La Maison Victor Hugo à Paris

(Article publié sur mes deux blogs)

La toute première fois que je suis allée à Paris, ma meilleure amie m’a fait la surprise de m’emmener voir la Maison de Victor Hugo. C’est en réalité juste des reconstitutions de ses lieux d’habitation dans un appartement qu’il a réellement occupé place des Vosges.

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Victor et moi, c’est une longue histoire. Je dois dire que j’ai une certaine fascination pour cet homme, un vrai génie de son temps, adulé d’ailleurs à son époque et encore terriblement populaire dans le monde (Fantine et Cosette, Jean Valjean, Gavroche, les héros des Misérables sont connus partout). Je dis fascination et non pas amour car je ne sais pas encore si j’aime ou n’aime pas Victor Hugo : il était, ma foi, assez égoïste. Pendant des dizaines d’années, il a eu une maîtresse qui le suivit lorsqu’il a été proscrit, bani de France par Napoléon, sans compter ses centaines autres aventures, qu’il notait de façon codée, en espagnol, dans son journal. Un vrai coureur de jupons le Vivi, qui avait aussi un gros melon. Il avait des idées politiques fortes et les affirmait quitte à se mettre en scène à Guernesey pour des photos sur le rocher des proscrits par exemple. Fou de sa dernière fille morte très jeune, il en a négligé la première qui n’a pas très bien tournée… Sa vie est vraiment une aventure. Il a nourri des enfants pauvres à Guernesey, il a écrit des œuvres incroyables, il dessinait sacrément bien, il a été un grand-père aimant, il s’est battu contre la misère et la peine de mort… Honnêtement, intéressez-vous à sa vie, c’est juste incroyable !

J’écris à mes heures perdues, et il se trouve que mon dernier roman que je traîne depuis plusieurs années, celui qui me tient le plus à cœur parle de lui. Plus précisément, de sa vie à Hauteville House, sa maison de Guernesey, alors qu’il finissait d’écrire Les Misérables. Je me sens lié à lui et à ses lieux de vie. C’est donc avec beaucoup de ravissement que j’ai (re)visité sa « maison » à Paris.

1004017-victor_hugoLe hall est petit, au rez-de-chaussée, il y a juste de quoi caser l’accueil/billetterie, le vestiaire, un coin boutique et des toilettes. L’entrée est gratuite, sauf bien sûr si vous souhaitez un audio-guide ou visiter en plus l’exposition temporaire. Au deuxième étage, vous entrerez donc dans ces pièces qui l’ont vues vivre. Les fenêtres donnent sur la place des Vosges. Le parquet grince sous vos pas alors que vous découvrez le portrait de sa femme Adèle, de son amante Juliette, ou encore de sa si précieuse fille Léopoldine. On peut découvrir le décor type asiatique qu’il avait inventé (c’était un sacré décorateur d’intérieur, un brin mégalomane), le lit où il est mort, les meubles qui lui ont appartenu, certains brouillons… Parfait pour découvrir le bonhomme pour ceux qui ne le connaissent pas, idéal aussi pour les passionnés et les incollables.

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En ce mois de mars 2019, il y avait également une exposition particulière sur Hauteville House, la fameuse maison de Guernesey que Hugo a occupé très très longtemps. Il l’a entièrement décoré, d’une façon un peu extravagante, insérant ses initiales un peu partout. En plus des miroirs omniprésent, l’auteur a fait construire un look-out, une sorte de verrière dans laquelle il pouvait écrire face à la mer. La nature sauvage, l’océan Atlantique sont indissociables du lieu. J’ai réellement une passion pour cette maison qui vient justement d’être restaurée et je souhaite vraiment la visiter un jour. En attendant, cette expo m’a comblée. Elle n’est pas bien grande mais on y retrouve des photos d’époque de la maison – ces photos m’ont beaucoup servies lors de la rédaction de mon roman donc les voir en vrai… ça m’a vraiment fait quelque chose. C’est organisé comme une visite de chaque pièce de la maison, avec des infos, des photos, des objets, des plans et idées jetés au brouillon par Hugo. Dans la dernière pièce, des artistes de notre époque, photographes ou peintres, ont eux-même immortalisés la maison – et c’est sublime.

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Bref, c’est un de mes lieux préférés de Paris mais je ne suis pas objective ! Si vous êtes intéressé par la littérature, si vous êtes curieux d’en savoir plus sur la vie extraordinaire de ce bonhomme, je ne peux que vous encourager à y jeter un œil. Rappelez-vous que ça ne vous prendra vraiment pas longtemps, et c’est gratuit pour tous : une vraie bonne raison de se laisser tenter !

Songe à la douceur, de Clémentine Beauvais

Premier coup de cœur pour ce mois de février, ça tombe bien, c’est le mois de la Saint-Valentin – et oui, je sais, cette chronique ne paraît qu’en mars. Vous voulez une histoire d’amour tout en douceur, une histoire d’amour qui change des romances fleur bleue mais qui reste romantique à souhait quand même ? Alors Songe à la douceur de Clémentine Beauvais est pour vous.

