Le Cercle, de Dave Eggers

product_9782072733437_195x320Dès que j’ai croisé ce livre dans les rayons, mis en avant grâce à la sortie de son adaptation au cinéma, j’ai voulu le lire. Aussitôt dit, aussitôt fait. Aujourd’hui, je vous parle donc du roman de Dave Eggers, Le Cercle.

En ce lundi ensoleillé du mois de juin, elle s’immobilisa devant la porte d’entrée en verre sur laquelle le logo de la société était gravé, légèrement au-dessus de sa tête. L’entreprise n’existait que depuis six ans, mais le nom et le logo – un cercle enserrant une sorte de mosaïque au centre de laquelle figurait un petit « c » – faisaient déjà partie des plus célèbres au monde. Plus de dix mille employés travaillaient, ici, au siège, mais le groupe possédait des bureaux dans le monde entier, et embauchait chaque semaine des centaines de jeunes gens brillants. Le Cercle venait d’être élu « société la plus admirée de la planète » pour la quatrième année consécutive.

Vous pensez reconnaître une autre société, bien réelle cette fois ? Eh bien moi aussi. On s’imagine clairement que le Cercle représente Google, avec son campus incroyable, ses projets innovants dans tous les domaines, son omniprésence dans nos vies… Mais le Cercle va bien plus loin. Et c’est grâce à son amie Annie que Mae a pu intégrer cette formidable entreprise qui va changer la face du monde. Elle n’en revient pas de travailler dans un tel endroit où les salariés sont chouchoutés et poussés à donner le meilleur d’eux-mêmes. Elle se sent à sa place, au cœur du mouvement, avec les gens qui font le monde. Alors oui, elle a un peu de mal au début : difficile de gérer sa présence sur les réseaux sociaux – partie intégrante du boulot –, le travail à proprement dit, la vie sociale du campus, sa vie de famille avec son père malade… Mais petit à petit, elle prend le rythme, elle veut devenir la meilleure, pour sa boîte, pour le Cercle. Les avancées de la société en inquiètent pourtant plus d’un, qui essaient de l’alerter… Va-t-elle entendre leurs sirènes, alors que les inventions du Cercle envahissent le monde à toute vitesse ?

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Sur le principe, j’adore l’histoire. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai acheté ce roman, pour me retrouver immergée dans l’univers d’un pseudo-Google qui voit tout, et de ce côté-là, je n’ai pas été déçue. J’avoue que j’ai commencé à avoir peur de l’emprise du Cercle très vite : les conditions de travail vues de l’extérieur, vues par le lecteur sont à double tranchant. D’un côté, le Cercle met tout à disposition, de la crèche au cours de yoga en passant par la restauration de luxe et les concerts gratuits, de l’autre, il faut tout donner au Cercle : son temps, sa voix, son énergie, ses idées et peut-être même une partie de sa vie. Je voyais tous les sacrifices faits par l’héroïne, toutes les pressions discrètes mais constantes qu’elle subissait et pourtant elle ne se rebellait pas, elle hochait la tête ! C’est là toute la grandeur (inquiétante) du Cercle.

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Malheureusement l’intrigue a quelques lourdeurs narratives, des scènes qu’on aurait tout à fait pu supprimer, des éléments secondaires qu’on nous rabâche alors qu’ils sont inutiles, des raccourcis scénaristiques, des facilités… Sans compter les longueurs. Cela a pour effet de nous détacher du personnage principal : on s’attache finalement peu à Mae et on continue à lire uniquement pour savoir jusqu’où ira le Cercle.

Et c’est sans compter sur l’écriture, le style qui n’aide pas vraiment. Personnellement, je l’ai trouvé assez lourd, peu fluide. Ça mériterait sérieusement un bon coup sécateur pour enlever les formules disgracieuses, redondantes. Ce n’est pas du tout la meilleure littérature que j’ai lue… j’ignore si la traduction a un rôle à jouer dedans, et si certains parmi vous l’ont lu en VO, j’aimerais bien votre avis sur ce point.

