Fleur de Tonnerre, de Jean Teulé

fleur-de-tonnerreJean Teulé. Troisième apparition de l’auteur sur le blog, avec Fleur de Tonnerre, même si j’ai déjà eu l’occasion de lire beaucoup plus de ses romans dans le passé. Et très franchement, je ne sais pas trop quoi en penser. Il y a certaines œuvres dans sa bibliographie qui sont incroyables, d’autres décevantes. Mais il y a toujours un style propre à Jean Teulé reconnaissable entre mille. Après, de là à dire que j’aime ça… Il ne faut pas exagérer.

On sait que le bonhomme aime bien les récits historiques, les histoires qui se basent complètement sur des hommes et des femmes particuliers, à la lisière de l’humanité et de la folie. Et le personnage central de cette intrigue m’avait attiré dès la quatrième de couverture. Elle s’appelait Hélène Jégado et ce n’est pas qu’une femme de fiction : elle a vraiment existé, dans la première moitié du XIXe siècle, en plein cœur de la Bretagne. On la surnommait Fleur de Tonnerre. Elle croyait au pouvoir des menhirs, aux esprits qui hantent les forêts, même si le catholicisme tentait déjà par tous les moyens possibles de se faire une place dans la région. Nous allons la suivre toute sa vie, à travers ses différents et nombreux postes de cuisinière. Derrière elle, les corps s’amoncellent. Car Hélène se sent investi d’une mission, elle a l’impression de faire le travail de l’ankou, de la mort. Elle empoisonne méthodiquement. Affinant ses méthodes, elle n’a jamais fait preuve de scrupules. Les années passent sans qu’elle ne se fasse attrapée, elle connaît de multiples vies. Et il me semble qu’elle y laisse à chaque fois un peu de sa raison.

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J’ignore à quel point il y a du vrai, historiquement parlant, dans ce roman. On ne lui demande pas d’être véridique, mais il semble que l’auteur ait fait pas mal de recherches, ce qui rend ce récit d’autant plus accrocheur. On s’imagine ces scènes, ces gens, ces réactions, ces villes, ces paysages, ces façons de vivre, ces coutumes, cette langue bretonne peu à peu effacée par le français… C’est réel pour nous, on s’y croit vraiment. L’écriture de Teulé, généralement, y aide, avec une langue simple mais ancrée dans l’histoire, de nombreux dialogues, des chapitres courts et directs. J’ai toutefois beaucoup de mal avec ce style inégal : poétique, puis drôle et brusque d’un coup. Je ne suis pas charmée du tout et même pire : j’ai eu l’impression que l’écriture me parasitait parfois dans ma découverte de l’histoire. C’est tellement changeant d’un paragraphe à l’autre que je ne parviens même pas à vous trouver un extrait représentatif du roman.

J’ai apprécié ce destin hors du commun, d’une femme bien étrange. Mais je ne me suis nullement attachée à ce personnage – et pourtant, la littérature nous a démontrés maintes fois qu’un personnage négatif pouvait être attachant. Il y a deux personnages secondaires que l’on croise tout au long du roman…. Je ne les ai pas aimés du tout ! On aurait dit un rajout artificiel pour augmenter le nombre de pages. Ils ne servaient à rien, n’apportaient absolument rien à la lecture.

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Il y a des hauts et des bas dans ce livre. Pour ma part, j’ai l’impression que les sujets traités par Jean Teulé me plaisent de plus en plus, mais son écriture me convient de moins en moins. On sent pourtant que l’auteur soigne son œuvre, qu’il y a un sacré travail là-dessous… Mais ça ne fonctionne pas avec moi, je passe complètement à côté. Il est possible que ce soit ma dernière lecture de l’auteur.

Jean Teulé, Fleur de Tonnerre, aux éditions Pocket (15766), 6€20.

Rainbow pour Rimbaud, de Jean Teulé

Jean Teulé, je le lis depuis assez longtemps. Régulièrement, ses livres apparaissent dans ma PAL. Pourtant je ne suis pas encore décidée si oui ou non, j’aimais cet écrivain. Car d’un livre à l’autre, soit c’est l’éblouissement, soit c’est la déception. Et le roman dont je vais vous parler ne m’aide pas vraiment à trancher.