Tatiana et Eugène se sont connus quand ils étaient adolescents. Elle avait le béguin pour lui. Alors que sa sœur Olga et son ami Lensky s’aimaient d’un amour fou à côté d’eux, Eugène et Tatiana faisaient connaissance. Puis leurs liens ont été rompus. Dix ans plus tard, ils se retrouvent, au hasard des rues de Paris.

Ce roman est une vraie pépite, c’est la plus belle œuvre que j’ai lu depuis longtemps. Il y a une certaine paresse dans les sentiments que les personnages éprouvent. Et aussi une émulation : on retrouve notre adolescence avec eux. La richesse des sentiments décrits dans ce livre est purement incroyable. Clémentine Beauvais sait nous émouvoir, nous emporter et nous fasciner pour ce couple en devenir que l’on suit avec bonheur. Pourtant, ce n’est qu’une histoire d’amour, de retrouvailles… mais ce n’est pas que ça. L’auteure a voulu faire sa version d’Eugène Onéguine de Pouchkine, et elle a su retransmettre ce petit côté russe que j’aime tant, tout en l’insérant dans la vie parisienne. Paris, une histoire d’amour, avec des personnages qui sont nés dans les mêmes années que moi : j’ai adoré m’identifier à cette histoire, et j’imagine que c’est en partie pour cela que j’ai tant apprécier ce roman.

Bien sûr, je suis obligée de parler de ce style ! En vers libres, une pure merveille. Quel style, quelle richesse de la langue, honnêtement, je suis vraiment époustouflée ! Il n’y a pas de mots assez forts pour exprimer la fascination qu’a eu sur moi ce livre. Ça se lit très facilement, sincèrement on se laisse emporter très vite – j’avais des appréhensions au début, des préjugés, ils sont tous tombés en deux pages.

C’est un roman exceptionnel, il réserve de nombreuses surprises. Je m’en souviendrais longtemps.

Clémentine Beauvais, Songe à la douceur, aux éditions Points, 7€40.

Un peu de soleil dans l’eau froide, de Françoise Sagan

J’ai lu mon premier roman de Françoise Sagan et je suis assez contente. Cela faisait très longtemps que ses livres me faisaient de l’œil, l’auteure m’attirait. J’ai donc ressorti un roman d’un recoin caché de ma bibliothèque et lu Un peu de soleil dans l’eau froide.

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C’est un court roman, avec en son cœur une histoire d’amour, une vraie, avec ses côtés triviaux et ses complications. Gilles est un journaliste en pleine déprime – il n’est plus attiré par celle qui vit chez lui, n’éprouve plus de plaisir à rien. Alors, il va se reposer quelques semaines chez sa sœur à Limoges. Là, il rencontre une femme, Nathalie, une femme entière, sincère.

J’ai été particulièrement touchée par cette histoire, parce que certains de ses aspects me rappelaient des épisodes de ma vie. Je pense plus globalement que ce livre aura des résonances dans chaque adulte : l’adultère, la rupture, être l’amant ou l’amante, la dépression, etc. Les thèmes abordés le sont avec pudeur et vérité. J’ai trouvé la plume de Sagan très personnelle et riche, tout en restant simple, dans le ressenti. Ses personnages sont très vrais et on les comprend. Ils ont chacun leurs caractères et on aimerait les suivre encore plus loin dans leur vie.

Dans cette histoire d’amour, on passe sur les choses rébarbatives (comme les aléas d’un emménagement commun), mais on n’ignore pas les éléments quotidiens qui forgent les personnages : aller boire un verre, téléphoner, les ennuis au travail. C’est l’équilibre parfait pour ne pas s’ennuyer tout en étant bien immergé dans l’histoire.

Je regrette par contre la narration parfois désordonnée : on ne sait parfois pas de qui on parle, on est de temps en temps perdu et on a du mal à suivre. Une petite impression de fouillis quand l’auteur veut juste suivre le flot de pensées de ses personnages. De plus, certaines longueurs, ou certains passages mal vieillis, viennent alourdir les pages, heureusement assez rarement. Mais je n’ai que ça a reproché à ce petit roman, qui a un côté très réaliste dans sa vision de l’amour et de la passion, presque fataliste, évident – et aussi parfois un peu désespéré il faut le dire.

Françoise Sagan, Un peu de soleil dans l’eau froide, aux éditions Le Livre de Poche, 6€50.

Livre Paris et Prix du Jeune Ecrivain

La fin du mois de mars a été très chargée en terme d’événements livresques et de découvertes littéraires.

livre_paris_2017Alors que je finissais en urgence la lecture commune du mois de mars, je me suis envolée avec bonheur pour Livre Paris. Un salon que j’attendais avec grande impatience puisque j’avais prévu d’y revoir de nombreuses connaissances, beaucoup d’amis que je ne croise jamais. Et quel régal de tous vous revoir ! La cerise sur le gâteau : voir des personnes dont j’ignorais jusqu’à la présence à Paris. Une de mes plus grande joie a été de pouvoir retrouver l’association du Prix du Jeune Écrivain à Livre Paris. J’ai pu travailler pour eux il y a quelques temps et cela va bientôt faire quatre ans que je gravite autour de l’association. Le Prix qu’elle propose est international et francophone et s’adresse aux jeunes du monde entier. Chaque année, presque 1000 manuscrits arrivent dans leur local à Muret – au sud de Toulouse. Et chaque année, des lauréats sont désignés par un jury d’écrivains et invités au Salon du Livre de Paris – entre autres choses.

