Le Japon comme ma poche, de Jean-Yves Cendrey

Voyager parce qu’il le faut, parce que la vie nous pousse un peu dans un avion. C’est ce que va vivre notre héros dans Le Japon comme ma poche.

 

Il habite à Berlin, et uniquement à Berlin. Sa volonté première : la sédentarité. Il veut une vie tranquille faite d’habitude et de lieux connus. Mais une lettre venue de l’autre bout de monde va changer ses projets égotiques. Il doit prendre l’avion, s’arracher à son appartement et ce brouillon d’allemand qu’il commençait à maîtriser pour se rendre au Japon, chez une hypothétique sœur. Nulle excitation, nulle impatience, il y va car il s’y sent obligé. L’hésitation, le trajet en avion et ses rencontres étranges, le séjour où les jours passent et se ressemblent… Rien ne nous sera épargné.

C’est un contre-guide de voyage, qui clame l’amour d’un homme pour son chez-lui. Il n’est pas contre l’extérieur et le reste du monde, disons juste qu’il estime que l’Univers n’a pas besoin de lui. J’aurais bien du mal à décrire ce petit livre atypique qu’on lit au rythme des soupirs du personnage. Ce n’est pas ennuyeux, ça donne une vision du monde assez douce et originale. On voit le monde comme il est et non pas comme le foyer de découvertes multi-culturelles qu’on imagine. Après tout, il y a des immeubles, des échangeurs autoroutiers, des câbles électriques à Berlin, Paris ou Tokyo. On trouvera partout des gens antipathiques, des voisins qui éviteront de croiser votre regard, des chauffards, des fumeurs qui soufflent leur nuage gris dans votre figure. On peut tous croiser un marchand de sex-toys sandwich par hasard dans l’avion, ou recevoir une lettre d’une sœur née d’un père pas très paternel.

 

J’ai eu l’impression que le héros se terrait derrière des considérations (justes) du monde et du voyage pour éviter de voir en face sa propre vie qui pourrait changer à jamais. C’est un petit roman plus psychologique qu’on pourrait penser. L’écriture est loin d’être plate, elle est ciselée par un orfèvre qui choisit avec un soin furieux, opportuniste et fantaisiste ses mots et ses allusions.

J’ai aimé ce voyageur forcé qui sait d’avance qu’il râlera, sera déçu et empreint d’animosité. Le style est incisif et bizarrement, c’est lui qui nous fait voyager et pas ce transport au-dessus des mers et des terres pour nous faire parcourir la moitié du globe.

Jean-Yves Cendrey, Le Japon comme ma poche, Arbre vengeur, 11€.