Et tu trouveras le trésor qui dort en toi, de Laurent Gounelle

J’ai enfin lu mon premier Laurent Gounelle, Et tu trouveras le trésor qui dort en toi et je crois que je peux officiellement avancer que les romans feel-good sur fond de développement personnel, ce n’est vraiment pas mon truc. Je les trouve trop niais, ils manquent de profondeur, l’intrigue est vue mille fois, les personnages sont tellement génériques qu’ils n’en sont pas attachants du tout, et l’histoire semble assez artificielle. Ça ne veut pas dire que ce ne sont pas des bons romans – souvent l’écriture en soi, l’art des dialogues, le rythme, je n’ai rien à y redire – mais ils ne sont pas au niveau des milliers d’autres que je rêve de lire.

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Alice est une reine de marketing, son travail est très important pour elle. Elle est aussi très portée sur le développement personnel moderne, temple de l’égocentrisme si on y prête attention deux secondes, où tout est tourné vers soi (gagner de la confiance en soi, trouver ses blocages, croire en ses capacités, se surpasser avec des compétences insoupçonnées, rayonner, et blablabla) et non plus vers l’autre (ou alors, c’est pour utiliser l’autre, le convaincre…) Pardon, je m’égare, je suis très subjective ! Alice donc. Elle souhaite venir en aide à son ami d’enfance, prêtre à Cluny, qui désespère de voir son église si vide. Après quelques tentatives purement marketing, Alice va partir à la découverte des paroles de Jésus, mais aussi du taoïsme et autres religions orientales pour tenter de comprendre ce qui pourrait réellement aider son ami. Cette jeune femme ne manque pas de motivation, testant elle-même ces trouvailles. Elle en est si parfaite qu’elle devient à la fois surréaliste et agaçante – en effet, je n’ai pas du tout aimé ce personnage principal.

clunyC’est très limite si vous êtes vraiment croyant, vous risquez d’être froissé à la lecture de ce roman. Ceci dit, ce livre ne manque pas du tout de bonnes idées du côté de développement personnel. Bon, rien d’extraordinaire, mais Laurent Gounelle nous fait passer le message d’une bien belle façon et il est vrai que c’est mieux entendable sous cette forme, plutôt que dans un essai. De plus, j’ai beaucoup aimé l’arrière-plan de ce livre : tous les décors, toutes les situations. Le rythme et l’écriture, en effet, sont bons. Ça se lit vite, même s’il y a quelques longueurs au cours de dialogues peu vraisemblables sur les religions.

Une lecture réellement en demi-teinte qui, à titre personnel, ne me convient pas vraiment. Ceci dit, c’est de la bonne littérature et je ne doute pas une seconde que de nombreux lecteurs trouveront leur compte avec ce roman !

Laurent Gounelle, Et tu trouveras le trésor qui dort en toi, aux éditions Le Livre de Poche, 7€40.

Japon, miscellanées, de Chantal Deltenre et Maximilien Dauber

Vous le savez déjà si vous traînez sur mon blog de temps en temps : j’aime beaucoup le Japon. Et je suis toujours curieuse d’en savoir plus sur ce pays. Par hasard, j’ai trouvé un livre très intéressant sur le sujet : Japon, miscellanées de Chantal Deltenre et Maximilien Dauber.

Les miscellanées, c’est pratiquement un genre littéraire en soi : il s’agit d’un mélange, d’un recueil de textes divers. Ici donc, on parle du Japon. De très nombreux aspects sont abordés : l’histoire, les légendes, les arts, les habitudes et les coutumes, quelques expressions et mots de japonais, des rituels, des informations sur les religions dominantes, les fêtes, les valeurs importantes, les règles de politesse, des données géographiques, etc. Vous saurez tout sur le nô, les quartiers de Tokyo, les différentes ères japonaises, la fête des poupées, les fantômes nippons…