DSC_6694 (Copier)C’est donc avec bonheur que je me suis rendue le samedi sur le stand Île-de-France où avait lieu un débat autour des écrivains de demain en présence des lauréats Bienvenue Eric Damiba, Elise Leroy et Anna-Livia Marchionni,, ainsi que d’écrivains membres du jury : Mohamed Aïssaoui, Alain Absire (président du jury) et Carole Martinez (que décidément j’adore). Un espace intimiste, des interventions intéressantes, un très bel échange qui a été pour moi l’occasion de retrouver les bénévoles, les amis rencontrés au PJE et de voir un peu à quoi ressemblait le cru 2017.

Toute la journée, j’ai vadrouillé au gré des rencontres dans le salon. De 10h à 19h, j’ai arpenté les allées, me perdant moult fois à cause de la signalétique absolument pourrie (on est d’accord, hein?). A l’inverse de l’année dernière, je n’avais pas pour but d’arpenter tous les stands. Je suis allée directement voir les éditeurs qui m’intéressaient, je m’étais fait un planning des conférences qui me tentaient mais sans me mettre la pression. J’ai beaucoup appréciée la scène littéraire, comme chaque année et la scène professionnelle était passionnante. Je regrette de ne pas avoir su à l’avance qu’il y avait des ateliers, ceux-ci m’auraient bien tenté. Cette année encore, je trouve le prix de l’entrée un peu cher, l’organisation présente des couacs, mais il y a de légers mieux il me semble. J’aime tellement ce rendez-vous que je me pose sérieusement la question de prendre un pass Grand Lecteur pour l’an prochain – d’ailleurs, si certains l’ont essayé, vous en avez pensé quoi ?

Côté dédicace, une seule me tenait vraiment à cœur et ça commence à devenir un rituel : avec la pétillante Nounja aka @MusicaduMN, nous nous retrouvons pour aller faire dédicacer ensemble le dernier roman de Cindy Van Wilder, l’auteure des Outrepasseurs. S’il y a bien un écrivain pour qui j’accepte de faire la queue sans me plaindre, c’est bien Cindy. Je suis toujours ravie de la revoir, elle est très proche de ses lecteurs et toujours souriante. Merci Nounja pour Memorex, merci Cindy pour tes dédicaces ❤

A peine le temps de repartir avec mes livres signés – mes seuls achats de tout le salon, autant dire que j’ai été très sage –, je m’élance vers le stand Buchet Chastel. C’est le moment, ça y est : la proclamation du palmarès du Prix du Jeune Ecrivain et les dédicaces du recueil tout nouveau, tout beau. C’est un peu la pagaille, il faut dire que le stand fait plus librairie que lieu de réception, et les micros sont interdits, mais l’émotion est quand même au rendez-vous. Les lauréats, la famille du PJE, les curieux réunis autour d’Alain Absire qui énonce le palmarès. La concrétisation d’une année de travail pour ce 32ème prix. Et il faut dire que la cuvée de cette année a l’air sacrément sympathique et j’ai eu un vrai coup de cœur pour le premier prix, Anna-Livia. « C’est une vraie » dixit mon amie et ancienne collègue Laura, et je ne peux que confirmer ! Talent, modestie, sincérité, elle est décidément très touchante cette Anna-Livia.

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Ma journée touche à sa fin. Je ne quitte pas encore Paris mais le salon du livre, c’est fini pour moi. Promesse de revenir l’an prochain en espérant que l’organisation s’améliore encore.

DSC_8014CC (Copier)Toutefois le mois de mars n’est pas terminé et il reste un de mes événements préférés de l’année : la remise du Prix du Jeune Écrivain à Muret, tout près de chez moi, le mercredi 29 mars 2017. A cette occasion, un extrait de chaque texte est lu par un comédien de la Comédie-Française ; cette année, il s’agissait de Didier Sandre et Sylvia Bergé. Intermèdes musicaux, petits mots de la part des lauréats et des membres du jury. Une mise en scène simple et très chaleureuse, rythmée. J’ai savouré chaque lecture et découvrir les textes dans ce cadre-là a été très agréable malgré la fatigue accumulée de la journée. Une bonne ambiance, et toujours la joie de retrouver les gens du PJE. Je suis contente de faire partir de cette association qui me donne l’occasion de découvrir de nouvelles plumes et je ne peux que vous inviter à visiter leur site internet pour en savoir plus sur leurs actions. Ils organisent notamment de supers ateliers d’écritures tous les étés.

Le mois d’avril sera, je l’espère, plus calme et plus propice à la lecture et à l’écriture. Et vous, vous avez été au Salon du Livre cette année ?

Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo (lecture commune de janvier 2017)

515grkugwzl-_sx298_bo1204203200_Le mois de janvier est terminé et avec lui la première lecture commune de l’année. Ou presque ! Je commence fort l’année en effet avec un abandon de lecture. Et quel abandon ! Puisque c’est un roman phare de mon auteur chouchou que j’ai laissé sur le bord de la route : Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, un roman historique qu’on ne présente plus (et qui est quand même moins meugnon que le dessin animé de Disney).

