Regardez la neige qui tombe, de Roger Grenier

Voilà, c’est émouvant, je publie ma dernière chronique de la série Roger Grenier. Petit pincement au cœur car ses livres m’ont suivie (poursuivie même !) ces dernières semaines et j’ai fait quelques belles découvertes grâce à lui. Bien sûr, cela ne veut pas dire que je ne lirai plus rien de lui à l’avenir, bien au contraire, j’ai même repéré d’autres œuvres de sa plume pour plus tard ! Mais c’est la fin d’un voyage initiatique que je n’ai pas choisi mais que j’ai tout de même apprécié. Aujourd’hui, je vais donc vous parlez d’une de ses biographies, car, oui, Grenier aime bien écrire sur les autres, amis intimes ou personnes admirées. On peut citer entre autres Camus, Pia ou Fitzgerald. Ici, j’ai choisi Regardez la neige qui tombe. Impressions de Tchékhov.

Vous pensez bien qu’avec un titre pareil on va parler de ce célèbre auteur russe, nouvelliste et dramaturge. Moi qui n’avait lu aucun livre de cet écrivain, je me suis précipitée à la médiathèque en prendre quelques uns. Malheureusement, hélas, je ne sais pas trop comment cela est arrivé, mais impossible de lire Tchékhov, je n’arrive à entrer dans aucun de ses textes, je n’arrive pas à prendre du plaisir à le lire. Pas qu’il soit mauvais auteur – son talent n’est plus à démontrer – mais son style, cet univers qui l’a crée, c’est incompatible avec moi. C’est une chose qui m’arrive parfois, la dernière fois c’était avec Balzac. Je n’y peux rien, j’aurais beau me forcer, je ne comprendrais rien à ce que je lis.

Je n’étais donc pas très motivée à lire Grenier parlant de Tchékhov qu’il adore, c’est pour ça que j’ai fait traîner cette lecture pendant deux mois. Mais j’ai fini par y mettre mon nez. Bon je dois vous l’avouer tout de suite, si vous avez déjà lu Tchékhov, que vous connaissez un peu son écriture, c’est un avantage car ainsi vous saisirez mieux les références que moi ! Toutefois, ce n’est pas une obligation.

A travers de courts chapitres, Roger Grenier nous évoque le personnage et son œuvre : ses amours, les adaptations pas toujours très réussies de ses pièces au théâtre, son voyage étrange à Sakhaline, son mariage distant avec une comédienne, les propos des critiques à son sujet, son rapport aux animaux et surtout aux chiens, son enfance à Taganrog, sa tuberculose, mais aussi son style. L’auteur nous explique comment Tchékhov se sert des gens et des situations qui l’entourent pour en faire des personnages et des nouvelles. C’est ici le ressenti d’un lecteur attentif, et je dois avouer que c’est très agréable à lire.

On se laisse promener de citation en citation. J’ai été plusieurs fois perdue entre les multiples personnes qui font l’entourage de Tchékhov, je n’ai pas toujours pas compris les allusions aux œuvres, ce qui a fait que je me suis ennuyée quelques pages. Il y a parfois certaines longueurs, l’écrivain veut sûrement s’étendre sur des choses qui lui sont chères mais je n’ai pas eu les mêmes centres d’intérêt que lui ou je ne me suis pas autant laissé attendrir.

On comprend malgré cela que Tchékhov soit un « grand » auteur de par la quantité de ses œuvres (des milliers de nouvelles!) mais aussi et surtout de par une écriture personnelle qui sort des chantiers battus, sait nous transmettre un sentiment de mélancolie en quelques mots et créer un univers russe tout aussi facilement.

J’avais déjà eu une mauvaise surprise avec les biographies de Grenier : j’avais stoppé assez rapidement ma lecture de Trois heures du matin : Fitzgerald qui m’avait ennuyé. Avec Regardez la neige qui tombe, je regrette de ne pas avoir pu m’intéresser plus à l’oeuvre de Tchékhov car malgré quelques points négatifs, cette sorte de biographie reste une livre agréable, à découvrir.

Roger Grenier, Regardez la neige qui tombe, folio (2947), 7€70.

Premier amour, d’Ivan Tourgueniev

Alors que les plus beaux jet-setters se la jouent sur le croisette de Cannes, moi je vous reste dévouée : enfermée chez moi pour vous pondre un article digne de ce nom. Mais aussi pour me faire pardonner ces longues journées sans nouvelles chroniques.

