Mon doudou divin, de Katarina Mazetti

Je crois bien que je dois avoir dans ma bibliothèque toute la bibliographie complète de Katarina Mazetti : tous ses romans, sensibles et passionnants, m’ont ravi. Alors quand j’ai vu que Mon doudou divin venait de sortir en poche, je n’ai pas trop hésité.

Mais il faut dire que celui-ci sort de l’ordinaire et dénote dans la lignée des Mazetti. Certes, c’est toujours l’être humain qui est au centre, mais de façon détournée. Ce roman aborde le sujet des croyances et de la religion, un livre spirituel plutôt audacieux.

 Mon doudou divin

Wera est une journaliste qui recherche activement un sujet fort pour un prochain article. Un jour, elle tombe sur une annonce qui propose de partir à la recherche de son Dieu, de sa foi lors d’un stage. Ni une, ni deux, elle s’inscrit et se retrouve quelques jours plus tard dans un ancien repère scout renommé la Béatitude pour l’occasion. Armée de cynisme, Wera fera la rencontre de six autres stagiaires, un peu bizarres pour certains, mais pas forcément plus fous qu’elle. Tous ont déjà leur petite idée d’une spiritualité nouvelle qu’ils pourraient appliquer à leur propre vie et la partagent chaque soir lors de « prêches ».

En plus de récit de Wera plein de dérision, on suit en parallèle l’histoire de Madeleine, une des nouvelles recrues : on peut alors percevoir cette situation d’un autre point de vue, celui d’une personne pour qui ces quelques jours sont une porte de sortie, une issue de secours.

On oscille entre sourire moqueur, pitié ridicule ou au contraire vraies émotions. Les sentiments du lecteur sont aussi divers que la myriade de personnalités très différentes qui peuplent la Béatitude. J’ai parfois eu l’impression que Mazetti en faisait trop sans que ce ne soit drôle pour autant. Il y a également certaines longueurs et des éléments intéressants qui ont été avortés.

Katarina Mazetti

C’est vrai, c’est ambitieux d’écrire quelque chose sur la spiritualité dans un roman, et si on ne considère que ce point-là, on peut presque dire que c’est réussi. Mais je dois avouer que je me suis ennuyée. Au-delà du thème par forcément facile, j’ai senti que la plume de Mazetti s’était assagie, voire affaiblie. Il n’en reste que des vestiges dans ce roman et c’est assez déplaisant.

Bref, un avis très partagé et mitigé pour Mon doudou divin : par moment, il y a quelques traits de génie, de bonnes idées, des phrases bien tournées, mais le reste du temps, on trouve ce stage à la Béatitude un peu long et sans surprise. A vous de vous faire votre propre opinion à présent.

Katarina Mazetti, Mon doudou divin, traduction du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus, aux éditions Babel (1178), 7€70.

Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier

Le Grand Meaulnes, petit monument de la littérature française, a été lu par des générations de Français. Son auteur, Alain-Fournier, est mort 10 mois seulement après la publication de cet unique roman sur le front de Lorraine lors des premières semaines de la Grande Guerre. Il a raté de quelques voix le prix Goncourt en 1913 ce qui ne l’a pas empêché de connaître succès et critiques élogieuses.

On dit souvent que pour comprendre cette oeuvre, il faut la lire deux fois : une fois enfant pour être un temps le camarade de jeu d’Augustin, et une fois adulte pour comprendre ce personnage en quête d’un destin, d’un avenir, d’un but à atteindre. Le Grand Meaulnes, c’est avant tout Augustin Meaulnes, 17 ans, qui vient poursuivre ses études en Sologne dans la classe de M. Seurel. Hébergé par la famille du maître, il devient rapidement ami avec François Seurel, 15 ans au début du roman, narrateur de « l’après-coup ». Très vite, son caractère fort et leader le fera surnommé par ses autres camarades « le grand Meaulnes ». Peu avant Noël, il échoue par hasard dans un domaine à demi ruiné où se déroule une nuit à la fois folle et étrange. De tous côtés surgissent des clowns, des enfants, des cris et c’est à travers ce brouhaha qu’il rencontre Yvonne de Galais, soeur de Frantz de Galais qui fête ici ses fiançailles. Il tombe immédiatement amoureux et de ce château et de cette demoiselle.

La suite du roman n’est qu’une quête fiévreuse et brouillonne de ces deux éléments ponctuée de voyages, de rencontres, de jeux de cour d’école et d’espoir. A la fois attachant et égoïste, Augustin nous entraîne avec lui sur les routes, dans les grandes villes ou dans la boue. Enfant volontaire, jeune homme inspiré, notre coeur balance, ne sachant que choisir entre la responsabilité, l’ambivalence et même la déprimante histoire d’un adulte ou la foi aveugle, la hargne et l’inconscience d’un écolier. L’écriture coule de source, tellement naturelle et évidente qu’elle se fait oublire et c’est une expérience de vie que le lecteur trouve dans ces pages. A la fois, poétique mais tellement vrai, les aventures du grand Meaulnes, bien que parfois hors du réel, nous renvoient avec force à notre propre vécu, notre propre ressenti de ce passage parfois douloureux de l’adolescence à l’âge adulte et à la transformation ou la continuité de nos rêves d’hier, de nos envies d’autrefois.

Lecture de loisir ou recherche d’une part perdu de soi, La Grand Meaulnes tient son rôle d’oeuvre majeure de la littérature française. Roman initiatique, la moindre parcelle de sentiment déployée et décrite dans ces lignes est encore aujourd’hui complètement d’actualité et universelle à tous les hommes. C’est un roman bien vivant et véritable que nous a livré aussi Alain-Fournier.