Madame Bovary, de Flaubert

madame-bovaryCela fait un long moment que je n’ai pas posté d’avis lecture ici. Il faut dire qu’avec les lectures internes du Prix du Jeune Écrivain, la reprise intensive du sport et un peu de fatigue (merci le changement d’heure)… je n’ai pas beaucoup lu. Un seul roman en mars ! Mais quel roman ! Un bon classique comme je les aime, que j’avais découvert en fac de lettres : Madame Bovary de Flaubert.

Emma, ah Emma… ! Emma vit dans ses romans, elle aimerait que sa vie soit aussi romanesque. Elle épouse donc ce médecin Charles, en espérant une vie faite de péripéties… Mais cette fille de paysan découvre que son nouveau mari est bien ennuyeux, même s’il est fou amoureux d’elle. Emma rêve d’une existence plus palpitante, moins provinciale. Les hommes, elle trouvera un échappatoire avec les hommes. Elle est belle, elle veut être amoureuse… l’adultère lui tend les bras. Emma est, à mes yeux, amoureuse de l’amour, ou plutôt amoureuse de la passion. Elle aime frémir de désir, elle aime vivre dangereusement, elle aime être aimée.

Je peux comprendre que ce livre ait choqué à sa sortie en 1857, la société était alors bien différente de la nôtre. Mais même aujourd’hui, je ne peux m’empêcher d’être agacée par l’héroïne. Elle ment, elle utilise les autres, elle blesse son entourage. Charles est pourtant un mari aimant qui ferait tout pour elle. Malgré ça, j’ai adoré suivre Emma dans sa vie, je me suis passionnée pour ses aventures, son quotidien même si j’aurais bien aimé lui faire la morale ! Les pages défilent vite et il y en a plus de 400 !

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Il faut dire que Flaubert est vraiment un romancier incroyable. Il a un sens de la formule qui en fait conteur hors pair. Des descriptions précises, des dialogues bien choisis, des personnages dessinés avec justesse, un rythme maîtrisé de bout en bout. On a beaucoup à apprendre de Flaubert : chaque mot est choisi avec précision et, même à notre époque, je trouve cette langue coulante, naturelle. J’ai redécouvert l’auteur à travers cette lecture et j’ai hâte de me mettre à lire ses correspondances – j’ai beaucoup entendu parlé de son ton mordant et sans détour !

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Je ne peux que vous encourager à (re)découvrir Madame Bovary et plus largement tous ces classiques de la langue française : de belles surprises vous attendent.

Un mariage anglais, de Claire Fuller

Un mariage anglais de Claire Fuller est apparu devant moi sur un présentoir dans ma médiathèque. Je me suis alors souvenu que j’avais déjà entendu parler – en bien – de ce roman, et je me suis dit pourquoi pas ? Le début de ma lecture a été un peu laborieux, je n’étais pas passionnée parce que je lisais, je trouvais ça un peu ennuyeux et j’étais détachée de l’histoire et des personnages. Il faut dire que le titre, la quatrième de couverture décrivent un roman fort, poignant, avec des rebondissements, beaucoup de nature… Alors oui, il y a la nature sauvage, la mer dans laquelle on nage à n’importe quel moment. Mais au fond, c’est un récit qui s’écrit petit à petit, à son rythme.

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Ingrid a disparu il y a plus de dix ans, laissant seul son mari Gil – un écrivain assez connu – et ses deux filles Nan et Flora. Son mari redécouvre, cachées dans les livres qu’ils collectionnent et envahissent sa maison, des lettres qu’Ingrid lui a laissé, revenant sur leurs mariages, sur les secrets de Gil qui ont peu à peu créer des failles. Nan et Flora sont obligées alors de revenir auprès de leur père, affaibli, vieillissant…

Des personnages atypiques, qui ne vont pas bien ensemble, qui ont leur saute d’humeur et parfois un caractère bien trempé, des relations changeantes… Ce livre a quelque chose en lui d’humain et de sincère. Nan et Flora sont deux sœurs très différentes mais au fond complémentaires : on s’aperçoit avec elles comment un père peut être différent pour chacune. Je ne sais pas vraiment quoi penser de ce dernier, Gil : son côté écrivain et collectionneur de livres m’a beaucoup plu mais c’est un mari peu fiable. Les personnages secondaires sont en fait vitaux pour l’histoire et Claire Fuller les insère d’une excellente façon dans son récit. Quant à Ingrid, j’ai eu beaucoup d’empathie pour elle, je l’ai comprise, j’ai trouvé excellente chacune de ses lettres, sa façon de revenir sur son passé et son présent, de revenir sur ses dilemmes de mère et de femme – Gil a presque le double de son âge, c’était son professeur de littérature. L’auteure s’est beaucoup appliqué dans la description des lieux, et même avec peu de mots, je m’y suis crue.