Qu’est-ce que j’aime cet auteur ! J’apprécie autant l’écrivain (surtout le poète) que l’homme. Il a eu une vie tout à fait passionnante et a écrit des kilomètres. J’ai quand même lu pas mal de ses œuvres et je savais dans quoi je m’aventurais. Je me suis enquillé tous Les Misérables et pas en version abrégée, je connaissais donc le bonhomme et sa propension à digresser. Je croyais que j’aurais les épaules pour affronter la lecture commune du mois. Que nenni !

Il faut dire que j’étais sacrément occupée en janvier, et tracassée également. Les excuses pour ne pas lire étaient trop faciles à trouver. Je sortais de la lecture d’un gros pavé passionnant (dont je vous parlerai dans quelques jours) et je crois que j’étais à bout de souffle. Ré-enchainer sur un autre gros livre était une mauvaise idée.

Pour tout vous dire, je crains vraiment la panne de lecture. Donc au lieu de m’échiner à avancer dans ce roman, je préfère en abandonner la lecture. Je la reprendrais peut-être un jour ou – mieux – je lirai la version abrégée de Notre-Dame de Paris. Ma prochaine lecture de Hugo sera plus courte, sûrement des poèmes. Et ma prochaine lecture tout court sera contemporaine, rapide, agréable, histoire de me redonner envie et de ne pas retomber dans une panne de lecture de plusieurs mois comme j’ai pu connaître en 2016.

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Cela me peine d’autant plus d’à peine frôler les cent pages et pas plus que je n’ai rien contre cette histoire. C’est vrai que je connais déjà la fin et qu’historiquement ce n’est pas ma période préférée (Paris au Moyen Âge), mais les personnages me plaisaient, je commençais à bien me refaire au rythme de narration hugolien et je reprenais mes petites habitudes de sauter les digressions sans intérêt pour le récit. Hugo a énormément de talent pour retranscrire ce Paris que ni lui ni nous n’avons connu. Les personnages principaux sont présentés par le biais de Gringoire, un auteur sans le sou, et cette façon de les rencontrer est à la fois originale et efficace. J’aime Esmeralda, j’aime Phoebus, j’aime le narrateur. Les feux étaient dans le vert, mais je crois que j’étais découragé d’avance face à la longueur – langueur ? – de l’histoire. Il faut dire que Hugo aime prendre son temps et bien faire le boulot, c’est un perfectionniste.

Alors au lieu de me bloquer, j’arrête là les frais. Je suis déçue : mes abandons de lecture sont rarissimes et il faut que ça tombe sur la première lecture commune de l’année ! Mais qu’importe, je vais arrêter de culpabiliser pour me remettre tout de suite dans le bain. Après tout, la lecture de février est déjà lancée !

De son côté, Virginy du blog Des livres, des fils et un peu de farine voit plutôt ce roman comme un incontournable avec en fond un thème ici assez sombre : l’amour et l’impossibilité de le vivre. N’hésitez pas à aller voir son avis !

Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, aux éditions Pocket, 4€70.

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Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil 2016

Aaaaaaah le SLPJ ! En toutes lettres : le Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil. Un rendez-vous incontournable de la scène littéraire qui a bien meilleure presse que Livre Paris. Et pour cause… Plus familiale, plus accueillant, plus chaleureux, plus humain. Un exemple tout bête ? La place est à seulement cinq euros en plein tarif, et sur les cinq euros, vous avez quatre euros à retirer en chèque Lire, valable sur la grande majorité des stands, ou plus tard en librairies. Ça, c’est une bonne idée, une bonne politique d’ouverture culturelle. (Comparez un peu avec Livre Paris…).

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J’y étais allé une fois, il y a quatre ans, sans vraiment savoir où je mettais les pieds. A l’époque je ne lisais pas de littérature jeunesse et YA, aucune saga, etc. La différence aujourd’hui ? Ce genre de lectures est devenu habituelle, je travaille avec des enfants autour des livres et de l’écriture. L’envie de me rendre à Montreuil a pointé le bout de son nez. En plus ce serait l’occasion de voir des amis à Paris, ainsi que la choupinette Cindy Van Wilder. Puis, par le plus grand des hasards, il s’est trouvé que le Salon du Cheval se déroulait en même temps – un vrai rêve de gamine –, je n’ai donc plus hésité une seule seconde : Paris, me voilà !

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Travail oblige, je n’ai pu me rendre au Salon que le dimanche, avant de prendre mon avion retour. Peu de temps donc, mais autant dire que j’en ai bien profité ! J‘ai fait avec un immense plaisir le tour de tous les stands, scrutant avec attention les dernières sorties, m’émerveillant devant des trésors d’édition et de créativité. L’exposition « La Règle et le Jeu » a bien failli me laisser perplexe au premier abord, mais j’ai finalement été happée par les dispositifs mis en place par le SLPJ pour nous faire découvrir ces ouvrages hors du commun. Un livre-fresque géant, Le Petit Chaperon Rouge en art minimaliste, … De vraies petites pépites. Les Pépites d’or d’ailleurs ! Un prix remis aux meilleurs livres jeunesse (plusieurs catégories selon la tranche d’âge du public visé) : que des choix que je ne peux qu’approuver après avoir découvert les lauréats.

