Blog numéro 2

Je vous l’avais dit : je créerais un second blog, pour parler de tous ce qui n’est pas livres et lectures. C’est à présent chose faite ! La Divagante est née. Je suis très contente de ce nouveau site, qui me rappelle qu’il faudrait vraiment que je redonne un coup de balai à celui-ci, histoire de changer un peu la déco.

J’espère qu’il vous plaira également. Dans tous les cas, je n’abandonne pas La Critiquante, une petite pile d’ouvrages sont en attente d’y être chroniqués !

Clichy, de Vincent Jolit

 

C’est d’abord la couverture qui m’a plu, un menthe très claire. Puis ce titre en touches de machine à écrire : « Oh, on risque de parler d’écriture là-dedans ! » Il n’en fallait pas plus pour que je me plonge dans Clichy de Vincent Jolit.

Nous sommes dans l’entre-deux-guerres, dans un dispensaire à Clichy. Dans les locaux de cet hôpital du peuple, on peut trouver Aimée, la sténo-dactylo qui recherche l’indépendance et la stabilité (ce qui est contradictoire à cette époque), et Louis, un médecin qui conseille plus qu’il ne prescrit et qui écrit avec ferveur entre deux voyages d’études.

Elle, presque personne ne s’en souvient. Louis, tout le monde va le connaître. Car Louis veut écrire, veut faire mouche en littérature en ne faisant rien comme tout le monde. Et pour partir à la recherche d’un éditeur et revoir son texte plus efficacement, il a besoin qu’il soit tapé. Pour ça, il demande de l’aide à Aimée, qui accepte poliment. Le monstre qu’elle va devoir affronter trois fois de suite avec moult questionnement et expressions de surprise s’appelle Voyage au bout de la nuit et fait des centaines de pages.

Ce livre, cette biographie romancée d’une relation dont on sait peut de choses, retrace les réécritures de ce roman si célèbre tout en retraçant la vie du médecin-écrivain dans les grandes lignes (il ne s’agit pas ici d’une œuvre qui lui est consacrée) et en recréant celle d’Aimée à l’aide des très rares indices disséminés par-ci, par-là.

Vincent Jolit a vraiment fait un effort de recherche, on le voit tout de suite. A plusieurs reprises c’est sa voix qu’on entend, c’est lui le narrateur de cette histoire qui est vraie même dans la fiction. Avec Clichy, il retrace les lignes de la première lectrice d’un des romans les plus célèbres du XXème siècle. Il redessine son enfance, ses désirs d’autonomie, sa vie amoureuse tranquille, et surtout l’immense travail qu’a représenté sa collaboration muette avec le docteur Louis. C’est à la fois très intéressant et très frustrant car on nous dit que ce n’est peut-être pas ça, que ce qui nous est dit est peut-être faux. On nous sert de la nourriture sur un plateau d’argent mais on ne sait pas si elle est véritable ou si c’est juste un trompe-l’oeil en plastique.

Je suis partagée car d’un côté, je l’ai vite lu, la lecture m’a plu, mais de l’autre, j’ai trouvé l’écriture trop loin du romanesque sans ressembler à du biographique. C’est un entreprise littéraire très intéressante, mais j’ai eu du mal à trouver ma place par rapport à ce livre contrairement à La Dactylographe de Mr James qui a vraiment un parti pris romanesque qui emmène son lecteur avec lui. Puis sincèrement, on en apprend très peu sur Louis Céline, même s’il y a deux trois petites choses de génétique des textes (comment Le Voyage a évolué de la première écriture à l’édition), on n’entre pas en profondeur dans le processus créateur de cet écrivain, alors que suivre sa réflexion aurait été très intéressant. Mais c’est le parti pris de ce roman : se pencher sur la vie d’une inconnue, Aimée, et non pas retracer le chemin d’un docteur qui manie la plume. En même temps, c’est vrai que sur Louis Céline ont été publiés des dizaines et des dizaines d’ouvrages et sur Aimée, rien, alors que sans elle, peut-être rien n’aurait été possible.

