Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, de J. K. Rowling

product_9782070624546_244x0Je dois vous avouer que ce petit rendez-vous mensuel autour d’Harry Potter me plaît bien. Je pense que ça va devenir un rituel jusqu’au jour où je n’aurais plus rien à lire de ce côté-là. J’avance dans ma relecture des tomes et c’est l’heure de vous parler de mon petit préféré, celui que j’ai adulé toute mon adolescence : Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban de J. K. Rowling. Je connaissais toutes les répliques du film par cœur et je suis certaine que vous êtes nombreux à aimer cette histoire d’innocence gâchée, de vengeance et de secrets…

Sirius_Black_à_AzkabanHarry entre en troisième année à l’école de sorcellerie Poudlard. Mais certains choses ont changé depuis l’été dernier. En effet, un criminel très dangereux s’est enfui de la prison magique Azkaban – un exploit – et terrorise toute la communauté des sorciers. On lui attribue les meurtres de sept personnes, avec un seul coup de baguette magique… Et de plus, on découvre au fil des pages que ce fameux Sirius Black, un ancien élève de Poudlard, est également lié à la famille Potter (et pour ne pas spoiler ceux qui vivent dans une grotte, je n’en dirai pas plus). Pour protéger les jeunes sorciers – et surtout Harry – des Détraqueurs ont été postés à Poudlard. Ces créatures hideuses aspirent toutes idées de bonheur. L’ambiance à l’école de sorcellerie est donc bien étrange dans ce tome placé sous le signe des révélations.

J’ai beaucoup aimé ne pas avoir directement affaire à Voldemort dans cet opus, car c’est une nemesis qui ne m’excite pas plus que ça… Très clairement, j’aime les personnages secondaires plus complexes comme Sirius Black – ou Dolores Ombrage plus tard – dont l’écriture est un vrai petit chef-d’œuvre. Je me souviens qu’à ma toute première lecture, ce livre m’avait littéralement retourné le cerveau, j’ai cru tout ce qu’on me disait, je m’étais complètement laissé emportée, jusqu’à cette vérité qui change tout ! Les relectures depuis ont toujours été un bonheur, car je m’amuse énormément à traquer les indices laissés par J. K. Rowling au fil des pages.

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Les personnages prennent de l’ampleur, je pense notamment à Hermione qui est vraiment devenue pour moi une égérie à partir de ce tome. Harry est fidèle à lui-même, même si un peu trop mélodramatique à mon goût. Quant à Ron, il est au final peu présent, c’est un peu dommage. Heureusement, de nouvelles thématiques et de nouveaux personnages viennent renouveler notre esprit de découverte et font grandir cet univers. En vrac, je cite mes préférés : Lupin et l’attitude de Rogue envers lui, la carte du Maraudeur, Pré-au-Lard, les Patronus, les Animagus, le passé de Harry qu’on explore un peu plus, les scènes de Quidditch, le Magicobus, les examens de fin d’années, les soins aux créatures magiques, l’astuce d’Hermione pour suivre tous ses cours. J’ai pratiquement tout adoré.

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J’ai vibré au fur et à mesure des péripéties et des révélations : même si je trouve la fin un peu longuette (quand y en a plus, y en a encore), ce tome-là est vraiment pour moi le page-turner de la saga ! La tension est moins forte que dans le précédent, comme d’habitude les « coïncidences » pour faciliter la narration sont trop fréquentes, mais globalement c’est une histoire accrocheuse, avec beaucoup d’action. Il a donné un vrai second souffle à cette saga, entre deux tomes que personnellement j’apprécie beaucoup moins. Bref, Harry Potter et le Prisonnier d’Azaban : un coup de cœur pour toujours.

Et vous, jurez-vous solennellement que vos intentions sont mauvaises ?

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J. K. Rowling, Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban, traduit de l’anglais par Jean-François Ménard, nouvelle édition chez Gallimard, 22€.

La Revanche de Kevin, de Iegor Gran

revanche-siteEn ce moment, je suis prise dans une frénésie de lecture, avec un rythme de presque un roman par jour. Sauf le week-end, bizarrement. Bref, j’ai donc plein de chroniques dans ma hotte, alors autant commencer dès maintenant à vous parler de mes dernières lectures. Je reviens à peine du Salon du Livre, alors quoi de mieux que de partager avec vous un roman dont l’histoire commence dans ce même salon.