51ov2b2rgnvl-_sx316_bo1204203200_Côté rencontre, j’ai recroisé des visages familiers avec un immense plaisir. J’ai été très sage niveau achats, je n’avais de toute façon pas d’autres choix (merci l’avion sans bagage en soute…). Je n’ai donc acheté qu’un seul et unique livre : le troisième tome des Outrepasseurs, avec la jolie dédicace de Cindy Van Wilder (*cœur cœur cœur*). Pourtant, ce n’était pas les dédicaces intéressantes qui manquaient ! Mais j’ai décidé d’être raisonnable (avec le plan machiavélique de revenir en mars pour Livre Paris, accompagnée d’un bagage en soute vide à l’aller, mais bien rempli de livres au retour, muahaha !).

Montreuil, c’est petit, c’est chaleureux. C’est le parti pris de petites alcôves pour les rencontres ou les pôles plus spécifiques. Il est vrai qu’on est vite à l’étroit, il ne faut pas avoir peur du monde ! Je regrette, il est vrai, les larges scènes, spacieuses, de Livre Paris où on trouvait toujours un endroit où se poser. Mais c’est bien là la seule chose que j’ai à redire. Ce fut une journée riche en découverte, en partage. Malheureusement, c’est déjà l’heure de repartir, de dire au revoir aux amis et au Salon. J’ai déjà hâte d’y retourner !

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Et vous, avez-vous pu y aller ? Qu’en avez-vous pensé ?

Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulai

titus-n-aimait-pas-bereniceLe théâtre tragique du XVIIe, je dois dire que ce n’est pas mon fort. Je suis plutôt du genre Molière et Aristophane. Je ne dis pourtant jamais non à quelques vers bien tournés. C’est un peu par hasard que je me suis tournée vers Titus n’aimait pas Bérénice. Quand je me suis lancée dans cette lecture, j’ignorais complètement de quoi cela allait parler. C’est en tournant les pages que j’ai découvert cette héroïne, meurtrie par une blessure profonde due à l’amour. Pour panser ses plaies, elle s’est lancée corps et âmes dans la lecture des pièces de Racine.

Une occasion pour l’auteure Nathalie Azoulai de revenir sur la vie de ce grand homme. On retrace ici son parcours, de son enfance à sa mort. On découvre un homme passionné, ou plutôt obsédé par la pureté de la langue, des mots, qui devaient transcrire dans des sons clairs des émotions plus qu’un sens. Son entrée dans le monde, ses liens avec sa tante, ses rencontres avec d’autres écrivains (Molière, La Fontaine), sa rivalité avec Corneille, son amour profond pour le roi. Et cette passion pour les mots, et pour celles qui les disaient bien.

Je ne vais pas longtemps m’arrêter à l’intrigue, à l’histoire : elle est très intéressante, même si je m’y suis un peu perdue (à cause de mon inattention je pense). Ce qui prime ici, c’est avant tout la plume de l’auteure : Nathalie Azoulai a un style vraiment à elle, très poétique, nébuleux, aérien. On s’éloigne un peu du réel, pour entrer dans un biographie romancée qui ressemble à un cocon. On parle latin, inspiration, sentiments et noms grecs. On parle rencontre, parole, alexandrin et rêve. Et surtout, on parle d’amour.

musee-jean-racine-portrait-la-ferte-milon-aisne-picardieLes images, les comparaisons, les métaphores, les références, les dialogues rapportés : voilà de quoi est composé cet ouvrage. A cela, il faut rajouter les bons mots, les vers blancs et toutes ces phrases qui sont si douces aux oreilles.
Je suis plutôt du genre à aimer les romans efficaces et très réalistes. C’est pour ça que je n’ai pas vraiment accroché à cette lecture. Mais cela ne m’a pas empêchée de voir que derrière ces pages, il y avait beaucoup de talent, une plume riche et lumineuse. Personnellement, je me serais satisfaite de la simple histoire de Racine (écrivain que j’ai hâte de mieux connaître), mais l’écho produit par l’intrigue autour de la première héroïne est très intéressant et révélateur.

C’est un roman que j’ai eu un peu de mal à saisir, je pense toutefois qu’il vaut vraiment le détour, ne serait-ce que pour cette langue si belle. J’ai emprunté Bérénice de Racine, et c’est la première pièce que je lirais de ce grand auteur, et ça, grâce à Nathalie Azoulai.

Nathalie Azoulai, Titus n’aimait pas Bérénice, P.O.L., 17€90.

Livre Paris 2016

Voilà, c’est fait. Je suis allée à mon premier Salon du Livre de Paris. Oups, à Livre Paris pardon. Même si, soyons honnêts, personne ne l’appelle comme ça. Une fois payés les 12€ d’entrée pour la journée (DOUZE EUROS, sérieux!?), j’ai pu profiter de tout mon dimanche pour déambuler dans les allées. Et autant vous dire que je suis globalement ravie de ma venue.

