peu une leçon de vie, sans se presser.
Je ne vais pas dire que ce roman a été un coup de cœur pour moi, ce serait un mensonge. Il y a certaines longueurs, certaines simplicités, certaines digressions qui le desservent. Le topos de l’amour collégien, qui a une part non négligeable ici, ainsi que celui de la femme fatale et du divorce m’ont profondément ennuyé : ça a été tellement rebattu dans le passé… Ici, rien de neuf sous le soleil : le deuil, c’est pas drôle, l’handicap, c’est moralement épuisant, et l’écriture, c’est cathartique. J’exagère le trait, mais par moment, j’ai eu un ras le bol de toutes ces images-marroniers.
Heureusement, il y a cette ambiance, cette atmosphère si joliment crée mais surtout cette invention d’un monde sans attentat du 11 septembre, et rien que pour ça, ce livre vaut le détour. C’était mon premier Auster, et j’avoue aujourd’hui que je ne sais pas si je vais retenter l’expérience… Il faudrait, car on me répète assez souvent que la première impression n’est souvent pas la bonne.
Paul Auster, Seul dans le noir, Le Livre de Poche, 6€60.