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L’écriture est vraiment le point négatif de ce roman. Heureusement l’histoire rattrape cela et fait du Cercle un livre intrigant. J’ai aimé lire quelque chose qui traitaient des effets de réseaux sociaux, de l’addiction même à ces derniers, sur la vie des gens. Le Cercle essaient d’acquérir tous les savoirs. Et je dis bien tous. Cette folie des grandeurs qui se poursuit malgré tous les problèmes de morale et d’éthique qu’elle soulève, notamment sur le respect de la vie privée, de l’anonymat est passionnante ! Comme vous pouvez le voir, je suis donc assez partagée sur ce roman… et vous, qu’avez-vous pensé de cette lecture ?

Dave Eggers, Le Cercle, traduit de l’américain par Emmanuelle et Philippe Aronson, aux éditions folio (6330), 8€20.

Le Cercle, de Dave Eggers

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Dès que j’ai croisé ce livre dans les rayons, mis en avant grâce à la sortie de son adaptation au cinéma, j’ai voulu le lire. Aussitôt dit, aussitôt fait. Aujourd’hui, je vous parle donc du roman de Dave Eggers, Le Cercle.

En ce lundi ensoleillé du mois de juin, elle s’immobilisa devant la porte d’entrée en verre sur laquelle le logo de la société était gravé, légèrement au-dessus de sa tête. L’entreprise n’existait que depuis six ans, mais le nom et le logo – un cercle enserrant une sorte de mosaïque au centre de laquelle figurait un petit « c » – faisaient déjà partie des plus célèbres au monde. Plus de dix mille employés travaillaient, ici, au siège, mais le groupe possédait des bureaux dans le monde entier, et embauchait chaque semaine des centaines de jeunes gens brillants. Le Cercle venait d’être élu « société la plus admirée de la planète » pour la quatrième année consécutive.

Vous pensez reconnaître une autre société, bien réelle cette fois ? Eh bien moi aussi. On s’imagine clairement que le Cercle représente Google, avec son campus incroyable, ses projets innovants dans tous les domaines, son omniprésence dans nos vies… Mais le Cercle va bien plus loin. Et c’est grâce à son amie Annie que Mae a pu intégrer cette formidable entreprise qui va changer la face du monde. Elle n’en revient pas de travailler dans un tel endroit où les salariés sont chouchoutés et poussés à donner le meilleur d’eux-mêmes. Elle se sent à sa place, au cœur du mouvement, avec les gens qui font le monde. Alors oui, elle a un peu de mal au début : difficile de gérer sa présence sur les réseaux sociaux – partie intégrante du boulot –, le travail à proprement dit, la vie sociale du campus, sa vie de famille avec son père malade… Mais petit à petit, elle prend le rythme, elle veut devenir la meilleure, pour sa boîte, pour le Cercle. Les avancées de la société en inquiètent pourtant plus d’un, qui essaient de l’alerter… Va-t-elle entendre leurs sirènes, alors que les inventions du Cercle envahissent le monde à toute vitesse ?

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Sur le principe, j’adore l’histoire. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai acheté ce roman, pour me retrouver immergée dans l’univers d’un pseudo-Google qui voit tout, et de ce côté-là, je n’ai pas été déçue. J’avoue que j’ai commencé à avoir peur de l’emprise du Cercle très vite : les conditions de travail vues de l’extérieur, vues par le lecteur sont à double tranchant. D’un côté, le Cercle met tout à disposition, de la crèche au cours de yoga en passant par la restauration de luxe et les concerts gratuits, de l’autre, il faut tout donner au Cercle : son temps, sa voix, son énergie, ses idées et peut-être même une partie de sa vie. Je voyais tous les sacrifices faits par l’héroïne, toutes les pressions discrètes mais constantes qu’elle subissait et pourtant elle ne se rebellait pas, elle hochait la tête ! C’est là toute la grandeur (inquiétante) du Cercle.

Malheureusement l’intrigue a quelques lourdeurs narratives, des scènes qu’on aurait tout à fait pu supprimer, des éléments secondaires qu’on nous rabâche alors qu’ils sont inutiles, des raccourcis scénaristiques, des facilités… Sans compter les longueurs. Cela a pour effet de nous détacher du personnage principal : on s’attache finalement peu à Mae et on continue à lire uniquement pour savoir jusqu’où ira le Cercle.

Et c’est sans compter sur l’écriture, le style qui n’aide pas vraiment. Personnellement, je l’ai trouvé assez lourd, peu fluide. Ça mériterait sérieusement un bon coup sécateur pour enlever les formules disgracieuses, redondantes. Ce n’est pas du tout la meilleure littérature que j’ai lue… j’ignore si la traduction a un rôle à jouer dedans, et si certains parmi vous l’ont lu en VO, j’aimerais bien votre avis sur ce point.