098656d91cee2f365bcdc95c5ae85bd2C’est un livre assez épais, mais il ne faut surtout pas que cela vous effraie. J’ai mis beaucoup de temps à le lire, et j’ai fait le choix de le découvrir de la première à la dernière page, dans l’ordre. Mais ces miscellanées n’ont pas d’ordre précis, au contraire ! On dirait que tout est fait pour que deux sujets s’enchaînent le plus aléatoirement possible. Et c’est très agréable. Ce livre se prête tout à fait au picorage, au grignotage. Un peu de page 46 au petit-déjeuner, puis quelques autres chapitres en fin de journée avant de s’enquiller les dix dernières pages avant de s’endormir, comme ça, au hasard. Si un sujet vous ennuie, vous n’avez qu’à passer au suivant, sans regret. Il est vrai que certains thèmes reviennent très souvent, par exemple le théâtre traditionnel ou les religions ; personnellement, ça m’a lassée au bout d’un moment. J’aurais aimé en savoir plus sur nos différences culturelles actuelles ou sur le monde du travail, le respect des aînés par exemple. Heureusement, j’ai adoré tout le reste et j’ai appris énormément de choses. Qu’est-ce qu’un shogun ? Comment sont célébrer les mariages ? Qu’en est-il vraiment des yakuzas ?

957c00e5e3f798ed92911cdd7791009fVous allez découvrir tellement de choses intéressantes, ça ne fait aucun doute ! Les auteurs ont eu l’excellente idée d’émailler ce livre avec des extraits d’œuvres littéraires fondatrices du Japon, dont – bien sûr – les fameux haïkus. L’édition est soignée, et je n’ai rien eu à redire quant à l’écriture. Ce livre m’a tellement fait rêver que j’ai enchaîné avec quelques films du studios Ghibli pour faire durer cette lecture. Sans hésitation, je vous conseille donc ce livre atypique, agréable.

Chantal Deltenre et Maximilien Dauber, Japon, miscellanées, aux éditions Nevigata, republié chez Pocket, 6€95.

Le Royaume, d’Emmanuel Carrère

51uirlrlmtl-_sx195_Emmanuel Carrère est un nom qui traîne dans ma wishlist depuis pas mal de temps. J’en entends du bien, du mal, beaucoup d’avis très différents, partagés sur cet auteur et ses œuvres. Bref, tout ce qu’il faut pour aiguiser ma curiosité. J’ai donc sauté sur l’occasion d’avoir du temps devant moi pour découvrir un de ses livres qui me faisait de l’œil – et non, il ne s’agit même pas de Limonov –, Le Royaume.

Qu’il est compliqué de résumer cette briquette de plus de 600 pages. Autobiographie, enquête sur les premiers Chrétiens, récit et fiction historique. Oui, oui, vous avez bien lu, ça parle de religion (et je lis ça par le plus grand des hasards à la période de Noël!). Mais ne fuyez pas ! C’est un livre fleuve très spécial, unique en son genre, qui cache d’immenses trésors.

Pendant trois ans, l’auteur a été chrétien. Vraiment chrétien. Il allait à la messe, il étudiait les Évangiles, il a fait baptiser ses enfants, bref il était ce qu’on appelle un croyant. Ce livre, il l’écrit en tant qu’agnostique. Il revient sur cette période étrange de sa vie qui s’est déroulé il y a déjà vingt ans de cela. Entre temps, il a vécu, il a écrit. Mais c’est avec une sorte de fascination et d’envie de comprendre qu’il reparcoure les Évangiles. Le Nouveau Testament, il le voit aujourd’hui avec un œil d’enquêteur, d’historien, de romancier, d’homme tout simplement. Qui était Paul ? Quel a été son parcours ? Et Luc ? Est-ce bien lui qui a écrit telle ou telle page qu’on relit encore dans nos églises ?

Emmanuel Carrère nous fait revenir dans le passé, à Rome, à Athènes, en Macédoine, à Jérusalem… Les écrivains officiels du Nouveau Testatement ont voyagé, ont rencontré des fidèles, ont dirigé des églises, ont eu des tensions entre eux. Comment sommes-nous partis de la religion juive pour donner naissance aux premières étincelles de vie de la chrétienté avec Jésus en son centre ? Et que dire de l’eucharistie ? Que dire de la Vierge Marie ? Que dire de la résurrection ?

