La carte et le territoire, de Michel Houellebecq

Vous assistez à beaucoup de mes premières fois sur ce blog. Aujourd’hui, mon premier Houellebecq, La carte et le territoire, et ce n’était pas une aventure anodine.

 

L’histoire est celle d’un artiste, Jed. D’abord, il a photographié des objets, mais très vite, il s’est focalisé sur les cartes Michelin, ce qui lui a valu une belle renommée et aussi de rencontrer la charmante Olga. Puis il revient vers ses fondamentaux, la peinture, pour représenter des métiers. De grands tableaux virent ainsi le jour, comme « Le journaliste Jean-Pierre Pernaut animant une conférence de rédaction. » Cette passion et cette profession va le pousser à la rencontre d’un écrivain français connu pour son penchant dépressif : Michel Houellebecq (oui, oui, le même qui a écrit ce roman).

Je vous comprends, résumé comme ça, ça n’a l’air très chatoyant, et ça ne l’est pas. Toutefois, il y a une certaine élégance dans la vie de Jed, qui n’est pas vraiment monotone, ni vraiment rocambolesque. On voit à l’œuvre quelques unes de ses errances artistiques, ses souvenirs amoureux, l’évolution de sa relation avec son père. Son entrée en société ne le change pas tant que ça, avoir de l’argent lui apporte le confort mais pas le bonheur.

L’apparition de la réalité, de notre réalité n’est pour moi pas tout à fait évidente dans les romans. J’ai eu beaucoup de mal à croiser Julien Lepers ou Beigbeder dans ces pages, ça m’a donné un certain sentiment de malaise, d’écœurement. Mais on peut dire que l’auteur est allé au bout de cette manœuvre puisqu’il s’est représenté lui-même (et pas qu’un peu) dans son roman. C’est très inhabituel, plutôt désarçonnant, mais ma foi, pourquoi pas ?

J’ai préféré la troisième et dernière partie aux deux autres, car celle-ci a plus de relief, d’action, de suspens même (bon, avouons toutefois que la fin m’a un peu déçue) : Jed Martin devra en effet aider un certain commissaire Jasselin dans la résolution d’une enquête pour meurtre : un assassinat mis en scène d’une manière atroce.

L’écriture de Houellebecq n’est pas déplaisante mais elle touche tellement le réel que j’ai eu du mal à l’apprécier vraiment. Je me plonge dans les romans pour aller dans un ailleurs, or là, je me suis retrouvée projetée dans Paris, dans une sphère artistique que je ne côtoie pas certes, mais j’ai du pénétrer tel un voyeur dans l’intimité de Jed, j’ai retrouvé des éléments de mon monde (un monde trivial, banal) que je ne m’attendais pas à voir ici, et je n’ai pas aimé ça. Bon, j’ai quand même fini ce roman, je ne me serais pas forcée si j’avais détesté. Je ne sais pas trop quoi en penser. Ce fut une expérience bizarre, presque intrusive. Je suis contente d’avoir testé mais de là à dire que je relirai du Houellebecq…

Michel Houellebecq, La carte et le territoire, aux éditions Flammarion, 22€50.

Dans le secret d’une photo, de Roger Grenier

Dès son enfance, Roger Grenier a trimbalé un appareil photo avec lui. Plus qu’un engrangeur à souvenirs, il est le symbole de toute une vie, mais c’est aussi un art que l’auteur apprécie. Dans le secret d’une photo est un hommage à cette petite boîte d’instantanés qui permet de retracer une vie ou l’histoire d’un pays. L’écrivain évoque tous ces Leica et ses Agfa qu’il a croisé tout au long du XIXe siècle, rappelant ainsi des bribes de son propre passé.

 

Un livre autobiographique mais qui parle plus de la photographie que de l’auteur lui-même, voilà un bien étrange ouvrage. Pourtant, ces pérégrinations dans la vie de Grenier ne sont pas dénouées d’intérêt : j’ai pu ainsi découvrir la longue carrière de cet homme à la fois pion, résistant ou intervieweur, sa nostalgie quand il a du abandonné la photo le temps de son travail de journaliste. Mine de rien, on traverse une guerre mondiale, on visite l’autre par de vieilles photos, on est pendant quelques pages soixante-huitard avant d’aller voyager en Italie ou de devenir reporter.

L’écriture est « sans chichi » : Grenier n’est pas là pour nous impressionner ou pour étaler sa science, juste pour partager avec nous une passion de l’image et nous dévoiler le secret amour d’inconnus pour la pellicule. De laboratoire de développement en studios renommés, c’est surtout dans l’intimité d’une photo que l’on voyage, notamment au côté de Brassaï, mais Nadar, Doisneau ou Cartier-Bresson ne sont pas en reste.

Qu’elle soit amateur, artistique, professionnelle, journalistique, la photographie n’en a pas fini d’émouvoir, et même si ce livre ne constitue pas une ode à l’argentique, il y a un certain charme désuet avec les vieux appareils, un charme que cette œuvre nous présente si joliment qu’on en regretterait presque nos numériques et leurs capacités mémoire de centaines de photos.

Un ouvrage bien agréable, qui se laisse lire sans y penser, je vous le conseille, que vous soyez ou non amoureux de la photographie.

Roger Grenier, Dans le secret d’une photo, Gallimard, collection L’un et l’autre, 17€50.