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L’écriture est vraiment le point négatif de ce roman. Heureusement l’histoire rattrape cela et fait du Cercle un livre intrigant. J’ai aimé lire quelque chose qui traitaient des effets de réseaux sociaux, de l’addiction même à ces derniers, sur la vie des gens. Le Cercle essaient d’acquérir tous les savoirs. Et je dis bien tous. Cette folie des grandeurs qui se poursuit malgré tous les problèmes de morale et d’éthique qu’elle soulève, notamment sur le respect de la vie privée, de l’anonymat est passionnante ! Comme vous pouvez le voir, je suis donc assez partagée sur ce roman… et vous, qu’avez-vous pensé de cette lecture ?

Dave Eggers, Le Cercle, traduit de l’américain par Emmanuelle et Philippe Aronson, aux éditions folio (6330), 8€20.

Le Trône de Fer (l’intégrale 2) de George R. R. Martin

Cela fait une éternité que je n’ai rien posté sur le blog. Il faut dire que des problèmes personnels m’ont fait craindre une autre panne de lecture – et d’écriture. Heureusement, je me suis remise à lire pendant les vacances et maintenant que ces dernières sont terminées, je peux reprendre mon petit rythme habituel qui inclut le blog, fort heureusement. Ce n’est donc que maintenant que je trouve le temps et le courage d’écrire une nouvelle chronique pour une lecture qui date de début janvier.

Il s’agit d’un gros pavé, d’une saga, d’une aventure chorale et épique : Le Trône de Fer (l’intégrale 2) de George R. R. Martin.

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Ce roman correspond à la saison 2 de la série télévisée ; je vais essayer de spoiler le moins possible mais je vous conseille tout de même de connaître le contenu du premier intégrale/de la première saison.

Le récit fait directement suite aux événements du tome précédent. Le royaume a sombré dans le chaos depuis que le roi au pouvoir est mort, depuis que la Main du roi a été assassinée, depuis que l’arrogant petit Joffrey Lannister est officiellement devenu souverain. A Westeros, on continue la lutte pour réclamer le pouvoir et venger la mort d’Eddard Stark. Mais les concurrents à la couronne sont nombreux et viennent de tous côtés. La guerre fait rage et dans les coulisses des conspirations naissent. Sur les îles, au-delà du Mur dans le Nord ou dans les contrées lointaines du Sud, on échafaude des plans pour reconquérir ce qu’on estime être à soi. On passe d’un camp à l’autre, on fuit, on se cache, on assassine, on attaque, on attend, on ment, on découvre la vérité… Une chose est sûre : la paix n’est pas au programme au sein des Sept Couronnes.

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Est-ce que j’ai aimé cette lecture ? Oh que oui ! Il m’a fallu quelques pages pour me remettre dans le bain, me souvenir des événements passés et me ré-habituer à cette langue si riche. Comme dans l’opus précédent, les personnages sont extrêmement nombreux. Il y en a certains que j’ai découvert ici : alors que je m’intéressais peu à eux, je me suis mise à attendre avec impatience chaque chapitre qui les annonçait – c’était notamment le cas pour Tyrion et Sansa. A l’inverse, des personnages qu’on n’a fait que croiser dans le tome précédent prennent beaucoup d’importance ici, car ils lancent de nouvelles intrigues ; ce n’est vraiment pas pour autant que je les appréciais. Il y en a même certains dont je ne me rappelais jamais !

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Mais c’est aussi ça la force de cette saga : faire vivre ce royaume des Sept Couronnes et nous y faire voyager. En passant d’un personnage à l’autre, on apprend de l’intérieur à mieux connaître les hommes et les femmes qui façonnent cet univers. On suit de façon parallèle leurs plans, leurs évolutions, les embûches sur leur chemin, on guette avec eux les dangers qui les attend. C’est très divertissant, c’est prenant. Les pages se tournent à un rythme frénétique car il y a sans cesse un événement, une phrase qui relance notre curiosité. C’est un pavé qui se dévore.

J’ai beaucoup d’interrogations pour la suite. J’ai déjà envie de savoir ce qui attend certains de mes personnages préférés et je redoute les agissements des autres. Il est sûr que je ne vais pas attendre trop longtemps avant de me lancer dans la lecture du troisième intégrale.

