Les Outrepasseurs (T. 1) : Les Héritiers, de Cindy Van Wilder

Ah, j’attendais ça depuis tellement longtemps ! Le mois dernier, j’ai enfin pu rencontrer l’adorable Cindy Van Wilder. Je la croisais régulièrement sur Twitter, et quand j’ai su qu’elle se déplaçait à Toulouse pour le salon L’Imagina’livre organisé dans ma fac (une vraie réussite pour une première édition), je ne pouvais que sauter sur l’occasion. Et bien sûr, j’en ai profité pour me procurer et me faire dédicacer le premier tome de sa saga des Outrepasseurs : Les Héritiers. C’est avec une grande curiosité et beaucoup d’enthousiasme que j’ai commencé ma lecture, et autant vous prévenir, je l’ai finie en 24 heures. Je pense alors que vous vous doutez de mon avis sur ce premier tome.

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Peter est un jeune garçon comme les autres. Il vit à Londres avec sa mère Hermeline et rêve de devenir footballeur. Mais quand des molosses essaient de le tuer et que sa mère se transforme en renarde devant ses yeux pour le défendre, sa vie bascule. Il découvre qu’il est un Héritier. Il fait partie d’une longue lignée, les Outrepasseurs, qui se défendent depuis des siècles contre une menace terriblement puissante : les fés. Peter fait alors la connaissance de Noble, le seigneur des Outrepasseurs, et découvre qu’ils sont plusieurs à porter la Marque, qui se transmet de génération en génération. Mais le jeune homme n’est qu’au début de l’aventure : il va replonger au Moyen-Âge, pour découvrir les origines des Outrepasseurs. Et les révélations ne font que commencer.

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Bon, autant vous le dire tout de suite : tout m’a plu, sauf une unique chose. Ce roman, bien que situé de nos jours, fait d’incessants allers-retours dans le passé pour retrouver la trace des premiers Outrepasseurs. La majeure partie même se déroule durant ces flash-backs, et j’ai été beaucoup plus proche des nombreux personnages du passé que de Peter. J’irai même jusqu’à dire : on dirait que ce tome est un préquel. J’ai beaucoup aimé découvrir les racines des Outrepasseurs et je pense que cela est important pour comprendre qui il sont et contre qui ils se battent. De plus, on fait des parallèles avec le présent et petit à petit les pièces du puzzle s’assemblent. Toutefois, je me demande vraiment comme je vais aborder la suite : pour moi Peter est encore un étranger (bon, même si je sens que je vais beaucoup l’aimer ce personnage). C’est la seule petite réserve que j’ai à propos de ce tome.

Il y a de très nombreux personnages, vous serez peut-être perdu. Mais ne faites pas comme moi : dès le début, feuilletez tout le livre, vous verrez qu’à la fin, il y a un listing de ces personnages, très pratique pour s’y retrouver. La lecture devient alors très aisée.

Passons maintenant au principal : j’ai adoré ce roman. Il m’a fallu quelques dizaines de pages pour me plonger vraiment dans l’histoire, mais c’est assez normal puisque le lecteur est placé sur le même plan que Peter : on apprend les choses en même temps que le héros – héros qui reste assez calme malgré tout ce qui lui arrive, mais fait tout de même preuve de caractère. Je pensais que la grosse partie qui se déroulait au Moyen-Âge n’allait pas me plaire, parce que sincèrement je n’apprécie pas vraiment lire des histoires se déroulant à cette époque. Que nenni ! Bien sûr, il faut un peu de temps pour que les choses s’éclaircissent, qu’on comprenne qui est qui, mais très rapidement, on se prend d’affection pour les personnages. Et au cours des 350 pages, vous aurez l’occasion de pleurer avec eux, de vous inquiéter pour eux, de pester contre eux. Mais ce que j’ai le plus apprécié, en plus de l’épaisseur de ces héros, c’est leur évolution : ils leur arrivent des choses peu banales et ces événements vont changer pour toujours leurs vies. Et Cindy Van Wilder a su magnifiquement retranscrire cela. Ses personnages paraissent plus vrais que nature, quand bien même ils luttent contre des fés, ce qui est tout sauf naturel.

kp95lccbLes va-et-vients dans le passé et le présent sont réguliers et assez bien effectués : les retours au monde actuel sont un véritable souffle, et les plongées au Moyen-Âge en sont vraiment. On ne se mélange pas les pinceaux entre ces deux temporalités qui se complètent assez bien. Et surtout, grâce à la plume de l’auteure, vous serez transporté sans effort. Elle prend le temps de poser le cadre, de donner de la profondeur aux personnages, et très vite, l’intrigue s’installe. Et les événements s’enchaînent à un rythme rapide : c’est simple, une fois dedans, on ne peut plus lâcher ce roman ! Mais attention, ce n’est pas bâclé pour autant, avec ce tome, vous connaîtrez tout le background de la saga, et j’imagine que cela nous sera très utile pour la suite.

