Idées en vrac pour petites nouvelles ou grandes histoires

C’est le NaNoWriMo, c’est l’automne, le moment idéal pour se mettre ou se remettre à écrire. Mais parfois, on ne sait pas quoi écrire, alors que l’envie est là. Syndrome de la page blanche, panne d’inspiration, blocage… ? Mon remède miracle, c’est d’arrêter de me prendre la tête et de vouloir écrire le roman du siècle. Mais plutôt me tourner vers des formats courts – contes, histoires pour enfants, nouvelles… Pour cela, j’ai une boîte à idée dans laquelle je pioche. Des débuts d’intrigues qui me parlent, des éléments de décor qui débouchent sur une histoire. Juste une phrase : parfois elle m’inspire et je la continue, ou alors elle m’évoque carrément autre chose et je me laisse porter. Si rien ne se passe, j’en lis une autre. Voici donc quelques idées (enfin 150 quand même !) pour vous dépanner, en espérant que cela puisse vous servir.

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  1. Son collant vient de se filer.

  2. En promenade en pleine forêt, son chien vient de filer et ne revient plus quand il l’appelle.

  3. Son portable sonne mais aucun numéro ne s’affiche.

  4. Entre les pages du livre, il découvre une photo.

  5. Quelque chose remue dans le pot de fleur.

  6. Son meilleur ami dévoile ses secrets les plus intimes lors d’une soirée très alcooliséé.

  7. Son conjoint est au bord du vide, prêt à se jeter de leur balcon.

  8. Il joue au talkie-walkie avec son meilleur ami, lui dans la maison et son copain dans la cabane, mais plus personne ne lui répond…

  9. Elle se rassoit à son bureau après la pause déjeuner. Un post-it l’y attend, l’informant que son patron veut la voir.

  10. Une erreur du facteur : il reçoit une carte postale du bout du monde.

  11. Du jour au lendemain, il n’apparaît plus sur les photos, il ne voit plus son reflet dans les miroirs.

  12. Mais qui est cet homme qui fouille dans mes poubelles ?

  13. Il l’aperçoit, qui croque discrètement son portrait dans le métro, va-t-il lui parler ?

  14. Un car arrêté en pleine nuit dans un embouteillage causé par un accident.

  15. Mais où est passée ma deuxième chaussure ?

  16. Il entend un grand fracas provenant de la chambre de son enfant.

  17. Soirée jeux vidéos en réseaux. Mais internet a décidé de planter.

  18. L’alarme incendie se déclenche au collège.

  19. Le vent emporte les chaises de jardins.

  20. Il déménage au Sri Lanka.

  21. Il tombe amoureux de son prof d’anglais.

  22. Il rentre à la fac, à plus de soixante ans.

  23. On lui annonce qu’il est à moitié fée.

  24. Du jour au lendemain, il ne sait plus compter ni lire.

  25. Une nouvelle invention permet de décoder instantanément les pensées des gens.

  26. Sa bouteille d’eau mal rebouchée s’est déversée dans son sac.

  27. De peu, elle a échappé à un éclair.

  28. En se retournant dans son lit, il s’immobilise : il y a quelqu’un d’autre avec lui.

  29. En mettant le linge à sécher, une pince à linge s’éjecte malencontreusement dans les airs et le frappe en plein œil.

  30. Son enfant fait un caprice et lui fiche la honte au supermarché.

  31. Hector le labrador a appuyé sur le système de fermeture de la voiture alors que les clés sont à l’intérieur !

  32. Au fond de son jardin, dessous des buissons, il découvre dans une sorte de nid de drôles de créatures.

  33. Il a acheté un DVD d’occasion mais à la place du film, c’est un enregistrement amateur.

  34. Son voisin du dessous l’engueule car l’eau d’arrosage des plantes vertes a ruisselé sur son linge en train de sécher au grand air.

  35. L’heure est grave, il y a une rupture mondiale de café (ou de chocolat).

  36. Une épidémie de rage a lieu.

  37. Sans s’en rendre compte, il passe la journée avec un bout de salade coincé entre les dents.

  38. Sa mère a fait rétrécir au lavage son pull en cachemire préféré.

  39. Sa fille de 6 ans le surprend en train de jeter à la poubelle le dessin qu’elle venait de lui faire.

  40. Il a avalé une mouche.

  41. On découvre un zèbre sans rayure.

  42. Un de moteurs de son avion vient de prendre feu.

  43. Sa femme apprend la mort de son frère.

  44. Il découvre lors d’une soirée jeux de société que son meilleur ami est vraiment mauvais perdant.

  45. On l’aborde dans un bar.

  46. Il reçoit en cadeau d’anniversaire une baguette magique.

  47. 4h00 du matin, un tremblement de terre le réveille.

