Clichy, de Vincent Jolit

 

C’est d’abord la couverture qui m’a plu, un menthe très claire. Puis ce titre en touches de machine à écrire : « Oh, on risque de parler d’écriture là-dedans ! » Il n’en fallait pas plus pour que je me plonge dans Clichy de Vincent Jolit.

Nous sommes dans l’entre-deux-guerres, dans un dispensaire à Clichy. Dans les locaux de cet hôpital du peuple, on peut trouver Aimée, la sténo-dactylo qui recherche l’indépendance et la stabilité (ce qui est contradictoire à cette époque), et Louis, un médecin qui conseille plus qu’il ne prescrit et qui écrit avec ferveur entre deux voyages d’études.

Elle, presque personne ne s’en souvient. Louis, tout le monde va le connaître. Car Louis veut écrire, veut faire mouche en littérature en ne faisant rien comme tout le monde. Et pour partir à la recherche d’un éditeur et revoir son texte plus efficacement, il a besoin qu’il soit tapé. Pour ça, il demande de l’aide à Aimée, qui accepte poliment. Le monstre qu’elle va devoir affronter trois fois de suite avec moult questionnement et expressions de surprise s’appelle Voyage au bout de la nuit et fait des centaines de pages.

Ce livre, cette biographie romancée d’une relation dont on sait peut de choses, retrace les réécritures de ce roman si célèbre tout en retraçant la vie du médecin-écrivain dans les grandes lignes (il ne s’agit pas ici d’une œuvre qui lui est consacrée) et en recréant celle d’Aimée à l’aide des très rares indices disséminés par-ci, par-là.

Vincent Jolit a vraiment fait un effort de recherche, on le voit tout de suite. A plusieurs reprises c’est sa voix qu’on entend, c’est lui le narrateur de cette histoire qui est vraie même dans la fiction. Avec Clichy, il retrace les lignes de la première lectrice d’un des romans les plus célèbres du XXème siècle. Il redessine son enfance, ses désirs d’autonomie, sa vie amoureuse tranquille, et surtout l’immense travail qu’a représenté sa collaboration muette avec le docteur Louis. C’est à la fois très intéressant et très frustrant car on nous dit que ce n’est peut-être pas ça, que ce qui nous est dit est peut-être faux. On nous sert de la nourriture sur un plateau d’argent mais on ne sait pas si elle est véritable ou si c’est juste un trompe-l’oeil en plastique.

Je suis partagée car d’un côté, je l’ai vite lu, la lecture m’a plu, mais de l’autre, j’ai trouvé l’écriture trop loin du romanesque sans ressembler à du biographique. C’est un entreprise littéraire très intéressante, mais j’ai eu du mal à trouver ma place par rapport à ce livre contrairement à La Dactylographe de Mr James qui a vraiment un parti pris romanesque qui emmène son lecteur avec lui. Puis sincèrement, on en apprend très peu sur Louis Céline, même s’il y a deux trois petites choses de génétique des textes (comment Le Voyage a évolué de la première écriture à l’édition), on n’entre pas en profondeur dans le processus créateur de cet écrivain, alors que suivre sa réflexion aurait été très intéressant. Mais c’est le parti pris de ce roman : se pencher sur la vie d’une inconnue, Aimée, et non pas retracer le chemin d’un docteur qui manie la plume. En même temps, c’est vrai que sur Louis Céline ont été publiés des dizaines et des dizaines d’ouvrages et sur Aimée, rien, alors que sans elle, peut-être rien n’aurait été possible.

Bref, une lecture pas si mauvaise mais pas un immense coup de cœur pour autant. Si vous tombez sur ce livre par hasard, laissez-vous tenter, par curiosité, notamment si vous avez garder en tête l’écriture révolutionnaire du Voyage au bout de la nuit.

Vincent Jolit, Clichy, éditions de La Martinière, 14€90.