Je l’avais croisé sur la blogo, et ça faisait déjà quelques mois qu’il traînait dans ma whishlist : La Revanche de Kevin de Iegor Gran. Avec un titre pareil, vous pensez bien, ça m’a rendue curieuse. Kevin travaille pour la Radio (avec une majuscule). Il est commercial. Dans un milieu où tout le monde parle, se pavane, écrit, il sait bien que son prénom fait tâche. Il a en effet conscience qu’on ne dit plus de Kevin que c’est un prénom breton, mais plutôt que c’est un prénom de pochtron intellectuellement limité. Alors, il veut se venger, de tout ces gens qui se crispent ou ont des regards en coin dès qu’il se présente.

Il a manigancé la chose et la pratique depuis assez longtemps pour être devenu un expert. Il endosse une fausse identité, et piège un auteur. Le dernier exemple en date a eu lieu au Salon du Livre de Paris : il s’est fait passé pour un lecteur d’une grande maison d’édition et a réussi à faire tomber dans le panneau un écrivain. François-René Pradel pensait en effet avoir envoyé son dernier manuscrit à Alexandre Janus-Smith. Ce dernier lui avait promis l’édition de son livre. Mais quelle déconvenue quand il apprend finalement que celui-ci n’a jamais existé !

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Voilà, c’est ça, la revanche de Kevin. Un jeu pas si innocent que ça qui lui permet de se sentir un peu plus fort que les autres. Mais jouer avec les sentiments d’autrui, vous vous en doutez, ça n’attire pas que des bonnes choses, loin de là. Le mensonge gangrène son couple, le rend arrogant, pompeux, hypocrite. Jusqu’au jour où. Je ne vais pas vous en dire plus, à vous de découvrir la suite.

Cette lecture m’a vraiment surprise. Ce n’est pas un coup de cœur, mais disons une agréable découverte. J’ai été promenée d’un bout à l’autre, obligée de suivre Kevin. Un héros que je n’ai pas forcément aimé. Et non pas à cause de son prénom, mais plutôt à cause de ce que ce prénom a fait de lui : il est imbu de lui-même, n’a aucune empathie, et ne pense qu’à lui. Alors oui, il est cultivé. Mais il s’intéresse à la culture non pas pour elle-même, mais juste dans un but d’ascension sociale, ou plutôt de revanche sociale. Mais même si on ne s’attache pas à lui, parce qu’on ne l’aime pas, on veut savoir ce qu’il va advenir de lui. En effet, les événements s’enchaînent, empirent.

On pourrait penser au premier abord que ce roman montre les travers du monde de l’édition et c’est vrai qu’il y en a beaucoup. Mais plus que cela, il montre du doigt ceux qui dénigrent ce monde sans savoir, sans penser une seule fois que là aussi il s’agit d’êtres humains avec des ambitions, des émotions. Il n’y a pas une tension folle dans ce livre, toutefois ce roman nous tient en haleine, au détour d’une phrase, notre cœur rate un battement. Car Iegor Gran a ce génie dans l’écriture de rendre tout cela naturel. On ne se croit pas dans une fiction, mais dans la vraie vie. Devant un fait divers tout juste romancé. Les personnages sont très réalistes, même s’ils nous font parfois grincer des dents. Les pages se tournent vite, grâce à une intrigue bien ficelée et à une narration qui fait avancer l’action à un rythme régulier. Quant à la fin… On sent à ce moment-là que ce livre arrive à être bouleversant. Il y a dans ces phrases un peu d’humour grinçant, mais j’avoue mettre sentie assez souvent mal à l’aise, sûrement l’effet recherché par l’auteur d’ailleurs.

La Revanche de Kevin est un roman que je vous invite à lire, en gardant votre curiosité et votre bienveillance. Si vous ne vous braquez pas contre certains des personnages, je suis sûre que vous apprécierez cette lecture.

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Iegor Gran, La Revanche de Kevin, édition P.O.L., 15€.

