L’Elite, de Kiera Cass

J’ai dévoré avec grand plaisir le deuxième tome de la saga La Sélection de Kiera Cass. Dans L’Elite, America fait partie des six dernières prétendantes au palais : la compétition est rude pour séduire le prince Maxon. America est perdue : elle éprouve des sentiments pour ce dernier – et elle pense que c’est réciproque – mais son ancien amoureux est aussi présent au palais, et elle a du mal à l’oublier. En parallèle, ses rapports avec les autres candidates sont houleux, et les attaques des renégats se multiplient. America se pose de plus en plus de questions sur ces problèmes politiques, le régime de castes, le passé de son pays. On explore également un peu plus les liens entre les personnages secondaires dans ce tome, ils prennent de plus en plus de place, sont mieux développés, et la visite des familles des candidates au palais est une bonne occasion pour en découvrir plus sur eux.

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J’ai beaucoup apprécié ce tome qui creuse un peu plus la toile de fond de ce récit, de cet univers : on sent qu’il y a quelque chose de louche, que la royauté nous cache des choses par rapport au passé du pays et des renégats. Je me suis beaucoup interrogé sur la place des livres dans cet univers et j’ai adoré ce que l’auteure en a fait. Comme dans le tome précédent, j’ai adoré voir les réceptions, les belles robes, le faste de l’aristocratie : ça fait rêver, on se sent comme America.

Mais c’est un tome 2, et comme tous les tomes 2, le rythme y est un peu mou. Je commence à être agacée par l’attitude d’America et ses sentiments qui basculent sans arrêt entre Aspen et Maxon. J’entrapercevois le pire du triangle amoureux, j’espère vraiment que les choses vont changer dans le prochain tome.

Ceci dit, cette saga reste une des meilleures que j’ai découvertes ces dernières années. Je ne pensais absolument pas l’apprécier à ce point, le premier tome a même été un de mes rares coups de cœur de ce début d’année !

Kiera Cass, L’Elite, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Madeleine Nasalik, aux éditions Robert Laffont, 16€90.

Charly 9, de Jean Teulé

J’aime beaucoup les romans historiques, même s’il est vrai que quantitativement parlant, ils sont peu nombreux dans mes lectures. Le dernier en date, c’était La nuit la neige de Claude Pujade-Renaud, que j’avais adoré. Mais j’ai voulu un peu changé cette fois-ci en choisissant un auteur que j’ai beaucoup apprécié dans le passé (même s’il ne figure pas encore sur ce blog) et qui aime beaucoup les romans biographiques : il s’agit de Jean Teulé. Il sort en 2011 Charly 9, récit pseudo-historique de la vie de Charles IX, roi de France, du moment où il signe le massacre de la Saint-Barthélemy à sa mort, à 23 ans.

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Je dis « pseudo-historique » parce qu’il faut se l’avouer que c’est une vision très tranchée du jeune roi et que pas mal de choses écrites dans ce roman ne sont pas historiquement vraies. Mais j’ai personnellement décidé de prendre au pied de la lettre le mot « roman » écrit sur la couverture et de ne pas m’outrer pour ces incartades biographiques qui en ont fâché plus d’un avec Teulé. Ne prenez donc pas ce livre pour argent comptant, au pied de la lettre : c’est avant toute chose une fiction, inspirée de faits réels certes, mais une fiction quand même.

Donc, résumons un peu de l’histoire (avec un h minuscule). On y parle de Charles, enfin Charly, jeune roi, qui aurait préféré que son aîné ne meurt pas et qu’il ne se retrouve pas, lui, à devoir gouverner. Il a 22 ans quand le récit débute. Nous sommes en été et la France est agitée par les rivalités entre protestants et catholiques. Les ministres du roi et son imposante mère, Catherine de Médicis, demande, conjure, ordonne Charly de signer cet ordre qui donnera la mort à quelques 200 nobles huguenots. Gentil garçon, il obéit, même si savoir qu’il sera responsable de ces vies gâchées ne lui plaît pas vraiment. Mais ce seront des milliers de personnes qui périront à la Saint-Barthélemy, ensanglantant la Seine.