  48. Il oublie son sac dans le bus.

  49. Elle lui apprend qu’elle est enceinte – ce n’était pas prévu.

  50. Et si elle se lançait elle aussi dans la course aux élections ?

  51. En visite chez un ami, il se retient de reclasser tous ses livres par ordre d’auteurs et de nettoyer les vitres.

  52. Il y a un bébé crocodile dans les toilettes.

  53. De chez elle, elle peut voir la fenêtre de la salle de sport.

  54. Il reçoit une facture exorbitante pour quelque chose qu’il n’a pas acheté.

  55. Quand la voiture décide de tomber en panne à deux pas de chez mon ex.

  56. Combat entre dieux celtiques.

  57. En se lavant les mains, il perd son alliance un tout petit peu trop grande dans le siphon de l’évier.

  58. Il vient de rater sa correspondance.

  59. En se levant ce matin, il découvre sa maison taguée.

  60. Le chauffage et l’électricité sont en panne, il fait un froid glacial dehors.

  61. Elle décide d’accueillir la sans-abri chez elle le temps d’une nuit.

  62. On lui lance le défi d’arrêter de fumer.

  63. Il reste enfermé malgré lui dans le musée.

  64. Alors qu’ils s’étaient disputés, il finit par la demander en mariage.

  65. Comment avouer à sa femme qu’il a roulé sur le chat ?

  66. Le bonhomme de neige a changé de place durant la nuit.

  67. Le fil d’Ariane a été rompu par le Minotaure, que va devenir Thésée ?

  68. Il tond les pelouses du quartier pour se faire un peu d’argent.

  69. Grande surprise ! Elle vient de remporter la tombola !

  70. On lui offre un livre de recettes de barbecue – il est végétarien.

  71. Elle découvre qu’elle a un cancer.

  72. Quelqu’un lui a volé son identité.

  73. Un dragon se cache dans le grenier.

  74. Le chien jappe toute la journée.

  75. On lui a encore demandé de rester un peu plus tard au travail.

  76. Perdu en pleine montagne, il découvre qu’il n’a plus de batterie sur son portable.

  77. Homme préhistorique contre mammouth.

  78. Il se rappelle qu’il ne sait pas nager.

  79. Elle sent un parfum inconnu sur les oreillers du lit.

  80. Elle surprend sa meilleure amie en bonne compagnie dans les toilettes du lycée.

  81. On vient de l’humilier à la radio.

  82. Il a mis un peu d’eau dans son vin – au sens propre.

  83. Il met en vente la pilule contraceptive pour homme.

  84. J’accompagne le voyage scolaire de ma fille.

  85. J’écris à toutes les personnes dont j’ai été amoureuse dans le passé.

  86. Je me rends compte que j’ai un chewing-gum collé à mon jean.

  87. Il revoit son père pour la première fois depuis sa tendre enfance.

  88. Et si la couleur bleue n’existait pas ?

  89. Il découvre que le miroir de sa chambre est en fait un miroir sans teint.

  90. Il perd la clé USB où il va stocker sa thèse.

  91. Le médecin ne la croit pas quand il explique ses symptômes.

  92. Dans son monde, on peut respirer sous l’eau.

  93. En train de dîner au restaurant, j’apprend que ma maison est en feu.

  94. Il y a un monstre dans le placard.

  95. Elle retrouve dans son manteau qu’elle n’a pas enfilé depuis des mois un drôle de papier.

  96. Le portable de sa copine n’arrête pas de biper alors qu’elle est sous la douche.

  97. Elle est adulte et découvre qu’elle a attrapé des poux.

  98. En colonie de vacances, un enfant a disparu.

  99. Il découvre qu’un auteur de BD porte le même nom que lui.

  100. Un drôle de livre vient d’apparaître dans sa bibliothèque.

  101. Il décide de changer de prénom.

  102. Quelqu’un perd conscience en pleine rue.

  103. Il y a des traces de sang sur la porte d’entrée.

  104. Le serveur fait tomber le café brûlant sur un client.

  105. Un ours rôde dans le jardin.

  106. Il découvre qu’on lui a volé son téléphone lors d’une soirée chez lui.

  107. La carte bancaire ne fonctionne plus alors qu’ils font du shopping.

  108. Elle n’en peut vraiment plus de ses chaussures à talons mais la journée est loin d’être finie.

  109. Elle se retrouve par erreur dans le mauvais cours, dans la mauvaise salle de classe.

  110. Quand il se réveille, ce n’est pas dans son lit mais dans une grotte obscure et humide.

  111. Ce chevalier vient de tomber de cheval. Tout en armure, il est perdu dans les bois.

  112. Le lustre en cristal vient de tomber.

  113. On lui a piqué son linge à la laverie.

  114. Il n’ose pas dire à son beau-frère squatteur qu’il ne veut plus de lui à la maison.

  115. En quête de ses origines, il vient de découvrir que sa ville de naissance… n’existe pas.

  116. Il est coincé en Chine après avoir perdu son passeport.

  117. Il n’y a plus de couches pour le bébé !

  118. Ses vêtements sont tout d’un coup tous beaucoup trop petits.

  119. Cet enfant de maternelle vient d’avaler de la peinture.

  120. Il remporte la médaille olympique !

  121. Un jour, plus aucune fleur.

  122. Il se lève du canapé et découvre une grande flaque d’eau.

  123. Tout le monde est retranché chez soi à cause de la pollution.

  124. Ils tentent de s’enfuir de Corée du Nord.

  125. Ces pirates viennent de dérober un drôle de trésor.

  126. La jeune fille tombe sur un os étrange en jouant dans le jardin.

  127. Une drôle d’odeur de rose vient d’apparaître soudainement dans la pièce.

  128. L’eau a un sale goût.

  129. Il découvre que le dealer du coin est un de ces anciens élèves.

  130. Sa mission : mettre des micros discrètement chez elle. Mais ça ne va pas se passer comme prévu.

  131. Le fossoyeur vient de finir sa mission quand il entend tout d’un coup des bruits venant de la terre tout juste remise.