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J’ai apprécié les paysages, j’ai adoré les personnages secondaires mais aussi le principe des lettres découvertes des années plus tard. Toutefois, l’intrigue aurait pu être mille fois plus passionnante, se terminer en beauté, avoir un rythme plus prenant. De ce côté-là, ça a été décevant. C’est pour moi une lecture en demi-teinte : il y a des qualités dans l’écriture, le style, la construction des personnages, mais à mon sens, certains éléments comme l’intrigue, la narration, le rythme auraient vraiment besoin d’être plus travaillés.

Claire Fuller, Un mariage anglais, traduit de l’anglais par Mathilde Bach, aux éditions Stock, 22€.

L’intérêt de l’enfant, de Ian McEwan

L’intérêt de l’enfant de Ian McEwan fait partie de ma whishlist depuis sa sortie. J’ai enfin eu l’occasion de le lire cet hiver.

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Fiona a 59 ans et un mari qui veut voir ailleurs. Son mariage se délite. Mais elle n’a pas vraiment le temps de s’y attarder, même si elle y revient souvent : elle ne sait pas comment gérer cette situation et son travail la rappelle. Elle est magistrate, spécialiste du droit de la famille. Très reconnue, on la charge de quelques dossiers sensibles dont le dernier en date : une famille, témoin de Jéhovah, refuse la transfusion sanguine pour le fils unique atteint de leucémie. L’hôpital ne l’entend pas de cette oreille. Fiona va alors choisir de rencontrer le garçon, une rencontre troublante.

Ce n’est pas un très long roman mais j’ai trouvé l’écriture de l’auteur dense et chargée. C’est beau, c’est juste, c’est équilibré mais j’aurais préféré une écriture plus légère. Tout est traité avec drame et lourdeur : ce couple sur la brèche, cet adolescent qui va mourir sûrement si rien n’est fait. L’écriture participe à une ambiance oppressante où chaque jour qui passe semble peser. Il y a pourtant des ellipses, des raccourcis pour se concentrer uniquement sur nos personnages, ces derniers prennent toute la place. J’ai beaucoup aimé Fiona et même si je n’aurais pas du tout réagi comme elle, je comprends plus ou moins son comportement. Ian McEwan a un vrai talent pour construire des personnages réalistes et saisissants que l’on voit évoluer dans un sentiment d’urgence.

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C’est un beau roman, qui m’a surprise. J’ai complètement compris le rôle de magistrat, qui doit toujours défendre en premier l’intérêt de l’enfant et j’aurais aimé qu’on aille plus loin. Voir plus de jugement, les coulisses du tribunal, le raisonnement de Fiona concernant cette affaire. Je n’avais pas pensé que son mariage serait tout autant au cœur du livre – ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi, les deux intrigues entrant en résonance l’une avec l’autre.

Une plume à part avec un style unique. A titre personnel, ce n’est pas ma tasse de thé mais je reconnais aisément que cette écriture est talentueuse. L’auteur a construit un récit ciselé, excellant aussi bien avec les thématiques, les personnages, l’ambiance, le rythme, l’intrigue. Une jolie découverte que je vous conseille.

Ian McEwan, L’intérêt de l’enfant, traduit de l’anglais par France Camus-Pichon, aux éditions Gallimard, 18€.

Sous le compost, de Nicolas Maleski

51faxn9piul-_sx195_Je suis la première surprise à avoir lu un roman qui se nomme Sous le compost. Il ne faut pas juger un livre à sa couverture. En effet, on pouvait croire en me croisant dans le métro que ma lecture était le dernier essai écolo à la mode, mais pas du tout ! Il s’agit en fait d’un roman très agréable, écrit par Nicolas Maleski.