L’Encre et le Sang, de Franck Thilliez et Laurent Scalese

Désolée pour le délais entre la parution de chaque billet, je suis plutôt occupée en ce moment et je délaisse mon blog. Vous vous souvenez que je vous avais parlé d’une création d’entreprise pour proposer de l’animation littéraire en région toulousaine ? Eh bien, ça y est : démarches enfin terminée, Anim’ Litt’ commence son activité tout doucement. N’hésitez pas à faire un tour sur le site 😉

Au fil des mois, je délaisse de plus en plus ma bibliothèque personnelle à cause de mes nombreuses infidélités : en effet, je la trompe avec la médiathèque où je travaille. Si bien que les livres non lus s’empilent chez moi – puisque j’ai toujours la fièvre acheteuse, cette maladie est sans remède.

Alors je me suis dit il y a deux semaines qu’il fallait me reprendre, je ne pouvais pas abandonner ces dizaines de romans à leur sort. Donc pour me faire pardonner, je me suis adonnée à une lecture express, j’ai choisi le plus petit livre, presque une nouvelle, qui est aussi le plus abîmé (il a voulu savoir s’il pouvait nager mais en fait non ; sécher a été une épreuve pire que la presque-noyade). Il s’agit de L’Encre et le Sang de Franck Thilliez et Laurent Scalese. Admirez plutôt cette couverture :

Ce petit roman écrit à quatre mains est un mélange de thriller, de polar et de fantastique. Les auteurs se sont donnés toute liberté en l’écrivant. L’histoire est celle d’un écrivain, William, qui s’est fait avoir en beauté par la femme qu’il aimait : elle lui a volé son dernier roman pour le refiler à son amant, qui a affirmé la paternité de ce best-seller. William se retrouve sans rien, et claque ses dernières économies dans un billet d’avion vers Hong-Kong, où le nouveau couple se trouve. Il erre, quand au détour d’un vieux garage, il la voit. La machine. Il découvre ses pouvoirs : il suffit de taper et ce qui est écrit se réalise vraiment. Ce sera l’instrument de sa vengeance, plus rien ne lui semble impossible. Sa colère va se déferler sur tous ceux qui l’ont insulté, humilié, menti.

L’Encre et le Sang aurait pu faire un très bon titre pour un livre sur le tatouage des prisonniers, mais finalement il sert à représenter une histoire complètement loufoque et assez horrible sur la puissance et la folie qu’entraîne cette dernière. J’ai été assez déçue par ce roman. Il comporte en seulement 115 pages beaucoup de défauts que je ne supporte pas.

Tout d’abord les personnages beaucoup trop stéréotypés, entre l’écrivain beau-gosse mais qui n’a rien écrit, le romancier déchu et fou de rage, la blondasse éditrice avide d’argent et de réussite, etc. Peut-être est-ce un parti pris ? Dans ce cas, j’ai beaucoup de mal à en comprendre l’intérêt.

Il y a aussi une volonté cinématographique dans ce livre. En cela, rien de mal, le problème c’est que cela s’inspire de gros blockbusters bien américains, et sans profondeur. Je me suis très vite lassée de ce répertoire de sang, de meurtres, et autres choses impossibles mais réalisables grâce à une machine diabolique.

Derrière ces apparences, on peut quand même souligner que la descente aux enfers du héros est assez bien réalisée, même si elle aurait pu être plus soignée, plus graduelle. A la fin du livre, il y a un retournement de situation annoncé par-ci par-là auparavant : une intrigue qui est vraiment intéressante, quel dommage que cela soit si peu exploité.

Je vais m’arrêter là, car il y a peu de choses à rajouter pour un si petit roman, et sincèrement, j’ai du mal à être objective. Écrire à quatre mains ne doit pas être évident. J’imagine que les idées devaient fuser entre les deux auteurs, qu’ils ont du prendre du plaisir à écrire et à offrir à la lecture cette histoire, mais cela ne doit rien enlever à l’application et aux soins mis dans la narration, la gestion de l’intrigue, la profondeur psychologique des personnages. Cela m’a laissé un arrière-goût de bâclé. Dommage, donc.

Franck Thilliez et Laurent Scalese, L’Encre et le Sang, aux éditions Pocket (14546), 2€90.

Viol, une histoire d’amour, de Joyce Carol Oates

Viol, une histoire d’amour. Forcément quand on croise un titre pareil, on ne s’attend pas à découvrir un conte merveilleux. Toutefois, ce roman de Joyce Carol Oates n’est pas une ode au voyeurisme malsain et aux abus sexuels. Au contraire, il nous raconte comment le hasard et la malchance peuvent faire basculer des vies, et comment cela peut avoir des répercussions pendant de nombreux mois, voire des années.