Le Trône de Fer (l’intégrale 2), de George R. R. Martin, traduit de l’américain par Jean Sola, aux éditions j’ai lu, 17€50.

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Fahrenheit 451, de Ray Bradbury

Les pompiers ont pour métier de mettre feu à toutes les traces subversives du savoir. Les pages imprimées, reliées, ou livres sont interdits. Leur possession – et pire, leur lecture – est interdite, illégale, punie très sévèrement. C’est du moins le cas dans le monde de Montag.

Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Un chef d’œuvre, moderne avant l’heure, un peu orwellien sur les bords. Enfin je l’ai lu, et je n’ai pas été déçue par ce roman qui m’impressionnait au premier coup d’œil alors qu’il s’avère très accessible et pas si capilo-tracté que ça.

 

Montag est pompier, son rôle, c’est l’autodafé à la moindre alerte. La société consomme du plaisir mais refuse cette espace de réflexion qu’est la lecture. Un jour, Montag croise cette jeune fille un peu étrange. Une jeune fille qui pense par elle-même, qui imagine, crée une nouvelle société dans son esprit. Elle n’est pas abrutie par la télévision très particulière de ce monde qui s’étale sur les murs du salon. Petit à petit, Montag se met à penser par lui-même et à croire que les choses pourraient peut-être être différente, il lui semble qu’avant les pompiers éteignait les feux au lieu de les allumer. Mais le fait de simplement rêver d’un monde autre, qui accepterait cette liberté de réflexion, est dangereux, criminel. Notre héros ne peut qu’être un hors-la-loi, pourchassé par sa propre société.

Fahrenheit 451 est un livre court dont la lecture se fait en un clin d’œil tellement il est impossible de lâcher ce roman. Je dois avouer que j’ai eu un peu de mal les premières pages car le style est complètement différent de ce à quoi je m’attendais – presque poétique – et il m’a fallu quelques temps pour visualiser ce nouveau monde. Mais très vite, on se laisse aller dans l’écriture de Bradbury qui nous emporte et nous montre du doigt les rouages de la pensée de Montag, ce cheminement intérieur qui lui fera se rendre compte de l’importance de la littérature, du savoir, de l’imaginaire.

L’univers du roman est quand même beaucoup moins concentrationnaire que 1984, mais l’aveuglement collectif de cette société qui se laisse glisser dans la paresse et l’immobilisme est vraiment effrayant. C’est à la fois un hommage aux livres et à la liberté d’expression qu’ils véhiculent et un avertissement (d’avant-garde) pour nous qui commençons doucement à nous désengager de nos responsabilités, de nos « vrais vies » au profit de la télévision qui parasite nos salons, nos cuisines (pire : nos chambres!) et d’autres moyens qui mettent « en veille » nos capacités de réflexions.

L’écriture de Bradbury est très agréable et dépaysante. Elle est loin du style analytique, descriptif, ou médiocre que j’ai souvent croisé au rayon SF (là où est classé Fahrenheit 451). Difficile de trouver les mots pour la décrire. Dire qu’elle est « littéraire » serait trop floue, mais pourtant cet adjectif lui convient bien. Ce livre s’érige en porte parole d’une bibliothèque babylonesque s’écriant « Ne m’oubliez pas ». Un classique à lire et relire.

Ray Bradbury, Fahrenheit 451, traduction de l’américain par Jacques Chambon et Henri Robillot, Folio SF, 5€60.

Passer le pont, de Pia Petersen

Il me disait aussi que j’avais du caractère et qu’il me fallait apprendre à me taire et obéir. Il faut que tu puisses t’accomplir. Pour ça, il faut savoir obéir, apprendre à dire oui, à te soumettre. Il m’a dit ça et aussi qu’il ne fallait pas obéir à n’importe qui, mais à lui seul et que c’était à moi de le choisir, ça, de lui dire oui et après je saurais dire oui à la vie.