Franck et Gisèle ont trois filles. Ils se sont installés dans la montagne, endroit calme et désert. Elle est vétérinaire et passe de longues journées dehors. Lui a voulu être écrivain à un moment mais est plutôt devenu père au foyer. Il occupe ses journées à s’occuper du jardin, à boire quelques coups au troquet du village, ou à faire des sorties cyclistes avec ses quelques amis – vrais clichés de montagnards. La vie passe, jusqu’au jour où il reçoit une lettre anonyme : sa femme le trompe. Franck réagit de façon étrange : il préfère ne rien dire et prend les choses comme elles viennent, quitte à s’écarter un peu du droit chemin.

Je n’aurais jamais cru qu’un roman avec ce sujet puisse être si prenant. On aime suivre cette vie dans la montagne, voir ce père fou de tendresse pour ses filles. Le lecteur est à l’affût des moindres signes de détresse chez ce couple qui continue de voguer, indéfectiblement. Bien sûr, il y aura des rebondissements, une fête, la visite d’amis, etc. De quoi occuper les journées et raviver les ragots. C’est avec beaucoup de bonheur que j’ai découvert cette sphère de personnages très vivants, ancrés dans le réel. Il manque peut-être un peu de profondeur psychologique mais le roman est sous le signe de la simplicité, comme cette vie à la montagne et cela m’allait très bien.

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J’ai traversé ce récit avec un voyeurisme jouissif. Le personnage principal est, après tout, un homme comme les autres, et je crois que c’est ce que j’ai le plus aimé. L’adultère est presque un passage obligé pour chaque couple et celui-ci n’y échappe pas, même s’il y arrive par un étrange chemin. Le lecteur n’a pas besoin de forcer, les pages se tournent avec facilité. Une plume simple, tranquille, fraîche nous aide à mieux pénétrer dans ce monde isolé, où on a l’impression qu’il fait bon vivre – et où l’on voit aussi très vite les désavantages d’une si petite communauté où tout le monde se connaît et où tout est à minimum 15 minutes de voiture.

J’ai beaucoup aimé ce roman et je ne regrette pas d’avoir franchi le pas ! Je vous le conseille vraiment, c’est une parenthèse très agréable dans nos vies citadines.

Nicolas Maleski, Sous le compost, chez fleuve éditions, 18€90

Raison et Sentiments, de Jane Austen (lecture commune d’août 2017)

9782264023810Au début du mois, je me disais « Pfff, la lecture commune d‘août, ça me tente pas… » En effet, au premier abord, lire un bouquin anglais d’une autre époque, ça ne m’emballait pas vraiment. Et puis je me suis souvenue que j’avais littéralement adoré mes autres lectures de Jane Austen. Et la magie est réapparue, je me suis plongée corps et âme dans Raison et Sentiments et quel bonheur !

Le roman débute par la mort de M. Dashwood. Il laisse sa femme et ses trois filles aux bons soins de son fils, issu d’un précédent mariage. C’est sans compter sur la femme de l’aîné, qui ne veut pas voir sa maison et sa fortune dans les mains des sœurs une seule seconde de plus. Elles s’installent alors dans un modeste cottage en pleine campagne anglaise. Elinor, la plus grande, est la raison : elle sait mettre ses émotions de côté et jauger les situations avec beaucoup de tact et de neutralité. Elle fait la part des choses et ne désire que le bonheur de sa famille. Sa petite sœur Marianne ressemble plus à sa mère : elle vit ses sentiments profondément, sincèrement et sans faux-semblants, quitte à paraître un peu brusque ou audacieuse en société. Elle joue du piano et chante, se passionne pour mille choses, aime immodérément. Les deux sœurs pensent toutes deux à se marier prochainement. Mais avec qui ? L’emménagement dans le cottage leur permettra de faire la connaissance d’une nouvelle société propice aux rencontres. Le colonel Brandon, loyal mais peu chaleureux, le séduisant Willoughby, les deux pétillantes sœurs Steele, la bavarde Mrs Jennings, etc. Mais c’est aussi l’occasion, étrangement, de recroiser des membres de la famille : Edward, le frère de la nouvelle Mrs Dashwood, et même le grand-frère et la mère de celui-ci.

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Les sentiments se déploient, se devinent, se cachent, se rompent et on se prend d’une affection débordante pour les deux sœurs qui, bien qu’elle soient foncièrement différentes, sont toutes deux profondément gentilles et généreuses. Les romances Harlequins n’ont qu’à bien se tenir ! Jane Austen arrive à nous passionner par de simples histoires de cœur, rendez-vous compte ! On vibre tellement fort aux côtés d’Elinor et de Marianne. On suit avec ferveur le moindre échange, le moindre geste.

