La Revanche de Kevin, de Iegor Gran

revanche-siteEn ce moment, je suis prise dans une frénésie de lecture, avec un rythme de presque un roman par jour. Sauf le week-end, bizarrement. Bref, j’ai donc plein de chroniques dans ma hotte, alors autant commencer dès maintenant à vous parler de mes dernières lectures. Je reviens à peine du Salon du Livre, alors quoi de mieux que de partager avec vous un roman dont l’histoire commence dans ce même salon.

Je l’avais croisé sur la blogo, et ça faisait déjà quelques mois qu’il traînait dans ma whishlist : La Revanche de Kevin de Iegor Gran. Avec un titre pareil, vous pensez bien, ça m’a rendue curieuse. Kevin travaille pour la Radio (avec une majuscule). Il est commercial. Dans un milieu où tout le monde parle, se pavane, écrit, il sait bien que son prénom fait tâche. Il a en effet conscience qu’on ne dit plus de Kevin que c’est un prénom breton, mais plutôt que c’est un prénom de pochtron intellectuellement limité. Alors, il veut se venger, de tout ces gens qui se crispent ou ont des regards en coin dès qu’il se présente.

Il a manigancé la chose et la pratique depuis assez longtemps pour être devenu un expert. Il endosse une fausse identité, et piège un auteur. Le dernier exemple en date a eu lieu au Salon du Livre de Paris : il s’est fait passé pour un lecteur d’une grande maison d’édition et a réussi à faire tomber dans le panneau un écrivain. François-René Pradel pensait en effet avoir envoyé son dernier manuscrit à Alexandre Janus-Smith. Ce dernier lui avait promis l’édition de son livre. Mais quelle déconvenue quand il apprend finalement que celui-ci n’a jamais existé !

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Voilà, c’est ça, la revanche de Kevin. Un jeu pas si innocent que ça qui lui permet de se sentir un peu plus fort que les autres. Mais jouer avec les sentiments d’autrui, vous vous en doutez, ça n’attire pas que des bonnes choses, loin de là. Le mensonge gangrène son couple, le rend arrogant, pompeux, hypocrite. Jusqu’au jour où. Je ne vais pas vous en dire plus, à vous de découvrir la suite.

Cette lecture m’a vraiment surprise. Ce n’est pas un coup de cœur, mais disons une agréable découverte. J’ai été promenée d’un bout à l’autre, obligée de suivre Kevin. Un héros que je n’ai pas forcément aimé. Et non pas à cause de son prénom, mais plutôt à cause de ce que ce prénom a fait de lui : il est imbu de lui-même, n’a aucune empathie, et ne pense qu’à lui. Alors oui, il est cultivé. Mais il s’intéresse à la culture non pas pour elle-même, mais juste dans un but d’ascension sociale, ou plutôt de revanche sociale. Mais même si on ne s’attache pas à lui, parce qu’on ne l’aime pas, on veut savoir ce qu’il va advenir de lui. En effet, les événements s’enchaînent, empirent.

On pourrait penser au premier abord que ce roman montre les travers du monde de l’édition et c’est vrai qu’il y en a beaucoup. Mais plus que cela, il montre du doigt ceux qui dénigrent ce monde sans savoir, sans penser une seule fois que là aussi il s’agit d’êtres humains avec des ambitions, des émotions. Il n’y a pas une tension folle dans ce livre, toutefois ce roman nous tient en haleine, au détour d’une phrase, notre cœur rate un battement. Car Iegor Gran a ce génie dans l’écriture de rendre tout cela naturel. On ne se croit pas dans une fiction, mais dans la vraie vie. Devant un fait divers tout juste romancé. Les personnages sont très réalistes, même s’ils nous font parfois grincer des dents. Les pages se tournent vite, grâce à une intrigue bien ficelée et à une narration qui fait avancer l’action à un rythme régulier. Quant à la fin… On sent à ce moment-là que ce livre arrive à être bouleversant. Il y a dans ces phrases un peu d’humour grinçant, mais j’avoue mettre sentie assez souvent mal à l’aise, sûrement l’effet recherché par l’auteur d’ailleurs.

