Le Grand Galop, de Marie-Noëlle Gagnon

Les beaux jours riment toujours pour moi avec romans francophones, et notamment québécois. Pourquoi ? Parce que je fais partie des lecteurs du comité de lecture français du Prix des Cinq Continents de la Francophonie. C’est donc tout naturellement qu’encore une fois cet été un roman d’outre-atlantique vient nous rendre visite sur le blog. Il s’agit du deuxième livre de Marie-Noëlle Gagnon, Le Grand Galop.

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Notre héroïne nous promène dans sa vie. Sa vie rêvée, sa vie espérée, sa vie réelle, comme une succession de mondes parallèles où l’on pourrait voir différentes versions d’elle-même. Tout se coud autour de Louis, celui qui aurait du être l’homme de sa vie mais qui est parti. Évoquer les souvenirs, convoquer les désirs d’enfants, fouiller dans l’avenir, chercher des réponses, dépiauter les moments forts, le comportement des autres, le sien, ce qu’on aurait du faire, ce qu’on n’aurait pas du faire… Voilà à quoi s’échine notre héroïne. Elle aurait aimé être funambule. Elle aurait aimé avoir une fille qui s’appellerait Anne. La vie en décide parfois autrement.

Etendue sur mon lit, je songe à tous ces rêves qui me soulèvent et qui parfois me laissent ensuite tomber dans le ciel, tomber jusqu’au sol et ça fait mal. Je me demande s’il faudrait que j’apprenne à rêver autrement, que je contrôle mes rêves comme des ballons gonflés à l’hélium dont je tiendrais solidement les ficelles, mais en même temps à quoi ça sert des ballons gonflés à l’hélium si jamais aucun d’eux ne s’échappe ? Ce sont toujours ceux-là les plus jolis, il me semble, ceux qui s’envolent même si on ne voulait pas qu’ils le fassent, même si on sait qu’on les a perdus, qu’ils vont éclater quelque part au loin et que ça fera de la pollution. Ce sont les seuls que l’on contemple longtemps lorsqu’ils montent dans le ciel et s’éloignent doucement.

La construction de ce roman est vraiment très originale. Il y a des scènes successives avec un fil rouge qui se dégage, mais des passages sont repris, retransformés. Différentes façons ou manières dont les choses se sont déroulées. Au bout du compte, une version est retenue (souvent pas la plus réjouissante) et l’histoire continue. On se laisse parfois berner : on croit qu’on tient le bon fil, alors qu’en réalité l’histoire se déroule sur un autre.

On vogue entre passé, présent et avenir, désir, rêve et réalité. Et pourtant, on n’est jamais perdu, on arrive à suivre sans réelle difficulté où notre personnage nous mène. La narration est surprenante et menée avec brio. Toutefois, je me suis assez vite lassée de ce système et plus globalement de l’histoire qui n’est pas vraiment réjouissante. Elle déprime vite et l’abondance des sentiments de l’héroïne commence à nous la rendre insupportable au bout de quelques dizaines de pages – en tout cas, pour ma part. J’ai du faire une pause dans ma lecture pour la finir et j’ai traîné ce livre pendant plusieurs semaines.

En résumé, je dirais que ce n’est pas la trouvaille du siècle, qu’il y a un vrai retravail à faire sur le rythme et le traitement du personnage. Mais le mode de narration et sa maîtrise montrent un réel potentiel. A vous de vous faire votre propre avis à présent !

Marie-Noëlle Gagnon, Le Grand Galop, aux éditions Québec Amérique, 19$95.

Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon, de Masayo Kokonoke

Que diriez-vous d’une petite balade onirique au Japon ? C’est ce que je vous propose avec ce petit recueil de nouvelles, de brèves de vie : Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon de Masayo Kokonoke.

Une centaine de pages dans l’univers nippon. La ville, le ryokan, le restaurant japonais, les haïkus, ce sont des marques de fabriques du Japon, mais ce qui est la plus grande particularité de cette île, c’est cette ambiance, cet esprit de douceur et de bienveillance. Parfois la magie rentre un peu dans nos vies, le charme d’un instant, d’un endroit. J’aurais bien du mal à évoquer ces petites nouvelles : en leur cœur, il y a des personnages qui découvre la vie, ou la savoure déjà, des personnages qui pensent aux autres et qui savent aimer. Il y a aussi quelque chose de fantastique, d’inexplicable qui met du baume au cœur. On se sent bien après avoir lu ces petites histoires qui sentent bon les fleurs de cerisier et le thé chaud. Ici, les saumons parlent, là, la nature prend vie. Dans une des nouvelles, on trouve le bonheur allongé dans l’herbe, près d’une rivière, en silence ; dans une autre, c’est un petit bonjour quotidien qui crée les plus grandes mais éphémères amitiés.

L’écriture de Masayo Kokonoke est douce et poétique. Elle parvient sans peine à nous immerger dans un autre univers en quelques lignes. Elle change de mode de narration comme de chemise mais toujours avec brio, ce qui a pour effet de renouveler toujours la vision que l’on a de ses récits. Il faut se laisser porter par ses mots pour visiter les coins reculés du Japon, les bateaux de pêcheurs, les appartements calfeutrés.

Un joli voyage, un pélerinage et une lecture où on se laisse bercer par la douceur millénaire et japonaise.

Masayo Kokonoke, Histoires jamais entendues dans un sushi bar au Japon, aux éditions Le Lamantin migrateur, 7€50.