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Il faut dire que c’est un roman d’époque : l’étiquette est de rigueur, le mariage sert à entretenir son image et à s’enrichir. L’amour peut y avoir sa place, mais la froide raison également. Des projets imminents ne se réalisent plus car la réputation ou l’épargne ne suit pas. C’est le couperet de la société, une épée de Damoclès au-dessus de chaque couple. Jane Austen a su retranscrire les manières de faire, de vivre d’une société passionnante, c’est aussi cela qui explique son succès. L’écriture est soignée mais à la portée de n’importe quel lecteur. Elle change de ce qu’on peut lire aujourd’hui bien sûr, mais une petite dizaine de pages et on s’y fait très très vite, d’autant plus que les traductions françaises sont très bien. On peut reprocher à l’auteur quelques raccourcis narratifs, mais cela nous permet d’avancer plus vite dans l’action, vers ce que l’on veut absolument savoir donc on lui pardonne aisément.

Lire Jane Austen, c’est vraiment plonger dans un autre monde et vivre aux côtés de personnalités incroyables. Raison et Sentiments n’est peut-être pas à mes yeux ma meilleure lecture de l’auteure mais il reste indéniablement un chef-d’œuvre que je vous invite à découvrir !

Et pour aller plus loin, je vous conseille l’article de Virginy sur Persuasion de Jane Austen.

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Jane Austen, Raison et Sentiments, traduction par Jean Privat, aux éditions 10/18, 6€60.

Orgueil et Préjugés, de Jane Austen

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Les lectures communes 2016 continuent ! Et ce mois-ci, j’ai lu avec L’Aléthiomètre un fameux classique anglais : Orgueil et Préjugés de Jane Austen. Je l’avais lu au lycée, et je me faisais une joie de retrouver Darcy et Lizzie. Et ce n’est une surprise pour personne : ce roman est tellement génial que je n’ai pu qu’aimer ma lecture.

Si vous ne savez pas de quoi cela parle, suivez le guide. Elizabeth Bennet est la deuxième fille d’une famille de cinq enfants. Sa mère n’a qu’un désir, voir toutes ses filles mariées. Alors quand un gentleman de Londres s’installe dans la demeure voisine, c’est l’effervescence. M. Bingley fait de l’effet à tout le monde : il est agréable, bel homme, chaleureux. On ne dit par contre pas du tout la même chose de son ami Darcy : trop hautain, trop silencieux, vraiment antipathique. Très vite, Elizabeth se détourne des deux hommes : le premier est plutôt intéressé par sa grande sœur, et le second n’est vraiment pas un choix agréable selon elle. Elle s’amourache alors d’un officier de la ville voisine : en effet, une garnison y est stationnée. À l’occasion d’un bal, elle fait donc la connaissance du jeune Wickham qui lui donne la meilleure des impressions. Mais dans un monde de convention et de ragots, il ne faut pas toujours se fier à ses premières impressions, surtout quand l’attirance et l’amour entrent en jeu.

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Premières impressions, c’était d’ailleurs le premier titre choisi par l’auteure pour son roman. Mais on ne peut pas dire qu’Orgueil et Préjugés soit faux : Darcy a trop d’orgueil, Elizabeth trop de préjugés. Et cela, on s’en rend compte de plus en plus au fur et à mesure de notre lecture. J’ai adoré découvrir les personnages au fil des pages : les secrets ne sont plus secrets, les manigances sont mises au jour et les personnalités se dévoilent. Il est vrai que l’histoire, sans être banale, n’est pas très étonnante. Mais je vous prierai de ne pas résumer ce livre à une romance, il est beaucoup mieux que ça. C’est une histoire intelligente, rusée. Bref, c’est un classique anglais.

orgueil-et-prejuges-83375Quand je pense que Jane Austen a écrit ce roman alors qu’elle n’avait qu’une vingtaine d’années, je suis stupéfaite. Son écriture est virtuose, elle se lit encore aujourd’hui avec facilité et surtout un plaisir jouissif. En effet, l’humour et l’ironie sont légions dans ces pages et lire les chassés-croisés de lettres ou les dialogues est tout simplement addictif. Concernant l’intrigue, elle avance à un bon rythme : on ne s’ennuie pas, de nouveaux éléments viennent régulièrement remettre l’action sur le tapis. Cela s’accompagne d’une évolution des personnages très intéressante et surtout très juste. En effet, l’auteure a beaucoup travaillé ses personnages, leur profondeur psychologique et leurs relations. C’est normal, me direz-vous, puisque ce roman repose sur eux. Mais tout de même ! Pondre une Elizabeth Bennet, il faut le faire. C’est une jeune femme intelligente, intéressante, forte. Elle se conforme aux mœurs de son temps mais garde tout de même une forme d’indépendance qu’on admire : son répondant, ses traits d’esprits… Ah, je l’adore !