  132. Ses fenêtres explosent en mille morceaux.

  133. Mon dragon n’arrive plus à souffler du feu !

  134. C’est le champion du monde de cartes Pokemon.

  135. Retraité, 77 ans, recherche quelqu’un avec qui partager sa vie.

  136. Elle marche sur le lego avec une grimace.

  137. En claquant la porte rageusement, il y coince un pan de sa chemise.

  138. Son ordinateur vient de freezer alors qu’il gagnait une partie de poker en ligne.

  139. Il rate le cendrier car il ne faisait pas attention et pose son mégot brûlant sur le canapé.

  140. Par curiosité, il ouvre cet exemplaire de la Bible qu’il y a dans la table de chevet de sa chambre d’hôtel.

  141. Elle ne se souvient plus de la lettre « m ».

  142. Les enfants se tordent de douleur : ils ont trop mangé de bonbons.

  143. Le livreur de pizza vient toquer à sa porte.

  144. Elle vient, avec fébrilité, d’envoyer son scénario à plusieurs grosses boîtes de production.

  145. Les amoureux se retrouvent bloqués tout en haut de la grande roue.

  146. Il casse la fermeture éclair de la toile de tente alors qu’on annonce une nuit glaciale.

  147. Un laser game entre amis et une belle chute.

  148. Elle apprend à sa petite sœur à faire ses lacets.

  149. Ils travaillent dans une conserverie et n’en peuvent plus.

  150. La petite souris n’est pas passé.

Bonne écriture !

Paradis sur mesure, de Bernard Werber

Un des mes bonnes décisions de l’année 2016 a été de réaménager ma bibliothèque, ce que j’ai pris beaucoup de plaisir à faire. Cela m’a également permis de mettre au point une book jar pour vider ma PAL. Le principe : chaque mois je pioche un petit bout de papier qui m’indique une lecture à faire dans ma PAL. Et dès ce premier mois d’essai, je suis très contente de ce système. En effet, j’ai pioché un livre que je n’aurais jamais sorti sans cela et je suis ravie de sa lecture : il s’agit de Paradis sur mesure de Bernard Werber.

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Il faut savoir que j’ai beaucoup, beaucoup de Bernard Werber dans ma bibliothèque (un des seuls auteurs que l’amoureux apprécie), et même si je n’ai jamais détesté, disons que ce n’est pas mon genre de prédilection. Toutefois, je reviens d’une panne de lecture et avec mon planning surchargé j’avais besoin de lectures courtes et immersives. Je suis tombée sur la lecture idéale avec ce recueil de nouvelles qui met au point des futurs et des passés possibles.

C’est qu’il y a de quoi être étonné : des personnages très attachants, des narrations rythmées, des intrigues bien menées aux multiples retournements. Il faut avouer une chose : Bernard Werber maîtrise le genre de la nouvelle.

Et quelle imagination ! Oh, ça ce n’est plus à prouver, après tous ses romans… mais on sent que cet auteur a vraiment une inspiration foisonnante et surtout il ose écrire ce qu’il a en tête. Même si ça paraît irréaliste, inconcevable : après tout en écriture, on peut tout se permettre, tout créer, tout inventer !

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Je suis sortie de cette lecture le cœur plein d’enthousiasme même si les différentes histoires nous font passer par de nombreuses émotions. Quelques nouvelles m’ont plus marquée que d’autres, surtout des « futurs possibles » comme Demain, les femmes (ou quand l’humanité ne sera constituée que de femmes) ou Le Maître de Cinéma (avec un petit descendant de Kubrick en prime). Très peu de déception dans ce recueil, il faut dire qu’il est difficile de nous décevoir. Le style de base de Bernard Werber est fait pour nous plaire : claire, lisible, direct avec tout de même une touche d’originalité, de personnalité.

J’avais oublié à quel point il était savoureux de lire cet auteur et de se laisser emporter par sa plume. Toutefois, je suis contente d’être tombée sur un recueil de nouvelles et non un roman qui aurait fait « trop » pour moi.

Bernard Werber, Paradis sur mesure, Le Livre de Poche, 7€50.

Elle répondit : « Berlin, baby ! », d’Amélie Vrla

Cela faisait un petit moment que je n’avais pas lu de nouvelles, alors quand une auteure m’a proposé de lire son recueil dont les histoires se déroulent à Berlin – ville que j’apprécie tout particulièrement – je ne pouvais que répondre oui. Amélie Vrla a donc eu la gentillesse de m’envoyer Elle répondit : « Berlin, baby ! ».