Et le massacre se poursuit dans toute la France. Et Charly ne supporte pas d’avoir toutes ces morts sur la conscience. D’une santé plutôt fragile, il commence à avoir des hallucinations, il fait des cauchemars. Sa passion de la chasse devient une passion de la mort. Devant les problèmes de royaume (famine, faillite, révolte, complot) il doit se réfugier dans ses châteaux : il se met alors à chasser perdreaux et lapins chez sa maîtresse ou dans le Louvre, démolissant tout à son passage, meubles ou serviteurs. Appliquant souvent une politique de l’autruche, Charly sombre dans la démence, besognant sur sa maîtresse, faisant sonner son cor constamment, s’irritant contre l’œil bleu d’un cerf sur une de ses tapisseries.

Aux croyances populaires se mélange la métaphore : exténué, à bout de force, Charly 9 se met à transpirer du sang. Chaque pore de sa peau rejette celui des protestants qu’il a abattu. Il sait sa mort proche, mais autour de lui c’est avant tout les soucis de sa succession qui prédominent. Il meurt en roi maudit, sûrement haï par ses congénères, seul et fou.

J’ai beaucoup aimé le traitement, assez caricatural je dois l’avouer, des personnages secondaires (même si historiquement non recevables) : la reine-mère qui fait autorité, le frère Henri, putain fardée et chouchou de Catherine de Médicis, la sœur Marguerite de Valois un peu dérangée sur les bords quand on touche à ses amants, la reine Elisabeth d’Autriche aimante et discrète, Rimbaud et sa Franciade. Même si Charles IX est le cœur du roman, on ne peut s’empêcher de remarquer que tous sont touchés plus ou moins profondément par les malheurs de la France et peuvent même sombrer dans une douce folie : Catherine de Médicis devient la femme la plus superstitieuse de France, Henri duc d’Anjou aime bien le vaudou, le plus jeune des frères tombent dans les conspirations, Marguerite de Valois se promène avec une tête baignant dans l’alcool… Chacun a ses vices et les forces du pouvoir n’épargnent personne.

Charly 9 est un personnage attachant : on le sent trop immature pour gouverner au début du livre, plein de tendresse pour son peuple qu’il veut épargner, préférant les infusions au vin, les grands espaces au Louvre. Mais ce massacre des protestants et les guerres de religion vont bouleverser sa vie. Tout ce qu’il entreprendra par la suite pour se réconcilier avec la France, même si ça part d’un bon sentiment, est soit insensé et dicté par la folie, soit une très très mauvaise idée. Comme dit la quatrième de couverture, c’est dommage qu’un roi ayant pourtant « un bon fond », qui aurait pu être un bon souverain si on lui en avait laissé le temps et l’occasion finisse ainsi. Littéralement rongé par le remords, ces victimes refont surface à même sa peau, l’affaiblissant chaque jour un peu plus. Une agonie très belle dans cet ouvrage, lente, douloureuse mais dans un sens libératoire peut-être. Paraissant le double de son âge, il disparaît presque avec résignation, dans l’attente impatiente de son entourage.

Charly 9 a été, pour moi, un bon roman, et même un bon roman historique dans le sens où j’ai par la suite voulu en savoir plus sur ce roi et sa courte vie, par mes propres moyens, auprès de sources historiques de confiance. C’est sûr que ce personnage se prêtait bien à l’écriture d’un roman : une existence chargée de décisions terriblement importantes, entourés de beaucoup des représentants les plus connus de la monarchie française, un mort discrète. Je regrette juste que la majeure partie du récit soit constitué de dialogues : rien de mieux pour nous immerger à cette époque grâce à une langue assez travaillée, mais j’ai quand même trouvé l’écriture un peu « tarabiscotée » pour une narration pourtant simple. Bref, il y a du bon comme du mauvais dans cet ouvrage qui ne figurera pas dans mes coups de cœur, mais restera tout de même un bon moment de lecture.