pride-and-prejudice-2Ce roman est une œuvre à lire, et c’est une porte d’entrée vraiment idéale pour découvrir les classiques anglo-saxons. Il est captivant, éblouissant, poignant, drôle et la plume de Jane Austen est d’une justesse absolument brillante. Un gros coup de cœur pour cette histoire que je redécouvre et je vous invite grandement à vous plonger dans cette lecture.

Jane Austen, Orgueil et Préjugés, traduction de l’anglais par Pierre Goubert, aux éditions folio classique, 9€20.

Oona & Salinger, de Frédéric Beigbeder

20 jours après le dernier billet, je reviens avec une bonne excuse pour mon retard : je participe au NaNoWriMo, et je ne suis pas en avance pour ce défi fou qui consiste à écrire 50 000 mots en un mois. Donc le peu de temps que j’ai pour écrire, c’est dédié à ça. Si vous participez aussi, venez me faire un coucou, mon pseudonyme est le même qu’ici !

Pour les prochains billets à venir, j’en consacrerai un aux matchs de la rentrée littéraire de Price Minister, et un autre pour faire le bilan du ce NaNoWriMo 2014 justement. Bon, en avant pour la chronique d’aujour’hui à présent…

Je n’ai jamais vraiment su quoi penser de Beigbeder. En règle générale, je n’aime pas les auteurs contemporains connus. Surtout que lui, on a l’impression, qu’il veut à tout prix être connu, ce qui me pose doublement problème. Mais j’aime à croire que les livres peuvent finir par vivre sans leurs auteurs, c’est pourquoi j’ai laissé sa chance à Oona & Salinger, et j’ai presque bien fait.

Salinger, c’est L’attrape-coeur, au même niveau pour moi que Le cercle des poètes disparus, c’est dire comme il est bien placé dans mon panthéon personnel des œuvres à retenir. Oona, c’est une jeune fille riche, enfant d’un prix Nobel de littérature qu’elle ne voit jamais et futur Madame Chaplin. Dans ce roman, Beigbeder tisse entre eux une histoire d’amour comme on en fait plus, des je t’aime moi non plus, ou des je t’aime mais c’est trop tard.

J’ai eu beaucoup de mal avec ce livre, je ne sais pas si je l’ai aimé ou pas. J’ai adoré ces personnages si bien dessinés, si bien décrits. On croise notamment Truman Capote, Eugene O’Neill, Scott Fitzgerald… Et cette fresque de visages est un vrai régal, qu’ils soient connus ou non d’ailleurs. J’ai apprécier être plongée dans la jeunesse de Oona et Salinger, puis suivre cet amour qui s’étire en filament, jusqu’à la rencontre qui lui changera sa vie à elle et son saut à corps perdu dans l’armée pour lui. On peut également suivre une correspondance entre ces deux héros, à partir du moment où ils sont séparés, et croyez-moi, rien que pour ces lettres bouleversantes, le roman vaut le coup d’être lu. Plus généralement, le livre se lit très facilement, sans pour autant être dénué de style et d’intérêt du point de vue de la langue : non, c’est même plutôt bien mené de ce côté-là.

Ma seule réclamation : mais pitié, faites taire l’ego de cet homme ! Je pense que Beigbeder aime se faire détester, je ne le comprends pas autrement. Alors qu’on se sent bien avec les personnages, avec cette histoire et donc avec sa plume à lui, eh bien, ça ne lui suffit pas, il faut qu’il ramène sa fraise à tout bout de champ, parfois par des moyens vraiment superficiels. « Et moi, et moi, et moi. » Ce phénomène, qui a surtout lieu dans la première moitié du livre, est vraiment perturbant, gênant, énervant, et personnellement, ça m’a un peu (beaucoup) gâché ma lecture du livre. Cet homme essaie par tous les moyens d’apparaître au cœur de son œuvre, mais il serait bon qu’il comprenne que son œuvre se suffit à elle-même pour laisser sa trace dans l’histoire (avec un tout petit « h »).