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Ce titre, c’est comme un appel à se rendre à l’évidence : enfin, voyons, on ne peut que vivre à outrance à Berlin, on ne peut que profiter de cette existence qui nous permet souffrance mais surtout plaisir. Quitte à en abuser un peu. Ce recueil fait le portrait d’une facette de cette ville cosmopolite et polyglotte. Une ville de la culture, de l’art, mais aussi une ville de la nuit, des fêtes, des cocktails et des rencontres. Berlin, ville de la drogue aussi. Et ville des femmes et de l’amour. L’auteure a voulu explorer ce côté à la fois sombre et trop brillant de la capitale allemande. Sous couvert de désinvolture et de légèreté, ses personnages se dévoilent dans leur faille et leur faiblesse. Toutefois ici la drogue, même si omniprésente, est souvent seulement le prétexte pour mettre en mots ces histoires d’amour/haine : cet homme qui a cru que faire découvrir la poudre blanche à son aimée aurait été une bonne idée, ce frère très peu présent qui a oublié sa sœur le temps d’un week-end car il était sous emprise. Au total, cinq récits d’un moment de vie que la drogue a gâché, envenimé, enjolivé, rendu cocasse ou transformé en malaise.

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Pour le lecteur, c’est une immersion totale. A travers des mots lancés, des phrases courtes, parfois sans queue ni tête, l’auteure a voulu nous faire vivre cette expérience de l’intérieur en quelque sorte : l’hébétement que cause la drogue, l’étourdissement, la fatigue, les élans de colère ou au contraire ce trop plein de joie de vivre que les personnages expérimentent. Ce recueil fait la part belle au dialogue et au monologue ce qui nous plonge directement dans la tête des héros de ces histoires. On a un peu pitié d’eux, on n’est pas toujours d’accord avec eux, en tout cas on ne les cautionne pas quand on voit à quel genre de situation cela les mène. Berlin est comme une excuse : dans cette ville, on ne peut faire que la fête.

Toutefois cette immersion profonde et immédiate peut causer certains problèmes pour le lecteur. En effet, on perçoit à travers les monologues qu’il y a entre telle et telle personne des sentiments réciproques ou non, on peut comprendre qu’il y a là un débat intérieur, malheureusement les phrases chaotiques dues à la drogue et aux sentiments exacerbés, ainsi que ce parti pris du point de vue interne ne nous donnent souvent pas toutes les clés pour comprendre ce qui se déroule. L’auteure ne dit pas tout aux lecteurs pour comprendre les tenants et les aboutissants. À tel point que, même après complète lecture, certaines nouvelles restent assez nébuleuses même si pour la plupart on arrive à comprendre. Ce manque de description et d’information fait également qu’on ne s’attache pas ou peu aux personnages ce qui est bien dommage. Je sais que la nouvelle va au plus rapide, mais une phrase ou deux sur le passé des personnages et leur vie en dehors de ce temps de l’histoire nous auraient permis peut-être de mieux nous immiscer dans ces récits.

Toutefois, ce recueil se lit assez vite et il y a parfois une vraie poésie et une vraie intelligence dans l’écriture d’Amélie Vrla ce qui ne présage que du bon pour la suite. Et j’ai adoré ce côté cosmopolite et mélange de la ville de Berlin qui est mis en avant. Enfin, l’auteure ne tombe pas dans le cliché du drogué avec la devise « la drogue, c’est mal » (ce qui est vrai, hein, soyons d’accord : la drogue, c’est mal). A Berlin, sa consommation réunit, ou au contraire sépare et attise les tensions. Tout n’est pas si simple et manichéen.

Mon grand regret pour ce livre, c’est l’édition car, hormis la couverture (qui est fichtrement par mal je trouve), le reste est plus que moyen. On sent qu’ils ne se sont pas foulés côté correction et maquette et ça c’est bien dommage. Heureusement que le texte fait tenir debout ce recueil !

Amélie Vrla, Elle répondit : « Berlin, baby ! », aux éditions de L’Harmattan, 14€50.

Mise au point

Oui, je sais, cela fait une éternité que je n’ai rien publié ici. Pour la simple raison que je n’ai pas lu un seul livre qui mérite vraiment un billet ici. Oh, j’ai quand même lu, mais mes lectures en ce moment sont plus informatives, documentaires. Je lis beaucoup la presse quotidienne ces temps-ci, mais aussi des écrits de et sur Victor Hugo : des biographies dont je n’ai pas forcément envie de vous parler, ou encore des recueils de poésie de ce grand homme, mais je ne me sens pas vraiment capable d’en faire une chronique qui ne soit pas juste « scolaire ». Je n’oublie pas le blog, au contraire je me lamente de ne pas lui apporter plus de contenus. Même sur Twitter je suis moins présente (une situation vraiment exceptionnelle pour moi !).

Il faut dire qu’il y a peu, j’ai changé de travail. J’ai repris mon ancien boulot en école, les enfants me manquaient un peu trop. Au moins, à présent je me lève chaque matin du bon pied et avec le sourire, impatiente de faire de la corde à sauter, de la peinture avec les mains ou une partie de pétanque. Mon train-train journalier s’est transformé, mes horaires sont éclatées dans la journée et je rentre chez moi recouverte de paillettes (littéralement) et les poches remplies de dessins hésitants et de pliages colorés. Il me faut un peu de temps pour trouver un rythme dans ce nouvel environnement. Mais ça vient. Tout ce qui compte, c’est que je suis heureuse, même si je dois me lever tous les matins à six heures et que je me retrouve toute seule à nettoyer 14 pinceaux durcis par de la colle !

