L’enfant du lac, de Kate Morton

J’ai enfin lu ce roman dont tout le monde me parlait et qui moi-même me faisait très envie ! Il s’agit de L’enfant du lac de Kate Morton.

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Résumé de l’éditeur (car honnêtement, je ne peux pas faire mieux) :

1933. Comment Theo Edevane, adorable poupon de onze mois, a-t-il pu disparaître durant la nuit de la Saint-Jean ? Les enquêteurs remuent ciel et terre, mais l’enfant demeure introuvable. Pour les parents comme pour les filles Edevane, la vie ne sera plus jamais la même après ce drame. La maison du lac, la propriété tant aimée, est fermée et laissée à l’abandon.
Soixante-dix ans plus tard, Sadie Sparrow, jeune détective londonienne en vacances dans les Cornouailles, curieuse et momentanément désœuvrée, s’intéresse à cette mystérieuse disparition. Elle reprend l’enquête, au grand dam de l’une des sœurs aînées de Theo, Alice, devenue écrivain à succès.

Je découvre Kate Morton et je ne suis pas vraiment sûre de retenter l’expérience si ces autres romans sont à l’image de celui-là. Attention, je trouve ce livre pourtant remarquablement bien construits avec une fresque de personnages intéressants. L’intrigue est magnifiquement gérée, nous mettant régulièrement sur des fausses pistes, nous laissant nous-mêmes nous faire nos propres idées. Les décors et les paysages sont plutôt bien décrits et on ressent à la fois l’ambiance féerique du manoir et de son domaine, mais aussi les tensions des deux guerres mondiales qui traversent ce récit.

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Mais, mine de rien, c’est un gros pavé de 600 pages et parfois le rythme s’essouffle. Au bout d’un moment, ça n’a qu’assez duré de tourner en rond dans les souvenirs et les confidences des uns et des autres, on veut être fixé, un point c’est tout. J’ai de plus trouvé certaines situations soit un peu cliché (les grossesses… pour ne pas en dire trop), soit trop faciles (les tunnels!). Au fond, ce roman, à mes yeux, aurait du privilégier un bon élagage de deux cents pages pour ne garder que le meilleur. Mais je peux comprendre que certains aiment ce genre d’histoire où on se perd dans les générations, les lieux, les souvenirs, les pages. Ce côté labyrinthique a son petit charme mais je m’en suis vite lassée personnellement. Concernant les retours en arrière, il n’y a que ça. Tout est imbriqué, on voyage constamment dans les époques. Kate Morton réussit pourtant à ne pas nous perdre, un vrai coup de maître. Malheureusement, là aussi, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. J’ai au moins découvert avec ce roman que je préférais les récits plus linéaires. La résolution de l’affaire était bien trop… évidente, même si peu réaliste. Dommage.

Je vais donc conclure de la sorte : je vous conseille ce roman, car il est très bien orchestré, très bien écrit, avec des personnages attachants. L’écriture, notamment des dialogues et monologues, est très soignée. Mais pour ma part, ça ne l’a pas vraiment fait : trop long, trop sinueux. A vous de voir à présent !

Kate Morton, L’enfant du lac, traduit de l’anglais (Australie) par Anne-Sylvie Homassel, aux Presses de la Cité, 22€50.

Déboires d’une panne de lecture

Au début, on se dit, ce n’est qu’une passade, allez. Tant pis, ce serait le temps de quelques mois. Histoire d’aller mieux, de passer à autre chose. Puis les mois passent, et moi aussi je suis passée à autre chose. Ce n’est pas évident tous les jours, mais j’ai repris ma vie en main.

Pourtant la panne d’écriture mais surtout de lecture continue.

Quel gouffre ! J’ai par moment de vraies sensations de manque. J’aimerais tant retrouver la douceur de la lecture, lovée dans mon lit ou bien installée dans un parc, dans un café. Ces petits rituels que j’avais auparavant me manquent. Il est vrai que je travaille plus, que beaucoup de mes heures libres sont réservées à présent au sport, à la cuisine ou… à la sieste – le boulot m’épuise ! Mais auparavant, même si j’étais fatiguée ou pressée, je me souviens, je lisais même en marchant, ou dans le métro, tellement j’aimais ça ! Où donc est-ce passé ?