Il faut noter également que les éditions Gulf Stream nous ont pondu là un livre vraiment splendide : couverture magnifique, et petits détails jusqu’aux numéros de pages !

Il s’agit d’un coup de cœur. Je n’ai qu’une hâte : acheter le tome 2 au Salon du Livre de Paris et le lire dans le train à mon retour !

Cindy Van Wilder, Les Outrepasseurs (tome 1) : Les Héritiers, aux éditions Gulf Stream, 18€.

Lady Hunt d’Hélène Frappat, pour les matchs de la rentrée littéraire

Pour la première année, je participe aux matchs de la rentrée littéraire chez Price Minister. Le but du jeu ? Parmi une liste de romans pré-sélectionnés, on en choisit un qui nous intrigue particulièrement, ils nous le font parvenir. On doit le lire, puis le chroniquer et le noter. Pour ma part, c’est Lady Hunt d’Hélène Frappat qui a retenu mon attention, d’abord à cause de son titre complètement énigmatique, mais aussi pour le fait qu’il a été publié par Actes Sud, une maison d’édition qui pour l’instant ne m’a jamais déçue.

 

L’histoire n’est pas banale, et elle est très difficile à résumer, à la fois à cause du risque de tout dévoiler, mais aussi parce qu’elle est insaisissable, aux frontières du réel et de la folie. Laura Kern est agent immobilier à Paris, elle couche avec son patron et a un chat très câlin, mais ce ne sont là que des détails. Une épée de Damoclès est suspendue au-dessus de sa nuque depuis sa naissance, une malédiction familiale sous la forme d’une maladie héréditaire qu’elle a une chance sur deux d’avoir. Depuis des semaines, un rêve (un cauchemar ? une vision?) la hante : elle y voit une grande maison, enveloppée dans la brume, une maison qui l’appelle, qui est là quelque part dans ses souvenirs, qui fait partie de sa vie. Est-ce que cette obsession qu’elle n’a pas demandé est le premier signe du mal qui a emporté son gallois de père ? Ou est-ce que Laura a-t-elle affaire à une chose plus inexplicable, plus floue pour le commun des mortels ?

Car en effet, autour de la jeune femme se déroulent des événements étranges, des situations qui vont l’obliger à devoir repousser les limites du réel. Un vrai dilemme s’impose : folie ou malédiction familiale ? État psychologique ou poids du passé, de la transmission du sang ?

Quand elle voit une maison engloutir un petit garçon et le recracher la chemise froissée, elle réalisera que les pensées rationnelles ne peuvent pas tout dire.

Il est très difficile de faire une quatrième de couverture de ce livre : aujourd’hui, après lecture, je comprends mieux pourquoi celle qui figure sur le roman est si étrange. C’est un livre qu’on ne peut attraper, il s’échappe de nos doigts comme de la fumée, une impression vraiment déroutante. Les premières pages, j’ai été surprise par cette écriture qui ne s’embête pas des carcans traditionnelles du roman, mais qui s’aventure vers d’autres contrées, normandes ou anglaises, plus ésotériques. Hélène Frappat nous invite dans les rêves gris de Laura, dans son quotidien, son travail, vite bouleversé par ce rapport si particulier avec les maisons, des entités à part entière, qui peuvent avoir du pouvoir et une volonté, qui peuvent emprisonner des souvenirs et des âmes.

Je dois quand même avouer qu’au tout début, j’ai cru que ce roman n’allait pas me plaire : généralement, je n’aime pas cet univers un peu surnaturel, fait de secrets et d’ombres. Et j’étais perdue pendant les premières pages, je ne comprenais pas ce qui se passait, où me placer, et de quoi parlait réellement cette écriture. Mais c’est cela, le plus fabuleux : jamais on ne saura vraiment de quel côté de la barrière du réel ou de la folie on se situe. Et au fur et à mesure des pages qui défilent, on apprend à savourer cette incertitude, car elle porte avec elle tout le suspens du roman, qui fait qu’on a bien du mal à le lâcher !