Alors il est vrai qu’avec cette nouvelle vie, la rentrée du blog n’a pas été exemplaire et je m’en excuse. Je continue de lire, mais plus assez, je suis moins disponible intellectuellement pour cela. Toutefois, il y a dans mon sac un roman de Nimrod qui m’attend.

J’ai évoqué Victor Hugo. Pourquoi lui ? Pourquoi est-ce que j’achète presque tous ses romans et sa correspondance ? Eh bien, à cause de NaNoWriMo. Celui-ci commence à pointer le bout de son nez pour l’édition 2015 : le forum reprend du service et dès octobre on pourra enregistrer son nouveau roman sur le point de naître. Pour ceux qui ignoreraient encore ce qu’est le NaNoWriMo, je vous conseille le site des wrimos français. Pour résumer, c’est un défi individuel qui se vit en communauté qui consiste à écrire 50 000 mots en un mois. Si, si, on peut y arriver.

Et pour ce NaNoWriMo, j’ai envie d’écrire sur ce grand monsieur qu’est Victor Hugo, notamment sur sa période d’exil sur l’île de Guernesey : Hauteville House, la reprise de l’écriture des Misérables… Mais pour faire ça, j’ai besoin de matière. Mes mois d’août et septembre 2015 sont donc consacrés à prendre des notes, à m’informer, à me repérer dans sa chronologie, à lire ses œuvre, et au moins d’octobre, j’essaierai de mettre en place la trame et les fiches de personnages pour ce que j’écrirais en novembre lors du NaNoWriMo. Je suis vraiment emballée par ce projet qui a germé en juin et a pris naissance lors d’ateliers d’écriture en juillet. Moi qui écris normalement sans savoir où je vais, sans préparer en amont, je me surprends moi-même à être si précautionneuse. On verra bien ce que ce nouveau mode de travail va donner, sachant que je m’étonne toujours lors du NaNoWriMo.

Bref, ces quelques explications pourront peut-être mieux vous faire comprendre pourquoi je suis moins présente ici. Je n’oublie pas l’écriture et la lecture, je suis même plongée dedans jusqu’au coup, rassurez-vous. Mais j’essaierai tout de même de mettre une chronique sur le blog avant la fin du mois. En attendant, je vous invite à me suivre sur Twitter où j’écris un petit peu plus.

Traité des peaux, de Catherine Harton

Dans le cadre du Prix des Cinq Continents de la Francophonie, dont je m’occupe de la gestion pour le comité de lecture français, j’ai l’occasion de lire quelques romans francophones en lice pour l’édition 2015. [D’ailleurs, je manque de lecteurs, donc si vous êtes intéressés, envoyez-moi un petit mail : lacritiquante@gmail.com Merci !]

En découvrant une partie des livres candidats, je suis tombée sur une maison d’édition que je ne connaissais pas et je suis tout de suite tombée amoureuse de cette dernière pour ses ouvrages fins, soignés, au format bien découpé. Un vrai coup de cœur pour les éditions Marchand de feuilles !

J’ai donc lu un recueil de nouvelles, Traité des peaux, qui m’a emmené dans la neige et le froid du Groenland et du Québec prè du peuple inuit et des tribus amérindiennes. Ce livre m’a fait voyager de façon instantanée et j’ai adoré cette immersion totale, pudique et franche dans ces milieux en pleine mutation forcée, mondialisation oblige. On découvre ces habitants encore très proches de leurs coutumes ancestrales, des amoureux de la nature sous la neige et la glace. C’est un très bel hommage à ces modes de vie : la chasse, la survie lors de températures polaires, l’utilisation du bois, la fidélité des chiens de traîneaux, le traitement des peaux de phoques,.. L’auteure, Catherine Harton, réussit à nous entraîner dans ces contrées lointaines et inconnues – pour moi en tout cas – et, à travers des personnages attachants, divers et bien représentés, à nous faire comprendre les dangers et les changements profonds qui touchent ces populations un peu à part du reste du monde mais qui sont toutefois obligées de s’y fondre malgré tout. A travers des destins très différents, elle nous retrace qu’elles peuvent être et qu’elles ont été les vies de ces Groenlandais ou de ces Algonquins, entre leurs rêves, leurs désillusions, leurs espoirs, leurs bonheurs, leurs désirs.

Je ne suis généralement pas très portée sur les nouvelles, mais pour ce Traité des peaux, j’ai vraiment été conquise. Chaque nouvelle est un coup de pinceau qui vient embellir cette fresque presque polaire. L’atmosphère de ce recueil est pudique et poétique, tout en étant dur et triste par moment. Le style de l’auteur m’a tout de suite plu. Ces mots reflètent la beauté de ces paysages et la douceur des peaux de bêtes, phoque ou huskies. Cette écriture m’a tout de suite emportée vers ces contrées lointaines, et j’ai découvert avec émotion des vies et des peuples dont j’ignorais tout.

