Seule Venise, de Claudie Gallay

9782742755738Deux coups de cœur d’affilée, je ne pensais pas que c’était possible. Surtout que le roman dont je vais vous parler aujourd’hui n’a strictement rien à voir avec Le Trône de Fer puisque j’aimerais vous faire découvrir dans cette chronique Seule Venise de Claudie Gallay. J’avais déjà pu croiser cette auteure à plusieurs reprises sur les étalages des librairies mais je ne l’avais jamais lue. Quelle grosse erreur puisque je n’ai à présent qu’une hâte : découvrir tous ses romans ! Rien que ça !

L’héroïne a la quarantaine et elle vient de vivre une rupture déchirante, qui ne la laisse pas indemne. Elle décide alors de partir pour Venise, seule et pour un temps indéterminé. Elle vide son compte en banque et la voilà arrivée dans la Sérénissime. Elle se perd dans les rues, grignote des biscuits. C’est le début de l’hiver, il n’y a pas de touristes. Elle fait alors connaissance avec les personnes qui habitent dans la pension où elle loge : Luigi, le propriétaire qui attend sa fille pour les fêtes, une jeune danseuse de ballet et son amoureux italien, un ancien prince russe en fauteuil roulant avec qui elle boit du vin et joue aux échecs. Elle va apprendre d’eux et ils apprendront d’elle. Au détour d’une rue, elle découvre aussi une librairie, et son gérant : il a un chat, aime la peinture, il offre le café.

Venise lui permet de revivre, de se souvenir quelle sensation cela faisait de ressentir des choses heureuses. Venise en hiver est la ville idéale pour souffler, pour réfléchir, pour observer.

Luigi m’a dit, les premiers jours c’est toujours comme ça, on marche, on se perd. Après, on apprend. (…) Le quartier est triste. J’achète un sachet de biscuits dans une boulangerie tout près et je quitte l’endroit. Venise, c’est un labyrinthe maudit. Je renonce à demander mon chemin. Je suis les pancartes indiquant le Rialto. Quand il n’y a plus de pancartes, j’avance à l’instinct. Campo San Bartolomeo, plus loin l’église Santa Maria dei Miracoli. Le vent se lève. Brusquement. Une rafale suivie d’une autre. Le linge se met à battre aux fenêtres. Les draps, les tissus de couleur, dans les venelles, les passants se hâtent, des ombres emmitouflées, hommes, femmes, impossible à dire. Les pas, le bruit des talons sur le sol. Le cri étouffé d’un enfant. D’un coup, les rues se vident. C’est le vent. La bora. La violente. Un volet claque quelque part au-dessus de moi. Un autre. Et puis une porte. Les pas s’éloignent. Il est quatre heures et il fait déjà nuit.

C’est un roman court et fort qui arrive à nous faire vivre en quelques situations les questionnements, la détresse des personnages. A notre tour, on s’interroge sur le sentiment amoureux : sa force, sa véracité, son caractère éphémère. On s’attache à cette narratrice qu’on ne connaît finalement que peu quand bien même on la rencontre dans un moment de dénuement sentimental total. On se prend d’affection pour elle et la suivre n’est pas une douleur mais un chemin qui va l’amener à un nouveau souffle.

DSCN0979L’écriture est douce, simple, presque dépouillée. On rentre peu dans le détail des émotions mais on saisit tout : un geste, une situation, un mot, cela suffit. Il y a une sorte de vérité toute nue dans la plume de l’auteur, on ne sent pas qu’il y a des artifices ou des mensonges, on a l’impression que l’auteure est tout simplement sincère avec nous. Le ton est juste et sensible, l’équilibre parfait.

L’été dernier, j’avais fait un voyage extraordinaire et merveilleux à Venise (les photos viennent de là), et j’en garde un souvenir fort, ému. Replongée dans cette ville m’a fait vraiment plaisir. Je revois les monuments, les quartiers, les rues que l’héroïne explore. Je reconnais cette sensation d’être seule avec la lagune, avec la Sérénissime. Cela explique peut-être aussi pourquoi cette lecture a été un vrai coup de cœur.

DSCN6892

Claudie Gallay, Seule Venise, aux éditions Babel, 8€70.

rat-a-week

Rainbow pour Rimbaud, de Jean Teulé

Jean Teulé, je le lis depuis assez longtemps. Régulièrement, ses livres apparaissent dans ma PAL. Pourtant je ne suis pas encore décidée si oui ou non, j’aimais cet écrivain. Car d’un livre à l’autre, soit c’est l’éblouissement, soit c’est la déception. Et le roman dont je vais vous parler ne m’aide pas vraiment à trancher.

51bkfzdp-sl-_sx303_bo1204203200_

Pour me laisser souffler dans l’immense lecture des Misérables de Victor Hugo, je me suis jetée goulûment sur un petit livre plus tout jeune de Jean Teulé : Rainbow pour Rimbaud. L’histoire est celle de Robert, un géant de plus de deux mètres qui connaît par cœur toute l’œuvre du poète, parle le plus souvent en utilisant ses vers, dort dans une armoire et vit chez ses parents à trente ans passés. Il décide un jour de partir, sans trop savoir ni où ni comment. Et par le hasard du téléphone et la fée des bonnes rencontres, il est vite rejoint dans son périple par une drôle de jeune femme responsable de la mort des arbres de Paris, Isabelle, une amoureuse de l’aubépine. Ils vont aller en Égypte, en Afrique, ils vont s’aimer, se laisser vivre, au creux d’un baobab ou dans une chambre dissimulée.

Vous ne comprenez pas tout ? Ce n’est pas grave, moi non plus. Disons qu’il faut plus prendre cela pour une fable poétique qu’un vrai voyage d’apprentissage. Les personnages apprendront tout simplement au cours de ce périple à mieux se connaître (eux-mêmes et entre eux), à vivre plus pleinement sans rejeter ce qu’on pourrait appeler leurs excentricités.

Il faut avouer que ce texte parsemé justement de mots de Rimbaud est très étrange. Jean Teulé fait tout pour quitter le sol et ne pas être terre-à-terre. Ses personnages sont bien éloignés des hommes et des femmes qu’on connaît, ce sont tous deux des phénomènes. Bon, il n’y a pas de mal à faire des personnages de ce genre, mais je vous avoue sincèrement que je n’ai pas adhéré du tout. On ne peut bien sûr pas du tout s’identifier à eux, et je ne suis pas parvenue à les comprendre. Au-delà de l’aspect poésie/liberté/évasion, je n’ai pas du tout saisi l’intérêt de cette aventure que j’ai trouvé plus qu’improbable, complètement irréaliste. Je comprends bien qu’on dépasse le réel, mais un peu plus de logique, un peu plus d’explication aussi sur les gestes et les actes des personnages auraient été le bienvenu. Il s’agit d’un roman qui tourne exclusivement autour des personnages mais pratiquement jamais on n’évoque leur passé par exemple.

rainbow-pour-rimbaud_51249_30960

Je suis passée à côté de quelque chose, c’est certain. Toutefois j’admets volontiers qu’il y a de très belles pages dans ce roman. Comme à son habitude, Jean Teulé a une écriture limpide et fluide qui conviendra à tous les lecteurs. De plus, ce livre est très court, la lecture est rapide. Je vous la conseille donc quand même, en la prenant comme une curiosité. Mais je vais aussi lire les romans les plus récents de l’auteur pour essayer de me faire une opinion plus tranchée.

Jean Teulé, Rainbow pour Rimbaud, aux éditions Pocket, 5€80.