Il faut également que je vous parle de la plume d’Hélène Frappat (tiens, d’ailleurs on retrouve une autre Elaine dans le roman…) : elle joue avec les codes, elle a une langue poétique et très sensible, une langue d’émotions qui font s’envoler les dialogues vers une scène supérieure, à la fois théâtrale et intime. Il faut s’y habituer en douceur, si comme moi, vous êtes plutôt une lecteur de narration traditionnelle, mais cette écriture se laisse savourer, elle nous emporte avec elle vers des territoires encore inexplorés, seulement protégés par une obsidienne noire et la compagnie de cette claire-voyance. C’est de la sorcellerie ce roman : l’auteur nous charme à l’aide de quelque magie, elle nous hypnotise pour nous emmener dans son univers, un univers dont le brouillard nous engloutit.

Il est difficile d’évoquer ce livre sans ressentir quelques frissons, sans réaliser que la simple réalité n’est pas suffisante : certains liens du sang, certains dons ne peuvent pas être ignorés. J’écris cet article le 31 octobre, autant vous dire que je suis dans l’ambiance. Maintenant, je vais concocter ma meilleure potion, un philtre que je dissimulerais dans votre café du matin, dans votre bière du dîner, dans votre vin du midi, dans votre chocolat chaud du coucher pour que, tous, vous alliez, en catimini, vous procurez ce roman évanescent, mystérieux. Mais chut !, ça restera un secret entre nous…

 Pour Lady Hunt, je mettrais un 16 sur 20 !

Virgin Suicides, de Jeffrey Eugenides

Jeffrey Eugenides, mais quel nom magnifique ! Un nom fait pour être porté par un écrivain. Ce romancier américain s’est tout de suite fait connaître à la sortie de son premier ouvrage, Virgin Suicides. Succès encore plus retentissant avec la sortie du film, tiré du livre, réalisé de main de maître par Sofia Coppola en 1999. Je vous propose donc de revenir sur ce roman, salué par la critique comme par les lecteurs.

Plus de vingt ans après la tragédie qui toucha la famille Lisbon, le narrateur essaie, avec ses amis de retracer les différents éléments qui ont mené au drame. C’était dans une banlieue pavillonnaire tranquille que tout se déroula. Dans la maison familial, Cécilia, une des cinq filles Lisbon est retrouvée dans la baignoire, poignets en sang. Une tentative de suicide, sans crier gare, même si on aurait pu trouver à cette adolescente quelques comportements étranges. Très vite, les voisins commencent à épier la maison Lisbon de l’autre côté de la rue, caché derrière les fenêtres de leur chambre ou dans une cabane sous les branches des arbres. Car très vite, une routine macabre se met en place : la venue de l’ambulance, qui ne se presse pas, le policier allant scruter la mort qui a touchée cette famille. Car Cécilia a recommencé, et a réussi son coup cette fois, de manière spectaculaire. Très vite, la maison plonge alors dans une sorte de torpeur où les autres soeurs ont l’apparence de fantômes, essayant vainement de revenir à la vie. Et ce n’est pas un secret : le suicide familial va devenir une tradition.
Faisant face à ses corps si jeunes, si frêles emportés par la mort, le narrateur et ses amis vont tenter de mettre bout à bout les bribes de conversations, les souvenirs, les quelques témoignages récoltés ça et là pour mieux comprendre les motivations, s’il y en a, du geste irréversible des soeurs Lisbon. Autant de pièces à conviction qui doivent les aider à interpréter ce drame qui les hante toujours. Cette fresque nous est dévoilée avec délicatesse, les éléments prenant leur place de manière chronologique. Une sorte de monologue explicatif où percent ici et là les citations de rapports médicaux, les confessions à demi-mot, les coup de fils tourmentés.

On est tout d’abord étonné par la forme que prend le roman : des pages noircis de mots retraçant avec minutie le déroulé de ce cauchemar. Des chapitres à longs, des dialogues discret, des paragraphes peu nombreux. Au début, cet enchevêtrement de données ne paraît pas très appétissant, mais le narrateur nous expose les faits sans les déshumaniser ou, au contraire, sans verser dans la psychologie de bas étage. J’ai eu l’impression d’entendre la voix off d’un enquêteur commentant son travail. C’est écrit avec beaucoup d’intelligence et c’est très surprenant de voir un tel talent se dégager à l’occasion d’un premier roman. C’est dans un univers vraiment à part que nous entraîne Jeffrey Eugenides, un monde qui nous emporte dans cette quête mi-fataliste, mi-observatrice de cette mort à l’oeuvre.
Le narrateur est un personnage sensible, qu’on ne touche jamais du doigt, mais qui nous paraît si proche. Il guide nos pas avec un talent de conteur inégalable, nous fait part de ses observations et surtout du ressenti qu’il éprouvait, vingt ans plutôt, face aux corps sans vie de ces filles qu’il aimait. Chacune avait une caractère bien à elle, parfois discret et caché : on apprend à les connaître et à les différencier, un procédé presque frustrant quand on sait qu’on ne récupérera d’elle que des tombes dans un cimetière glacé.