Ce livre a été une vraie rencontre. Avec l’auteure, avec cette très jolie maison d’édition et avec ces lieux magiques, ces coutumes, ces habitants qu’il faudrait plus protéger, mieux comprendre.

Catherine Harton, Traité des peaux, les éditions Marchand de feuilles, 18,95 $. Pour l’instant, seulement disponible au Canada, ou sur internet (en dollar + comptez les frais de port). J’espère qu’il sera disponible en France rapidement, ou même qu’il sera disponible un jour, car c’est une vraie perle. Sinon, vous pourriez le lire en tant que lecteur du Prix des Cinq Continents 2015 (oui, je manque vraiment de lecteurs…).

L’année dernière à Saint-Idesbald, de Jean Jauniaux

Retour en Belgique avec un recueil de nouvelles : L’année dernière à Saint-Idesbald avec Jean Jauniaux.

Difficile de résumer ce livre. J’ai été à la fois très déçue et très séduite. C’est un livre à double tranchant. Point commun de tous ces récits : la notion de cette ville balnéaire sur la mer du Nord : Saint-Idesbald. Un lieu chargé de souvenirs pour tous ces personnages. Ces personnages, parlons-en : je n’ai pas encore bien saisi s’ils avaient des rapports entre eux, s’il s’agissait parfois de la même personne d’une nouvelle à l’autre ou pas. Le départ de ce recueil pourrait être cet SDF qu’on retrouvera au début et à la fin et qui écrit un blog sur la vie des sans-abris. Les histoires et les souvenirs égrenés tout au long de ces pages pourraient être les leurs.

Il y a ces Roms qui veulent rejoindre ce pays qui est comme eux, qui n’existe pas. Ce vendeur de cravates à l’aube de sa retraite, qui voit son fils débordant d’idée et d’enthousiasme révolutionner le monde du costume de travail. Il y a ce petit garçon qui va voir pour la première fois de sa vie le Tour de France, mais décide à la place de rester auprès de son grand-père qu’un passé affreux trouble. Il y a ce fauve malade et son dresseur désespéré. Et à chaque fois la mention de cette plage.

Ce recueil dénote d’une écriture sûre d’elle et entraînée. Les mots sont magnés avec poigne pour nous emmener là où l’auteur veut nous embarquer. Le décor est à chaque fois très divers et s’en est parfois désarçonnant. J’ai trouvé finalement cet ouvrage très frustrant, car on nous vend du rêve avec cette station balnéaire qu’on ne voit presque jamais dans ces pages. C’est une fresque variée de personnages vraiment très différents les uns des autres, aux histoires très diverses : un garçon perdu dans l’Exposition Universelle, des émigrés qui cherchent un avenir meilleur, etc. C’est un texte à la fois très onirique, sensible, et proche des réalités parfois dures à vivre. Toutefois, la préface et la quatrième de couverture veulent nous montrer une cohérence entre toutes ces nouvelles, et sincèrement, je la cherche encore !

Bref, je suis partagée sur ce recueil : d’un côté une vrai maîtrise, et un style à la fois incisif, saisissant et sensible, et de l’autre, une accumulation de récits, très bons individuellement (même si très centrés sur la Belgique) mais dont l’ensemble est très perturbant.

Jean Jauniaux, L’année dernière à Saint-Idesbald, éditions Avant-Propos, 17,95€.

 

Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon, de Masayo Kokonoke

Que diriez-vous d’une petite balade onirique au Japon ? C’est ce que je vous propose avec ce petit recueil de nouvelles, de brèves de vie : Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon de Masayo Kokonoke.

Une centaine de pages dans l’univers nippon. La ville, le ryokan, le restaurant japonais, les haïkus, ce sont des marques de fabriques du Japon, mais ce qui est la plus grande particularité de cette île, c’est cette ambiance, cet esprit de douceur et de bienveillance. Parfois la magie rentre un peu dans nos vies, le charme d’un instant, d’un endroit. J’aurais bien du mal à évoquer ces petites nouvelles : en leur cœur, il y a des personnages qui découvre la vie, ou la savoure déjà, des personnages qui pensent aux autres et qui savent aimer. Il y a aussi quelque chose de fantastique, d’inexplicable qui met du baume au cœur. On se sent bien après avoir lu ces petites histoires qui sentent bon les fleurs de cerisier et le thé chaud. Ici, les saumons parlent, là, la nature prend vie. Dans une des nouvelles, on trouve le bonheur allongé dans l’herbe, près d’une rivière, en silence ; dans une autre, c’est un petit bonjour quotidien qui crée les plus grandes mais éphémères amitiés.

L’écriture de Masayo Kokonoke est douce et poétique. Elle parvient sans peine à nous immerger dans un autre univers en quelques lignes. Elle change de mode de narration comme de chemise mais toujours avec brio, ce qui a pour effet de renouveler toujours la vision que l’on a de ses récits. Il faut se laisser porter par ses mots pour visiter les coins reculés du Japon, les bateaux de pêcheurs, les appartements calfeutrés.

