Un peu de soleil dans l’eau froide, de Françoise Sagan

J’ai lu mon premier roman de Françoise Sagan et je suis assez contente. Cela faisait très longtemps que ses livres me faisaient de l’œil, l’auteure m’attirait. J’ai donc ressorti un roman d’un recoin caché de ma bibliothèque et lu Un peu de soleil dans l’eau froide.

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C’est un court roman, avec en son cœur une histoire d’amour, une vraie, avec ses côtés triviaux et ses complications. Gilles est un journaliste en pleine déprime – il n’est plus attiré par celle qui vit chez lui, n’éprouve plus de plaisir à rien. Alors, il va se reposer quelques semaines chez sa sœur à Limoges. Là, il rencontre une femme, Nathalie, une femme entière, sincère.

J’ai été particulièrement touchée par cette histoire, parce que certains de ses aspects me rappelaient des épisodes de ma vie. Je pense plus globalement que ce livre aura des résonances dans chaque adulte : l’adultère, la rupture, être l’amant ou l’amante, la dépression, etc. Les thèmes abordés le sont avec pudeur et vérité. J’ai trouvé la plume de Sagan très personnelle et riche, tout en restant simple, dans le ressenti. Ses personnages sont très vrais et on les comprend. Ils ont chacun leurs caractères et on aimerait les suivre encore plus loin dans leur vie.

Dans cette histoire d’amour, on passe sur les choses rébarbatives (comme les aléas d’un emménagement commun), mais on n’ignore pas les éléments quotidiens qui forgent les personnages : aller boire un verre, téléphoner, les ennuis au travail. C’est l’équilibre parfait pour ne pas s’ennuyer tout en étant bien immergé dans l’histoire.

Je regrette par contre la narration parfois désordonnée : on ne sait parfois pas de qui on parle, on est de temps en temps perdu et on a du mal à suivre. Une petite impression de fouillis quand l’auteur veut juste suivre le flot de pensées de ses personnages. De plus, certaines longueurs, ou certains passages mal vieillis, viennent alourdir les pages, heureusement assez rarement. Mais je n’ai que ça a reproché à ce petit roman, qui a un côté très réaliste dans sa vision de l’amour et de la passion, presque fataliste, évident – et aussi parfois un peu désespéré il faut le dire.

Françoise Sagan, Un peu de soleil dans l’eau froide, aux éditions Le Livre de Poche, 6€50.

India Express, de Constantin Simon

De retour après une petite pause. Il faut dire que c’est un peu la folie au boulot : le Prix du Jeune Écrivain fête ses trente ans, autant dire qu’on a du pain sur la planche. De plus, j’ai eu la très agréable surprise d’apprendre que j’étais le premier prix de la catégorie écriture (section adulte) du Concours Dis-moi dix mots que tu accueilles organisé par la DRAC Midi-Pyrénées dans le cadre de la Semaine de la Langue française. Autant dire que j’ai les idées ailleurs en ce moment. En plus, je patauge dans la semoule pour lire un roman de John Irving, je me demande si j’arriverai à le finir un jour.

Bref, aujourd’hui je vais vous parler d’un livre que j’ai découvert dans le cadre du Prix des Cinq Continents de la Francophonie pour lequel je suis lectrice (et dont je gère la logistique pour le comité français, mais ne parlons pas boulot) (quoique : je n’ai que ça en tête) (vives les vacances !) Il s’agit d’India Express de Constantin Simon.

Ce roman est mi-chemin entre un livre d’aventures, un récit de voyage et un roman d’initiation : il a des facettes de tous ces genres mais sans jamais s’y engouffrer. Il y a dans ce livre un souffle de vie, une étincelle de passion : c’est ce petit gars qui a fini ses études et s’est jeté sur la première (très belle) occasion qu’il a eu de devenir journaliste reporter d’images (caméraman). Il a foncé tête la première dans cette aventure : suivre cette journaliste expérimentée qui a de la poigne et adore les imprévus. Mais pour cela, il doit aller sur un autre continent : l’Asie, le Sri Lanka puis l’Inde, mais aussi d’autre pays plus étonnants, ou plus violents. D’abord en duo (si on peut appeler cela comme ça…), puis en solo, ce jeune journaliste – Pierrot de son petit nom – va apprendre à faire avec ces cultures tout à fait différentes, ces modes de vie et ces méthodes de travail toutes nouvelles. Il va surtout devoir adapter ses efforts aux Indiens et autres personnes qu’il croisera sur sa route, qui vont le mener dans des reportages et des situations drôles, tragiques, étonnantes, à couper le souffle.