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Toutes ces interrogations, Emmanuel Carrère les a eut. Et bien avant lui, ceux qu’on appelle aujourd’hui les apôtres les ont eu également. Ce livre nous permet de revivre ces moments charnières.

Alors oui il y a des suppositions, des interprétations. Oui, il y a sûrement aussi des inventions, de l’imagination. Mais l’auteur ne cache rien de tout cela. Ce n’est pas un documentaire historique, soyons clair là-dessus. C’est une proposition, une invitation pour suivre une partie de la vie des premiers Chrétiens. Et c’est fait avec beaucoup de talent, d’ingéniosité. L’auteur ne nous quitte jamais, c’est à travers lui, à travers ses mots et sa vie que l’on fait ce voyage. Et ce lien que l’on tisse avec lui, quand il nous parle de cette maison achetée en Grèce, des vacances avec son meilleur ami, ce lien nous rapproche et fait qu’on le suit avec confiance dans l’histoire qu’il nous raconte. Comme lui, on doute, on enquête, on échafaude des théories. Il partage avec nous ses avis, ses convictions, mais jamais ne nous les impose. A part de rarissimes lignes, je pense que personne ne sera froissé à la lecture de ce roman, et ça c’est une prouesse.

L’auteur est très honnête avec nous, il nous livre des pans de son intimité, il est aussi critique envers lui-même… tout en restant lui-même. A la fin du Royaume, je ne savais pas qui de lui ou de moi avait vraiment besoin de ce livre, je ne savais pas à qui cette œuvre fut la plus profitable. Car j’ai abordé également ce livre de façon très personnelle, avec mes croyances, mes opinions, ma curiosité. Et même s’il s’agit là d’un vrai pavé dont la lecture a duré des jours et des jours, je ne me suis jamais ennuyée, j’ai beaucoup apprécié cet ouvrage. Replonger dans le premier siècle sur des territoires inconnus, apprendre les dissensions entre juifs et premiers chrétiens, faire la rencontre de Paul et de Luc, espionner Emmanuel Carrère quand il étudiait la Bible. Tout m’a plu, tout m’a intéressé.

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Alors oui, il est certain que Le Royaume n’est pas une lecture qui plaira à tout le monde. Il est certain que ce n’est pas non plus une lecture à mettre entre toutes les mains. Mais je vous invite sincèrement à pousser les portes de ce livre juste, sans prosélytisme, généreux et sincère. Une belle découverte, une écriture passionnante.

Emmanuel Carrère, Le Royaume, aux éditions folio, 8€70.

Du Domaine des Murmures, de Carole Martinez

J’ai eu l’occasion de rencontrer Carole Martinez lors de la remise du Prix du Jeune Écrivain, puisque je bosse dans l’association de ce concours littéraire. C’est une femme pleine de vie, souriante, passionnée, douce et gentille, vraiment une auteure adorable. Alors, vous imaginez bien que je ne pouvais pas rester les bras ballants, j’ai lu un de ces livres, peut-être le plus célèbre, Du domaine des Murmures.

Nous sommes en 1187. Une jeune fille, Esclarmonde, doit se marier avec un un homme volage et insouciant, un homme qu’elle n’aime pas, qu’elle ne connaît pas. C’est une époque où on ne peut pas dire non, on ne peut pas refuser un mariage quand c’est son seigneur de père qui l’organise. Alors, devant l’autel, Esclarmonde prend un chemin détourné. Au lieu de dire « non », elle refuse de dire « oui » et demande à être emprisonnée entre quatre murs, porte scellée, au nom de celui qu’elle aime : Dieu. Elle veut offrir sa liberté et sa vie à son Seigneur.