Un joli voyage, un pélerinage et une lecture où on se laisse bercer par la douceur millénaire et japonaise.

Masayo Kokonoke, Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon, aux éditions Le Lamantin migrateur, 7€50.

La fiancée de Fragonard, de Roger Grenier

Je reviens encore avec du Roger Grenier, mais après les carnets de pensées et le roman, je vous propose cette fois un recueil de (très bonnes) nouvelles : La Fiancée de Fragonard. Sincèrement, ça me change de la déception de Passer l’hiver, d’Olivier Adam. Ici, toutes les nouvelles sont vraiment différentes les unes les autres : un jeune qui va devenir pion, une rencontre dans un train, la recette des pralines, un pèlerinage à Lourdes… il y en a pour tous les goûts.

 

Roger Grenier ne veut pas ici élucider toutes les grandes questions universelles : il nous donne à voir simplement des tranches de vies cocasses ou tristes, ennuyeuses pour les personnages ou gênantes. Il s’efface pour laisse toute la place à ces êtres de papier, si bien que j’ai vraiment oublié pendant ma lecture que c’était de la fiction, que c’était de la littérature. Je me suis complètement laissée aller à la contemplation de ces paysages et de ces gestes.

Au début, on croise des adolescents, des enfants qui débutent dans la vie, trébuchent un peu. Puis les personnages grandissent, et parfois ont un peu plus de mal à s’inscrire dans leur époque, ils se trouvent trop vieux pour manifester en Mai 68. Ou alors, c’est leur passé qui leur pose problème, ou plus simplement le fait de vivre, d’interagir avec d’autres humains, d’être un animal sociale et sociable.

Le cavalier est un des « écorchés » les plus connus de l’artiste anatomiste Fragonard. La légende veut que la personne sur le cheval soit une ancienne amoureuse.

Ce serait dur de vous résumer toutes les émotions par lesquelles nous fait passer ce livre. Mais c’est doux, encore et toujours, du vrai Grenier je dirais ! A lire l’esprit tranquille !

Roger Grenier, La fiancée de Fragonard, Gallimard NRF, 9€45 (mais le prix est affiché en francs sur mon recueil, pourtant acheter neuf sur commande chez mon libraire il y a quelques semaines!)

Ciseaux, de Stéphane Michaka

En ce moment, je lis beaucoup de livres (romans, essais) traitant de l’écriture ou de l’écrivain. Aujourd’hui, j’ai choisi de vous en présenter un qui évoque en plus l’éditeur, et sa relation à l’auteur. Connaissez-vous Raymond Carver ? C’est un nouvelliste américain, décédé en 1988. Ce n’est pas celui qui a écrit le roman dont je vais vous parler, mais il en constitue la matière première. Un appendice en début du livre nous précise qu’il s’agit bien ici d’une œuvre de fiction, cependant des éléments importants de la vie de Carver s’y retrouve : sa première femme, son alcoolisme, sa liaison avec une poétesse. Cela me rappelle un autre roman que j’ai lu il y a quelques mois et qui, lui aussi, traitait de façon fictionnel la vie d’un écrivain bien réel. Mais aucune des fictions mentionnées dans ce roman n’existent en dehors de celui-ci.

Le roman en question se nomme Ciseaux, et a été écrit par Stéphane Michaka. On y suit la progression de Raymond, un écrivain, qui essaie tant bien que mal de finir des nouvelles et de les faire publier. L’amour désabusé qu’il entretient avec sa femme Marianne, qui lui a tout sacrifié, est renforcé par sa consommation un peu trop élevée et régulière d’alcool. Raymond sait qu’il devrait arrêté, mais il n’a pas la motivation suffisante.

ciseaux

Un jour, une des ses nouvelles est remarquée par un magazine. Cependant, l’éditeur, Douglas, qui s’en occupe, veut effectuer de gros changements : il coupe de façon radicale de nombreux passages, rend la nouvelle hachée menue, en change son titre. Raymond acquiesce, c’est la seule solution pour connaître la publication et il a vraiment besoin d’argent. Le succès est là, alors il continue d’écrire des histoires qui seront charcutées « pour la bonne cause » par cet éditeur caressant. Mais Marianne, qui est très impliquée dans la vie d’écrivain de son mari, soulève cette dénaturation de ses nouvelles, qui ne sont plus les siennes, mais celles de « Ciseaux », le surnom de Douglas. Alors Raymond essaie de faire entendre sa voix, mais c’est dur quand on lui promet l’édition d’un recueil entier constitué exclusivement de ses nouvelles et qu’on lui trouve un poste de professeur dans une bonne fac….

La construction de cet ouvrage est assez atypique. Comme dans une pièce de théâtre ou un scénario, le nom d’un des personnages entame diverses petites parties : monologues ou narration du point de vue de ce personnage. Cela permet de savoir ce que peuvent ressentir Raymond mais aussi Douglas par exemple. Ce peut également être une lettre qu’ils écrivent à l’autre, voire, la partie peut concerner deux personnages, c’est alors une tranche de vie qui leur est commune qui nous est racontée. On peut difficilement faire plus claire comme structure, pratique pour une lectrice qui se perd facilement comme moi, et cela a l’avantage de multiplier les points de vue. Mais, cela ne perd pas pour autant toute la saveur romanesque de ce livre : c’est un combat entre plusieurs personnalités très distinctes, ce sont des années de vie de sacrifices et d’amours tumultueuses qui défilent.

