Ciseaux, de Stéphane Michaka

En ce moment, je lis beaucoup de livres (romans, essais) traitant de l’écriture ou de l’écrivain. Aujourd’hui, j’ai choisi de vous en présenter un qui évoque en plus l’éditeur, et sa relation à l’auteur. Connaissez-vous Raymond Carver ? C’est un nouvelliste américain, décédé en 1988. Ce n’est pas celui qui a écrit le roman dont je vais vous parler, mais il en constitue la matière première. Un appendice en début du livre nous précise qu’il s’agit bien ici d’une œuvre de fiction, cependant des éléments importants de la vie de Carver s’y retrouve : sa première femme, son alcoolisme, sa liaison avec une poétesse. Cela me rappelle un autre roman que j’ai lu il y a quelques mois et qui, lui aussi, traitait de façon fictionnel la vie d’un écrivain bien réel. Mais aucune des fictions mentionnées dans ce roman n’existent en dehors de celui-ci.

Le roman en question se nomme Ciseaux, et a été écrit par Stéphane Michaka. On y suit la progression de Raymond, un écrivain, qui essaie tant bien que mal de finir des nouvelles et de les faire publier. L’amour désabusé qu’il entretient avec sa femme Marianne, qui lui a tout sacrifié, est renforcé par sa consommation un peu trop élevée et régulière d’alcool. Raymond sait qu’il devrait arrêté, mais il n’a pas la motivation suffisante.

ciseaux

Un jour, une des ses nouvelles est remarquée par un magazine. Cependant, l’éditeur, Douglas, qui s’en occupe, veut effectuer de gros changements : il coupe de façon radicale de nombreux passages, rend la nouvelle hachée menue, en change son titre. Raymond acquiesce, c’est la seule solution pour connaître la publication et il a vraiment besoin d’argent. Le succès est là, alors il continue d’écrire des histoires qui seront charcutées « pour la bonne cause » par cet éditeur caressant. Mais Marianne, qui est très impliquée dans la vie d’écrivain de son mari, soulève cette dénaturation de ses nouvelles, qui ne sont plus les siennes, mais celles de « Ciseaux », le surnom de Douglas. Alors Raymond essaie de faire entendre sa voix, mais c’est dur quand on lui promet l’édition d’un recueil entier constitué exclusivement de ses nouvelles et qu’on lui trouve un poste de professeur dans une bonne fac….

La construction de cet ouvrage est assez atypique. Comme dans une pièce de théâtre ou un scénario, le nom d’un des personnages entame diverses petites parties : monologues ou narration du point de vue de ce personnage. Cela permet de savoir ce que peuvent ressentir Raymond mais aussi Douglas par exemple. Ce peut également être une lettre qu’ils écrivent à l’autre, voire, la partie peut concerner deux personnages, c’est alors une tranche de vie qui leur est commune qui nous est racontée. On peut difficilement faire plus claire comme structure, pratique pour une lectrice qui se perd facilement comme moi, et cela a l’avantage de multiplier les points de vue. Mais, cela ne perd pas pour autant toute la saveur romanesque de ce livre : c’est un combat entre plusieurs personnalités très distinctes, ce sont des années de vie de sacrifices et d’amours tumultueuses qui défilent.

Rajouter à cela la retranscription de plusieurs nouvelles de Raymond (le personnage et non le « vrai » nouvelliste) et le roman est alors complet. On ne peut pas parler de l’écriture de quelqu’un sans savoir ce qu’il écrit justement, et cela permet de mieux comprendre les coupes sauvages que se permet d’effectuer Douglas et leur importance. Ces nouvelles sont visuellement séparées du reste du texte par un changement de police : décidément tout est fait pour qu’on ne se perde pas dans ce livre ! En les lisant, on comprend les mécanismes d’écriture de Raymond qui prend comme point de départ pour écrire ses fictions sa propre vie et qui se laisse influencer par son état, ses émotions à chaque ligne. Ces nouvelles traitent de la vie personnelle, privée, intime et nous permet de mieux comprendre les propres événements qui jalonnent la vie de cet écrivain. N’ayant jamais lu quelque chose de Raymond Carver, j’ignore si le style des deux Raymond est assez proche, mais j’avoue que ce détail n’a aucune importance.

Ce n’est pas un roman très palpitant c’est vrai, mais on se laisse facilement bercé par les aventures de cet écrivain qui peine à se faire connaître. On peut par moment ressentir de la pitié pour ce héros qui est par moment aveugle à ce qui se passe autour de lui, mais c’est un attachement timide pour lui qui prend vite la place de ce sentiment pathétique. Une lecture pas forcément reposante mais très agréable tout de même.

Stéphane Michaka, Ciseaux, aux éditions Fayard, 19€.

Une réflexion au sujet de « Ciseaux, de Stéphane Michaka »

  1. Je pense qu’il pourrait me plaire. Je l’avais repéré à sa sortie et il n’est pas passé dans mes priorités mais un jour, peut-être. Merci de suivre mon blog

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