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Kara est une jeune femme d’un naturel peu sûre d’elle, un peu tournée vers la mélancolie mais le jour où tous ses collègues se liguent contre elle et la font virer, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Elle glisse vers une dépression foudroyante. Mais au même moment, elle rencontre un ancien copain de lycée, Ron. Face à son désarroi, celui-ci lui propose de rencontrer un de ses amis, ex-psy reconverti dans l’enseignement, selon lui il fait des merveilles. Elle accepte et fait alors la connaissance de celui qui va bouleverser le cours de son existence. Pour lui « changer la vie », il va lui demander de tout quitter, de se déconstruire, d’oublier sa famille, ses amis, son appartement, de vivre dans le confinement. Et pour que Nathan l’aide, il faut qu’elle l’aime, il faut qu’elle accepte de faire des sacrifices. Maintenant ses nouvelles relations sont Sophie, Katrina, Mira, mais aussi Victor, Léon… Des gens qui n’en ont « rien à foutre d’elle » et qui n’ont d’yeux que pour Nathan. C’est vrai qu’il est mystérieux, inaccessible mais tellement attirant. Il est l’objet de toutes les envies, de tous les désirs, on ferait tout pour un regard, une parole, un geste, même si pour cela il faut se faire descendre plus bas que terre, soi-disant pour qu’on « s’améliore ».

J’emploie le « on », pour dire à quel point ce roman m’a obsédée, enivrée dans cette spirale malsaine de la manipulation. Pia Petersen dans Passer le pont m’a hypnotisée par son écriture, par ses mots qui décrivent avec tellement de sincérité le quotidien de cette femme emportée malgré elle dans un voyage qu’elle voulait salutaire. Par désespoir, elle s’est laissé influencée jusqu’au plus profond de son être par ce personnage si captivant qu’est Nathan. A lui seul, c’est presque une secte, même si après lecture on ne sait pas vraiment si ce terme convient tout à fait.

L’écriture est vraiment proche de Kara, c’est Kara. A première vue, on dirait un langage simple, pourtant ce style si proche de la psychologie du personnage a été très travaillé, il ne dit rien de trop ou de moins. C’est un retournement de sa vie que subit dans ces pages l’héroïne, quelque chose de fort et de puissant, et elle est partagée entre ses principes et les restes de sa volonté qui sont restés ancrés en elle et son envie de tout changer, son accord avec les dires de Nathan. Et toute personne qui a connu un jour la tristesse, la souffrance, le manque de confiance en soi se laisse bercer par les propos et les promesses de cet homme : même moi au cours de la lecture je me disais « Eh, mais c’est pas si bête que ça ce qu’il dit celui-là! » Et c’est là sa puissance : tout ce dont il parle a l’air si juste… Il profite de la faiblesse des gens pour mieux les enfermer dans son piège et ça marche. Mais la jeune femme est forte et résistante, et entre une envie de se retrouver maîtresse d’elle-même et celle de profiter d’une liberté légitime qu’elle voit s’enfuir, son cœur balance.

Kara ne s’est pas faite totalement avoir. Le texte se scinde en deux parties qui s’entremêlent : son enrôlement dans l’univers de Nathan et plus tard quand enfin sortie de cette affaire, elle accepte un rendez-vous avec cet homme. On ne sait pas trop quoi penser de cette histoire une fois le livre refermé, la fin est assez particulière, vous le verrez.

J’ai été retournée par ce livre, il ne traite pas d’un sujet facile. Toutefois, l’écriture est vraiment époustouflante, j’ai tout de suite été emmenée par ce style si particulier. Pia Petersen est une vraie découverte pour moi et ce roman ne serait pas le dernier que je lirais d’elle. Je vous le conseille les yeux fermés !

Pia Petersen, Passer le pont, aux éditions Actes Sud, collection « un endroit où aller », 21€80.

Charly 9, de Jean Teulé

J’aime beaucoup les romans historiques, même s’il est vrai que quantitativement parlant, ils sont peu nombreux dans mes lectures. Le dernier en date, c’était La nuit la neige de Claude Pujade-Renaud, que j’avais adoré. Mais j’ai voulu un peu changé cette fois-ci en choisissant un auteur que j’ai beaucoup apprécié dans le passé (même s’il ne figure pas encore sur ce blog) et qui aime beaucoup les romans biographiques : il s’agit de Jean Teulé. Il sort en 2011 Charly 9, récit pseudo-historique de la vie de Charles IX, roi de France, du moment où il signe le massacre de la Saint-Barthélemy à sa mort, à 23 ans.