Il y avait du monde, c’est certain, mais l’on pouvait tout à fait profiter du lieu (bref, ce n’était pas la foule du samedi ou de l’inauguration). J’ai réussi à parcourir tous les stands – parfois en ne jetant qu’un coup d’œil, il faut l’avouer – pour la simple et bonne raison que j’avais peu de dédicaces où je souhaitais vraiment aller. J’ai fureté rapidement du côté de la Corée du Sud, pays invité, sans que ça ne me marque vraiment, un stand un peu trop aseptisé pour moi. Par contre, j’ai été ravie par les stands des DOM TOM ainsi que l’espace Brazzaville et Pointe-à-Pitre très vivants et animés. Quelle déception par contre de voir les stands des éditeurs étrangers relégués tout au fond du salon. Heureusement qu’il y avait la zone pique-nique tout près pour avoir un peu de passage, mais ils semblaient tout de même bien tristes.

J’ai été très raisonnable niveau achat : hormis les livres achetés spécialement pour la dédicace (car on ne peut pas entrer avec ses propres livres, je tiens à rappeler cette aberration quand même…!), je n’ai craqué que pour deux choses :

  • un livre de Nancy Huston sur Romain Gary, c’était l’achat dernière minute ;
  • un carnet qui mêle les avantages du bloc-notes et du tableau blanc : WhyNote (que je vous conseille, c’est tellement bien!).

Les dédicaces, parlons-en. J’ai d’abord commencé par Victor Dixen pour sa saga Phobos que je vais vite lire, j’ai hâte de la découvrir. Un auteur pas très ponctuel mais très gentil, qui prend le temps de parler avec ses lecteurs. Dans l’après-midi, je suis passé voir l’adorable Cindy Van Wilder sur le stand des Pays de la Loire. Elle m’a très gentiment dédicacé le tome 2 des Outrepasseurs. Puis j’ai filé voir la toute mignonne Agnès Marot pour qu’elle me signe son dernier roman : I. R. L. Bref, trois rencontres très agréables et remplies de sourire, et des dédicaces originales et personnelles.

La dernière dédicace me laissera un souvenir plus mitigé. Pour mon papa, j’ai voulu faire dédicacer le dernier livre de Jean d’Ormesson. Une organisation nullissime, des photographes qui poussent, des lecteurs (dont un en particulier) qui a tenté diverses magouilles pour doubler (dont une qui consistait à claironner tout haut « numéro 18 » pour faire croire qu’il fallait prendre un numéro et faire la queue, nan mais oh!). Et un Jean d’Ormesson dans sa bulle, à qui on ne peut pas adresser un mot, une dédicace très minimaliste. Bon, je peux le comprendre cet auteur, il n’est plus de première jeunesse et cette foule n’est pas très reposante… Mais quelle déception tout de même. Le bon point de cette dédicace a été la rencontre avec des lectrices. On s’est serré les coudes entre nous, on a fait connaissance et cela fut vraiment agréable. Anne-Claire, Diane, si vous passez par là, merci pour votre bonne humeur !

Le Salon a surtout été pour moi l’occasion de recroiser des amis, des connaissances, des écrivains chouchous, des booktubeuses que j’admire. J’ai découvert de sympathiques maisons d’édition, des gens passionnés. Et quel régal de voir ces enfants, ces adolescents en train de dévorer un manga ou de trépigner d’impatience à l’idée de rencontrer leurs auteurs favoris. Mention spéciale pour cette lectrice de Cindy Van Wilder : « Pour moi, c’est comme si c’était J. K. Rowling qui signait ! ». J’ai fini ma journée à la scène littéraire pour une rencontre vraiment intéressante sur la panoplie littéraire de Marie Nimier. Instructif et passionnant !

event_salon-du-livre_9762Livre Paris, j’en retiendrais donc surtout les rencontres, les découvertes. Parce qu’il y aurait tellement de choses à redire de l’organisation… Un secteur sur la religion et la spiritualité déserté, un prix juste dingue, des allées bien signalées mais pour les numéros de stand, tu peux toujours te brosser, l’impossibilité d’entrer dans le Salon avec tes propres livres. Et plus globalement, un manque d’unité : on invite une ville, et un pays, et des « terres de poésie », et des chefs cuisiniers, et des librairies religieuses qu’on cloisonne à part, et on créée un square jeunesse alors que chaque éditeur a fait son coin jeunesse de son côté, pfiou. Ce salon manque d’âme, manque d’humanité. Il n’est pas chaleureux. A part les vigiles à l’entrée, et deux personnes qui galèrent au point info, je me demande où sont les organisateurs !

Mais j’y retournerai. Tout simplement parce que c’est parfois la seule occasion de revoir autant de monde en un seul week-end. Tout simplement aussi pour revoir Paris, ville magnifique que j’ai enfin pu découvrir.

Les Misérables, de Victor Hugo

Et voilà, une page se tourne dans ma vie de lectrice. J’ai lu Les Misérables de Victor Hugo. En entier. EN ENTIER les amis ! Dans mon édition Folio classique, cela représente deux tomes, 1800 pages cumulées, et c’est écrit tout petit… Fiou, quelle aventure, je peux dire que je ne m’en suis toujours pas relevée.