Je reviens donc aujourd’hui avec ENCORE de la littérature russe : Premier amour d’Ivan Tourgueniev. Comme j’aime à le dire, le plus français des écrivains russes : il a habité la majorité de sa vie en France, ses romans étant publiés en France, ses seules oeuvres visibles en Russie : des traductions de livres français ! C’est pourquoi ce roman va certes vous emmener en Russie, mais sans que vous soyez complètement déboussolés par les codes de la vie slave à la manière d’Anna Karénine. J’ai une relation particulière avec ce petit ouvrage car c’est un des premiers classiques de la littérature étrangère que j’ai ouvert, au fond du C. D. I. de mon collège. Autant vous dire que mon histoire d’amour avec les auteurs russes a débuté ici. C’est un roman doux, facile à suivre qui est un bon moyen de faire connaissance avec cette littérature vraiment à part.

Premier amour, c’est l’histoire d’un jeune garçon de 16 ans, Vladimir Petrovich, qui au coeur de l’été moscovite, essaie plus ou moins de réviser ses examens. Mais de l’autre côté de la palissade, de nouveaux voisins viennent d’emménager : une princesse ruinée, aux moeurs peu élégantes. Cette dame est la mère de la jeune Zénaïde, 20 ans, qui est tout son contraire : gracieuse, élégante, pleine de vie… Vladimir la surprend dans son jardin entourée de prétendants avec qui elle s’amuse, de façon badine. Tout de suite, c’est le coup de foudre pour ce jeune garçon : pour la première fois la flèche de Cupidon le touche en plein coeur. Immédiatement, il fait connaissance de la jeune fille au comportement changeant et joueur. Cet amour est-il réciproque ? Par moment, il en a l’impression. Mais la princesse change vite d’attitude, perd son entrain et semble rongée par un dilemne qui l’obsède. Son regard sur Vladimir évolue, il ne sait plus que penser. Mais un soir, il surprend son père, cet homme si droit et distant, revenir de la propriété de Zénaïde… son coeur bascule alors.

Ici, nous trouvons les plus belles pages de la littérature amoureuse. C’est avec émotion que le narrateur nous fait part des nouveaux sentiments, des nouveaux questionnements qui l’assaillent à la vue de la belle princesse. Chaque mot n’est que l’expression d’un coeur en ébullition. La naïveté du jeune homme est parfois pathétique mais tellement vraie… Nous pleurons avec lui, nous aimons avec lui. Premier amour est un concentré de justesse et de beauté. Publié en 1860, on dit de cette nouvelle qu’elle est autobiographique : je ne sais si c’est vrai mais ce portrait des amours inachevés se retrouvent universellement, dans la vie de chacun. La rivalité entre son père et son fils est expliquée de façon presque pudique, on sent le fard monté aux joues de notre héros à chaque fois que cette réflexion traverse son esprit. C’est une histoire riche, qui brasse des dizaines de réactions, de sentiments complexes et parfois contradictoires. Toute la palette d’émotions amoureuses est dévoilée devant nos yeux. Je ne peux que vous conseiller ce petit roman russe où l’amour et la jalousie sont dépeints dans toute leur vérité et je vous laisse avec un extrait de ce livre très poétique et touchant.

« Tu sembles posséder tous les trésors de la terre ; la tristesse elle-même te fait sourire, la douleur te pare. Tu es sûre de toi-même et, dans ta témérité, tu clames : « Voyez, je suis seule à vivre !… » Mais les jours s’écoulent, innombrables et sans laisser de trace ; la matière dont tu es tissée fond comme cire au soleil, comme de la neige… Et (qui sait ?) il se peut que ton bonheur ne réside pas dans ta toute-puissance, mais dans ta foi. Ta félicité serait de dépenser des énergies qui ne se trouvent point d’autre issue. Chacun de nous se croit très sérieusement prodigue et prétend avoir le droit de dire : « Oh ! que n’aurais-je pas fait si je n’avais gaspillé mon temps ! » Moi de même… que n’ai-je pas espéré ? A quoi ne me suis-je pas attendu ? Quel avenir rayonnant n’ai-je pas prévu au moment où je saluai d’un soupir mélancolique le fantôme de mon premier amour, ressuscité l’espace d’un instant ! De tout cela, que s’est-il réalisé ? A présent que les ombres du soir commencent à envelopper ma vie, que me reste-il de plus frais et de plus cher que le souvenir de cet orage matinal, printanier et fugace ? »