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Je dis « pseudo-historique » parce qu’il faut se l’avouer que c’est une vision très tranchée du jeune roi et que pas mal de choses écrites dans ce roman ne sont pas historiquement vraies. Mais j’ai personnellement décidé de prendre au pied de la lettre le mot « roman » écrit sur la couverture et de ne pas m’outrer pour ces incartades biographiques qui en ont fâché plus d’un avec Teulé. Ne prenez donc pas ce livre pour argent comptant, au pied de la lettre : c’est avant toute chose une fiction, inspirée de faits réels certes, mais une fiction quand même.

Donc, résumons un peu de l’histoire (avec un h minuscule). On y parle de Charles, enfin Charly, jeune roi, qui aurait préféré que son aîné ne meurt pas et qu’il ne se retrouve pas, lui, à devoir gouverner. Il a 22 ans quand le récit débute. Nous sommes en été et la France est agitée par les rivalités entre protestants et catholiques. Les ministres du roi et son imposante mère, Catherine de Médicis, demande, conjure, ordonne Charly de signer cet ordre qui donnera la mort à quelques 200 nobles huguenots. Gentil garçon, il obéit, même si savoir qu’il sera responsable de ces vies gâchées ne lui plaît pas vraiment. Mais ce seront des milliers de personnes qui périront à la Saint-Barthélemy, ensanglantant la Seine.

Et le massacre se poursuit dans toute la France. Et Charly ne supporte pas d’avoir toutes ces morts sur la conscience. D’une santé plutôt fragile, il commence à avoir des hallucinations, il fait des cauchemars. Sa passion de la chasse devient une passion de la mort. Devant les problèmes de royaume (famine, faillite, révolte, complot) il doit se réfugier dans ses châteaux : il se met alors à chasser perdreaux et lapins chez sa maîtresse ou dans le Louvre, démolissant tout à son passage, meubles ou serviteurs. Appliquant souvent une politique de l’autruche, Charly sombre dans la démence, besognant sur sa maîtresse, faisant sonner son cor constamment, s’irritant contre l’œil bleu d’un cerf sur une de ses tapisseries.

Aux croyances populaires se mélange la métaphore : exténué, à bout de force, Charly 9 se met à transpirer du sang. Chaque pore de sa peau rejette celui des protestants qu’il a abattu. Il sait sa mort proche, mais autour de lui c’est avant tout les soucis de sa succession qui prédominent. Il meurt en roi maudit, sûrement haï par ses congénères, seul et fou.

J’ai beaucoup aimé le traitement, assez caricatural je dois l’avouer, des personnages secondaires (même si historiquement non recevables) : la reine-mère qui fait autorité, le frère Henri, putain fardée et chouchou de Catherine de Médicis, la sœur Marguerite de Valois un peu dérangée sur les bords quand on touche à ses amants, la reine Elisabeth d’Autriche aimante et discrète, Rimbaud et sa Franciade. Même si Charles IX est le cœur du roman, on ne peut s’empêcher de remarquer que tous sont touchés plus ou moins profondément par les malheurs de la France et peuvent même sombrer dans une douce folie : Catherine de Médicis devient la femme la plus superstitieuse de France, Henri duc d’Anjou aime bien le vaudou, le plus jeune des frères tombent dans les conspirations, Marguerite de Valois se promène avec une tête baignant dans l’alcool… Chacun a ses vices et les forces du pouvoir n’épargnent personne.

Charly 9 est un personnage attachant : on le sent trop immature pour gouverner au début du livre, plein de tendresse pour son peuple qu’il veut épargner, préférant les infusions au vin, les grands espaces au Louvre. Mais ce massacre des protestants et les guerres de religion vont bouleverser sa vie. Tout ce qu’il entreprendra par la suite pour se réconcilier avec la France, même si ça part d’un bon sentiment, est soit insensé et dicté par la folie, soit une très très mauvaise idée. Comme dit la quatrième de couverture, c’est dommage qu’un roi ayant pourtant « un bon fond », qui aurait pu être un bon souverain si on lui en avait laissé le temps et l’occasion finisse ainsi. Littéralement rongé par le remords, ces victimes refont surface à même sa peau, l’affaiblissant chaque jour un peu plus. Une agonie très belle dans cet ouvrage, lente, douloureuse mais dans un sens libératoire peut-être. Paraissant le double de son âge, il disparaît presque avec résignation, dans l’attente impatiente de son entourage.