En résumé, pour ce roman, je dis « oui, mais ».

Frédéric Beigbeder, Oona & Salinger, aux éditions Grasset, 19€.

Apollinaria, une passion russe, de Capucine Motte

Avec le Japon, la Russie est une de mes patries préférées concernant la littérature. Aujourd’hui je vous propose, non pas de découvrir un auteur russe, mais un roman qui en utilise un comme personnage : Apollinaria, une passion russe de Capucine Motte.

 

Nous sommes dans les années 1860. Fédor Dostoïevski est un auteur connu dans le milieu littéraire et politique. Alors qu’il vient faire une visite à l’université de Saint-Pétersbourg, son chemin croise celui d’Apollinaria Souslova, une jeune fille pleine de rêve, issue d’une famille qui vient tout juste de gagner sa liberté : à l’heure où la Russie se questionne sur le fait de pouvoir posséder ou non la vie d’un autre être humain, son père est un ancien serf émancipé. Sa sœur est pour une révolution, une femme active, tandis qu’Apollinaria s’imagine bien écrire, mener une vie douce.

Sa relation avec Fédor sera forte, troublante et troublée, une passion tempétueuse où se mêle l’admiration et le désir. La jeune femme deviendra une muse à défaut d’être une auteure reconnue. Mais ce premier amour n’est peut-être pas celui dont elle rêve. Il est marié, il est dur. Apollinaria s’en va à Paris, pour essayer d’autres horizons. Elle fera des rencontres, elle ressentira de nouvelles émotions blessantes ou galvanisantes. À travers l’Europe, on voyage dans les casinos et les stations thermales, entre le français, le russe et l’espagnol. Une initiation pour trouver l’amour et l’attachement.

Au début, j’ai eu peur de ne pas être convaincue par ce livre. Je m’attendais trop à une intrigue centrée autour du grand écrivain russe, alors que le roman est éponyme. Apollinaria en est l’héroïne, et l’auteure y retrace sa vie, celle de sa famille, le chemin vers l’émancipation, l’intégration dans une société qui n’accepte pas encore les affranchis.

L’écriture n’est pas blanche, mais elle est simple, sans fioritures et jeux de manche. Elle va à l’essentiel sans rien nous cacher des tourments des personnages. Des personnages aux caractères variés, de nationalités diverses, qui constituent une vraie fresque de l’époque. La narration est rondement menée, ce qui n’est pas simple avec une utilisation de la troisième personne qui entraîne généralement une distanciation. Ce roman est un périple de plusieurs années qui nous entraîne dans l’intimité de Dostoïevski et dans la vie politique russe à travers l’Europe. C’est doux et passionnant.

Je ne pourrais pas vous en dire plus, je me suis laissé promener sans trop réfléchir, je me suis laissé bercer par les pleurs d’Apollinaria et ses moments d’amour (et quelles tendres sonorités que son prénom!) Bref, je vous le conseille si vous souhaitez aller faire une promenade dans la littérature russe et le dix-neuvième siècle.

Capucine Motte, Apollinaria, une passion russe, aux éditions JC Lattès, 18€50.

Una passione sinistra, di Chiara Gamberale

Voilà maintenant quelques semaines que je voulais lire un livre en VO, en italien bien sûr, la seule langue étrangère que j’arrive vaguement à maîtriser. Le CLES niveau 2 en poche, je me suis dit : « Bon maintenant, on arrête les livres pour ados aux vocabulaire et structure simples, passons à la littérature pour adulte ». J’ai mis en place un compromis : roman difficile = roman court. Faut quand même pas exagérer. Idéal pour se remettre en jambe avant la rentrée et finir la challenge « In Italiano » de George et Marie.

J’ai donc choisi un petit livre publié chez Bompiani (ça me change de Einaudi), c’est avant tout le couverture qui m’a plus, je n’ai même pas lu la quatrième ! Il s’agit de Una passione sinistra de Chiara Gamberale.

C’est l’histoire de deux couples : Nina et Bernado, Giulio et Simonetta. L’auteur nous raconte leurs rencontres, leurs moments forts, nous dépeint leur vie en pointant quelques moments précis. C’est très vivant car composé surtout de dialogues. C’est compliqué l’amour, il faut qu’il prenne racine, et après rien ne dit qu’il va s’épanouir facilement. Il peut y avoir des problèmes. Et cela sans compter sur tout le reste : la famille qui peut ne pas aller bien, le travail qui prend de la place, etc.

