La Dernière des Stanfield, de Marc Levy

Eleanor-Rigby est journaliste pour National Geographic et vit à Londres, George-Harrisson est ébéniste au Québec. Un océan les sépare et pourtant ils ont tous les deux reçu une lettre anonyme leur indiquant que leurs mères avaient chacune un passé criminel. Qui est l’auteur de cette accusation ? Qu’est-ce qui relie nos deux personnages ? Un rendez-vous donné à Baltimore pourra peut-être répondre à leurs questions… et à celles du lecteur !

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La Dernière des Stanfield de Marc Levy met un peu de temps à démarrer, c’est vrai. Et nous perd aussi un peu parfois. Mais l’auteur réussit à relier trois générations, à nous faire voyager du Québec à la France en guerre en passant par l’Angleterre et les États-Unis. Très vite, on est pris dans l’engrenage dans cette enquête officieuse et familiale. On veut connaître la vérité, les liens qui unissent Eleanor-Rigby et George-Harrisson, ainsi que leurs mères. Marc Levy parvient à nous captiver complètement, on tourne les pages sans s’en rendre compte. La narration est fluide, les chapitres défilent. Il faut dire qu’on s’est beaucoup attaché à ces personnages, y compris les secondaires, et on serait prêt à les suivre au bout du monde pour faire partie de leurs aventures. Quelques fois l’auteur use un peu trop de facilité dans son intrigue – l’historien de la ville, par exemple – et ça semble un peu trop facile, mais les lieux et les décors ne manquent pas de cachet, les souvenirs de leurs familles sont racontés avec un côté rétro très réalistes… donc on fait l’impasse sur les quelques défauts et on poursuit.

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On poursuit… le dénouement arrive, et c’est génial… jusqu’aux deux dernières pages. Juste les deux dernières pages et tout cafouille. Ne lisez pas ces deux dernières pages. L’auteur a mené son roman d’un bout à l’autre, avec justesse et naturel. Et PAF ! Quel mauvais pas, quelle fin inutile ! Certaines questions sont faites pour qu’on n’y réponde pas. Pas besoin de pondre une fin incohérente, irréaliste, artificielle… ça m’a un peu gâché l’effet de cette lecture. Donc, vraiment, ne lisez pas les deux dernières pages.

Ça reste tout de même une lecture agréable et je pense retenter l’expérience avec Marc Levy. C’est divertissant, bien écrit, prenant !

Marc Levy, La Dernière des Stanfield, aux éditions Pocket, 7€90.

Un mariage anglais, de Claire Fuller

Un mariage anglais de Claire Fuller est apparu devant moi sur un présentoir dans ma médiathèque. Je me suis alors souvenu que j’avais déjà entendu parler – en bien – de ce roman, et je me suis dit pourquoi pas ? Le début de ma lecture a été un peu laborieux, je n’étais pas passionnée parce que je lisais, je trouvais ça un peu ennuyeux et j’étais détachée de l’histoire et des personnages. Il faut dire que le titre, la quatrième de couverture décrivent un roman fort, poignant, avec des rebondissements, beaucoup de nature… Alors oui, il y a la nature sauvage, la mer dans laquelle on nage à n’importe quel moment. Mais au fond, c’est un récit qui s’écrit petit à petit, à son rythme.

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Ingrid a disparu il y a plus de dix ans, laissant seul son mari Gil – un écrivain assez connu – et ses deux filles Nan et Flora. Son mari redécouvre, cachées dans les livres qu’ils collectionnent et envahissent sa maison, des lettres qu’Ingrid lui a laissé, revenant sur leurs mariages, sur les secrets de Gil qui ont peu à peu créer des failles. Nan et Flora sont obligées alors de revenir auprès de leur père, affaibli, vieillissant…