Jean Teulé, Charly 9, aux éditions Julliard, 19€50.

La Nuit la Neige, de Claude Pujade-Renaud

Claude Pujade-Renaud est une écrivaine française prolifique qui a surtout été édité aux éditions Actes Sud. Je l’ai découverte grâce à mon master : je n’ai pour l’instant lu qu’un seul de ses livres mais ce fut un fabuleux moment de lecture. Je vais donc vous parler de cet ouvrage : La Nuit la Neige.

Ce roman est historique mais sans le côté rébarbatif de la chose. Le point de La-nuit-la-neigedépart de cette oeuvre est une nuit de décembre 1714, dans la ville de Jadraque, en Espagne. Anne-Marie des Ursins, au service du roi Philippe V depuis vingt ans et ancienne camarera mayor de feu la reine Marie-Louise Gabrielle, accueille Elisabeth Farnèse, duchesse de Parme et dans quelques jours, nouvelle reine. Mais à peine la rencontre eut elle lieu que l’influente et digne princesse des Ursins est chassé de la demeure royale par l’italienne. Que s’est-il donc passé cette nuit-là, dans l’intimité de la chambre ?
Au cours de récits, de témoignages croisés on entendra parler ces deux femmes, les hommes puissants du pouvoir, les amis, les premières dames, la famille pour retracer pendant plusieurs mois, plusieurs années l’évènement qui a peut-être changé le cours de l’Histoire. Et cette Histoire justement prend place devant nos yeux, le puzzle s’assemble au fur et à mesure des chapitres et nous dévoile les différentes combines, les mariages arrangés, les pressions et les manigances, entremêlées de religion, qui fondent le pouvoir. L’Espagne, territoire d’affrontement entre Habsbourg et Bourbons, est rythmée par des enfantements, des noces, des exils, des conseils plus ou moins judicieux et des objectifs qui l’ont façonné.

C’est un livre atypique sur les femmes mais aussi sur le pouvoir qui m’a d’abord plus par son côté historique, basé sur des faits réels et avérés, mais aussi par son traitement où chaque personnage a le droit à son temps de parole. On rentre alors dans les coulisses de la royauté au XVIIIe siècle avec délices, savourant les différences d’opinions entre différents camps, de la reine douairière exilé au roturier opportuniste en passant par la très jeune princesse qui a grandi trop vite. L’écriture s’est adapté à chaque personnage (et non l’inverse, ce qu’il faut souligner car trop rare !), sans répétitions, sans incohérences. J’avoue qu’au début, il m’a fallu un peu de gymnastique intellectuelle pour replacer les personnages ainsi que leurs relations mais on se fait très vite à ce mode de fonctionnement !
L’écriture de Claude Pujade-Renaud n’est pas renversante mais garde un soupçon d’originalité, mais c’est avant tout le travail de l’écrivain, sur le style comme sur la matière, le fond de l’oeuvre, que l’on peut sentir. Afin d’éviter aux lecteurs de trop se perdre, l’auteure glisse des indices permettant de très vite replacer dans le contexte qui est qui, sans pour autant alourdir le texte. Il faut également saluer la profondeur psychologique des deux personnages principaux, deux femmes remarquables qui ont donné leur vie pour le roi. Entre elles, pas de méchante ou de tyrannique qu’il serait aisé de montrer du doigt : cette nuit de Jadraque résulte de mécanismes plus complexes qu’il a fallu une vie entière pour comprendre.

Claude Pujade-Renaud a su créer une oeuvre intrigante, captivante, autant pour ses personnages sensibles que sa description si réaliste du pouvoir et de la royauté. Un livre vraiment hors du commun, unique et magnifique, à découvrir vite !