Renaissance, de Jean-Baptiste Dethieux

J’apprécie toujours quand des petites maisons d’éditions font appel à moi dans le cadre d’un service presse. C’est l’occasion de découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux éditeurs, de nouvelles collections, des choses vers lesquelles je ne serais peut-être pas aller sans le biais du blog. Dans cette chronique, nous allons parler d’un roman de Jean-Baptiste Dethieux (un Toulousain, donc forcément, j’aime) qui a déjà publié chez Anne Carrière. Renaissance, quant a lui, a été édité chez Taurnada.

Bon, on va commencer immédiatement par les choses qui fâchent, car depuis le moment où j’ai reçu ce livre, ça me démange, ça m’agace. La couverture. Je passe sur ce photoshoppage très raté, sur le fait que le noir et blanc, ce n’est pas très vendeur (surtout quand la couv’ est si sombre…). Mais s’il y a un truc qui me fait grincer des dents, saigner des yeux, ce sont les typos. Il y a cinq polices différentes sur cette couverture. CINQ ! 5 ! Une pour le titre, une pour la collection, une pour le genre, une pour la maison d’édition, une pour l’auteur. Taurnada, par pitié, ne fais pas ça à tes prochains ouvrages. Pour ton bien (et le nôtre).

Bon, fermons cette parenthèse car il faut faire la différence entre le fond et la forme (il faut s’y efforcer). L’histoire est celle d’un homme, psychologiquement instable, qui a vu sa vie bouleversée par la dispersion de sa fille, Blanche. Hanté par le passé trouble de son père dont il a été témoin malgré lui, il part sur les traces de son enfant, aidé (ou menacé?) par des e-mails reçus quotidiennement, montrant l’image d’une homme encapuchonné au cœur d’une forêt.

Que de mystères, de questions. Les pièces semblent parfois s’assembler, mais des incohérences sèment le doute, les souvenirs s’entremêlent, les nouvelles révélations à chaque chapitre jettent le trouble. Je pense qu’on peut appeler ça un thriller psychologique, même si l’urgence est ténue. Il y a beaucoup de pistes, on ne sait laquelle suivre.

Le lecteur est projeté dans cet univers et est emmené par le narrateur dans toutes ses pérégrinations, dans toutes ses découvertes. L’intrigue est plutôt bien menée, le problème, c’est qu’il y en a plusieurs, plus ou moins reliées les unes aux autres, et le lecteur risque de s’y perdre un peu.

Le réel soucis que j’ai eu à cette lecture, c’est la sensation que l’écriture en faisait trop. La narration est parfaite, mais le fond, les péripéties sont trop nombreuses. Ce n’est pas assez bien dosé, ou pas assez mis en scène. Je vais mieux vous expliquer. Il arrive vraiment des trucs pas cools à notre héros, des choses graves, et sincèrement, des choses pas communes du tout. C’est le roi de l’infortune ! Et j’ai trouvé que c’était beaucoup trop. Si l’auteur voulait conserver tout ce curriculum vitae, il aurait vraiment fallu nous faire aimer ce personnage : mieux le connaître, pouvoir s’y identifier très facilement. La nécessité d’un gros travail sur les effets de suspens, sur une tension palpable se fait sentir au bout d’une cinquantaine de pages. Seul cela aurait pu permettre d’enlever cette sensation d’une complète irréalité du récit. C’est un petit ratage de ce côté-là donc.

Toutefois, ce roman se lit très facilement, le style est agréable, et même l’histoire que j’ai critiquée vaut quand même le coup d’être lue ! Tout est une question d’équilibre. Je trouve que pour une maison d’édition naissante, Taurnada a su repérer un auteur qui a du potentiel, même si cette histoire-là en particulier aurait mérité un retravail important. A noter que la correction ortho-typographique (en excluant la couverture) est impeccable, et ça c’est agréable ! (même si je conseillerais une retenue dans les points de suspension à l’avenir…)

Jean-Baptiste Dethieux, Renaissance, aux éditions Taurnada, 9€99.