Des personnages atypiques, qui ne vont pas bien ensemble, qui ont leur saute d’humeur et parfois un caractère bien trempé, des relations changeantes… Ce livre a quelque chose en lui d’humain et de sincère. Nan et Flora sont deux sœurs très différentes mais au fond complémentaires : on s’aperçoit avec elles comment un père peut être différent pour chacune. Je ne sais pas vraiment quoi penser de ce dernier, Gil : son côté écrivain et collectionneur de livres m’a beaucoup plu mais c’est un mari peu fiable. Les personnages secondaires sont en fait vitaux pour l’histoire et Claire Fuller les insère d’une excellente façon dans son récit. Quant à Ingrid, j’ai eu beaucoup d’empathie pour elle, je l’ai comprise, j’ai trouvé excellente chacune de ses lettres, sa façon de revenir sur son passé et son présent, de revenir sur ses dilemmes de mère et de femme – Gil a presque le double de son âge, c’était son professeur de littérature. L’auteure s’est beaucoup appliqué dans la description des lieux, et même avec peu de mots, je m’y suis crue.

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J’ai apprécié les paysages, j’ai adoré les personnages secondaires mais aussi le principe des lettres découvertes des années plus tard. Toutefois, l’intrigue aurait pu être mille fois plus passionnante, se terminer en beauté, avoir un rythme plus prenant. De ce côté-là, ça a été décevant. C’est pour moi une lecture en demi-teinte : il y a des qualités dans l’écriture, le style, la construction des personnages, mais à mon sens, certains éléments comme l’intrigue, la narration, le rythme auraient vraiment besoin d’être plus travaillés.

Claire Fuller, Un mariage anglais, traduit de l’anglais par Mathilde Bach, aux éditions Stock, 22€.

Il est grand temps de rallumer les étoiles, de Virginie Grimaldi

Les livres de Virginie Grimaldi ne m’avaient jamais attirée. Pourtant j’aime les romans feel-good, mais j’ai l’impression que les siens sont trop, et j’avais peur d’être déçue par la qualité littéraire de ces ouvrages. J’ai pourtant suivi le conseil de plusieurs blogueuses et booktubeuses : j’ai lu Il est grand temps de rallumer les étoiles de Virginie Grimaldi et j’ai bien aimé.

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Je déteste toujours ce genre de titres qui te vendent du roman épanouissant et feel-good avec des phrases que tu pourrais retrouver dans un agenda spécial citations. Je vous conseillerai cependant de ne pas vous arrêter à ce dernier et d’aller à la rencontre d’Anna, cette maman fauchée qui ferait tout pour ses filles, de Chloé l’adolescente en quête d’amour un peu maladroitement, et de la petite dernière, Lily qui n’a pas la langue dans sa poche mais beaucoup d’humour en réserve ! Anna vient de perdre son boulot et elle voit petit à petit la distance se creuser entre elle et ses enfants. Sur un coup de tête, elle décide de les embarquer à bord du camping-car piqué aux grands-parents pour un énorme road-trip. Direction la Laponie pour voir les aurores boréales ! Au fil de leur voyage, elles vont rencontrer d’autres personnages hauts en couleurs qui vont égayer leur quotidien.

Oui, c’est un roman feel-good avec des relations entre personnages assez convenues, avec un peu de romance à un moment, avec des instants cocasses, des larmes, des disputes, de l’émerveillement. Mais ce n’est pas mielleux. Dans ce roman, Virginie Grimaldi a trouvé un assez bon équilibre. Ses personnages sont tous très attachants et ne sont pas que des stéréotypes en papier. Lily, par exemple, on la découvre à travers son journal intime : j’ai adoré sa manie d’intervertir les expressions et elle comprend bien plus de choses qu’elle ne veut l’admettre. J’ai aimé aussi Chloé dont son utilisation du téléphone pour séduire les garçons est si malheureusement représentative de toute une génération. Anna ou les personnages secondaires m’ont moins séduite. Il faut dire qu’il y a là quelques clichés, parfois touchants certes, mais ils ont des limites… Je ne veux pas trop vous en dire pour ne pas vous gâcher le plaisir de découvrir par vous-mêmes.

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J’ai été très déçue de ne pas avoir encore plus et encore plus de descriptions des paysages magnifiques traversés par la famille : je sais bien que ce n’est pas le cœur de ce roman, mais le road-trip est la ligne rouge de cette intrigue. Il faut dire que l’auteure ne brille pas du tout par ses descriptions ; elle excelle par contre dans la construction de ses personnages et les dialogues.

