La maison des miroirs, de John Connolly

Pocket a sorti de nouveaux petits livres, des romans voire même parfois des récits qui s’apparentent plus à la nouvelle, et cela au prix de 2€90. C’est un peu plus cher évidemment que les folio à 2€ mais je trouve que le choix est plus agréable.

Aujourd’hui, j’ai donc choisi l’un deux : La maison des miroirs de John Connolly. Je ne suis pas très roman policier mais je sais d’expérience que j’aurais tord de les bannir complètement de mes lectures. Connolly étant une valeur sûre paraît-il, j’ai décidé de le lire. En plus, ce texte me permet de rencontrer un de ses personnages phares : le détective Charlie Parker.

Il y a des années, un certain John Grady a tué quatre enfants dans sa maison isolée. Une demeure étrange, empuantie par de la colle à tapisserie fabriqué par l’assassin et envahie de miroirs, présents sur chaque mur. Matheson est, enfin était, le père d’un des enfants qui ont perdu la vie à cause de ce fou. Il a racheté le domaine de Grady pour ne pas détruire ce dernier lieu qui a vu sa fille vivante. Mais un jour, il découvre une photographie d’une enfant jouant au base-ball, posée au milieu de la maison.

Il embauche alors le privé Charlie Parker pour enquêter sur ce phénomène étrange : retrouver cette gamine sur la photo et surveiller la maison de Grady qui se révélera bien plus perturbante encore qu’elle n’en a l’air. Mais un homme inquiétant approche le détective pour venir chercher une « dette » dans la maison du meurtrier. Très vite appelé « le Collectionneur », il est sûrement l’être le plus mystérieux en rapport avec cette enquête.

J’ai beaucoup apprécié ce livre, sûrement parce qu’il n’était pas très long. En effet, il s’agit quand même là d’une enquête et lire ce genre de choses… ce n’est vraiment pas ma tasse de thé. Le fait qu’on suive un détective privé et non un vrai policier est plus agréable je trouve, il est plus libre de ses mouvements. Et, mon Dieu, que ça fait du bien de découvrir un personnage qui joue ce rôle sans être un dépressif ou une vrai caricature comme on en voit si souvent. Pas de flic reconverti au-dessus des règles, pas de violence gratuite, pas d’amourette, non juste un mec bientôt papa qui est enquêteur, point barre. C’est vraiment très agréable de découvrir que Charlie Parker en plus d’avoir de la jugeote est un être humain qui peut ressentir la peur, au lieu de sortir son flingue au moins bruit.

L’écriture est vraiment très fluide, avec beaucoup de dialogue. Il n’y a pas de longueurs ou de digressions qui seraient frustrantes dans ce genre de livre. La traduction française est sans anicroche. Quant à l’histoire, elle brasse plusieurs tenants et aboutissants, on pourrait presque dire qu’il y a plusieurs intrigues mais finalement, elles se rejoignent toutes dans cet endroit sombre et dangereux qu’est la maison de Grady.

Ce petit roman se lit vite et ne se lâche pas ! Il est idéal pour entrer en douceur dans le monde des enquêteurs et sa fin vraiment surprenante est effrayante à souhait. Une jolie petite découverte qui me pousserait même à lire une autre œuvre de Connolly

John Connolly, La maison des miroirs, traduction de l’anglais par Didier Sénecal, Pocket (15336), 2€90.

Les Diaboliques de Jules Barbey d’Aurevilly

C’est un recueil de nouvelles que je vous propose aujourd’hui. Celui de Jules Barbey D’Aurevilly intitulé Les Diaboliques. Il s’agit de l’oeuvre la plus connue de l’auteur ; publiée en 1876, le premier récit qui la compose, Le Dessous de cartes d’une partie de whist, a été écrit dès 1850. Ce livre contient six nouvelles faites pour être ensemble et donne à voir au lecteur des histoires diverses mais toutes tounées vers la femme.