Rajouter à cela la retranscription de plusieurs nouvelles de Raymond (le personnage et non le « vrai » nouvelliste) et le roman est alors complet. On ne peut pas parler de l’écriture de quelqu’un sans savoir ce qu’il écrit justement, et cela permet de mieux comprendre les coupes sauvages que se permet d’effectuer Douglas et leur importance. Ces nouvelles sont visuellement séparées du reste du texte par un changement de police : décidément tout est fait pour qu’on ne se perde pas dans ce livre ! En les lisant, on comprend les mécanismes d’écriture de Raymond qui prend comme point de départ pour écrire ses fictions sa propre vie et qui se laisse influencer par son état, ses émotions à chaque ligne. Ces nouvelles traitent de la vie personnelle, privée, intime et nous permet de mieux comprendre les propres événements qui jalonnent la vie de cet écrivain. N’ayant jamais lu quelque chose de Raymond Carver, j’ignore si le style des deux Raymond est assez proche, mais j’avoue que ce détail n’a aucune importance.

Ce n’est pas un roman très palpitant c’est vrai, mais on se laisse facilement bercé par les aventures de cet écrivain qui peine à se faire connaître. On peut par moment ressentir de la pitié pour ce héros qui est par moment aveugle à ce qui se passe autour de lui, mais c’est un attachement timide pour lui qui prend vite la place de ce sentiment pathétique. Une lecture pas forcément reposante mais très agréable tout de même.

Stéphane Michaka, Ciseaux, aux éditions Fayard, 19€.

Le premier amour est toujours le dernier, de Tahar Ben Jelloun

« L’écrivain est un homme tranquille, continuant à écouter les uns et les autres, à écrire leurs histoires, leurs lettres, et surtout à leur inventer un monde merveilleux avec des mots et des images. Tranquille mais toujours pas heureux. Il sait qu’il lui arrive souvent de confondre sentiments amoureux et désirs sexuels ; qu’il ne voit dans l’amour que prouesses physiques et possibilité d’assouvir une soif de sexe et de plaisir. Et puis il se demande si l’éducation traditionnelle ne confond pas elle aussi sexe et affection. »

On ne présente plus Tahar Ben Jelloun, cet écrivain et poète marocain aux multiples récompenses et distinctions. A l’occasion de sa prochaine venue, en novembre prochain, au salon du livre de Toulouse où je serai présente, je voulais en savoir plus sur lui. Et quel meilleur moyen pour découvrir un auteur que de lire un de ses ouvrages ? J’ai donc choisi Le premier amour est toujours le dernier, un recueil de nouvelles (son seul il me semble), publié en 1995.

Dans ce recueil, il aborde – surprise – la question de l’amour mais de l’amour marocain, de l’amour musulman, une vraie découverte pour moi, élevée dans le pur jus franchouillard-catho. On y découvre une autre façon de vivre bien sûr, peut-être moins au goût du jour 7 ans après : la polygamie, le rôle de la femme qui reste au foyer et s’occupe de son mari. Ben Jelloun s’aventure dans des histoires d’amour fortes, des histoires d’amour qui peuvent faire mal car elle renferme le mensonge et la trahison. Il voyage entre ces couples, ces trios qui s’adorent ou se répugnent pour nous faire voir toutes les facettes de la passion, mais toujours avec un fond de pessimisme ; apparemment l’amour ne mène pas à grand chose et surtout pas au bonheur.

Il a eu l’excellent idée d’aller chercher de l’amour en dehors du chemin habituel : le désespoir de l’être perdu, le narcissisme, l’amour lesbien dans une société encore très traditionnel, l’écriture pour avoir accès à ce sentiment, ou encore l’amour de la haine. Il explore le conte, le fantastique, la fiction biographique, le récit de voyage ; il mélange les genres par touches mais toujours avec délicatesse. Malgré la diversité des nouvelles, on sent un fond commun, celui de notre recherche désespérée et éternelle de cet amour si souhaité. L’écriture de Ben Jelloun est belle, juste belle. Elle se tend au maximum pour laisser paraître les sentiment les plus vrais, les plus forts, les plus justes. C’est une écriture fataliste et qui peut faire mal ; tout est lié au corps, tout est dans cette relation maladive de l’émotion et du corps. L’amour et le sexe se confondent sans vraiment ne faire qu’un. C’est plutôt une confusion, mais une confusion tellement générale qu’elle en devient la norme.

C’est un recueil qui se lit vite, où l’on voyage mais surtout où l’on se questionne face à ces réflexions, ces actes, ces traditions que nous sont étrangères. On remet en doute notre vision de l’amour peut-être trop idéaliste. A ne pas lire quand on vient de se faire larguer, mais plutôt quand on commence une nouvelle relation, histoire de faire les choses bien et de résoudre les vrais problèmes.