Silo, de Hugh Howey

Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait baisser ma wishlist. C’est à présent chose faite avec la lecture que je vais vous présenter aujourd’hui : Silo de Hugh Howey.

Le monde est ravagé par des gaz toxiques, la surface de la Terre est devenue inhabitable. Ils sont plusieurs milliers à vivre dans un silo enfoncé sous le sol. 144 étages où cette civilisation se développe. Mais dans un espace si restreint tout est contrôlé, hiérarchisé, surveillé, même les naissances qui font l’objet de loteries. Seul le mystérieux DIT – département d’infotechnologie – semble avoir des passe-droits, mais aussi de nombreux secrets. Dès qu’un habitant du silo commet un crime, il est envoyé dehors, dans une drôle de combinaison étanche qui ne résiste pas bien longtemps à l’air empoisonné de l’extérieur. Il a alors une mission : nettoyer les capteurs du silo, seul moyen d’avoir une image de ce qui se passe à la surface. Et tous les bannis, sans exception, exécutent cette tâche, sans qu’on ne comprenne vraiment pourquoi.

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J’ai été assez désarçonnée par ce roman. J’ai beaucoup aimé le cadre de l’histoire : un silo enterré dans un monde post-apocalyptique, ça m’a vraiment emballée. La vie rythmée par les volées de marches, les étages consacrés à l’élevage, à la maternité, aux fournitures, à la mairie, aux machines… J’ai adoré explorer cet univers et cette ambiance. Toutefois, je me suis moins accrochée aux personnages, notamment parce que certains disparaissent trop vite, il n’y a pas de réels personnages principaux forts dans ce livre et cela m’a manqué. Ne pas pouvoir m’identifier tout au long de cette histoire à la même figure m’a un peu dérangé. Pourtant, les choses se tiennent, il y a une logique interne qui fonctionne bien même si parfois la narration prend quelques raccourcis.

Quant à l’écriture, c’est plutôt bon : les dialogues sont prenants, les actions claires, le style lisible. De nombreux rebondissements, de nombreuses révélations viennent ponctuer le récit et relancer l’attention du lecteur. Il a fallu beaucoup d’imagination pour créer une telle intrigue, malheureusement certaines choses semblent un peu artificielles, manquent d’aisance et surtout j’ai personnellement deviné à l’avance de nombreux ressorts du suspens… Il faut également rajouter à cela le rythme que j’ai plutôt trouvé lent et répétitif, disons plus que ce à quoi je m’attendais dans ce type de récit.

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Pour résumer, c’était plutôt une bonne lecture : ça me sort de mes habitudes livresques. Mais je ne lirai pas la suite – Silo Origines : le rythme trop lent, l’absence de coup de cœur aura eu raison de moi. Et vous, l’avez-vous lu ? Qu’en avez-vous pensé ?

Hugh Howey, Silo, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Yoann Gentric et Laure Manceau, aux éditions Le Livre de Poche, 8€60.

Des Fleurs pour Algernon, de Daniel Keyes

Voici une pépite. Un petit trésor. Le genre de bouquin que tu relis tous les mois, une petite récompense personnel, une friandise privée que tu gardes bien cacher sous ta couette. Paru en 1959 sous forme de nouvelle (et 1966 comme roman), Des Fleurs pour Algernon de Daniel Keyesa a remporté le prix Hugo de la meilleure nouvelle courte et le prix Nebula du meilleur roman en 1960. Mais c’est surtout son succès toujours très fort auprès des lecteurs depuis des décennies qui inscrit ce livre dans l’histoire de la littérature, une littérature qui nous touche, une littérature que nous cloue sur place par sa puissance d’évocation. Et pourtant, cette histoire si proche de nous fait partie du rayon science-fiction.

Nous suivons Charlie, la trentaine, qui travaille dans une boulangerie. Charlie est exceptionnel : il est arriéré mentalement mais ce que retiennent ses amis c’est sa joie de vivre, sa générosité et sa bonté naturelles, son envie d’avancer et d’apprendre. Et le découverte du docteur Strauss et du professeur Nemur grâce à la petite souris Algernon va révolutionner sa vie. Charlie va en effet être le premier à subir une intervention chirurgicale qui le rendra « plus un telligent », et même, fera de lui un génie. Déboussollé par ce monde qu’il découvre, les émotions nouvellent qui l’assaillent, le jeune homme tente de comprendre sa vie, les souvenirs de son enfance qui lui éclatent à la figure ou cette drôle de sensation qu’il éprouve en voyant Miss Kinnian, la psychologue qui lui apprenait à lire et à écrire avant. Ce voile qui a été levé, en plus d’être une formidable expérience riche d’enseignement, s’accompage aussi de ces doutes et ces peurs qui font toute l’ambivalence de la situation de Charlie. Mais un jour, la santé mentale d’Algernon est bousculée, le processus n’a finalement pas l’air si fiable et durable que le promettait les médecins. Comment réagir quand on sait que l’on va replonger dans une nuit d’ignorance après avoir connu la lumière intense du savoir ?

Ce roman prend la forme de compte-rendus, nécessaires pour l’expérimentation, que Charlie écrit tout au long de cette aventure. Des visibles progrès en orthographe (ne vous laissez pas désarçonner par les premières pages) en passant par la profondeur de sa réflexion, ce récit à la première personne permet de nous immerger dans cet esprit si particulier qui est celui de Charlie. On se prend vite en affection face à ce garçon doux et gentil qui veut faire face de la meilleure manière possible aux épreuves qu’il subit. Il retrace à travers ces écrits des souvenirs qui lui reviennent ou des instants forts qu’il vit, si bien qu’il s’agit par moment d‘un roman dans le roman, peut-être peu réaliste mais qui nous facilite grandement la lecture et la compréhension de l’histoire. Ce côté « journal de bord » nous permet de ressentir la vulnérabilité et la volonté de ce personnage, on pleurerait presque de tristesse ou de rage avec lui.

C’est un livre empreint de sensibilité que nous a livré Daniel Keyes. Une imagination forte qui remet en question notre vision de la société et des individus exceptionnels qu’elle comporte. Eclatant les faux semblants, jouant la carte de l’originalité mais ancré dans notre réalité, l’auteur explore une expérience de la vie en accéléré, sans tomber dans le mélo. Je vous encourage vivement à découvrir ce style si particulier qui sort des sentiers battus.

Mention spéciale pour la couverture de la version poche (éditions J’ai lu) qui est vraiment splendide et représente  très bien l’univers et la sensation éprouvée par la lecture de cet ouvrage.