Il faut de la force à cet âge pour faire un tel sacrifice, un tel don de soi. Mais ce que la jeune fille ne sait pas, c’est qu’elle emmène dans sa tombe, avec elle en réclusion, des espoirs et des paroles, des événements qui vont bouleverser sa vie et remettre en question sa décision. Elle ignore encore quelle influence elle va avoir, si attentive et de bon conseil qu’elle est : elle attire les foules, les pèlerins viennent la visiter pour quémander avis et prières, les gens changent selon elle. Sa parole et sa présence se feront entendre et sentir jusqu’en Terre Sainte où les croisades emmènent certains de ses proches.

Je ne peux pas tout vous dire, mais sachez que ce roman est  vraiment prenant. J’aurais pensé que traiter d’une femme enfermée et bigote allait être ennuyé (oui, j’avais un avis assez tranché…) mais j’ai radicalement changé de point de vue. On se passionne pour la vie de cette femme dont le destin bascule, d’abord avec sa pénitence, puis avec d’autres murmures qui viendront rompre la solitude de sa tombe. Pendant cette lecture, j’ai admiré cette femme qui est en réalité terriblement humaine, avec ses doutes, ses douleurs, ses émotions, son empathie… J’ai compris son choix de vivre recluse, et j’ai compris ses choix suivants même si je suis restée muette devant ce courage, cette patience, cette abnégation. Je regrette peut-être juste quelques longs passages qui se déroulent en Terre Sainte où elle arrive à voyager dans un sens… Je me suis sentie trop éloignée d’Esclarmonde à ces moments-là alors que toute mon attention était concentrée sur elle.

Ce roman, c’est avant tout une héroïne atypique dans un décor très bien planté. Quant à l’écriture, elle sert le sujet avec brio. Un brin désuet, descriptif sans excès, elle arrive à faire ressortir de la poésie des sentiments de la jeune femme. Il est vrai qu’il faut s’y plonger, et les premières pages ont été pour moi difficile, mais au fur et à mesure, on s’approprie ce style et cette histoire. Une véritable plongée romanesque que je vous conseille vraiment !

Carole Martinez, Du domaine des Murmures, Folio (5552), 6€80.

Mon doudou divin, de Katarina Mazetti

Je crois bien que je dois avoir dans ma bibliothèque toute la bibliographie complète de Katarina Mazetti : tous ses romans, sensibles et passionnants, m’ont ravi. Alors quand j’ai vu que Mon doudou divin venait de sortir en poche, je n’ai pas trop hésité.

Mais il faut dire que celui-ci sort de l’ordinaire et dénote dans la lignée des Mazetti. Certes, c’est toujours l’être humain qui est au centre, mais de façon détournée. Ce roman aborde le sujet des croyances et de la religion, un livre spirituel plutôt audacieux.

 Mon doudou divin

Wera est une journaliste qui recherche activement un sujet fort pour un prochain article. Un jour, elle tombe sur une annonce qui propose de partir à la recherche de son Dieu, de sa foi lors d’un stage. Ni une, ni deux, elle s’inscrit et se retrouve quelques jours plus tard dans un ancien repère scout renommé la Béatitude pour l’occasion. Armée de cynisme, Wera fera la rencontre de six autres stagiaires, un peu bizarres pour certains, mais pas forcément plus fous qu’elle. Tous ont déjà leur petite idée d’une spiritualité nouvelle qu’ils pourraient appliquer à leur propre vie et la partagent chaque soir lors de « prêches ».

En plus de récit de Wera plein de dérision, on suit en parallèle l’histoire de Madeleine, une des nouvelles recrues : on peut alors percevoir cette situation d’un autre point de vue, celui d’une personne pour qui ces quelques jours sont une porte de sortie, une issue de secours.

On oscille entre sourire moqueur, pitié ridicule ou au contraire vraies émotions. Les sentiments du lecteur sont aussi divers que la myriade de personnalités très différentes qui peuplent la Béatitude. J’ai parfois eu l’impression que Mazetti en faisait trop sans que ce ne soit drôle pour autant. Il y a également certaines longueurs et des éléments intéressants qui ont été avortés.