Il faut dire que notre héros va rencontrer tout un tas de personnages truculents : des fumeurs de haschich et des cultivateurs népalais de cannabis sur les hauteurs de l’Himalaya, des presque convertis au bouddhisme de masse et les mythiques sâdhus qui se baignent nus comme des vers dans le Gange, les survivants japonais du tsunami, les femmes sans mari du Sri Lanka, les vrais-faux islamistes radicaux du Pakistan, les tueurs de rats professionnels de l’Inde… Autant de missions, autant de reportages qui vont obliger Pierrot à s’adapter, à marchander, à courir, à être à l’affût. Il sera ému aux larmes par de la poésie ancestrale, dégoutté à vie de l’odeur d’une des plus grandes décharges de Bombay, envoûté par une danseuse aux yeux bridés qui tient une caméra.

Mais India Express, ce n’est pas que cela – même si c’est déjà beaucoup. C’est aussi une certaine réalité du journalisme de terrain : les reporters au coude à coude avec les soldats pour filmer le front d’une guerre, la loi de la concurrence entre collègues, les systèmes D, les magouilles, les petits mensonges, les grandes désillusions. Ce qui est sûr, c’est que cette expérience asiatique est riche de découverte et d’enseignement pour Pierrot, aussi bien professionnellement que personnellement.

L’écrivain est lui-même journaliste. On voit qu’il sait de ce dont il parle, il a vécu ces réalités, qu’il enjolive un peu pour les rendre plus drôles à lire, même si le ton est un peu pince-sans-rire. Toutefois, ce n’est pas encore tout à fait la plume d’un romancier qu’on peut découvrir ici : les chapitres sont courts, directs, ils reflètent la réalité, les faits, l’action. J’avoue que le héros m’a paru assez extérieur : il n’y a pas d’identification possible car l’auteur reflète rarement les émotions, les ressentis de son personnage, ou alors de façon très superficielle et succincte. C’est une bonne lecture de divertissement, les situations sont cocasses, et il y a une vraie évolution du personnage, de ses actions au fil de l’intrigue. La narration est très extérieure, c’est vraiment un style journalistique remanié à la sauce fictionnel.

Ça a été pour moi une lecture agréable : j’ai adoré être embarquée dans ces contrées totalement inconnues et exotiques, même dans l’envers du décor qui n’est pas toujours reluisant : l’auteur frôle parfois les clichés du sous-continent indien, mais à chaque fois un élément inattendue crée la surprise. On ne s’ennuie jamais car tout s’enchaîne à un rythme soutenu. Bref, un roman trépidant mais je ne suis pas certaine que je m’en souviendrai encore dans quelques mois.

Constantin Simon, India Express, Le Passage, 18€.

Un roman américain, d’Antoine Bello

Je suis désolée d’avoir délaissé ce blog pendant une bonne partie du mois de janvier. J’ai d’abord été tétanisée par les évènements atroces que la France a subi. Il m’a fallu du temps pour m’en relever, comme beaucoup d’autres j’imagine. Vraiment, ça m’a touchée et meurtrie.

Puis quand j’ai re-commencé à vouloir écrire, j’ai tout simplement été malade. Je préférais garder mes dernières forces pour le travail. En parlant de travail, j’ai repris mon boulot à l’association du Prix du Jeune Ecrivain. Donc si vous écrivez des nouvelles et que vous avez entre 15 et 27 ans, c’est le moment de participer ! Et si vous voulez faire partie de nos comités de lecture, envoyez-moi un petit mail : lacritiquante@gmail.com

Bref, parlons du vif de sujet.

Pendant les vacances de Noël, j’avais embarqué un roman qui m’intriguait : le sujet avait l’air soporifique et j’étais curieuse de voir comment l’auteur allait s’en dépatouiller. Ce livre, c’est Roman américain d’Antoine Bello (ancien lauréat du Prix du Jeune Ecrivain soit dit en passant…).

Je vais faire quelque chose que je fais rarement dans mes chroniques, je vais résumer l’histoire en citant la quatrième de couverture. Parce que le faire de façon claire, j’en suis personnellement incapable.

Vlad Eisinger, journaliste économique américain, publie une série d’articles sur le marché du «life settlement». Cette pratique, qui consiste à revendre à des tiers des assurances-vie en cours, est devenue un véritable marché aux États-Unis, sur lequel assureurs et investisseurs opposent leurs intérêts respectifs jusqu’aux limites de la légalité.
Vlad étudie ce phénomène à travers le microcosme d’une résidence de Floride, Destin Terrace, où cohabitent des personnes ayant revendu leurs assurances-vie et des investisseurs qui ont bâti leur fortune sur ce marché. Dans la résidence vit l’autre narrateur du roman, Dan Siver, écrivain sans succès, qui décrit de l’intérieur les répercussions tragicomiques des articles de Vlad sur les membres de la communauté.