C’était bizarre, on était comme en état de choc. Maman n’a pas démarré tout de suite. Même Lily se taisait. Mais ce silence-là, il était différent. Il nous réunissait. On venait de se faire mettre KO par la beauté du monde.

Ce n’est pas du tout un coup de cœur mais j’ai tout de même beaucoup apprécié ce livre qui a quelques perles cachées dans ses pages. Idéal si vous voulez voyager un peu et vous faire du bien avec une lecture !

Virginie Grimaldi, Il est grand temps de rallumer les étoiles, aux éditions Fayard, 18€50.

Rien ne s’oppose à la nuit, de Delphine de Vigan

J’avais déjà lu un roman de Delphine de Vigan et, même si son style m’avait un peu agacée, je l’ai trouvé pas si mal son histoire. Enfin surtout ses personnages, car chez cette auteure, c’est ce qui prime. On m’avait beaucoup conseillé Rien ne s’oppose à la nuit, ça m’avait été vendu comme un roman plus personnel, percutant, intimiste. Et c’est vrai. J’ai vraiment bien fait de lire ce livre.

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C’est un roman, c’est écrit. Mais on n’a pas du tout l’impression que c’en est un et la part de biographique dans cette histoire rend les frontières floues. C’est ce qui fonctionne superbement bien dans cet ouvrage : on est d’autant plus fasciné que tout nous semble réel – et sûrement une grosse partie l’est.

L’auteure nous parle de la vie de sa mère, de la petite fille d’une grande fratrie à la jeune mère un peu perdue, jusqu’à l’adulte en proie à la folie. On fait connaissance avec ses parents, ses frères, ses sœurs, ses amants, ses deux filles… et cette famille n’a pas échappé aux drames, aux vérités inavouables, aux souffrances. La mort émaille ce récit et nous prend à la gorge, serrant notre petit cœur avec force. On essaie de saisir qui est vraiment cette Lucile, enfant mystérieuse, observatrice, mère irrégulière.

Les chapitres oscillent entre le récit biographique de sa mère et les questionnements de la narratrice-auteure qui se demande pourquoi elle fait ça, nous raconte comment elle en est arrivé là, comment elle s’est débrouillé pour obtenir des témoignages, des photos… Le passé de sa mère regorge d’écrits, de photos, d’enregistrements, c’est simplement stupéfiant et cela donne encore plus de cachet à l’histoire. Au fil des pages, on essaie de cerner cette femme à l’aune de son passé, de son enfance. On assiste à sa folie, impuissant. La plume semble terriblement désarmée, sincère, questionneuse. Cette fois, j’ai beaucoup plus aimé le style de Delphine de Vigan qui était plus intimiste – en même temps, avec un thème pareil…

Je ne sais plus à quel moment j’ai capitulé, peut-être le jour où j’ai compris combien l’écriture, mon écriture, était liée à elle, à ses fictions, ces moments de délire où la vie lui était devenue si lourde qu’il lui avait fallu s’en échapper, où sa douleur n’avait pu s’exprimer que par la fable.

C’est un très beau roman, ambitieux et modeste à la fois, bouleversant pour le lecteur car tout semble si réel. Je vais très vite lire D’après une histoire vraie, écrit dans la même veine par Delphine de Vigan, c’est dire à quel point cela m’a plu !

Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit, Le Livre de Poche, 7€60.

L’aube sera grandiose, d’Anne-Laure Bondoux

 

Cela fait très longtemps que j’entends parler de cette auteure, mais je ne m’étais jamais lancé. La quatrième de couverture de L’aube sera grandiose m’a convaincue et c’est donc par cette lecture que je commence ma découverte d’Anne-Laure Bondoux.

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Nine est furieuse. Alors qu’elle avait prévu d’aller à une fête de lycée, y retrouver ses copines et surtout y croiser le beau Marcus, sa mère en a décidé autrement. Sans crier gare, elle l’a mise dans la voiture avec quelques bagages et en route pour un destination inconnue. Il est déjà tard, elles ont roulé pendant des heures : les voici enfin arrivées à cette drôle de cabane le long d’un lac, complètement perdue au milieu d’une forêt. Titania explique alors à sa fille qu’elle a des choses à lui dire, l’histoire de sa famille à lui raconter. Nine comprend qu’elle va en découvrir beaucoup sur sa mère, des secrets cachés jusqu’à présent. Comment se fait-il qu’elle ne connaissait pas l’existence de cette cabane ? Qui sont Orion, Octo ou Rose-Aimée dont sa mère vient de parler ? Pourquoi tout lui dire ce soir et pas avant ?