J’ignore si c’est un blocage. En tout cas, je sais que ma passion est toujours là. Aujourd’hui, je retrouve le plaisir de m’informer des dernières sorties, de me plonger dans le magazine Lire, de voir des vidéos Booktube et de traîner sur des blogs livresques. Pour vous dire, j’ai même prévu de retourner au Salon du Livre de Paris en mars prochain. Pourtant, quand j’essaie de suivre mon instinct et que j’ouvre un roman, je n’arrive pas à dépasser en règle générale les dix premières pages.

J’ai tout essayé ! Relire des œuvres que j’adore et qu’en temps normal je peux relire encore et encore. Essayer des petits romans, des textes courts pour ne pas m’essouffler en cours de route. Découvrir des romans qui pourraient me correspondre et dont je n’entends que du bien. Voire même tenter de lire des choses qui changent mes habitudes – que ce soit dans la forme, le choix de l’histoire et du thème, le genre… Lire des livres destinés aux ados, lire du young adult : je me disais qu’il serait plus facile pour moi d’embarquer dans ce genre d’histoires. Une fois, j’ai réussi sans me forcer : c’était un roman feel-good facile, avec de la romance et de la gourmandise ; quand j’ai voulu retenter l’expérience, rien à faire, ça ne fonctionnait plus.

Près de mon lit, il y a une romance adolescente à peine entamée, sur ma table basse une dystopie en un seul volume qui me plait bien mais je n’ai pas dépassé le deuxième chapitre, dans ma bibliothèque, quatre sagas que j’adore mais que j’ai arrêté en cours de route. Déprimant.

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Mais, vous savez ? Je crois que la clé c’est de s’écouter. J’avais envie de relire ? Non, je voulais juste retrouver cette sensation d’être toute à son aise, dans sa bulle, de vibrer au même rythme que les personnages. Et je voulais faire partie de ce monde livresque qui me manquait. Je me remettais presque à lire (ou à essayer plutôt) pour les mauvaises raisons en fait : je me forçais pour redevenir la grande lectrice qui s’enquillait tout ce qui lui passait sous la main à un rythme effréné.

L’automne s’installe en ce moment à Toulouse, et c’est le bon moment. Je le sens là, au fond de mes tripes. Titiller par le NaNoWriMo, la passionnée de livres que je suis toujours est de plus en plus attirée par sa bibliothèque. Comme beaucoup d’entre vous, je suis persuadée que pour écrire, il faut lire beaucoup. Se gorger des mots des autres. C’est en imitant qu’on apprend !

J’ai envie de relire Harry Potter ou L’Epouvanteur. Voire même Le Trône de Fer – mais je ne le ferai pas, je ne vais pas cramer toutes mes cartouches maintenant ! Voilà, j’en ai juste envie. Et rien que ça c’est formidable. Savoir que cet après-midi, il fait beau, je vais courir mes dix kilomètres au soleil, puis me décarcasser en râlant sur le forum pour faire mon quota de mots pour le NaNo et finalement passer la soirée à lire… J’en frétille d’avance ! Je suis heureuse de savoir que je vais lire.

Les amis, je crois que là c’est la bonne.

Et très sincèrement, vous ne vous doutez pas de toute l’émotion qui m’envahit quand je vous dis ça. La lecture, les livres, la communauté autour, c’est tellement important pour moi. C’est un vrai pan de ma vie, ça fait partie de ma construction personnelle. Je ne suis pas entière sans cela. C’est un immense bonheur de me dire que peut-être je vais m’en sortir. Une panne de lecture, ça peut être tout et n’importe quoi. Dans mon cas, ça marquait clairement un problème d’unité et de calme dans ma vie. Je suis heureuse de vous retrouver.