Un jour, un hasard de la vie va faire se rencontrer ces deux couples. Et comme une évidence, une erreur peut-être regrettée après, quelque chose va basculer. Mais je ne vous en dis pas plus, si jamais vous voulez à votre tour plonger dans cette lecture.

La chose vraiment innovante de ce roman aux multiples petits chapitres, c’est qu’à la fin de chacun d’eux, l’auteur a placé des extraits de discours, surtout politiques, qui correspondent précisément à la chronologie de l’histoire. Et c’est très étrange de voir qu’une vie personnelle peut être influencée et accompagnée par cette vie publique, par la société et ses changements. Cela donne un éclairage neuf sur certains bouleversement politique d’Italie, sur l’arrivé del Cavaliere au pouvoir, sur l’importance du Pape, etc. On pourrait penser que ces extraits sont accessoires mais ils sont extrêmement bien choisis et viennent compléter de façon surprenante mais judicieuse la fiction ! Ce sont deux facettes qui s’épanouissent l’une en parallèle de l’autre.

Chiara Gamberale

Un petit roman humain dont le niveau de langue n’est pas insurmontable pour les italianistes, il se lit assez vite mais s’apprécie sans mesure !

Chiara Gamberale, Una passione sinistra, Bompiani, 9€50 (mais plus cher en France à cause des frais de port). Non disponible en français malheureusement.

Les Morues, de Titiou Lecoq

En prenant Les Morues de Titiou Lecoq, je m’attendais presque à lire de la chick-lit, c’est un peu ce que laisse envisager la couverture et le résumé de l’éditeur. Au final, ce n’est pas vraiment ce à quoi je m’attendais, ce roman m’a surpris, mais c’est plutôt une bonne nouvelle !

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Les Morues, c’est un groupe de trentenaires un peu féministes et parfois pas très dégourdis, avec chacun leurs névroses, leurs problèmes, leurs obsessions. Trois filles et un garçon qui essaient d’avancer dans leurs vies malgré leurs erreurs ou leurs balbutiements. Parmi eux, Ema qui commence le livre en allant à l’enterrement de sa meilleure amie avec qui elle s’était brouillée : Charlotte. Elle s’est suicidée sans crier gare, sans expliquer son geste, une mort étrange qui intrigue Ema et l’invite forcément à se dire que ce n’est peut-être pas un vrai suicide. Alors elle va essayer de mener une petite enquête et pour ça, elle va plonger des les plans de réformes, la RGPP et son projet de privatisation des services publics et des lieux de culture. Pour l’aider, elle peut compter sur Fred, nouveau entrant dans le monde des Morues qui de son côté connaît pas mal de déboires avec internet : entre anonymat et connectivité, il est parfois dur de faire la part des choses et quand l’amour s’y mêle, c’est encore plus compliqué.

Autour d’eux, gravitent d’autres personnages à la vie aussi tumultueuse : leurs déboires se croisent ou se rencontrent dans un livre qui n’a plus rien à voir avec la chick-litt. Ces figures qui peuplent le roman de Titou Lecoq ne sont pas caricaturales malgré leurs expériences hors du commun, on a l’impression qu’il court derrière quelque chose, la vérité, une vie confortable, l’âme sœur, des réponses, du repos…

Une très belle rencontre ce livre car il prouve qu’on peut mêler les dessous politiques avec des tranches de vies bouleversées, investir des lieux de pouvoir avec des sentiments forts. Comme le dit si bien la quatrième de couverture, « c’est le roman d’une époque, la nôtre », avec toutes ses problématiques, ses soucis d’éthiques et ses nouveaux paramètres comme internet qui redéfinissent nos modes de vies et nos façons d’éprouver de l’amour, de la fierté. L’écriture est dosée à souhait, elle reste sur le fil de la justesse sans tomber dans le pathétique, le tragique outrancier ou larmoyant, le ridicule et la caricature. Mais heureusement ce livre n’est pas dénoué d’humour qui vient alléger les situations parfois graves que traversent les personnages dans un équilibre parfait. Il dénonce sans faux-semblants les convenances et les conventions parfois surjouées et inutiles de notre société sans perdre son but premier : nous divertir.

Un très bon roman, une très belle découverte que la plume de Titou Lecoq, je vous la conseille vraiment car c’est un livre qui regorge de prouesses et de surprises !

Titiou Lecoq, Les Morues, Au diable vauvert, 22€.