Elles ont la nuit devant elles, dans ce décor incroyable, à l’abri de tout. D’un chapitre à l’autre, on bascule entre le temps présente avec Titania et Nine, puis dans le passé, à travers la vie de la petite Consolata et sa famille. J’ai apprécié faire partie de cette intimité, de ce grand récit : tout un pan de vie occulté et sur lequel on fait jour à présent. Heure par heure, le récit s’égraine, menant jusqu’à l’instant présent. Ce n’est pas de la tenue d’un thriller, c’est plus épais, plus doux que cela. On se sent bien malgré les révélations, et on a envie de savoir la suite. Pour que la boucle soit bouclée.

Nine lève les yeux vers le ciel et les millions d’étoiles. Toutes les mères de l’univers ont sans doute une vie secrète, des activités à elles, des amis ou des collègues dont elles ne parlent jamais, des rêves enfouis, des soucis qu’elles dissimulent. Des amants, parfois. La sienne a une cabane au bord d’un lac.

479_photo_oeuvre-art-lac-aube-eteAnne-Laure Bondoux maîtrise son sujet de bout en bout, écrivant une narration efficace, bien rythmée. J’ai adoré les lieux et les décors qu’elle a choisi, y insufflant de la vie par le biais de personnages attachants. Je crois vraiment que je n’ai rien à reprocher à ce récit. Je m’y suis glissée avec volupté, aimant chaque chapitre, chaque personnage qu’on y croisait. Même si le secret central ne m’a pas vraiment emballée – je m’y étais un peu attendue –, il est très bien amené et enfin, tout s’emboîte, tout semble logique. La plume de l’auteure est très belle, équilibrée. J’ai aimé son art des dialogues et cette certaine lenteur insufflée dans le récit qu’on suit tout au long de la nuit. La relation mère-fille est magnifique, mon petit cœur a été ému plusieurs fois.

Une lecture à offrir, à découvrir, une plume sublime… je ne peux que vous le conseiller !

Anne-Laure Bondoux, L’aube sera grandiose, aux éditions Gallimard Jeunesse, 14€90.

Un fils parfait, de Mathieu Menegaux

934704_558083267589051_470961001_nIl y a des moments comme aujourd’hui où je me pose la question du renouvellement de sa plume quand on est écrivain. Comprenez-moi bien, je saisis tout à fait qu’un auteur garde un style, une marque de fabrique au cours de sa carrière, même si bien sûr il évolue, change quelque peu – après tout, les gens changent. Je peux également imaginer qu’une fois qu’on a trouvé son genre, on y reste. Car c’est ce qu’on fait de mieux, car c’est là où on est le meilleur, là où on s’épanouit le plus tout compte fait. On aurait du mal à imaginer un Jean-Christophe Grangé écrire de la romance ou un Jean Teulé écrire un traité politique (quoique bien sûr, des tels revirements effectués de façon talentueuse existent, et je suis la première à dire qu’il ne faut pas mettre de barrières, de cloisons à la créativité).

Vous vous demandez pourquoi une introduction aussi longue ? Eh bien, parce que je me pose des questions sur ma dernière lecture : Un fils parfait de Mathieu Menegaux. Il s’agit du deuxième roman de l’auteur que je lis – encore une fois merci aux éditions Grasset pour l’envoi, merci à Mathieu Menegaux pour la dédicace. Le premier, Je me suis tue, parlait de la vie d’une femme qui a basculé d’une façon terrible, et traitait des sujets durs comme – attention, petits spoils – le viol, la grossesse, la maternité, la dépression. J’avais trouvé ce roman très juste même si vraiment à ne pas lire quand on va mal. Donc quelle surprise quand j’ai reçu ce second petit roman de trouver tant de similitudes : une femme, dont le destin a basculé, nous livre ici son récit – elle écrit à sa belle-mère pour expliquer ses actes. Une plume similaire au précédent ouvrage de l’auteur, mais ce n’est pas un mal car j’ai un vrai coup de cœur pour l’écriture de Mathieu Menegaux : simple, sincère, direct, complet, avec des sentiments, de l’émotion mais sans pathos. Un ton juste, des personnages incarnés, une héroïne à laquelle on s’attache. On comprend le dilemmes qu’elle vit et on ne peut s’empêcher de se dire : et si on avait été à sa place ?