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Tina Maguire a voulu prendre un raccourci pour revenir chez elle le soir de la fête nationale. Accompagnée de sa fille de 12 ans, Bethie, elle coupe par le parc. Mais ils sont plusieurs à la voir, la croiser, lui parler, l’attraper. Entraînée avec sa mère dans un hangar à bateaux, la gamine parvient à se cacher au fond de la pièce, mais elle ne peut pas empêcher ses hommes de commettre un crime inimaginable, inhumain, une tournante qu’elle n’ose pas voir. Une fois qu’ils ont fini leur affaire et laisser cette mère pour morte, Bethie peut enfin s’extraire de sa cachette et aller chercher de l’aide.

Mais au-delà de ce traumatisme, elles ne sont pas encore sauvées. Il faut après cela témoigner, avoir recours à la justice, aux avocats féroces, à la foule véhémente. La peur les tenaille chaque minute passée dans cette ville et Tina sombre dans une violente dépression. Quant à Bethie, il y a un avant et un après, plus rien ne sera plus jamais pareil, cette expérience terrible l’a fait grandir d’un coup, elle n’est plus une petite fille rieuse et innocente.

Mais un homme, silencieux, secret, et surtout profondément touché, viendra apporté son aide vengeresse, dans l’ombre.

Ce qui est étonnant et intéressant dans ce roman c’est avant tout la narration : à la deuxième personne du singulier, le narrateur s’adresse à Bethie même si celle-ci ne peut pas l’entendre. Ce qui n’empêche pas une vision omnisciente quoique nimbée de zones obscures. Le fil de l’histoire est entrecoupée des paroles rapportés des journaux, des voisins, des rumeurs et des ragots qui accuseraient presque les Maguire. Les chapitres courts et la facilité de lecture font que les pages se tournent à une vitesse folle et il est dur d’esquisser un sourire pendant ce moment.

C’est vrai, c’est un livre pesant, un livre rude, même si, sincèrement, il aurait pu être beaucoup plus violent, plus cru. Ce roman raconte ce que traverse des milliers de femmes chaque année, même si ici c’est un cas extrême : la plainte, l’obligation de raconter et de re-raconter ce qui s’est passé, la mise en doute de ses propos, s’entendre dire qu’on a eu une attitude « ambigüe », les racontars méchants, les menaces, l’audience au tribunal, la peur que les suspects soient dits non coupables… Le viol, c’est un traumatisme, et derrière une machine judiciaire implacable qui peine à prendre en compte les sentiments humains.

Je ne vais pas vous encourager de tout cœur à lire ce roman, tout simplement parce que le sujet n’est pas facile. Toutefois, il est très bien construit et écrit, et on en ressort plus humble.

Tels étaient les faits, les avocats des suspects y insisteraient. Bethel Maguire avait douze ans. Bethel Maguire était la proie de l’affolement, de la panique, au moment de l’agression. Bethel Maguire n’avait été témoin d’aucun acte de viol perpétré sur la personne de sa mère, puisque de son propre aveu, pendant le viol, elle était cachée dans un coin obscur du hangar.

Elle n’avait pas vu le viol. Elle n’avait vu que les visages flous, incertains, d’un certain nombre de jeunes gens, dans le parc, à l’extérieur du hangar.

Le sentier qui longeait l’étang était mal éclairé. L’intérieur du hangar ne l’était pas du tout.

Comment cette enfant peut-elle être sûre de ce qu’elle avance ? Comment la croire ? Comment une enfant de douze ans pourrait-elle prêter serment ? Comment une enfant de douze ans pourrait-elle témoigner ?

Joyce Carol Oates, Viol, une histoire d’amour, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban, aux éditions Philippe Rey, 15€.

Les Diaboliques de Jules Barbey d’Aurevilly

C’est un recueil de nouvelles que je vous propose aujourd’hui. Celui de Jules Barbey D’Aurevilly intitulé Les Diaboliques. Il s’agit de l’oeuvre la plus connue de l’auteur ; publiée en 1876, le premier récit qui la compose, Le Dessous de cartes d’une partie de whist, a été écrit dès 1850. Ce livre contient six nouvelles faites pour être ensemble et donne à voir au lecteur des histoires diverses mais toutes tounées vers la femme.