C’est un roman vraiment surprenant qui nous emmène dans des confins obscurs et intrigants. Une lecture qui change de l’ordinaire récit, un véritable renouveau dans ma bibliothèque. Ce sombre défaitisme qui habite le livre nourrit l’écriture d’une façon presque poétique. Virgin Suicides n’est pas qu’un souvenir évoqué, une enquête sur un drame terrible, un monologue épuisant : c’est beaucoup plus que ça, tout en étant ces trois éléments à la fois. Je vous invite à découvrir cet ouvrage à la beauté fatale, où la mort devient presque élégante.

Le Démon du vitrail, d’Helen Grant

Ce livre, on m’en a fait cadeau. Ce n’est pas le genre de bouquin vers lequel je me tourne naturellement. Au premier abord, avec cette magnifique couverture, je pensais que ce roman était plus destiné à un public jeunesse, une histoire sur fond d’enquête historique mêlé à un peu de fantastique. En réalité, je le conseille plutôt à un public de « presque-adulte ». En effet, certaines scènes ou images employées peuvent choquer les plus sensibles. Sans compter sur le fait que le lecteur est vraiment plongé dans sa lecture, c’est un livre vraiment prenant qu’on a du mal à lâcher une fois le premier chapitre entamé : la réalité et la fiction se confondent, les faits rationnels et l’esotérique se mêlent.

Pour redorer son blason d’universitaire, Oliver Fox entraîne toute sa famille d’Angleterre jusqu’en Allemagne, en plein milieu d’une forêt déserte. Son but : en savoir plus sur les mystérieux vitraux perdus d’Allerheiligen. Pour la jeune Lin Fox, c’est une nouvelle vie qui commence. Mais très vite, plusieurs personnes meurent dans le village. Lin ne tarde pas à découvrir que ses décès sont en réalité des meurtres et tous ont un lien direct avec les vitraux médiévaux : ces hommes tués cherchaient eux aussi à découvrir cette relique. La jeune fille, en compagnie de son ami allemand Michel, essaie de rationaliser… car, on dit en effet que les vitraux seraient le refuge d’un démon puissant et meurtrier. Qui donc est responsable de ce complot ? Pour Lin, pas question de se laisser faire ! Sa propre famille est en danger de mort : elle veut au plus vite éclaircir ce mystère pour mettre fin à la malédicition du démon Bonschariant…

C’est un parfait roman d’action qui mêle aventure et enquête. Seuls contre tous, ces jeunes adolescents ne pourront compter que sur eux-mêmes pour faire cesser cette effroyable série de meurtres. Mais le livre ne s’arrête pas seulement aux dangers des vitraux. Il explore également la vie et la psychologie de chaque personnage : Oliver, acharné à son travail, qui recherche la gloire au point d’en oublier sa famille ; Polly, la soeur de Lin, une solitaire qui cache à tous ses troubles alimentaires ; Michel, garçon fidèle à sa famille et très vite amoureux de Lin ; et enfin notre héroïne, submergée par cette nouvelle vie allemande et les problèmes qui en découlent, mais qui tente de faire face, coûte que coûte, pour protéger sa famille. On peut également citer Tuesday, la mère un peu irresponsable, et Ru le bébé, un des premiers menacés par la malédiction.

Lire Helen Grant est vraiment addictif : l’intrigue évolue rapidement, il n’y a jamais un temps de repos, les cadavres s’accumulent, il faut faire vite, c’est urgent, c’est vital…. On est emporté dans cette course contre la montre, dans cette course contre le Diable. Bien sûr, il y a ce côté médiéval-ésotérique qui a fait le succès d’autres romans mais au moins, dans ce livre, tout ne se résume pas à ça. La fin est vraiment surprenante et laisse envisager une suite… pas encore pour tout de suite selon l’auteur qui est actuellement en train d’écrire deux autres romans, mais j’espère qu’un jour on pourra lire un deuxième tome de ce si agréable livre !

Le Démon du vitrail est  une lecture de divertissement vraiment efficace qui vous fait oublier tout le monde alentour et vous plonge au fin fond de l’Allemagne rurale… Une aventure hors du commun, où la limite entre réel et surnaturel est parfois diffuse, mais où le danger de mort se ressent à chaque instant. Une aventure humaine bouleversante et haletante qui se laisse dévorer en quelques heures !

Ce livre est disponible chez France Loisirs en français ou en anglais (le vocabulaire n’est pas vraiment compliqué, rassurez-vous) un peu partout sur la toile.