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Si je vous écris aujourd’hui, Élise, c’est pour poser la première pierre de ma reconstruction. Je veux mettre un terme définitif à cette épouvantable parenthèse de douze ans de vie commune avec Maxime. Votre fils unique. (…) J’ai découvert l’amour avec lui. Plus dure fut la chute (…).

L’histoire, la voici, mais attention ! Je vais spoiler un élément central de l’intrigue, que l’on devine bien assez vite certes, mais si vous souhaitez vous garder toute la surprise… ne lisez pas ce paragraphe, sautez directement au suivant. Daphné et Maxime sont mariés depuis plusieurs années, tout va bien dans le meilleur des mondes. Ils sont parents de deux petites filles merveilleuses. Maxime est un époux merveilleux qui a toujours encouragé sa femme, même quand ses choix de carrière l’obligent à être absente de chez elle la moitié de la semaine. Ses enfants sont alors seules avec Maxime. La vie de Daphné est complètement chamboulée le jour où l’une de ses filles la supplie de rester, de ne pas les laisser seules avec papa, car elle a peur du loup… Tout un programme. Vous avez deviné de quel tabou on parle dans ce livre : l’inceste.

Un sujet vraiment dur, qui n’est pas sans rappeler le thème du premier roman. J’ai donc eu une réelle impression de déjà-vu, et je dois avouer que cela m’a un peu lassée, je n’étais pas emballée à l’idée de me plonger dans cette histoire. Mais je l’ai fait et très sincèrement je ne regrette absolument pas. J’ai dévoré ce livre en deux jours tellement j’étais prise dans l’histoire. Je me suis beaucoup plus attachée à Daphné qu’à l’héroïne du premier roman. Sûrement car il s’agit d’une mère, la maternité est quelque chose qui me touche énormément. De plus, j’ai trouvé ici les personnages mieux construits. Mais la cerise sur le gâteau, c’est bien sûr l’intrigue en elle-même. Il y a dans Un fils parfait un vrai effet de suspens : vous aurez besoin de tourner les pages de ce roman pour savoir le fin mot de l’histoire. La forme du témoignage rajoute de la force au récit, toutefois je finis vite par me lasser de ce type de narration, surtout que je n’ai pas du tout été convaincue par cette lettre adressée à la belle-mère….

Au-delà d’un titre que je trouve peu approprié (on aurait du parler de mari parfait et non de fils) et d’un côté redondant avec le roman précédent (mais je me dis que vous serez peu nombreux à lire les deux à la suite), ce récit est poignant et je vous invite à le lire. Jusqu’où doit-on aller pour protéger ses enfants ? Comment faire quand le monde entier semble se dresser contre vous alors que vous faites ce que vous jugez être juste ? Un roman à découvrir, assurément.

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Mathieu Menegaux, Un fils parfait, aux éditions Grasset, 17€50.

Les questions orphelines, de Morgan Le Thiec

Encore un livre francophone, encore un livre québécois. Mais celui-ci l’est encore plus que les autres peut-être : il s’agit des Questions orphelines de Morgan Le Thiec aux éditions Pleine Lune.

L’histoire est celle de Billy. Alors qu’il a émigré à Londres, il se voit obligé de revenir à Montréal qu’il a quitté alors qu’il était tout jeune. En effet, son père se meure. Il passe donc des semaines entières dans l’ancienne maison familiale, que son père Samuel a rachetée après plusieurs années à Boston. Il rend visite à son père, rencontre des femmes avec qui rien n’est simple, fait l’inventaire de sa vie en même temps que des objets et des meubles de son enfance. Mais derrière les souvenirs se cachent un drame qu’on ne dit pas : le départ de sa mère, quand il était âgé de dix ans. Entre un frère en colère qui lui parle à peine, et un père dont l’esprit s’étiole, Billy essaie de trouver sa voie, des réponses, sans trop sombrer.

