Et tu trouveras le trésor qui dort en toi, de Laurent Gounelle

J’ai enfin lu mon premier Laurent Gounelle, Et tu trouveras le trésor qui dort en toi et je crois que je peux officiellement avancer que les romans feel-good sur fond de développement personnel, ce n’est vraiment pas mon truc. Je les trouve trop niais, ils manquent de profondeur, l’intrigue est vue mille fois, les personnages sont tellement génériques qu’ils n’en sont pas attachants du tout, et l’histoire semble assez artificielle. Ça ne veut pas dire que ce ne sont pas des bons romans – souvent l’écriture en soi, l’art des dialogues, le rythme, je n’ai rien à y redire – mais ils ne sont pas au niveau des milliers d’autres que je rêve de lire.

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Alice est une reine de marketing, son travail est très important pour elle. Elle est aussi très portée sur le développement personnel moderne, temple de l’égocentrisme si on y prête attention deux secondes, où tout est tourné vers soi (gagner de la confiance en soi, trouver ses blocages, croire en ses capacités, se surpasser avec des compétences insoupçonnées, rayonner, et blablabla) et non plus vers l’autre (ou alors, c’est pour utiliser l’autre, le convaincre…) Pardon, je m’égare, je suis très subjective ! Alice donc. Elle souhaite venir en aide à son ami d’enfance, prêtre à Cluny, qui désespère de voir son église si vide. Après quelques tentatives purement marketing, Alice va partir à la découverte des paroles de Jésus, mais aussi du taoïsme et autres religions orientales pour tenter de comprendre ce qui pourrait réellement aider son ami. Cette jeune femme ne manque pas de motivation, testant elle-même ces trouvailles. Elle en est si parfaite qu’elle devient à la fois surréaliste et agaçante – en effet, je n’ai pas du tout aimé ce personnage principal.

clunyC’est très limite si vous êtes vraiment croyant, vous risquez d’être froissé à la lecture de ce roman. Ceci dit, ce livre ne manque pas du tout de bonnes idées du côté de développement personnel. Bon, rien d’extraordinaire, mais Laurent Gounelle nous fait passer le message d’une bien belle façon et il est vrai que c’est mieux entendable sous cette forme, plutôt que dans un essai. De plus, j’ai beaucoup aimé l’arrière-plan de ce livre : tous les décors, toutes les situations. Le rythme et l’écriture, en effet, sont bons. Ça se lit vite, même s’il y a quelques longueurs au cours de dialogues peu vraisemblables sur les religions.

Une lecture réellement en demi-teinte qui, à titre personnel, ne me convient pas vraiment. Ceci dit, c’est de la bonne littérature et je ne doute pas une seconde que de nombreux lecteurs trouveront leur compte avec ce roman !

Laurent Gounelle, Et tu trouveras le trésor qui dort en toi, aux éditions Le Livre de Poche, 7€40.

Le Royaume, d’Emmanuel Carrère

51uirlrlmtl-_sx195_Emmanuel Carrère est un nom qui traîne dans ma wishlist depuis pas mal de temps. J’en entends du bien, du mal, beaucoup d’avis très différents, partagés sur cet auteur et ses œuvres. Bref, tout ce qu’il faut pour aiguiser ma curiosité. J’ai donc sauté sur l’occasion d’avoir du temps devant moi pour découvrir un de ses livres qui me faisait de l’œil – et non, il ne s’agit même pas de Limonov –, Le Royaume.

Qu’il est compliqué de résumer cette briquette de plus de 600 pages. Autobiographie, enquête sur les premiers Chrétiens, récit et fiction historique. Oui, oui, vous avez bien lu, ça parle de religion (et je lis ça par le plus grand des hasards à la période de Noël!). Mais ne fuyez pas ! C’est un livre fleuve très spécial, unique en son genre, qui cache d’immenses trésors.

Pendant trois ans, l’auteur a été chrétien. Vraiment chrétien. Il allait à la messe, il étudiait les Évangiles, il a fait baptiser ses enfants, bref il était ce qu’on appelle un croyant. Ce livre, il l’écrit en tant qu’agnostique. Il revient sur cette période étrange de sa vie qui s’est déroulé il y a déjà vingt ans de cela. Entre temps, il a vécu, il a écrit. Mais c’est avec une sorte de fascination et d’envie de comprendre qu’il reparcoure les Évangiles. Le Nouveau Testament, il le voit aujourd’hui avec un œil d’enquêteur, d’historien, de romancier, d’homme tout simplement. Qui était Paul ? Quel a été son parcours ? Et Luc ? Est-ce bien lui qui a écrit telle ou telle page qu’on relit encore dans nos églises ?

Emmanuel Carrère nous fait revenir dans le passé, à Rome, à Athènes, en Macédoine, à Jérusalem… Les écrivains officiels du Nouveau Testatement ont voyagé, ont rencontré des fidèles, ont dirigé des églises, ont eu des tensions entre eux. Comment sommes-nous partis de la religion juive pour donner naissance aux premières étincelles de vie de la chrétienté avec Jésus en son centre ? Et que dire de l’eucharistie ? Que dire de la Vierge Marie ? Que dire de la résurrection ?

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Toutes ces interrogations, Emmanuel Carrère les a eut. Et bien avant lui, ceux qu’on appelle aujourd’hui les apôtres les ont eu également. Ce livre nous permet de revivre ces moments charnières.

Alors oui il y a des suppositions, des interprétations. Oui, il y a sûrement aussi des inventions, de l’imagination. Mais l’auteur ne cache rien de tout cela. Ce n’est pas un documentaire historique, soyons clair là-dessus. C’est une proposition, une invitation pour suivre une partie de la vie des premiers Chrétiens. Et c’est fait avec beaucoup de talent, d’ingéniosité. L’auteur ne nous quitte jamais, c’est à travers lui, à travers ses mots et sa vie que l’on fait ce voyage. Et ce lien que l’on tisse avec lui, quand il nous parle de cette maison achetée en Grèce, des vacances avec son meilleur ami, ce lien nous rapproche et fait qu’on le suit avec confiance dans l’histoire qu’il nous raconte. Comme lui, on doute, on enquête, on échafaude des théories. Il partage avec nous ses avis, ses convictions, mais jamais ne nous les impose. A part de rarissimes lignes, je pense que personne ne sera froissé à la lecture de ce roman, et ça c’est une prouesse.

L’auteur est très honnête avec nous, il nous livre des pans de son intimité, il est aussi critique envers lui-même… tout en restant lui-même. A la fin du Royaume, je ne savais pas qui de lui ou de moi avait vraiment besoin de ce livre, je ne savais pas à qui cette œuvre fut la plus profitable. Car j’ai abordé également ce livre de façon très personnelle, avec mes croyances, mes opinions, ma curiosité. Et même s’il s’agit là d’un vrai pavé dont la lecture a duré des jours et des jours, je ne me suis jamais ennuyée, j’ai beaucoup apprécié cet ouvrage. Replonger dans le premier siècle sur des territoires inconnus, apprendre les dissensions entre juifs et premiers chrétiens, faire la rencontre de Paul et de Luc, espionner Emmanuel Carrère quand il étudiait la Bible. Tout m’a plu, tout m’a intéressé.

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Alors oui, il est certain que Le Royaume n’est pas une lecture qui plaira à tout le monde. Il est certain que ce n’est pas non plus une lecture à mettre entre toutes les mains. Mais je vous invite sincèrement à pousser les portes de ce livre juste, sans prosélytisme, généreux et sincère. Une belle découverte, une écriture passionnante.

Emmanuel Carrère, Le Royaume, aux éditions folio, 8€70.