Katarina Mazetti

C’est vrai, c’est ambitieux d’écrire quelque chose sur la spiritualité dans un roman, et si on ne considère que ce point-là, on peut presque dire que c’est réussi. Mais je dois avouer que je me suis ennuyée. Au-delà du thème par forcément facile, j’ai senti que la plume de Mazetti s’était assagie, voire affaiblie. Il n’en reste que des vestiges dans ce roman et c’est assez déplaisant.

Bref, un avis très partagé et mitigé pour Mon doudou divin : par moment, il y a quelques traits de génie, de bonnes idées, des phrases bien tournées, mais le reste du temps, on trouve ce stage à la Béatitude un peu long et sans surprise. A vous de vous faire votre propre opinion à présent.

Katarina Mazetti, Mon doudou divin, traduction du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus, aux éditions Babel (1178), 7€70.

La nonne et le brigand, de Frédérique Deghelt

La nonne et le brigand : ce titre, ce n’est que la moitié de l’iceberg de ce roman de Frédérique Deghelt. J’en ai entendu que du bien et cela par le biais du meilleur média possible : sur Twitter, que de commentaires élogieux à son sujet, je ne pouvais donc pas passer à côté de ça !

 La nonne et le brigand

J’ai choisi de le lire dans sa première édition chez Actes Sud, dans le collection « un endroit où aller », et non en poche, car j’adore ce format tout en hauteur : ne me demandez pas pourquoi, mais j’ai alors l’impression que le livre est alors un petit bijoux. Puis je n’ai jamais été déçue par les auteurs publiés dans cette collection, donc c’est forcément bon signe.

Je vous avertis, mon jugement ici n’est pas forcément très neutre : je côtoie parfois l’auteure sur Twitter, et ce ne sont que de bons moments, de plus les messages la félicitant pour son roman ne vont pas dans le sens de l’objectivité. Toutefois, j’essaierais d’être la plus honnête possible, c’est une de mes missions pour ces petites chroniques littéraires.

La nonne et le brigand, c’est l’histoire de Lysange, mère de deux grands enfants, épouse pas vraiment fidèle mais qui a besoin de ses aventures pour mener une vie un peu près équilibrée. Sauf qu’un jour, elle rencontre un homme qui va tout faire chavirer, les choses vont aller plus loin qu’une relation de corps. Son âme est embrasé, son esprit embrumé par les ondes de bonheur, de jouissance que lui procurent ces moments passés avec ce journaliste de guerre : elle aime, ou plutôt elle est victime de la passion. C’est une expérience nouvelle pour elle, qu’elle peine à maîtriser.

Démographe, elle reçoit un jour une lettre : Tomas, un retraité qui va bientôt partir au Brésil, veut lui confier sa maison au cap Ferret. Elle ne le connaît ni d’Eve ni d’Adam, visiblement il s’agit d’un de ses lecteurs, qui s’intéresse à ses recherches. Sans vraiment savoir pourquoi, et sans se renseigner au préalable, elle y va. Elle tombe très vite amoureuse de cette cabane entre fleuve et océan, et la compagnie de Tomas lui est agréable. Mais sa plus grande découverte, c’est celle d’un carnet, un journal intime tenu par une jeune nonne alors que celle-ci par en mission au Brésil, à Guajará-Mirim.

Après un changement de dernière minute, sœur Madeleine se retrouve seule pour traverser l’Amazonie et s’enfoncer au cœur de ce continent qu’elle découvre pour la première fois. Heureusement elle est accompagnée par un homme blanc qui connaît par cœur les combines et les dangers de ce territoire, qui a l’habitude des us et coutumes brésiliennes. Il s’appelle Angel, mais pour la nonne, ce nom ne lui convient pas du tout : un peu arrogant, voire violent verbalement, il manque de savoir-vivre et de politesse. Pourtant au fil des semaines et des risques encourus, il a pu montrer à quelques rares occasions son bon fonds, ses qualités discrètes et peu à peu, sœur Madeleine découvre que l’amour du Seigneur ne l’a met pas à l’abri de l’affection humaine. Ce sentiment qu’elle ne peut réprimer la tourmente car, parallèlement, elle ne doute pas de son engagement au service de Dieu. Elle ignore ce qui l’attend et ne préfère pas se l’imaginer.