C’est un livre d’une certaine envergure que nous livre ici l’auteure. Le thème est assez banal et a déjà été écrit et réécrit des dizaines de fois à travers la littérature mais il marche toujours aussi bien. La famille, les parents, la parentalité, le secret, le mystère se marient toujours aussi bien ensemble. J’ai apprécié la profondeur psychologique des personnages de ce roman : on les découvre entièrement dans leurs failles, leurs doutes, leurs questionnements. C’est un livre très pudique et intime, qui nous retrace le quotidien de Billy comme les grands événements qui ont marqué sa vie et la marquent encore. On s’attache facilement à ce héros même si je trouve qu’il manque un peu d’épaisseur.

Le ton du roman est assez triste et monotone. Il y a des longueurs et je me suis ennuyée à certains passages. Ce livre manque de clarté et l’intrigue devrait aller plus droit au lieu de zigzaguer auprès de personnages secondaires ou de rêves étranges sur la mère disparue qui nous embrouillent et n’apportent pas grand-chose à ce récit. Ce livre résonne de sentiments forts mais il est un peu creux. J’ai trouvé le fond et la forme beaux mais je ne me suis pas sentie bouleversée ni même très intriguée par ce livre. Il n’est pas mauvais, mais disons qu’il n’est pas très passionnant. Il y a des québécismes mais rien qui ne fasse vraiment voyager la Française que je suis. Il y a des personnages intéressants mais aucun dont je me souviendrais une fois ce livre rangé. Ce roman ne m’a pas marqué, même si j’ai passé un relativement bon moment de lecture avec lui. Il est doux, mais un peu plat. Je l’ai lu jusqu’au bout en partie pour apprendre ce qu’est devenue la mère. Mais là aussi, déception. En même temps, avec un titre pareil…

Une lecture en demi-teinte, que je ne retiendrai pas, ni en bien ni en mal.

Morgan Le Thiec, Les questions orphelines, aux éditions Pleine Lune, 22$95.

Mon amour, de Julie Bonnie

Grâce aux éditions Grasset, j’ai pu cette semaine renouer avec la romancière Julie Bonnie, dont j’avais chroniqué le premier livre, un avis assez dur et négatif, mais sincère. J’avais prévu de mettre cette chronique en ligne le jour de la sortie du livre, c’est-à-dire le 4 mars 2015, mais j’ai eu l’excellente idée de me renverser du café bouillant sur la main ce jour-là, donc j’étais surtout occupée à gémir et à me plaindre avec un sac d’épinards congelés sur le pouce. Ridicule. Mais aujourd’hui, ça va un peu mieux, je peux taper sur un clavier sans trop souffrir – autant dire que je revis.

Bref, revenons à nos moutons. Le roman dont je vais vous parler aujourd’hui s’intitule Mon amour, (oui, oui, virgule comprise). On y retrouve quelques thèmes qui semble chers à notre romancière : la maternité (accouchement et nourrisson), la notion de couple, et la vie d’artiste. Le livre se constitue d’une suite de lettres jamais envoyées, plus écrites pour soi que pour le destinataire. D’un côté, il y a une femme, tout juste mère, qui écrit à son compagnon. Son compagnon lui écrit également, il est parti en tournée internationale – il est pianiste de jazz. Ils ont une petite fille, une toute petite fille.

La femme vit une passion maternelle et regrette son amoureux qui est au loin, l’homme vit une passion artistique tumultueuse et regrette de ne pas être tout à fait le compagnon idéale. A travers ces mots, on sent que l’amour qui unit deux êtres, et qui est le ciment d’une famille toute neuve, est difficile à maintenir. C’est un lien étroit et fragile, parfois malmené.

Puis les lettres font entrer de nouveaux personnages autour de cet homme et de cette femme, et notamment un autre homme. Je vous rassure, on ne va pas tomber dans le banal trio amoureux. Disons que les choses sont plus sensibles, pudiques, complexes. Il y a la colère, la jalousie mais surtout l’attirance, la fidélité, le coup de foudre, la parentalité. Il serait idiot de résumer ce livre à un simple chassé-croisé des coeurs car c’est beaucoup plus que cela.