Bref, une lecture pas si mauvaise mais pas un immense coup de cœur pour autant. Si vous tombez sur ce livre par hasard, laissez-vous tenter, par curiosité, notamment si vous avez garder en tête l’écriture révolutionnaire du Voyage au bout de la nuit.

Vincent Jolit, Clichy, éditions de La Martinière, 14€90.

 

Les femmes du braconnier, de Claude Pujade-Renaud

Le 28 novembre, mon master organise une rencontre avec Claude Pujade-Renaud (14h à la librairie Études de l’université Toulouse-II Le Mirail si ça vous intéresse). C’est une auteur que j’avais déjà lu avec La nuit la neige, roman que j’avais beaucoup apprécié. Aujourd’hui, je vous fait découvrir un autre livre de cette auteur, Les Femmes du braconnier. Pourquoi celui là ? Eh bien surtout à cause d’un de ces personnages principaux : Sylvia Plath, une poète que je voulais connaître un peu, et ça depuis une éternité.

Toutefois, ce roman n’est pas celui d’une femme auteure un peu trop dépressive et émotive, mais de celui qui fut son mari Ted Hughes. Ces deux-là se rencontrent en 1956 à Cambridge, une première rencontre sous le signe de la morsure d’où va naître une histoire sauvage, passionnée. Ted est lui aussi un poète, avec pour thème de prédilection l’animalité, l’instinct, un bestiaire qui a quelque chose de malsain, qui a une odeur de mort. C’est le braconnier.

Ensemble, ils formeront un foyer, ils s’émuleront pour s’inspirer mutuellement et écrire, créer à deux. Ils auront un enfant, achèteront une maison, mais tout ça ne va pas durer. Sylvia replonge peu à peu dans une mélancolie trop sombre alors que Ted s’est découvert d’autres passions, dans la personne d’Assia Wevill. L’amour vous joue des tours, ces trois personnages, tous les trois auteurs, vont l’expérimenter. Les sentiments se font et défont malgré leur puissance, leur séduction. Des relations qui semblent si vivantes peuvent conduire à la mort.

Il faut le dire : ce n’est pas un roman très joyeux. Le destin de Sylvia, Ted et Assia, n’a pas été idéal, c’est un fait. Est-ce que c’est cet homme, ce chasseur, ce braconnier qui en a trop voulu et a changé à jamais le cours de la vie de ces deux femmes ? Est-ce le lot des poètes de ne pas finir bien ? Ou est-ce ce climat d’une moitié de siècle peu épanouissante ? Le hasard peut-être ? Personne ne le sait. Mais on peut essayer de le percevoir.

C’est ce à quoi s’essaie Claude Pujade-Renaud. En donnant la parole à tour de rôle à ses différents personnages, les trois principaux comme d’autres plus extérieurs, elle tente de recréer cet univers, ce contexte, de retranscrire les sentiments sûrement contradictoires qui les ont envahi. Une écriture somptueuse, avec des ardeurs et des prouesses narratives surprenantes et captivantes qui ne font que nous plonger un peu plus dans la vie du braconnier, cet homme obscur et séduisant, homme de la nature, force de la terre, qui écrit avec ses tripes.

L’atout de ce roman est de ne pas vouloir se satisfaire des apparences. De nombreux paramètres rentrent en jeu pour expliquer les tourments d’une vie : les difficultés familiales, les affres de la création et de la poésie, la publication, un passé mouvementé. Mais Ted Hughes a été un être déterminant dans l’existence de ces deux femmes aux âmes profondes et complexes.

Il est difficile de décrire l’atmosphère mise en place dans ces pages. C’est impalpable et pourtant bien présent, cela donne un goût d’espoir bafoué car trop ambitieux, de forêt mouillée, d’adultère. Un mélange imperceptible car savamment bien dosé qui nous plonge dans des vies bouleversées avec brio et refuse de nous en laisser sortir jusqu’à la dernière page, happé par l’appel du braconnier.

Claude Pujade-Renaud, Les femmes du braconnier, aux éditions Babel (1091), 8€50.