La Revanche de Kevin est un roman que je vous invite à lire, en gardant votre curiosité et votre bienveillance. Si vous ne vous braquez pas contre certains des personnages, je suis sûre que vous apprécierez cette lecture.

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Iegor Gran, La Revanche de Kevin, édition P.O.L., 15€.

Tu ne te souviendras pas de Sebastian Fitzek

On nous promet le remplacant d’Harlan Coben, un nouveau prodige allemand venant de Berlin. Connu grâce à son premier thriller Thérapie, Sebastian Fitzek récidive dans son quatrième ouvrage : Tu ne te souviendras pas. Alors, ce jeune auteur est-il vraiment à la hauteur de sa réputation ? C’est ce que j’ai voulu savoir à l’occasion de la sortie en poche de son dernier opus.

Tu ne te souviendras pas, ça commence par une incompréhension : Simon, 10 ans, cancéreux et pupille de l’Etat, déclare avoir commis un meurtre il y a 15 ans. Tout commence grâce à / à cause de Carina, une infirmière prise d’affection pour le jeune garçon. Voulant lui montrer que la mort ne signifie pas la fin de l’âme, elle lui offre une régression, c’est-à-dire la possibilité d’entrevoir nos vies antérieures grâce à l’hypnose. Sur le moment, rien ne se passe, mais par la suite, Simon voit l’image de sept meurtres qu’il aurait perpétrés avant sa naissance ! Ayant un sens aigu da la justice, il demande à Carina de lui trouver un avocat car il souhaite se constituer prisonnier. C’est ainsi que Robert Stern, célèbre avocat berlinois, se retrouve au beau milieu d’une zone en friche, auprès de son ex-petite-amie, d’un gamin enlevé de l’hôpital. L’histoire pourrait s’arrêter là quand Stern découvre à l’endroit désigné par l’enfant le cadavre, tué à la hâche, comme l’a décrit Simon. Tout est alors remis en cause. Peut-on vivre plusieurs vies ?

Le lendemain, Stern, reçoit un DVD. Sur celui-ci figure l’image de son fils Felix 10 ans plus tôt, bébé à la maternité. Sauf que la caméra filme le moment exact où ce bébé s’arrête de respirer : la mort subite du nourrisson a frappé. Anéanti par ces images, l’avocat se demande bien la signification de ce disque quand soudain apparait à l’écran, un garçon torse nu devant son gâteau d’anniversaire sur lequel trônent 10 bougies et, hasard étrange, celui-ci porte exactement la même tache de vin sur l’épaule qu’avait Félix. Une voix s’élève du téléviseur : « croyez-vous à la réincarnation, Mr Stern ? » Cette dernière lui propose un compromis : elle lui révèlera l’adresse du jeune garçon qui figure sur la vidéo si l’avocat trouve le coupable des meurtres découverts par Simon. Il n’a que quelques heures pour ça et ne doit surtout pas contacter la police.

Un roman qui commence bien : des personnages atypiques et attachants, une voix dans l’ombre qui sait et contrôle tout, la police aux trousses des héros, des cadavres qui s’accumulent et un avocat qui mène l’enquête. L’écriture est très fluide, ça se lit très vite mais ce sont toujours les mêmes thèmes qui reviennent dans les thrillers en ce moment : un brin d’inexplicable, de paranormal allié à des meurtres qui cachent toute la cruauté humaine. C’est parfois un peu mou, un peu trop prévisible, on tourne en rond. J’ai eu l’impression à certains moments que des actions ou des événements n’étaient là que comme excuse pour évoquer les travers et les vices les plus sombres (qui attirent toujours plus de lecteurs comme chacun le sait). Un thriller qui utilise les ficelles les plus communes du genre sans toutefois effusion de sang ou de cruauté extrême. Ce livre reste assez « sobre », enfin autant que peut l’être un thriller. Il fait passer le temps voire même il est un tout petit peu addictif mais je le conseille plus pour les longs voyages en train que comme lecture de suspense à proprement dite.