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Y a-t-il besoin de résumer l’histoire ? Parce que si la réponse est oui, ça risque d’être compliqué. Il y aurait tellement de choses à dire. Bon, je me lance. Le fil rouge de ce roman, c’est bien sûr Jean Valjean, un homme en rupture de ban qui vit sa vie caché, toujours menacé par Javert qui aimerait bien le mettre derrière les barreaux. Alors qu’il s’est recrée une vie (et il en aura plusieurs dans ce roman), il rencontre Fantine. Elle se meurt et le supplie d’aller chercher sa fille Cosette, qu’elle a placé dans l’horrible famille Thénardier. C’est ainsi que Jean Valjean va devenir le père adoptif de la petite. Puis l’enfant devient adolescente et commence alors un amour timide avec Marius. Mais une révolution naît dans les rues de Paris et Marius rejoint les barricades, où il rencontre entre autres le célèbre petit Gavroche. Et je vais m’arrêter là, histoire de ne pas tout vous dire non plus et vous laisser découvrir la fin. Sachez qu’il y a entre ces pages de multiples intrigues que je n’ai même pas effleurées et des dizaines de personnages qui valent le détour (Ah, Eponine…).

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Alors, Les Misérables, bien ou pas bien ? Ouh, qu’il est dur de répondre. Il est compliqué d’avoir un avis tranché sur la question concernant cette immense fresque que Victor Hugo a fini d’écrire alors qu’il était en exil à Guernesey. Globalement, j’ai été ravie de ma lecture.

Si je n’avais qu’un conseil à vous donner, c’est de lire petit à petit ce roman (il est divisé en parties, en livres, vous pouvez faire des pauses facilement), et je vous encourage presque à le découvrir avec une version abrégée. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il y a des chapitres de plusieurs dizaines de pages qui ne sont pas liés directement à l’action, à la narration. Ce sont des passages qui devaient sûrement avoir un autre retentissement à l’époque de Hugo (puisque c’est tout de même un pamphlet contre la misère cette œuvre-là). De même, aujourd’hui, on sait un peu près ce que sont des égouts et comment cela fonctionne, vous n’avez donc pas un besoin absolu de connaître sur le bout des doigts l’histoire des égouts de Paris et leur mode de fabrication (mais si vous le voulez, Hugo l’explique très bien). Je dois l’avouer, à partir du deuxième tome, j’ai sauté quelles pages de ce type qui ne faisaient pas avancer l’histoire.

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Mais j’ai une excellente raison pour cette entorse à mes règles de lecture habituelles (tout lire) : mon addiction aux personnages. Car la grande force des Misérables, c’est justement eux : ceux qui n’ont pas toujours de la chance, qui vivent très simplement voire dans la pauvreté, ceux qui se font avoir, ceux qui volent, ceux qui quémandent, ceux qui se révoltent, ceux qui cherchent l’espoir d’une vie meilleure, ceux qui aiment sincèrement et naïvement. Hugo a un talent incroyable pour croquer les personnages de tous ses romans mais ici, il y injecte une force, une vie qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Ces êtres de papier ont une âme, ils ont des rêves et des regrets. Ils grandissent et voient leur vie changer, en même temps que nous au rythme des pages qui se tournent. C’est une grande fresque que peint ici Victor Hugo avec un talent, non, un génie, indéniable. Tous les personnages ont des liens entre eux, il y des fils qui les relient de tous les côtés. Et ce qui est formidable dans tout cela, c’est que ces liens servent dans l’intrigue et qu’on s’y retrouve toujours.

Personnellement, j’ai n’ai pas vraiment aimé Cosette et Marius, mais Jean Valjean ou même Javert vers la fin m’ont complètement bluffée et accrochée. Et c’est pour ça, c’est grâce à ça que j’ai réussi à finir ma lecture avec plaisir.

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Car oui, on ne va pas se leurrer, la lecture des Misérables est très conséquente. Elle est destinée aux lecteurs de pavés et/ou aguerris. C’est un classique d’un autre siècle, mais il n’est toutefois pas si éloigné de nous. Alors oui, l’écriture n’est pas celle d’aujourd’hui, et Hugo nous spoile souvent avec ses titres de chapitres, mais je vous conjure d’essayer, vraiment. Car le style est tout à fait fluide et lisible. Les mots coulent d’eux-mêmes et les pages se tournent avec une certaine facilité. La force des personnages vous donnera envie de continuer votre progression dans l’œuvre. Je ne vous cache pas que dans un roman aussi grand, il y aura des passages qui vous plairont moins que d’autres : j’ai adoré la première partie jusqu’à l’enfance de Cosette, je me suis ennuyée pendant les barricades. Mais vous trouverez, je n’en doute pas, des pépites, des pages qui vous feront vibrer, pleurer, frissonner (si, si!). Je me suis vraiment attachée à ces personnages et j’en parle encore avec des vibratos dans la voix tellement j’ai eu de la peine à les quitter.

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Ce roman ne vous laissera pas indifférent, et je vous encourage à essayer cette lecture. Elle est si longue qu’elle constitue une sorte d’engagement, c’est sûr. C’est une aventure, une expérience, une immersion littéraire absolument hors-normes. Mais je pense qu’on tient là le meilleur du Hugo romancier en terme de personnages. Et si jamais la lecture de ce mastodonte vous effraie mais que l’histoire attise votre curiosité, je vous invite à visionner la très très bonne adaptation réalisée par Tom Hopper en 2012 sous forme de comédie musicale avec Hugh Jackman, Anne Hathaway, Amanda Seyfried, Russell Crowe…

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Les Misérables m’ont permis également de refaire un challenge : en l’occurrence le challenge Un pavé par mois du blog Des livres, des livres ! avec la lecture du tome 2 (887 pages).