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Pour me laisser souffler dans l’immense lecture des Misérables de Victor Hugo, je me suis jetée goulûment sur un petit livre plus tout jeune de Jean Teulé : Rainbow pour Rimbaud. L’histoire est celle de Robert, un géant de plus de deux mètres qui connaît par cœur toute l’œuvre du poète, parle le plus souvent en utilisant ses vers, dort dans une armoire et vit chez ses parents à trente ans passés. Il décide un jour de partir, sans trop savoir ni où ni comment. Et par le hasard du téléphone et la fée des bonnes rencontres, il est vite rejoint dans son périple par une drôle de jeune femme responsable de la mort des arbres de Paris, Isabelle, une amoureuse de l’aubépine. Ils vont aller en Égypte, en Afrique, ils vont s’aimer, se laisser vivre, au creux d’un baobab ou dans une chambre dissimulée.

Vous ne comprenez pas tout ? Ce n’est pas grave, moi non plus. Disons qu’il faut plus prendre cela pour une fable poétique qu’un vrai voyage d’apprentissage. Les personnages apprendront tout simplement au cours de ce périple à mieux se connaître (eux-mêmes et entre eux), à vivre plus pleinement sans rejeter ce qu’on pourrait appeler leurs excentricités.

Il faut avouer que ce texte parsemé justement de mots de Rimbaud est très étrange. Jean Teulé fait tout pour quitter le sol et ne pas être terre-à-terre. Ses personnages sont bien éloignés des hommes et des femmes qu’on connaît, ce sont tous deux des phénomènes. Bon, il n’y a pas de mal à faire des personnages de ce genre, mais je vous avoue sincèrement que je n’ai pas adhéré du tout. On ne peut bien sûr pas du tout s’identifier à eux, et je ne suis pas parvenue à les comprendre. Au-delà de l’aspect poésie/liberté/évasion, je n’ai pas du tout saisi l’intérêt de cette aventure que j’ai trouvé plus qu’improbable, complètement irréaliste. Je comprends bien qu’on dépasse le réel, mais un peu plus de logique, un peu plus d’explication aussi sur les gestes et les actes des personnages auraient été le bienvenu. Il s’agit d’un roman qui tourne exclusivement autour des personnages mais pratiquement jamais on n’évoque leur passé par exemple.

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Je suis passée à côté de quelque chose, c’est certain. Toutefois j’admets volontiers qu’il y a de très belles pages dans ce roman. Comme à son habitude, Jean Teulé a une écriture limpide et fluide qui conviendra à tous les lecteurs. De plus, ce livre est très court, la lecture est rapide. Je vous la conseille donc quand même, en la prenant comme une curiosité. Mais je vais aussi lire les romans les plus récents de l’auteur pour essayer de me faire une opinion plus tranchée.

Jean Teulé, Rainbow pour Rimbaud, aux éditions Pocket, 5€80.

Charly 9, de Jean Teulé

J’aime beaucoup les romans historiques, même s’il est vrai que quantitativement parlant, ils sont peu nombreux dans mes lectures. Le dernier en date, c’était La nuit la neige de Claude Pujade-Renaud, que j’avais adoré. Mais j’ai voulu un peu changé cette fois-ci en choisissant un auteur que j’ai beaucoup apprécié dans le passé (même s’il ne figure pas encore sur ce blog) et qui aime beaucoup les romans biographiques : il s’agit de Jean Teulé. Il sort en 2011 Charly 9, récit pseudo-historique de la vie de Charles IX, roi de France, du moment où il signe le massacre de la Saint-Barthélemy à sa mort, à 23 ans.

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Je dis « pseudo-historique » parce qu’il faut se l’avouer que c’est une vision très tranchée du jeune roi et que pas mal de choses écrites dans ce roman ne sont pas historiquement vraies. Mais j’ai personnellement décidé de prendre au pied de la lettre le mot « roman » écrit sur la couverture et de ne pas m’outrer pour ces incartades biographiques qui en ont fâché plus d’un avec Teulé. Ne prenez donc pas ce livre pour argent comptant, au pied de la lettre : c’est avant toute chose une fiction, inspirée de faits réels certes, mais une fiction quand même.

