Le sommeil n’est pas un lieu sûr, de Louis Wiart

Le sommeil n’est pas un lieu sûr de Louis Wiart est un livre absolument bouleversant, terrible, pervers, il rend fou. On suit la narratrice dans son quotidien qui est mis sens dessus dessous par des troubles du sommeil inhabituels et terrifiants. Elle a cette impression d’entendre une voix quand elle est couchée dans le noir, une voix méchante qui l’insulte, la menace, la torture. De plus en plus anxieuse, apeurée, épuisée, elle se pose de nombreuses questions : pourquoi cela cesse-t-il soudain quand son mari part en voyage d’affaires ? Ce dernier, sous ses aspects prévenants, calmes, est-il vraiment ce qu’il prétend être en apparence ? Au fur et à mesure des nuits, la jeune femme sent de plus en plus sous l’emprise de son époux sur elle et les sentiments qu’elle éprouve pour cet homme deviennent ambigües. Une tension grandissante fait jaillir la violence et la paranoïa. Descente psychologique aux enfers, ou vrai danger : ce suspens et ce climat qui se dégrade petit à petit rendent le lecteur accro.

J’ai lu ce livre d’une traite, juste avant de me coucher et c’était là une bien mauvaise idée. Ce roman prend aux tripes et ne nous laisse pas tranquilles, même une fois la lecture terminée. L’auteur a un talent indéniable pour nous emmener là où il veut, et même dans des endroits et des situations qu’on ne veut pas vivre ou lire. Mais on le fait quand même, car on ne peut pas abandonner l’héroïne à son sort et, comme elle, on veut savoir. Le rythme est mené tambour battant, des chapitres courts rendent l’action très attractive et facile à suivre. Les dialogues mériteraient une vraie mise en page pour les rendre plus clairs mais ce qu’ils dévoilent d’indices nous rend tellement dépendant qu’on leur pardonne cette maladresse. Le titre prend tout son sens très vite et le lecteur est mis mal à l’aise dès les premières pages.

Ce roman est une vraie réussite, j’ai été très emballée par l’effet qu’il a eu sur moi : j’ai vécu avec l’héroïne, j’ai été l’héroïne, j’ai eu ses doutes et… son insomnie ! La plume sans faille et sans détour de Louis Wiart a réussi ce tour de maître qu’est de créer la peur à la lecture, et pas la simple frayeur, mais la peur pour la vie, celle qui prend au ventre. Mon cœur s’est emballé à certaines lignes, quand le danger se rapprochait, quand une révélation venait tout bouleverser. Pour un premier roman, on peut dire qu’on a ici un petit chef-d’œuvre. Une livre à lire au creux de son lit le soir pour plus d’effet.

 

Louis Wiart, Le sommeil n’est pas un lieu sûr, aux éditions Les impressions nouvelles, 10€.

Le coeur d’une autre, de Tatiana de Rosnay

C’est sur Twitter que j’ai découvert l’auteure Tatiana de Rosnay (quel nom d’écrivain tout de même ! Ça me rappelle une prof de collège qui s’appelait Mme Subtil, pas mal hein ? Bref.) J’avais déjà croisé ce nom à plusieurs reprises dans les couloirs des librairies, toujours en bonne place sur les rayons. Je me suis dit que je passais peut-être à côté de quelque chose, j’ai donc décidé d’en savoir plus. Et quel meilleur moyen pour cela que de lire un de ses romans ? J’ai choisi Le cœur d’une autre, roman qui a été réédité en poche il y a deux ans. Une belle lecture qui m’incite à découvrir un peu plus l’univers de cette auteur.

Bruce, un quadragénaire solitaire et macho, un peu déprimé sur les bords, mène une vie assez ennuyeuse, papillonnant de femme en femme sans se fixer, sans forcément bien les traiter. Divorcé, il peut encore compter sur son grand fils pour égayer ses semaines. Mais un jour, c’est le choc, il souffre d’une pathologie cardiaque grave, seule une greffe peut le sauver. Mais plus les jours passent, plus il se rapproche de la mort. Heureusement, in extremis, l’opération de la dernière chance a lieu, sa vie est sauvée.

La vie suit son cours, Bruce reprend sa vie. Mais il remarque des changements dans son comportement : soudain il déteste le désordre de son appartement et fait le ménage à fond, il se rachète une garde-robe, toute en rouge Garance. Sa personnalité profonde change : sa façon de considérer les femmes évolue et quand il tombe en pâmoison devant les tableaux d’un maître italien de la Renaissance, Bruce commence à se poser de sérieuses questions. Serait-ce possible que tous ces nouveaux sentiments viennent de ce cœur qui n’est pas le sien ?

Le don d’organe est censé être anonyme, il le sait. Mais il doit savoir. Et quand il découvre que son donneur est une femme, une femme généreuse, passionnée mais aussi secrète, il part à la recherche de ce passé qui est, dans un sens, devenu le sien.

Entre la Toscane ensoleillée et la Suisse enneigée, son enquête va le mener à chercher des réponses concernant une existence qui n’est pas tout à fait la sienne sans lui être étrangère non plus, une vie peuplée de mystères que sa donneuse n’a pas eu le temps de dévoiler. Pour elle, pour son cœur, il part à la recherche de la vérité, quitte à bouleverser quelques vies, en commençant par la sienne.

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Le cœur d’une autre est un roman palpitant (c’est le terme !), passionnant mais aussi très doux et beau. La transformation de Bruce se fait sans brusquerie, et Tatiana de Rosnay a réussi à nous la rendre concrète (cette scène où le personnage redécouvre l’amour…!). L’auteure sait parfaitement équilibrer les dialogues, les scènes de questionnement ou d’action et les descriptions. Le choix d’une narration à la première personne est ici judicieux, voire nécessaire pour être au plus près du ressenti de ce personnage qui vit une situation complètement délirante et magique. Et on y croit avec lui, on veut en savoir plus sur cette femme qui lui a donné son cœur, ce qu’elle était, ce qu’elle a vécu, a-t-elle connu le vrai amour ? A-t-elle déjà été passionnée ? Où a-t-elle vécu ? Qui elle côtoyait ?

Allant au-delà des principes scientifiques, des remarques pragmatiques, Bruce croit en son cœur, fait confiance à celui qui lui à redonner la vie. Ce livre fait se poser beaucoup de questions sur le greffe d’organe, sur la place du cœur, vital, dans notre corps et dans notre âme. C’est vrai que tout cela est intrigant, mais n’est-ce pas également çà, le rôle de la créativité et de l’écriture, de nous interroger ? D’aller toujours plus loin ? Ce qui est sûr, c’est que ce livre met tout le monde face à une évidence : le don d’organe. Le don d’organe permet à notre existence de ne pas être vaine, c’est une raison de vivre, une raison d’espérer, une raison d’être engagé, une façon de ne pas complètement mourir, d’être utile à notre prochain, de sauver quelqu’un de la mort, d’être généreux ou à l’inverse de rester vivant et debout, et reconnaissant envers la personne qui nous a fait ce don.

« Je n’avais pas fermé l’oeil de la nuit. Dans ma poitrine régnait une agitation inconfortable, une kyrielle de turbulences, comme si ce cœur étranger cherchait à s’évader du corps qui le retenait prisonnier. Il vibrait sous ma peau, chargé de secrets, d’un passé que j’ignorais, d’un mystère qui me fascinait. »

Tatiana de Rosnay, Le cœur d’une autre, aux éditions Héloïse d’Ormesson, Le Livre de Poche (31828), 6€60.S

 

Pour en savoir plus sur le don d’organe et avoir une carte de donneur :

http://www.dondorganes.fr/

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