Miette, de Pierre Bergounioux

mietteMiette est le douzième livre (je n’ose pas dire « roman ») de Pierre Bergounioux, écrivain né en 1949. Cet ouvrage fait partie intégrante de son oeuvre littéraire où l’auteur n’a de cesse de réfléchir sur la temporalité de nos vies ; il traite également d’une mémoire rurale que les personnages seront les derniers de leur espèce à porter. Il s’inscrit dans le petit cycle de chroniques sur les livres « de la terre » que je met en place sur ce blog, et dans ce cadre il est précédé par l’article sur le roman de Jean-Loup Trassard, La Déménagerie, avec lequel il n’a rien à voir, si ce n’est le monde agricole. Dans le livre de Trassard, on voit une vie de paysan à l’oeuvre, qui avance, tandis que chez Bergounioux l’existence est mise sur pause et l’on revient en arrière pour exposer l’histoire de vie de quelques hommes et femmes hors du temps.

Mais ce n’est pas pour autant qu’une longue description que nous sert ici l’auteur, non : c’est une exploration dans un univers qui n’existe plus. Tout commence au début du XXe siècle, siècle marqué par les quelques spasmes de la guerre, siècle qui marquera la fin de la vie telle qu’on le connaît dans le Limousin, en Corrèze. On suit sur deux générations ce mode de faire et de pensée qui sera peu à peu remplacer par d’autres. Miette est le diminutif pas vraiment diminué de Marie une femme marié avec un homme qu’elle refuse, une femme qui s’efface en tant qu’épouse mais resurgit en tant que veuve et maîtresse des lieux, de la ferme, du bétail, des champs et du vent de la vallée. Quatre enfants, Baptiste, l’homme des bois à la personnalité double, Lucie la brue traditionnelle de la campagne, Octavie l’intellectuelle célibataire que le savoir va faire voyager, Adrien, le dernier de tous, parti quarante ans pour finalement revenir à ses racines. A travers les différents chemins qu’ont emprunté ces personnages on tisse la toile d’une vie séculaire qui n’a plus lieu aujourd’hui. Avec la fin du siècle vient la fin d’une époque qui a marqué pendant trois mille ans la marche à suivre.

« Ce qui serait bien, c’est que nos jours, d’eux-mêmes, se rangent derrière nous, s’assagissent, s’estompent ainsi qu’un paysage traversé. On serait à l’heure toujours neuve qu’il est. On vivrait indéfiniment. Mais ce n’est pas pour ça que nous sommes faits. La preuve, c’est que l’avancée se complique des heures, des jours en nombre croissant qui nous restent présents, pesants, mémorables à proportion de ce qu’ils nous ont enlevé. Ils doivent finir, j’imagine, par nous accaparer. Quand cela se produit, qu’on est devenu tout entier du passé, notre terme est venu. On va s’en aller. »

C’est le premier livre de Bergounioux que je lis et je ne dois pas vous cacher que j’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire car il n’y a pas vraiment d’histoire. La fin proche du dernier membre de cette famille et deux photographies d’une Miette différente sont les points de départs d’une transcription pas du tout objective de ce passé, mais l’auteur ne fait pas pour autant preuve d’un passéisme larmoyant à la mode « c’était mieux avant ». Il constate seulement le travail du temps à l’oeuvre et les changements qui en découle. On a parfois du mal à savoir qui est cette voix narratrice, qui parle : l’auteur, un narrateur extérieur, un personnage ? Cette impression de flou est augmenté par de longues phrases par forcément claires entre réflexion et description. Il faut du temps au lecteur pour situer qui est qui. Mais à la fin de l’ouvrage tout est clair : c’est un puzzle qui se construit au fil des pages, l’auteur pratiquant des allers-retours temporels incessants mais suivant toujours un fil rouge auquel il revient régulièrement, celui de la chronologie.

C’est un livre vraiment à part, qui sort des sentiers battus. Je n’ai jamais eu à lire une écriture si personnelle, on sent que le temps qui a bouleversé la vie rurale en pratique depuis le fond des âges est un sujet qui touche particulièrement l’auteur. Il nous en donne un exemple flagrant et sensible : une famille pas comme les autres qui, bien plantée sur ces deux pieds en terre limousine, sera quand même doucement victimes du ravage du temps qui passe. A découvrir.