J’ai apprécié la profondeur psychologique des personnages (c’est ma corde sensible de lectrice) : Julie Bonnie prend le temps de leur donner de l’épaisseur grâce à une écriture à la fois concise, précise et bouleversante. Elle arrive à traduire en mots – ceux directement écrits par ses héros – les silences, les choses inavouables, les échanges de regard, les pincements au cœur. Il y a une vraie intrigue dans ce roman, une histoire qui change le cours des vies. A la fin de cette lecture, des mots résonnent dans notre tête : famille, amour, couple, parent, art. Mon amour, traite de ces sujets avec douceur et force en même temps, de façon toujours sincère. Cette fois, je n’ai pas été déçue mais complètement comblée par ce nouveau roman de Julie Bonnie, une belle preuve qu’en écriture, on s’améliore en pratiquant.

Julie Bonnie, Mon amour, Grasset, 17€50.

La Promesse de l’aube, de Romain Gary

Je n’ai pas tout lu, c’est évident. Certains auteurs célébrissimes, des monstres de la littérature française me sont encore inconnus. Parmi eux, il y avait Romain Gary. Les aléas de la vie ont fait qu’avant 2015 je n’avais encore jamais lu cet écrivain, quand bien même il m’intéressait. Je dois vous avouer que j’ai toujours été amusée par sa mystification littéraire : quand il s’est dédoublé pour être à la fois Romain Gary et Emile Ajar, quand il a donc reçu le prix Goncourt à deux reprises pour chacune de ses identités, et quand on a fini par découvrir cela, mais seulement après sa mort.

Il se trouve que je suis tombée dessus par hasard au travail, et cette ancienne curiosité est remontée. En ce moment, j’ai assez de temps pour lire, alors je ne pouvais plus reculer. Pour une première rencontre, j’ai choisi La Promesse de l’aube. Un roman à part dans la bibliographie de Romain Gary, car c’est aussi une auto-biographie, avec quelques écarts subjectifs peut-être, des oublis, mais cela retrace assez bien la jeunesse de l’écrivain vu par lui-même des dizaines d’années plus tard. Il raconte d’ailleurs comment il a commencé très tôt à chercher des pseudonymes (sans jamais citer celui qui fut le plus célèbre) :

Depuis six mois, je passais des heures entières chaque jour à « essayer » des pseudonymes. Je les calligraphiais à l’encre rouge dans un cahier spécial. Ce matin même, j’avais fixé mon choix sur « Hubert de la Vallée », mais une demi-heure plus tard je cédais au charme nostalgique de « Romain de Roncevaux ». Mon vrai prénom, Romain, me paraissait assez satisfaisant. Malheureusement, il y avait déjà Romain Rolland, et je n’étais disposé à partager ma gloire avec personne. Tout cela était bien difficile. L’ennui, avec un pseudonyme, c’est qu’il ne peut jamais exprimer tout ce que vous sentez en vous. J’en arrivais presque à conclure qu’un pseudonyme ne suffisait pas, comme moyen d’expression littéraire, et qu’il fallait encore écrire des livres.

La Promesse de l’aube, c’est l’histoire d’une mère ambitieuse et d’un fils qui fera tout pour la combler. Cela débute en Russie, mais la seule patrie visée et aimée, c’est la France. Et pour l’atteindre, il faut se distinguer par tous les moyens, toutefois les plus nobles sont ceux à privilégier : l’œuvre littéraire, les faits de guerre, la diplomatie.

Ce roman, c’est la quintessence de l’amour filial, c’est l’aboutissement extrême de l’adoration maternelle. C’est un témoignage poignant et doux, l’hommage d’un fils pour sa mère chérie.

L’histoire en elle-même, ce n’est presque pas important, elle retrace tous les moyens mis en œuvre à travers la Russie, la Pologne, la France, les territoires alliés pour qu’un petit garçon devienne un homme, toujours sous le regard, même lointain, de sa maman. C’est comment Roman Kacew devient Romain Gary, diplomate français et écrivain célèbre. Il nous raconte comment sa mère tombait en dévotion devant ses yeux clairs tournés vers la lumière, comment il poursuivait son rêve d’écriture dans des conditions loin d’être idéales, comment il a tout fait pour devenir Français alors que sa naturalisation récente le freinait, comment il s’est battu dans des avions pendant la guerre, et comment il y a perdu tous ses camarades.