En effet, elle est le sujet central de ce bouquin, mystérieuse, vaporeuse, dangereuse…. on la voit dans toute sa force, sa puissance même si parfois cela passe par une exacerbation de sa fragilité, de sa sensualité. Toutes ces femmes sont hors du commun, par leur comportement ou leur vécu ; elles sont atypiques et difficiles à suivre.

L’auteur nous fait le récit de rencontres ou d’aventures amoureuses qui ont débouché sur des sentiments puissants. Certaines de ces histoires peuvent paraître trop surréalistes mais elles choquent par leurs descriptions d’univers ou d’êtres humains sales, scandaleux. L’auteur, catholique, a même été accusé d’immoralisme. Pour lui, il s’agit de faire l’étalage de l’horreur de ce monde pour éviter de le reproduire ; une sorte d’oeuvre didactique donc, mais soyons franc, c’est parce que nous sommes friands de ces scènes de vengeance, d’adultère, de meurtre que nous lisons ce recueil.

Je crois que peu de récit nous laisse autant sur notre faim. Pourtant l’histoire est close, il y a bien un début, un  milieu et une fin. Mais ces femmes sont toujours vues par le biais du narrateur homme qui raconte son histoire (qu’il a vécu ou entendu) à un public lors d’un diner ou dans un salon. Elles nous apparaissent alors énigmatiques, leurs comportements souvent étranges n’en sont que plus inexplicables. Insaisissables elles le sont et je ne sais toujours pas si ce livre les sert ou les accuse. La seule entorse à cette règle est la dernière des nouvelles, La Vengeance d’une femme : ici, c’est elle-même qui raconte sa propre histoire, nous savons alors son ressenti, ses pensées… mais cela ne rend son expérience que plus difficile (et donc plus jouissive dans un sens) à lire.

Quant à l’écriture, elle peut être somptueuse, ravissante à lire et à entendre. Les mots coulent entre eux, font de doux ricochets mais repartent de plus belle sans être encore essoufflés. Mais le style n’est pas égal dans tout le livre, parfois il se fait lourd et trop détaillant, au point d’en perdre le fil. Certaines descriptions ne sont pas obligatoires mais pourtant elles sont très étoffées au point de ne plus en pouvoir. Toutefois, cette oeuvre doit se laisser savourer, laissez fondre sous votre langue cette pastille de littérature. Entre envoûtement ou intérêt scandaleux, ce recueil de nouvelles saura vous faire aimer les femmes mêmes les plus intimidantes, même les plus mauvaises, même les plus diaboliques.

Je vous laisse avec ce magnifique passage tiré de la troisième nouvelle, Le Bonheur dans le crime :

« La panthèse devant laquelle nous étions, en rôdant, arrivés, était, si vous vous en souvenez, de cette espèce particulière de l’île de Java, la pays du monde où la nature est la plus intense et semble elle-même quelque grande tigresse, inapprivoisable à l’homme, qui le fascine et qui le mord dans toutes les productions de son sol terrible et splendide. A Java, les fleurs ont plus d’éclat et plus de parfums, les fruits plus de goût, les animaux plus de beauté et plus de force que dans aucun autre pays de la terre, et rien ne peut donner une idée de cette violence de vie à qui n’a pas reçu les poignantes et mortelles sensations d’une contrée à la fois enchantante et empoisonnante (…) ! Etalée nonchalamment sur ses élégantes pattes allongées devant elle, la tête droite, ses yeux d’émeraude immobiles, la panthère était un magnifique échantillon des redoutables productions de son pays. Nulle tache fauve n’étoilait sa fourrure de velours noir, d’un noir si profond et si mat que la lumière, en y glissant, ne la lustrait même pas, mais s’y absorbait, comme l’eau s’absorbe dans l’éponge qui la boit… Quand on se retournait de cette forme idéale de beauté souple, de force terrible au repos, de dédain impassible et royal, vers les créatures humaines qui la regardaient timidement, qui la contemplaient, yeux ronds et bouche béante, ce n’était pas l’humanité qui avait le beau rôle, c’était la bête. Et elle était si supérieure, que c’en était presque humiliant ! »