En effet, elle est le sujet central de ce bouquin, mystérieuse, vaporeuse, dangereuse…. on la voit dans toute sa force, sa puissance même si parfois cela passe par une exacerbation de sa fragilité, de sa sensualité. Toutes ces femmes sont hors du commun, par leur comportement ou leur vécu ; elles sont atypiques et difficiles à suivre.

L’auteur nous fait le récit de rencontres ou d’aventures amoureuses qui ont débouché sur des sentiments puissants. Certaines de ces histoires peuvent paraître trop surréalistes mais elles choquent par leurs descriptions d’univers ou d’êtres humains sales, scandaleux. L’auteur, catholique, a même été accusé d’immoralisme. Pour lui, il s’agit de faire l’étalage de l’horreur de ce monde pour éviter de le reproduire ; une sorte d’oeuvre didactique donc, mais soyons franc, c’est parce que nous sommes friands de ces scènes de vengeance, d’adultère, de meurtre que nous lisons ce recueil.

Je crois que peu de récit nous laisse autant sur notre faim. Pourtant l’histoire est close, il y a bien un début, un  milieu et une fin. Mais ces femmes sont toujours vues par le biais du narrateur homme qui raconte son histoire (qu’il a vécu ou entendu) à un public lors d’un diner ou dans un salon. Elles nous apparaissent alors énigmatiques, leurs comportements souvent étranges n’en sont que plus inexplicables. Insaisissables elles le sont et je ne sais toujours pas si ce livre les sert ou les accuse. La seule entorse à cette règle est la dernière des nouvelles, La Vengeance d’une femme : ici, c’est elle-même qui raconte sa propre histoire, nous savons alors son ressenti, ses pensées… mais cela ne rend son expérience que plus difficile (et donc plus jouissive dans un sens) à lire.

Quant à l’écriture, elle peut être somptueuse, ravissante à lire et à entendre. Les mots coulent entre eux, font de doux ricochets mais repartent de plus belle sans être encore essoufflés. Mais le style n’est pas égal dans tout le livre, parfois il se fait lourd et trop détaillant, au point d’en perdre le fil. Certaines descriptions ne sont pas obligatoires mais pourtant elles sont très étoffées au point de ne plus en pouvoir. Toutefois, cette oeuvre doit se laisser savourer, laissez fondre sous votre langue cette pastille de littérature. Entre envoûtement ou intérêt scandaleux, ce recueil de nouvelles saura vous faire aimer les femmes mêmes les plus intimidantes, même les plus mauvaises, même les plus diaboliques.

Je vous laisse avec ce magnifique passage tiré de la troisième nouvelle, Le Bonheur dans le crime :

« La panthèse devant laquelle nous étions, en rôdant, arrivés, était, si vous vous en souvenez, de cette espèce particulière de l’île de Java, la pays du monde où la nature est la plus intense et semble elle-même quelque grande tigresse, inapprivoisable à l’homme, qui le fascine et qui le mord dans toutes les productions de son sol terrible et splendide. A Java, les fleurs ont plus d’éclat et plus de parfums, les fruits plus de goût, les animaux plus de beauté et plus de force que dans aucun autre pays de la terre, et rien ne peut donner une idée de cette violence de vie à qui n’a pas reçu les poignantes et mortelles sensations d’une contrée à la fois enchantante et empoisonnante (…) ! Etalée nonchalamment sur ses élégantes pattes allongées devant elle, la tête droite, ses yeux d’émeraude immobiles, la panthère était un magnifique échantillon des redoutables productions de son pays. Nulle tache fauve n’étoilait sa fourrure de velours noir, d’un noir si profond et si mat que la lumière, en y glissant, ne la lustrait même pas, mais s’y absorbait, comme l’eau s’absorbe dans l’éponge qui la boit… Quand on se retournait de cette forme idéale de beauté souple, de force terrible au repos, de dédain impassible et royal, vers les créatures humaines qui la regardaient timidement, qui la contemplaient, yeux ronds et bouche béante, ce n’était pas l’humanité qui avait le beau rôle, c’était la bête. Et elle était si supérieure, que c’en était presque humiliant ! »