Donc, résumons un peu de l’histoire (avec un h minuscule). On y parle de Charles, enfin Charly, jeune roi, qui aurait préféré que son aîné ne meurt pas et qu’il ne se retrouve pas, lui, à devoir gouverner. Il a 22 ans quand le récit débute. Nous sommes en été et la France est agitée par les rivalités entre protestants et catholiques. Les ministres du roi et son imposante mère, Catherine de Médicis, demande, conjure, ordonne Charly de signer cet ordre qui donnera la mort à quelques 200 nobles huguenots. Gentil garçon, il obéit, même si savoir qu’il sera responsable de ces vies gâchées ne lui plaît pas vraiment. Mais ce seront des milliers de personnes qui périront à la Saint-Barthélemy, ensanglantant la Seine.

Et le massacre se poursuit dans toute la France. Et Charly ne supporte pas d’avoir toutes ces morts sur la conscience. D’une santé plutôt fragile, il commence à avoir des hallucinations, il fait des cauchemars. Sa passion de la chasse devient une passion de la mort. Devant les problèmes de royaume (famine, faillite, révolte, complot) il doit se réfugier dans ses châteaux : il se met alors à chasser perdreaux et lapins chez sa maîtresse ou dans le Louvre, démolissant tout à son passage, meubles ou serviteurs. Appliquant souvent une politique de l’autruche, Charly sombre dans la démence, besognant sur sa maîtresse, faisant sonner son cor constamment, s’irritant contre l’œil bleu d’un cerf sur une de ses tapisseries.

Aux croyances populaires se mélange la métaphore : exténué, à bout de force, Charly 9 se met à transpirer du sang. Chaque pore de sa peau rejette celui des protestants qu’il a abattu. Il sait sa mort proche, mais autour de lui c’est avant tout les soucis de sa succession qui prédominent. Il meurt en roi maudit, sûrement haï par ses congénères, seul et fou.

J’ai beaucoup aimé le traitement, assez caricatural je dois l’avouer, des personnages secondaires (même si historiquement non recevables) : la reine-mère qui fait autorité, le frère Henri, putain fardée et chouchou de Catherine de Médicis, la sœur Marguerite de Valois un peu dérangée sur les bords quand on touche à ses amants, la reine Elisabeth d’Autriche aimante et discrète, Rimbaud et sa Franciade. Même si Charles IX est le cœur du roman, on ne peut s’empêcher de remarquer que tous sont touchés plus ou moins profondément par les malheurs de la France et peuvent même sombrer dans une douce folie : Catherine de Médicis devient la femme la plus superstitieuse de France, Henri duc d’Anjou aime bien le vaudou, le plus jeune des frères tombent dans les conspirations, Marguerite de Valois se promène avec une tête baignant dans l’alcool… Chacun a ses vices et les forces du pouvoir n’épargnent personne.

Charly 9 est un personnage attachant : on le sent trop immature pour gouverner au début du livre, plein de tendresse pour son peuple qu’il veut épargner, préférant les infusions au vin, les grands espaces au Louvre. Mais ce massacre des protestants et les guerres de religion vont bouleverser sa vie. Tout ce qu’il entreprendra par la suite pour se réconcilier avec la France, même si ça part d’un bon sentiment, est soit insensé et dicté par la folie, soit une très très mauvaise idée. Comme dit la quatrième de couverture, c’est dommage qu’un roi ayant pourtant « un bon fond », qui aurait pu être un bon souverain si on lui en avait laissé le temps et l’occasion finisse ainsi. Littéralement rongé par le remords, ces victimes refont surface à même sa peau, l’affaiblissant chaque jour un peu plus. Une agonie très belle dans cet ouvrage, lente, douloureuse mais dans un sens libératoire peut-être. Paraissant le double de son âge, il disparaît presque avec résignation, dans l’attente impatiente de son entourage.

Charly 9 a été, pour moi, un bon roman, et même un bon roman historique dans le sens où j’ai par la suite voulu en savoir plus sur ce roi et sa courte vie, par mes propres moyens, auprès de sources historiques de confiance. C’est sûr que ce personnage se prêtait bien à l’écriture d’un roman : une existence chargée de décisions terriblement importantes, entourés de beaucoup des représentants les plus connus de la monarchie française, un mort discrète. Je regrette juste que la majeure partie du récit soit constitué de dialogues : rien de mieux pour nous immerger à cette époque grâce à une langue assez travaillée, mais j’ai quand même trouvé l’écriture un peu « tarabiscotée » pour une narration pourtant simple. Bref, il y a du bon comme du mauvais dans cet ouvrage qui ne figurera pas dans mes coups de cœur, mais restera tout de même un bon moment de lecture.

Jean Teulé, Charly 9, aux éditions Julliard, 19€50.