La nonne et le brigand m’a donné à lire les plus belles pages sur l’amour de toute la littérature française. Peut-être un peu trop pour une lectrice comme moi qui manque de douceur, qui aime bien un peu d’action. Mais je pense aussi que ce sentiment est du à ma répulsion pour l’inertie de Lysange qui « subit » presque cet amour qui la ronge. Je ne supporte pas les gens qui se laissent emporter si loin (… je crois que je manque de tolérance?!).

C’est un roman psychologique, émotif, mais surtout extrêmement bien écrit, bien travaillé, avec des images qui rappellent sans cesse la comparaison entre ces deux femmes prises dans les « lianes » de l’amour. A quelques décennies d’intervalle  le même schéma se répète : on pourrait le trouver destructeur, ou au contraire porteur d’un nouvel espoir, dans tous les cas il est synonyme d’agitation, d’impatience voire d’angoisse.

Le récit est bien structuré selon moi, les liens entre le journal intime et la narration de Lysange n’ont pas un aspect artificiel. La narration justement parlons-en : encore un élément d’originalité bien que discret si on n’y porte pas attention. Le récit passionnant de sœur Madeleine au Brésil est bien sûr à la première personne puisqu’il s’agit d’un carnet personnel où elle-même s’adresse à Dieu ; pour nous raconter la vie de Lysange, ses actions, c’est une narration à la troisième personne qui est utilisée. Mais il y a une entorse à la règle, car de façon très judicieuse, Frédérique Deghelt a choisi de donner la parole directement à cette femme (« je ») quand elle évoque cette passion surpuissante : rien de mieux pour nous faire éprouver au plus profond de nous-mêmes les affres de l’amour qu’elle peut endurer. De plus, les dialogues sont les plus souvent mêlés subtilement au corps de texte, un changement par rapport à d’autres romans plus « classiques » mais très agréable.

Malgré la force, voire la gravité des sentiments évoqués dans ce roman, il a été pour moi comme un vent de fraîcheur dans ma bibliothèque. Le style de l’auteur, ses procédés narratifs sont vraiment particuliers sans être tordus ou inutiles. C’est vrai qu’il y a un peu trop de pages sur l’amour pour moi (je frôle vite l’overdose, mais c’est une de mes caractéristiques) mais l’histoire de cette jeune religieuse en mission au Brésil et sa découverte du sentiment amoureux m’ont vraiment passionnée. L’amour de Lysange en parallèle apporte un éclairage agréable et une comparaison savoureuse. Bref, un bon moment de lecture intense et toute en grâce : ça tombe bien, le livre vient juste de sortir en poche pour les étudiants qui comme moi ont peu de deniers dans leur besace.

Frédérique Deghelt, La nonne et le brigand, aux éditions Actes Sud, 23€20 OU aux éditions Actes Sud, poche Babel (1155), 9€00.

Salut Marie, d’Antoine Sénanque

« La Vierge m’est apparue le 1er avril 2008. La date était mal choisie. Je sais qu’humour et spiritualité sont pas toujours antagonistes mais sincèrement, j’aurais préféré le 31 mars.
Comme prévu, mes proches ont reçu la nouvelle comme un canular. Mon frère m’a précisé qu’il déjeunait le jour même avec sainte Thérèse. La conversation a tourné court.
Je l’ai vue. C’est vrai. »