Charly 9 a été, pour moi, un bon roman, et même un bon roman historique dans le sens où j’ai par la suite voulu en savoir plus sur ce roi et sa courte vie, par mes propres moyens, auprès de sources historiques de confiance. C’est sûr que ce personnage se prêtait bien à l’écriture d’un roman : une existence chargée de décisions terriblement importantes, entourés de beaucoup des représentants les plus connus de la monarchie française, un mort discrète. Je regrette juste que la majeure partie du récit soit constitué de dialogues : rien de mieux pour nous immerger à cette époque grâce à une langue assez travaillée, mais j’ai quand même trouvé l’écriture un peu « tarabiscotée » pour une narration pourtant simple. Bref, il y a du bon comme du mauvais dans cet ouvrage qui ne figurera pas dans mes coups de cœur, mais restera tout de même un bon moment de lecture.

Jean Teulé, Charly 9, aux éditions Julliard, 19€50.

La Nuit la Neige, de Claude Pujade-Renaud

Claude Pujade-Renaud est une écrivaine française prolifique qui a surtout été édité aux éditions Actes Sud. Je l’ai découverte grâce à mon master : je n’ai pour l’instant lu qu’un seul de ses livres mais ce fut un fabuleux moment de lecture. Je vais donc vous parler de cet ouvrage : La Nuit la Neige.

Ce roman est historique mais sans le côté rébarbatif de la chose. Le point de La-nuit-la-neigedépart de cette oeuvre est une nuit de décembre 1714, dans la ville de Jadraque, en Espagne. Anne-Marie des Ursins, au service du roi Philippe V depuis vingt ans et ancienne camarera mayor de feu la reine Marie-Louise Gabrielle, accueille Elisabeth Farnèse, duchesse de Parme et dans quelques jours, nouvelle reine. Mais à peine la rencontre eut elle lieu que l’influente et digne princesse des Ursins est chassé de la demeure royale par l’italienne. Que s’est-il donc passé cette nuit-là, dans l’intimité de la chambre ?
Au cours de récits, de témoignages croisés on entendra parler ces deux femmes, les hommes puissants du pouvoir, les amis, les premières dames, la famille pour retracer pendant plusieurs mois, plusieurs années l’évènement qui a peut-être changé le cours de l’Histoire. Et cette Histoire justement prend place devant nos yeux, le puzzle s’assemble au fur et à mesure des chapitres et nous dévoile les différentes combines, les mariages arrangés, les pressions et les manigances, entremêlées de religion, qui fondent le pouvoir. L’Espagne, territoire d’affrontement entre Habsbourg et Bourbons, est rythmée par des enfantements, des noces, des exils, des conseils plus ou moins judicieux et des objectifs qui l’ont façonné.

C’est un livre atypique sur les femmes mais aussi sur le pouvoir qui m’a d’abord plus par son côté historique, basé sur des faits réels et avérés, mais aussi par son traitement où chaque personnage a le droit à son temps de parole. On rentre alors dans les coulisses de la royauté au XVIIIe siècle avec délices, savourant les différences d’opinions entre différents camps, de la reine douairière exilé au roturier opportuniste en passant par la très jeune princesse qui a grandi trop vite. L’écriture s’est adapté à chaque personnage (et non l’inverse, ce qu’il faut souligner car trop rare !), sans répétitions, sans incohérences. J’avoue qu’au début, il m’a fallu un peu de gymnastique intellectuelle pour replacer les personnages ainsi que leurs relations mais on se fait très vite à ce mode de fonctionnement !
L’écriture de Claude Pujade-Renaud n’est pas renversante mais garde un soupçon d’originalité, mais c’est avant tout le travail de l’écrivain, sur le style comme sur la matière, le fond de l’oeuvre, que l’on peut sentir. Afin d’éviter aux lecteurs de trop se perdre, l’auteure glisse des indices permettant de très vite replacer dans le contexte qui est qui, sans pour autant alourdir le texte. Il faut également saluer la profondeur psychologique des deux personnages principaux, deux femmes remarquables qui ont donné leur vie pour le roi. Entre elles, pas de méchante ou de tyrannique qu’il serait aisé de montrer du doigt : cette nuit de Jadraque résulte de mécanismes plus complexes qu’il a fallu une vie entière pour comprendre.

Claude Pujade-Renaud a su créer une oeuvre intrigante, captivante, autant pour ses personnages sensibles que sa description si réaliste du pouvoir et de la royauté. Un livre vraiment hors du commun, unique et magnifique, à découvrir vite !