Oui, oui, un livre avec de l’économie et des magouiles américaines dedans. Et une observation sociologique dans un patelin à la Desperate Housewives. Dis comme ça, ça ne donne pas forcément envie. C’est sans compter la façon dont Antoine Bello traite son sujet. Le roman est partagé entre les échanges de mails entre Dan et Vlad, le journal que tient Dan et les articles qu’écrit Vlad. Ces différents éléments s’alternent de façon harmonieuse et judicieuse, cassant une narration qui sans cela aurait pu être monotone. Une idée lumineuse, les différentes parties se répondant entre elles et faisant avancer l’intrigue d’une manière très agréable. En fait, la lecture est agréable. A aucun moment, je n’ai voulu posé le livre par ennui. Au contraire, je ne pouvais plus le lâcher !

Antoine Bello mène ses lecteurs par le bout de nez. Son écriture est à la fois ferme, bien maîtrisée, et drôle, virtuose. Il réussit à nous faire voir une autre Amérique par le prisme du marché des assurances vies. Avouez que c’est quand même un coup de maître !

N’hésitez plus et partez vite à la découverte de cet auteur talentueux et de son Roman américain. C’est une expérience à vivre, et le dénouement de l’histoire est juste magique.

Antoine Bello, Un Roman américain, aux éditions Gallimard, 18€50.

La fin des journaux et l’avenir de l’information, de Bernard Poulet

« Si, aux Etats-Unis, le thème de la « fin des journaux » et les interrogations sur la survie du journalisme d’information font partie du débat public depuis plusieurs années, en France, on préfère toujours parler de « réforme », de « phase de transition », ou d' »adaptation ». L’hypothèse d’une disparition de l’essentiel des journaux papier et du bouleversement de la production de l’information n’est pas discutée. »
C’est avec ces quelques mots que nous accueille Bernard Poulet dans son livre intitulé La fin des journaux et l’avenir de l’information. Il est vrai qu’en France réside une sorte de peur muette de la fin de ce média à l’histoire si riche, au point d’en minimiser les conséquences. Ce livre est paru en 2009, alors certes nous avons parcouru du chemin depuis, des prises de conscience ont eu lieu. Mais tout de même, de nombreux points se retrouvent et n’ont pas du tout changer. L’auteur nous propose ici un état des lieux de la presse et du monde de l’information : que va devenir ou devient le papier ? Une question qui nous tarabuste quand on sait l’évolution fulgurante que prennent Internet et les nouvelles technologies.
Bernard Poulet part du constat que les ventes de journaux sont en chute libre. Pourquoi ? Il tente de répondre à cette question : entre le délaissement d’une partie de la population pour ce type de presse, la mode du tout-gratuit contre l’information payante, la ruée sur les plateformes numériques nombreuses et leur concurrence incomparable. De multiples causes peuvent être relevées, toutes ont leur part d’importance dans cette affaire. Bien sûr, il revient sur ces géants qui ont beaucoup fait parler d’eux et ont changé les chemins d’accès habituels vers l’information : Wikipédia, Google, site de pure players… Mais l’auteur ne s’arrête pas à ces grandes évidences et va creuser plus loin les tenants et les aboutissants de cette histoire : la nature de l’information aujourd’hui, les vrais pouvoirs des médias, les nouveaux modes de communication, les nouvelles règles en matière de publicité et de marketing. Divers ingrédients qui mènent vers un constat : des postes sacrifiés, des journaux en dépôt de bilan, et quelques rares survivants.
A travers eux et leur mode de survie, Bernard Poulet va tenter de percevoir quel sera l’avenir de l’information. A quoi pouvons-nous nous attendre dans les années à venir ? La presse d’aujourd’hui s’en sort à coup de partenariat marketing et de publication sur Internet. Diverses possibilités, comme des degrés de gratuité aux contenus par exemple, permettent parfois de rectifier la donne. L’auteur en fait le tour, fait état de leur succès, ou de leur échec. Aujourd’hui, quatre ans après l’écriture de cet ouvrage, on voit déjà un peu mieux ce qui a fonctionné ou non, ce qui a perduré ou pas.

Ce livre fait un état des lieux très complet et ouvre des portes sur le futur ou le non-futur des journaux. Bernard Poulet est très pédagogique, cette lecture riche d’enseignement et propre à la réflexion est accessible à tous. Ecrit de façon claire et intelligente, cet ouvrage est très complet et saura répondre à toutes vos questions (ou presque) sur La fin des journaux et l’avenir de l’information.