On commence le récit in medias res. Tout de suite, on est mis face à ce fait : la Vierge, l’Immaculée Conception, la Mère de Jésus est apparue à Pierre ce jour d’avril 2008. Et ça ne pouvait pas tomber vraiment plus mal. Pierre pense que la femme sainte a parié sur le mauvais cheval. Veuf, la cinquantaine, vétérinaire, il est tout sauf spirituel. La raison, non, le rationalisme incarné. Evidemment, quand ces proches comprirent que ce n’était pas une simple farce, ils ont réagi : son frère l’a forcé à pratiquer des examens médicaux, à passer une IRM, sa famille l’a poussé à aller voire un psychiatre, ses amis lui ont conseillé de pousser la porte de l’Eglise pour éclaircir ses idées. Des solutions que Pierre va toutes tester car, quand même, il sait que c’est vraiment la Vierge qu’il a vu. Pas une hallucination mais bien une vision, une visitation. La grande question est « pourquoi ? ». Notre héros va essayer de comprendre pour quelles raisons c’est dans sa vie à lui qu’elle a débarqué. Surtout qu’elle n’avait aucune demande, elle n’a fait aucun geste. Non, elle est juste apparu.
Cette rencontre surprise va faire surgir en Pierre des tas de questions, pratiques, théologiques, spirituelles. Alors qu’il souhaite en vain que sa vie redevienne comme avant, clore cette aventure, il ne perçoit pas encore que cette visite aura bien eu quelque effet positif. Qu’il le veuille ou non, la vie de notre vétérinaire va changer.
Antoine Sénanque dans son livre Salut Marie (il était quand même temps de vous donner le titre !) évoque bien sûr la question de la religion mais c’est surtout la foi, la croyance en quelque chose de bénéfique et supérieur qui est le thème central du livre. La Vierge aurait aussi bien pu être Bouddha ou Mahomet, ça aurait été la même chose. Tout le livre tend vers une question finale, la question que cherchait Pierre et auquel il trouvera enfin une réponse. La question que toute religion, superstition, croyance pose.
Mais au-delà de ce thème trop sérieux, c’est l’écriture d’Antoine Sénanque qui tout de suite ressort de ce roman : une plume acérée qui ne manque ni de mordant ni d’ironie. Les personnages qu’il a choisi de nous exposer sont des êtres atypiques qui affrontent tous la vie d’une manière différente. On rentre dans ce petit cercle fermé que forme Pierre, sa famille et ses amis proches pour en toucher du doigt les relations parfois complexes qu’ils entretiennent entre eux, sans jamais se départir d’une pointe d’humour.
Salut Marie fait partie de la sélection pour le Prix Femina et on comprend pourquoi. Après avoir découvert cet auteur avec Blouse publié en 2004, Antoine Sénanque continue de nous réjouir de son écriture si fine et si jouissive pour nous offrir encore une fois un livre d’une redoutable efficacité, que vous pouvez retrouver chez Grasset.