Une éducation libertine, de Jean-Baptiste Del Amo

del-amo-une-education-libertineJean-Baptiste Del Amo est un auteur qui figure dans ma PAL depuis longtemps. Et j’ai enfin trouvé le temps et l’occasion de lire son premier roman : Une éducation libertine.

Ce livre nous transporte en 1760 dans un Paris à la fois palpitant et répugnant. Gaspard, un jeune homme, a quitté la ferme familiale de Quimper pour venir tenter sa chance à Paris. Très vite, il est comme hypnotisé par la Seine, pour laquelle il éprouve à la fois de la peur, du dégoût et de l’amour. Gaspard est malin, il sait rester à sa place mais ne manque pas non plus de culot. Il trouve très vite un travail. Mais cela ne lui suffit plus, il veut s’élever, ne pas rester au ras du sol. Gaspard va découvrir toutes les facettes de la capitale : la misère, les bordels, la faim, la mort mais aussi les raffinements des salons parisiens, la vie mondaine, l’amour bien caché derrière les portes des garçonnières. Il va tomber amoureux, presque obsédé, avant de perdre celui (oui, oui, « celui ») qu’il croyait être son âme sœur. Manipulateur, il va très vite apprendre à l’être, mais peut-on vraiment tout sacrifier juste pour réussir ?

« Rien de cette vie-là n’avait prédisposé le jeune Gaspard à devenir cet homme à la démarche assurée qui descendait vers la Seine et s’égarait dans le faubourg Saint-Denis. Sauf le cri des porcs, subi nuit et jour durant tant d’années que l’infect vacarme parisien devenait soudain préférable au bruit de Quimper. Seuls les cochons avaient une incidence sur cet instant. Rien d’autre n’aurait su lier Quimper à Paris. Il était même incongru qu’il possédât un souvenir de cette vie, comme si Gaspard avait subtilisé la mémoire d’un autre. Il n’était pas né à Quimper. Il était venu au monde rue Saint-Denis, déjà âgé de dix-neuf ans. Quimper n’était ni plus ni moins qu’un héritage. Gaspard marchait vers la Seine comme on vient à la vie, dépouillé de toute expérience. Le sentiment de vide qui l’habitait précipitait en lui Paris toute entière, appelait la ville à le remplir. Gaspard n’éprouvait aucune crainte à se sentir ainsi amputé d’une partie de son être, juste un étonnement, une reconnaissance envers rien ni personne, le désir de s’offrir à la ville, d’être habité par elle. Paris était une chance inattendue, et Gaspard sentait couver la possibilité d’un nouvel horizon. »

C’est un vrai roman d’apprentissage de plus de quatre cents pages que nous offre là Jean-Baptiste Del Amo et j’avoue ne pas avoir regretter me plonger dans cette lecture à corps perdu. Le personnage de Gaspard est vraiment attachant (même si on le désapprouve parfois), on a de la curiosité pour ce garçon qui a une intelligence sociale parfaite pour le Paris du XVIIIe siècle, qui n’a pas peur des sacrifices si cela peut lui servir. Et même si on trouve parfois qu’il va trop loin, qu’il se met en danger, on le suit tout de même car au-delà de voir son avancée dans le monde, on découvre à ses côtés un Paris d’un autre siècle. Et c’est vraiment comme si on y était. L’auteur a un art de la description précise et sensorielle : on sent Paris, on entend Paris, on voit Paris, on touche Paris et même on goûte Paris. L’effroi, le dégoût, ce n’est pas le personnage seul qui le ressent mais le lecteur également ; on ne peut qu’avoir de l’admiration face à cet art de raconter le détail tout en nous captivant.

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On côtoie une fresque de personnages très différents les uns des autres : du libertin à la putain, de l’arriviste à l’honnête travailleur, de la jeune fille propre sur elle au père inhumain. L’auteur n’y va pas de main morte et brosse des portraits sévères dont on ne doute jamais car on sent l’humanité derrière cette couche de crasse ou d’hypocrisie.

Sur la forme, les paragraphes sont longs, il y a peu de retour à la ligne et les quelques dialogues sont directement insérés dans le texte. Ce qui fait des blocs de mots pas forcément aguichants à l’œil. Toutefois, je ne peux que vous exhorter à aller au-delà de l’épaisseur de ce livre et à vous plonger dedans, car une fois commencée cette lecture, une fois que vous aurez un peu fait connaissance avec Gaspard et que vous vous serez habitué au style si particulier de l’auteur, vous ne pourrez que tourner les pages sans retenue pour connaître la fin de cette histoire. J’ai vraiment été très surprise par ce premier roman parce qu’il dénote un travail énorme et un talent certain. Cette immersion dans Paris m’a vraiment faite voyager et m’a bouleversée. Je ressors de ce livre avec peine et quand j’y repense, c’est toujours avec émotion et plaisir. Bref, vous l’aurez compris, lisez Une éducation libertine !

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Jean-Baptiste Del Amo, Une éducation libertine, aux éditions Gallimard, 19€. (Existe en poche.)