Je ne peux pas vraiment en dire plus, car rien ne peut résumer les mots de Gary. Je ne regrette pas d’avoir attendu un peu avant de le lire, de ne pas avoir fondu dessus à l’adolescence. Car un peu de maturité pour comprendre ce livre permet de le voir dans toute sa profondeur et son génie.

On me répète que cette œuvre-là s’éloigne des autres livres de Gary, j’imagine donc que je ne suis pas au bout de mes surprises.

Romain Gary, La Promesse de l’aube, folio (373), 8€.

L’Insigne du boîteux, de Thierry Berlanda

Au détour de Twitter, un auteur m’a contactée pour me parler de son dernier roman que j’ai accepté de lire immédiatement, la quatrième de couverture m’ayant alléchée. Il s’agit du roman policier L’insigne du boîteux de Thierry Berlanda, aux éditions (avant tout numériques) La Bourdonnaye. Je déteste lire sur écran, donc j’ai pu lire sur papier ; la facture du livre est très bien réalisé et permet un très bon confort de lecture.

Mais revenons à nos moutons. De quoi parle ce roman ? Et bien, d’une série de meurtres, aussi atroces que bizarres. L’assassin se fait appeler le Prince et sa spécialité, c’est tuer des mères de famille sous le regard de leur fils de sept ans, et en ne laissant aucun témoin vivant. Ambiance. Je vous passe les détails mais autant vous dire que les actes de ce personnage met tout le monde d’accord : il faut arrêter ce fou furieux, d’autant plus qu’il récidive.

Le commandant Falier piétine un peu dans cette affaire, quand bien même tous les services de police sont sur le coup. Malgré l’aide du professeur Bareuil, spécialiste en crimes rituels, aucune piste sérieuse n’est trouvée. Mais quand l’assassin laisse sur les lieux de son œuvre d’horreur un indice de taille, tout est remis en jeu. Bareuil fait venir à son ancienne et plus brillante élève pour qu’elle leur vienne en aide. Mais Jeanne Lumet, au-delà de son déplaisir de retrouver son ancien professeur, a de quoi s’inquiéter. Elle est la maman d’un petit garçon de sept ans et se retrouve au cœur d’une affaire meurtrière.

J’ai été vraiment étonnée par ce roman. Je ne suis pas du genre à lire du policier, et sa couverture lumineuse pourrait laisser sous-entendre que c’est assez ésotérique façon Dan Brown, mais en réalité, c’est un livre très noir, avec un personnage central – l’assassin – très torturé. Jeanne Lumet est une femme intelligente et j’aurais apprécié que son personnage soit plus développé. En règle générale, un peu plus de finesse dans les personnages, un peu plus de profondeur psychologique aurait été agréable, mais je chipote un peu ! Vu tout ce qu’il y a à dire rien que pour l’intrigue, des héros bien campés semblent nécessaires.

L’histoire est très bien menée et laisse de la place au suspens, les dialogues sont très agréables et de façon plus globale l’écriture est très fluide. Niveau histoire, j’aurais personnellement beaucoup aimé être un peu plus en présence du Prince, ou traîner dans les bureaux de la police pour mieux en saisir l’ambiance, mais ce roman est déjà en soi une très bonne descente aux enfers dans la folie meurtrière d’un homme.

C’est un très bon roman, même s’il est vrai que ce n’est pas du même acabit que les pontes du genre – je pense forcément à Grangé chez les auteurs français. Un livre un peu plus étoffé, fouillé, qui laisse gamberger le lecteur qui n’en peut plus et veut savoir à tout prix le dénouement de l’histoire est l’oeuvre d’un grand auteur. Mais je ne doute pas une seule seconde que Thierrry Berlanda parviendra à cette excellence car il est sur la bonne voie. Bref, un auteur à suivre et un roman vraiment bien fait.

Thierry Berlanda, L’insigne du boîteux, aux éditions La Bourdonnaye, 15€99 (version papier) et (version numérique).