La Malédiction des Templiers, de Raymond Khoury

Aujourd’hui, je vais aborder avec vous un genre que je n’ai pas encore exploré sur le blog : le thriller ou roman d’action sur fond de trame relico-historique. Oui, oui, du genre du Da Vinci Code ; c’est d’ailleurs ce roman qui a ouvert les portes du temple de la consommation à cette littérature.
Le livre en question a été écrit par un auteur très connu dans ce genre, Raymond Khoury. La Malédiction des Templiers est en fait le deuxième opus où on peut retrouver Tess Chaykin, l’archéologue devenue romancière et Sein Reilly, l’agent du FBI. Le couple est en effet d’abord apparu dans Le Dernier Templier. Comme nous le laisse présager ces titres, oui, nous allons plonger au coeur de l’ordre des Chevaliers de la Croix, de leur relation tendue avec l’Eglise qui, nécessairement, nous cache des choses. Des choses pouvant bouleverser l’ordre du monde, ou au moins la foi de millions de personnes. On ne change pas une recette qui fonctionne, cela fait des dizaines d’années que l’ésotérisme et les rumeurs de complot autour des Templiers font fureur. Heureusement, ici l’auteur ne se targue pas d’avoir fait des recherches approfondies au point de nous faire croire que même la fiction présentée dans ce livre est réelle (oui, Dan Brown, c’est à toi que je pense). Non, un roman reste un roman.
Déjà, je vous rassure, il n’est pas obligatoire d’avoir lu le premier livre où apparaissent nos héros pour profiter de La Malédiction des Templiers. Certes, les deux histoires traitent de ces chevaliers hors du commun, à la fin du roman, on apprend même que les deux enquêtes sont liées. Des références légères sont faites à propos du premier opus mais cela ne gêne en rien la lecture, vous pourrez profiter de ce roman à votre aise.
Bon, vous l’aurez compris, quand je ne saute pas à plafond dès les premières lignes du billet, c’est que ce livre ne rejoindra pas mon panthéon personnel des oeuvres littéraires dignes de ce nom. Mais cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’un mauvais livre, ce serait bien trop prétentieux de ma part. Au contraire, je pense qu’il peut permettre à pas mal d’entre vous de passer un bon moment de lecture, un moment de loisir comme on va voir un bon gros blockbuster américain au ciné.
Il faut avant tout que je vous éclaire sur la construction de ce livre. En effet, différents points de vue historique s’alternent, se complètant : d’un côté, l’enquête palpitante de Sean et Tess, de l’autre la réalité des faits qui se sont déroulés il y a plusieurs centaines voire plusieurs milliers d’année. C’est assez particulier, on est parfois frustré de changer d’époque mais on se rend vite compte que cette méthode sert l’intrigue de façon ingénieuse. Puis, les chapitres mettant en scène les Templiers sont admirablement bien écrits.
Je vais peut-être vous résumer le livre quand même ? Tout commence avec notre cher agent Reilly qui vole un ancien manuscrit très précieux au sein même des Archives secrètes du Vatican. Non, il n’est pas devenu un malfrat mais il fait ça sous la pression : en effet, Tess a été enlevée. Heureusement, dans des circonstances explosives, il la retrouve et découvre que toute cette histoire a commencé avec la découverte d’un parchemin. Apparemment, un trésor du Diable, mettant en grand péril l’Eglise, a été caché par des Templiers. Pensant que c’est là le meilleur moyen de bouleverser les ennemis de son pays, un Iranien s’est fait un devoir de le retrouver. Et pour cela il n’hésite pas à tuer, semant des cadavres le long de sa route. Une enquête palpitante va mener le couple en Europe et en Orient, à travers des sites et des paysages somptueux, rougis par le sang versé.
Difficile de donner un bon avant-goût de cet ouvrage sans vous spoiler. J’en suis tenu à survoler rapidement une narration pourtant bien ficelée. Ce livre est clairement un roman d’action, partout des bagarres, avec blessures mortelles, côtes fêlées et gémissements. C’est par moment assez répétitif voire carrément ennuyeux. Si vous n’avez jamais aimé les films de combat, fuyez cet ouvrage, sinon vous pouvez en profiter ! Il y a peu de ces moments d’émulation et de découverte qui font la jouissance de ces enquêtes sur fond religieux. J’ai d’ailleurs trouvé que la dernière étape avant d’accéder à la découverte finale a vraiment été trop facile pour nos deux héros, tellement qu’elle en est surprenante. Côté profondeur des personnages et psychologie ne cherchez pas, vous ne trouverez pas grand chose. Il y a bien une ébauche dans la relation de couple Tess-Chaykin mais c’est faible et niais. Le costaud et la colombe, on a vu plus palpitant comme amour.
Le point fort de roman est de nous faire voyager. Entre les époques, entre les continents. De ça, on ne se lasse jamais et on aime se faire surprendre. Après lecture, vous en saurez en tout cas beaucoup plus sur les Templiers, même s’il ne faut bien sûr pas tout prendre au pied de la lettre : ça reste une fiction.
La Malédiction des Templiers reste un bon choix pour une lecture de vacances, une lecture de farniente. En novembre 2011, est même paru le troisième opus rassemblant Sean Reilly et Tess Chaykin qui plongent cette fois dans les mystères des vies antérieures et de la réincarnation : L’Elixir du Diable.