Les embuscades, de Roger Grenier

La rencontre avec Roger Grenier est imminente et vous y êtes tous conviés. Pour cela, rendez-vous le 18 octobre dans notre magnifique Ville Rose, et plus précisément à la librairie Etudes de l’université Toulouse-II Le Mirail (à 5 minutes du métro Mirail). Rendez-vous est donné à 14h30. Cette rencontre est organisée par mon master « métiers de l’écriture et de la création littéraire », M1 et M2 se serrant les coudes pour faire face à un timing difficile. A la fin de nos petites questions, vous pourrez poser les vôtres à Roger Grenier, puis faire dédicacer vos livres – ses œuvres seront en vente sur place. Je vous attends nombreux, et faites-moi signe si vous passez me voir, qu’on échange quelques mots 😉

Bref, tout ça pour introduire encore une chronique de notre cher Grenier. Cette fois, je me suis attaquée à un roman (qui a quand même de sacrées allures d’autobiographie par endroit…) : Les Embuscades.

 

On y rencontre Pierre, qui tient un magasin de photographie près des Pyrennées. Il fait la connaissance de Constance, une jeune fille hypnotique et pleine de vie qu’il lui demande de l’aider à passer en Espagne : en effet, nous sommes sous l’Occupation et les Allemands envahissent inexorablement la France.

La vie passe, les événements aussi. On retrouve Pierre à Paris, il a pour projet d’aider à la prise de l’Hôtel de Ville, et, surprise !, il y retrouve Constance qui ne peut s’empêcher d’être au cœur des événements. La Libération, la débâcle des nazis, un Paris en fin de guerre… Leurs chemins se séparent encore : Pierre qui a été gagné par l’amour du photo-reportage devient photographe de guerre. On l’envoie alors en Grèce où a lieu une violente guerre civile, jamais deux sans trois, c’est la dernière des embuscades : il recroise encore la route de cette jolie Constance.

L’Hôtel de ville

Constance, on lui court après sans le vouloir, elle souhaite beaucoup de choses, elle a beaucoup d’hommes dans sa vie mais rien ne lui convient. Trop exigeante, elle a besoin d’être là où les choses se passent, quitte à être sans réelles attaches profondes. Pierre et elle vivent l’Histoire et les grands événements de ce siècle marqué par les conflits, ils sont acteurs de ce qui pour nous est notre passé : en ont-ils réellement conscience ? On pourrait le penser. Réfléchir à l’avenir semble dans ce livre presque impossible, on ne peut être que dans le présent, vivant, ou celui figé par la pellicule de Pierre.

Comme bon nombre de ses livres, Roger Grenier a un rapport très particulier envers ses personnages, il les décrit avec force de détails, on croit les connaître, mais ils restent insaisissables, énigmatiques, ils nous échappent. Ils sont teintés d’une certaine mélancolie qui est toujours présente chez cette auteur. Quand la Grande Histoire module les petites, on ne sait pas laquelle des deux prend le pas sur l’autre.

J’ai aimé vivre ce passage clandestin en Espagne, j’ai adoré voir et sentir la Libération à l’œuvre et j’ai découvert une partie de l’histoire grecque que j’ignorais complètement. Cette figure de Constance m’a intriguée jusqu’au bout, encore maintenant je ne suis pas sûre de l’avoir bien comprise, elle est si particulière. Et ce n’est pas un défaut d’écriture ou un manque de réalisme et de profondeur psychologiques qui la rendent ainsi, non, elle a réellement été travaillée pour être si inaccessible, un exercice plus difficile qu’il n’en paraît.

J’ai, encore une fois, passé un bon moment de lecture avec Roger Grenier, et à force de parcourir son œuvre, j’ai remarqué quelques « radotages », quelques sujets sensibles ou aimés qui me font comprendre encore un peu plus ce grand auteur.

Roger Grenier, Les Embuscades, folio (1184), 6€.